L’Afrique connaîtra-t-elle un dividende éducatif ?

4524953_6_724b_il-n-y-a-plus-que-six-pays-a-travers-le_196f2ae5c6333fc36d59219c128b50ffLa transition actuelle de la fécondité dans les pays d’Afrique sera-t-elle profitable à l’économie ? Entre 1990 et 2010, le taux de natalité est passé de 6,2 à 4,9 enfants par femme. Un recul qui, en créant les conditions d’un « dividende démographique » historique, aurait dû améliorer les perspectives de la région sur le plan de l’éducation et du développement. En théorie, un dividende intervient avec la réduction temporaire des taux de dépendance (rapport actifs/inactifs) consécutive au repli du taux de fécondité. Mais, dans la pratique, ce phénomène et les conditions qui favorisent son apparition sont difficiles à cerner.

Tous les chercheurs ne sont pas du même avis. Les optimistes trouvent les arguments positifs convaincants : le recul de la fécondité peut améliorer l’éducation à travers plusieurs mécanismes, dont la réduction de l’incidence des abandons scolaires liés à une grossesse, la diminution de la taille des cohortes et des fratries ou encore la baisse du taux de dépendance (figure 1). Cette vision sera confortée par les résultats d’études montrant des corrélations inverses entre fécondité et scolarité ou par l’expérience de l’Asie et de l’Amérique latine qui ont, semble-t-il, bénéficié d’un dividende éducatif pendant leur transition.

i

Pour les plus circonspects, théorie et corrélations ne suffisent pas. Les indispensables liens de cause à effet ne sont guère étayés par des données concluantes, du moins à une échelle et un degré d’agrégation autorisant à affirmer avec certitude certaines généralités sur la région. Faute de données idéales, des méthodes de décomposition permettent d’apprécier de manière pragmatique le dividende éducatif, en s’intéressant aux gains mécaniques des dépenses publiques d’éducation par enfant liés à l’évolution de la structure par âge d’un pays. Cette approche est pratique à deux égards : premièrement, elle repose sur des statistiques largement disponibles ; et, deuxièmement, les calculs sont transparents car fondés sur une relation mathématique simple associant les dépenses publiques d’éducation par enfant, le revenu national,  la part du revenu allouée à l’éducation et la population en âge d’être scolarisée.

Cette approche est au cœur d’un travail récent de la Banque mondiale pour estimer les gains des dépenses publiques d’éducation par enfant observés entre 1990 et 2010 dans plusieurs pays d’Afrique et dont les grandes conclusions sont les suivantes :

  • l’étude a trouvé des éléments attestant de l’émergence d’un dividende éducatif dans la région. Pour l’Afrique subsaharienne, les dépenses moyennes par enfant ont augmenté, de 96 à 198 dollars, les gains étant plus importants dans les pays à l’avant-garde de la transition de la fécondité. L’Afrique australe (hors Zimbabwe) a ainsi enregistré une progression moyenne de 75 % de la valeur des dépenses publiques d’éducation, 26 à 70 % de ces gains découlant d’une baisse du taux de dépendance. Les transitions de la fécondité pouvant par ailleurs influer sur l’éducation par d’autres canaux (figure 1), le dividende éducatif total devrait être encore plus important.
  • Le rapport avance quatre observations :
  • la croissance économique et les engagements budgétaires sont aussi importants que le taux de dépendance. Là où les gains de dépenses par enfant sont les plus marqués, ce résultat s’explique par une relation équilibrée entre baisse du taux de dépendance, croissance économique et engagement de l’État en faveur de l’éducation ;
  • ces gains sont variables (figure 2) et sélectifs dans la manière dont ils renforcent les inégalités éducatives entre pays. De tels écarts peuvent également apparaître au sein d’un pays, sur fond d’inégalités importantes et croissantes des taux de natalité et en fonction de l’évolution du coût de l’enseignement secondaire ;
  • l’approche par la décomposition privilégie les gains sur le plan des intrants scolaires par élève et non en fonction des résultats scolaires effectifs. L’amélioration des intrants ne peut à elle seule garantir l’obtention de meilleurs résultats et l’impact de cette corrélation varie d’un pays à l’autre ;
  • les dividendes attendus n’ont rien d’automatique, surtout là où la transition piétine depuis quelques années. Pour se concrétiser, un tel dividende doit aller de pair avec un recul rapide, durable et général de la fécondité et des incitations constantes à investir dans l’éducation.

ii

Globalement, les pays africains à l’avant-garde de la transition des taux de fécondité semblent déjà bénéficier d’un début de dividende éducatif qui n’a rien d’universel et qui ne sera en aucun cas systématique. Pour y parvenir, il va falloir opter pour des politiques démographiques et éducatives volontaristes incitant les familles à renoncer aux grandes fratries au profit d’investissements accrus dans l’éducation.

Un article initial de Parfait Eloundou-Enyegue                 

L’Afrique et la Data Revolution 

dataCombien de pauvres existe-il vraiment dans le monde ? Savons-nous avec exactitude le nombre de personnes vivant dans les pays en développement ? Quel est le vrai PIB du Nigeria ou du Ghana ? Ces questions élémentaires restent à ce jour sans réponses claires ou précises aussi bien de la part des pays en développement que des organisations internationales et des agences multilatérales travaillant dans le domaine du développement. Cette imprécision dans l’information concernant les pays en développement, notamment ceux d’Afrique, pose un énorme problème, celui de l’efficacité des politiques publiques d’où la nécessité de répondre au problème de manque de données de bonne qualité.

Des appareils statistiques encore « fragiles »…

L’efficacité des politiques publiques passe par une maitrise du problème à régler ainsi que de toutes les facteurs qui déterminent ce problème. Il deveint donc nécessaire de disposer d’informations précises. Mais tel n’est pas le cas dans les pays en développement où l’appareil statistique, le système statistique national composé entre autres de l’Institut National de la Statistique (INS), des ministères sectoriels, de l’État Civil et du système d’enregistrement des statistiques vitales et des faits d’état civil pour ne citer que ceux-là, sont encore défaillants et ne permettent pas une conception et une mise en œuvre efficace ainsi qu’un suivi en temps réel et une évaluation pertinente des politiques publiques et des projets et programmes de développement.

En effet, moins de 10% des pays Africains[1], Maghreb y compris, ont une couverture de l’état civil  (enregistrement des naissances et des décès) dépassant les 90%. La majorité des pays africains n’arrivent pas à produire à temps pour une année N donnée (soit en N+1), les principaux agrégats macroéconomiques tels que les comptes nationaux, les chiffres du commerce extérieur, etc. Les recensements de la population et de l’habitat ne sont pas toujours organisés tous les 10 ans, et quand c’est le cas, les résultats sont disponibles 2 ou 3 ans après.  Tous ces dysfonctionnements s’expliquent par des problèmes structurels liés à l’organisation et à la gestion des systèmes statistiques nationaux et aussi à des problèmes conjoncturels comme l’instabilité politique et ou sécuritaire, etc.

…malgré les efforts nationaux et le soutien international

Si la période 2000-2015 a été favorable au développement de la statistique officielle grâce notamment aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), elle s’est inscrite comme un des piliers essentiels de la période Post 2015 comme le démontre l’objectif 17 des Objectifs de Développement Durable (ODD) qui prennent le relais des OMD pour les 15 prochaines années.

En effet, le premier rapport de suivi des OMD est survenu 5 ans après le lancement du processus. Pour pallier à ce manque, la communauté internationale a décidé de mettre la statistique au cœur de la période post 2015 en faisant d’elle un des objectifs principaux des ODD à travers son objectif 17.18 en continuant d’appuyer des appareils statistiques des pays en développement à travers la mise en œuvre des Stratégies Nationales de Développement de la Statistique (SNDS,) qui se sont généralisées dans tous les pays en développement. Aujourd’hui, plus de 100 pays en développement ont déjà mis en œuvre une SNDS et certains en sont déjà à leur deuxième.

Toutefois, malgré les efforts accomplis, le travail à accomplir reste encore énorme et le temps et les ressources, eux comme d’habitude, reste limités. Cette situation a incité la communauté internationale à appeler une Data Revolution pour pallier au problème de données de bonne qualité et disponible en temps réel.

La Data Revolution : une Evolution plus qu’une Révolution !

La Data Revolution, une expression de plus en plus évoquée dans la communauté du développement international, dans les médias et considérée comme un moyen, sinon le moyen, pour mettre à disposition des décideurs, les statistiques qu’il faut, quand il faut et dans le format adéquat. Mais de quoi s’agit-il réellement ?

En réalité, la data révolution ou révolution des données a déjà commencé. Pour beaucoup, Data Revolution rime surtout avec utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication, notamment l’utilisation des téléphones portables, des tablettes, des PDA, etc. dans la collecte et la production des statistiques officielles et d’indicateurs socioéconomiques.  Ceci n’est pas une pratique nouvelle en soi : à titre d’exemple, le dernier Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) en 2013 du Sénégal a été réalisé à l’aide de PDA. Grace à ce procédé, les résultats ont été publiés quelques mois après la fin de l’opération, contraire à 2002 où les résultats n’ont été finalisés que 3 ou 4 ans plus tard. En Afrique de l’Est, UN Global Pulse,  UN World Food Programme (WFP), l’Université Catholique de Louvain et Real Impact Analytics grâce à des données extraites de l’achat de crédits de communication (ou « top-up ») et de l’activité de téléphonie mobile dans un pays d’Afrique de l’Est, ont estimé l’état de la sécurité alimentaire du pays[2].

Au-delà de l’utilisation des technologies, c’est surtout une évolution dans l’organisation et la gestion des institutions, ainsi que dans la planification de la production statistique qui est visée avec la Data Revolution. En effet, les nouveaux défis auxquels font face les États demandent de penser autrement la production des statistiques et de tenir compte des acteurs notamment le secteur privé qui, autrefois, étaient à l’écart du système. Il s’agit par exemple de mettre en place des Partenariats Public-Privé entre les sociétés privés qui disposent de grandes base de microdonnées actualisées, comme les sociétés de téléphonie mobile, et les INS pour la production d’indicateurs socioéconomiques permettant d’informer les décideurs politiques sur le niveau de bien-être des populations comme c’est le cas avec le Projet D4D au Sénégal. C’est aussi considérer l’utilisation de sources de données non traditionnelles comme celles provenant d’internet, des réseaux sociaux, des emails et aussi l’utilisation des méthodes d’analyse de big data.

Il s’agit aussi de penser à la mise en place de plateforme d’échange pour faciliter la communication et le partage d’information pour coordonner la réponse et l’action humanitaire ainsi que la constitution de réseaux d’experts en prévision de la gestion de crises humanitaires dans les pays à risques comme les petits états insulaires, les états fragiles etc. Également, l’utilisation d’images satellites pour capter l’information disponible dans zones difficilement joignables, ainsi que la mise à disposition des données disponibles auprès des administrations publiques et sans restrictions sont aussi préconisées comme  essentielles à la Data Revolution.

Le projet Informing Data Revolution (IDR) initié par la Fondation Bill et Melinda Gates et réalisé par PARIS21 a permis de répertorier une multitude d’innovations déjà opérationnelles ou en cours de  réalisation dans toutes les régions du monde et qui peuvent être adaptées à d’autres régions du monde comme l’Afrique subsaharienne où la question d’informations fiables se posent avec accuité.

De la nécessité d’assurer les fondamentaux !

La Data Revolution peut apporter beaucoup à la production de statistique officielle dans les pays en développement mais ne réglera pas tous les problèmes de données. Et elle risque d’être encore moins effective si les fondamentaux nécessaires ne sont pas mis en place. En effet, un récent rapport intitulé « Data For Development » produit en 2015 par une large coalition d’experts du développement provenant de SDSN, Open Data Watch, CIESIN, PARIS21, Banque Mondiale, UNESCO a estimé à 1 milliard US$ par an, le montant total nécessaire aux 77 pays à faibles revenus dans le monde pour mettre en place un système statistique capable de leur permettre de suivre et de mesurer les ODD. Aujourd’hui, le soutien à la statistique provenant des bailleurs de fonds s’élève à 300 millions US$ et un effort supplémentaire de 200 millions US$ leur est demandé pour couvrir les besoins supplémentaires des pays en développement dans le cadre des ODD. Le reste de la facture devra être payée par les pays en développement grâce à la mobilisation de ressources internes et des moyens innovants de financement.

Tout partira donc d’un engagement politique fort provenant du plus haut sommet de l’État au service la statistique avec à la clé des moyens importants et surtout financiers. Sans financement adéquat, les INS des pays en développement ne disposeront toujours pas d’un environnement de travail de qualité avec des locaux connectés à internet, d’ordinateurs performants capables d’exécuter des analyses big data, des outils de collectes performants capable d’accélérer la vitesse de la production statistique. Mais surtout, le manque ressources humaines se fera toujours sentir car il faut pouvoir disposer des statisticiens compétents, dont la formation est assez onéreuse, pour accomplir les activités de production de statistiques officielles mais aussi il faudra pouvoir les retenir car la concurrence du secteur privé  et des organisations internationales est de plus en plus rude, ces derniers offrant le plus souvent des rémunérations et des conditions de travail attrayantes sur lesquelles les INS ne peuvent pas toujours s’aligner.

Un autre aspect fondamental est l’amélioration de la coordination entre les membres du système statistique national pour favoriser une meilleure gestion et programmation des activités de production des statistiques officielles ainsi qu’un meilleur partage de l’information. Aussi, une meilleure coordination favorisera une harmonisation des concepts statistiques, des procédures de collecte et un contrôle efficace de la qualité des différentes données produites par les différents acteurs du système statistique national.

C’est seulement quand ces fondamentaux seront mises en place que la Data Revolution aura un véritable impact sur la production des statistiques officielles en Afrique et permettra aux décideurs et utilisateurs de données de disposer des données de qualité, quand il faut et dans le format adéquat.

Pour un avion africain dans le ciel africain

aire-afriqueLe 28 mars 1961, onze États africains qui venaient à peine d’accéder à la souveraineté internationale signaient à Yaoundé un traité portant création de la compagnie multinationale Air Afrique. Un acte d’une haute portée, à la fois historique, politique et économique, qui marque le début d’une fabuleuse envolée. Le mythique Air Afrique qui allait survoler les cieux des cinq continents durant plusieurs années véhiculait la volonté de tout un continent à occuper une place importante sur le marché mondial de l’aviation civile commerciale. Il symbolisait aussi le début d’une intégration sous-régionale en reliant quelques-unes des métropoles ou capitales du continent.

Malgré sa chute, due à des difficultés diverses et variées, liées notamment à sa gestion, cette compagnie dite « continentale » a joué un rôle primordial dans la vie économique du continent africain de 1961 au 27 avril 2002, date de sa mise en liquidation.

Et depuis l’atterrissage forcé d’Air Afrique, on voit s’envoler, depuis les tarmacs africains, différentes compagnies aériennes tantôt nationales tantôt régionales, qui, peinant à émerger, à accroitre leurs activités, finissent par disparaître – à l’instar d’Air Sénégal et Sénégal Airlines, très probablement – avant d’être remplacées par d’autres. Cette situation induit plusieurs interrogations, notamment sur la possibilité de voir émerger du continent une compagnie à l’image de l’ancienne air Afrique.

1. Qu’est-ce qui explique la défaillance des compagnies africaines ?

Les compagnies aériennes africaines sont confrontées à des difficultés de plusieurs natures, principalement, le prix du carburant et des services, l'insuffisance des infrastructures, le manque de ressources humaines et la concurrence venant des compagnies aériennes non-africaines. En effet, face aux devises du marché international, notamment le dollar et l’euro, la faiblesse des monnaies locales permet difficilement d’investir dans la flotte et de procéder à l’achat de carburants, voire à l’entretien des machines, notamment quand ces achats sont effectués dans un pays du « nord », ainsi que de parer au coût de la dette si celle-ci n’est pas contractée localement. De plus, ces compagnies nationales ont difficilement accès au leasing – opération de crédit-bail – et voient leurs possibilités d’investissement brimées par le FMI et la Banque mondiale. Les avions volent peu (alors que les coûts variables liés au vol sont moins élevés que les coûts fixes liés à la possession des avions), ce qui empêche les économies d’échelle pourtant nécessaires pour limiter les coûts d’exploitation unitaires. En outre, les flottes sont trop souvent composées de vieux avions surdimensionnés par rapport aux besoins locaux. De plus, la politique fiscale de certains pays (visant quelque fois à favoriser le décollage de la compagnie nationale locale au détriment de celles des pays voisins) contribuent à renchérir les coûts de transport, ce qui n’incite pas particulièrement la demande et obère la dynamique de ce marché.

Pour faire face à ces problèmes, les Etats Africains doivent créer un marché unique de transport aérien permettant une meilleure connexion des pays et des régions d’Afrique à travers une industrie viable du transport aérien. En d’autres termes, les marchés nationaux sont trop étroits pour permettre à une compagnie nationale d’émerger et de croître face à la concurrence des compagnies étrangères. Ces dessertes nationales (voire même certaines dessertes intra-africaines) souffrent toutes à la fois d’une demande limitée par le faible niveau de développement, de la faible intégration économique et politique des pays et de certaines contraintes de la régulation étatique. Ces facteurs sont renforcés par les difficultés économiques que traversent certains États ainsi que par la limitation des dépenses publiques sous le poids des institutions internationales et du délabrement socio-économique, sans parler des guerres et crises politiques.

Certaines de ces compagnies nationales disparaissent donc peu de temps après leur création, faute de rentabilité et de soutien étatique, tandis que d’autres vivotent ou n’ont pu se maintenir qu’au prix d’une ouverture de capital aux investisseurs étrangers ou privés.

2. Faut-il faire appel aux fonds privés ?

Contrairement au fonds public, le recours des opérateurs du transport aérien aux sources de financement privé permet l’acquisition d’aéronefs plus modernes, plus économiques, plus fiables et respectueux de l’environnement. De surcroit, il permet de résoudre les problèmes d’interdiction de vols en dehors de l’Afrique dont sont sujettes la plupart des compagnies africaines, tout comme les problèmes liés au blocage au sol pour des raisons de surendettement, à l’instar de l’Airbus de Congo Airways : celui-ci a en effet été bloqué au sol par la justice Irlandaise le 21 Août 2015 en raison d’un conflit entre l’Etat Congolais et la société américaine Miminco LLC.

Le projet de mise en place dans la zone CEMAC (Communauté Économique et Monétaire des Etats de l'Afrique Centrale) d’une compagnie régionale, initié en 2002, a finalement été abandonné du fait que les Etats impliqués dans ce projet n’arrivaient pas à mobiliser les financements nécessaires pour la concrétisation de celui-ci.

L’exemple de la compagnie ASKY illustre bien la nécessité d’ouvrir le secteur à des opérateurs privés. ASKY est une compagnie aérienne panafricaine basée à Lomé (Togo) et détenue à majorité par des privés. Créée en 2007, cette dernière couvre actuellement 23 destinations réparties dans 20 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre. Ceci facilite la promotion des affaires, du commerce et du tourisme, ainsi que les échanges culturels intra-africains ou du moins entre les différents pays desservis.

3. De la nécessité d’un secteur aérien africain compétitif

Le transport aérien étant un catalyseur de la croissance économique, la perspective d’un ciel ouvert en Afrique offrirait d’énormes avantages, en permettant la création de nombreux emplois, notamment pour les jeunes générations. Le réseau relierait les États africains aux marchés régionaux et mondiaux, favorisant le tourisme ainsi que la circulation des personnes, des marchandises et d'autres activités commerciales essentielles.

En ce qui concerne la libre circulation des personnes, la réduction de moitié de taxes passagères et sûreté, la suppression du droit de timbre et du visa sont des décisions importantes visant à rendre la destination plus compétitive. Ces mesures permettent de baisser le prix des billets et d’attirer, en plus des tours opérateurs, un public étranger issu de la diaspora africaine. Qui plus est, la suppression de visa entre les pays africains ne peut que favoriser l’intégration des peuples, les échanges culturels et l’épanouissement d’une jeunesse africaine avide de liberté et de partage. En somme, développer l’industrie de l’aviation en Afrique pourrait être l’une des forces motrices de l’intégration régionale sur le continent.

Enfin, rappelons que l’Afrique a adopté la Déclaration de Yamoussoukro relative à une nouvelle politique aéronautique africaine en octobre 1988, ainsi que la Décision relative à la libéralisation de l'accès des marchés du transport aérien en Afrique en novembre 1999. Cependant, la mise en œuvre de cette politique de libéralisation reste timide. En dépit de l’existence de cette décision, le secteur du transport aérien en Afrique demeure encore confronté à de nombreux défis. L’avenir et la survie du transport aérien africain restent liés à la coopération dans tous les domaines, à savoir : technique, commercial, administratif, ainsi qu’à un environnement législatif et réglementaire harmonisé.

Hamidou Cissé

Au-delà de l’aspect ludique du sport

On ne saurait parler d’activités sportives à l’échelle mondiale sans mentionner l’Afrique, représenté partout dans le monde par les talents de ses sportifs, dans presque toutes les disciplines. Néanmoins le continent n’est lui même qu’est spectateur et un consommateur de toute cette industrie. Il semble impératif pour l’Afrique, qui dispose d’un potentiel énorme en matière de sport, d’inclure ce secteur dans sa stratégie de développement. Il faudrait à cet effet, une dynamique de groupe et s’appuyer sur le secteur privé.


une_sportLe sport est un secteur qui subit plusieurs mutations, qui connaît une croissance assez rapide et qui ne laisse personne indifférent. Cependant son incidence macroéconomique est sous–estimée. Il est selon PricewaterhouseCoopers, le seul secteur qui n’a pas connu la crise et son marché à l’échelle mondiale devrait connaître une croissance annuelle moyenne de 3,7 % d'ici à 2015[1]. Du fait du manque de données sur ce secteur, il serait difficile de chiffrer son poids et son impact dans une économie. Toutefois, s’il intéresse autant de monde c’est qu’il revêt une certaine importance. Sur le plan économique, il peut influencer positivement la valeur ajoutée de certains secteurs et le pouvoir d’achat notamment à travers les grandes manifestations sportives mais aussi être créateur d’emplois (directs et indirects). En effet, la mondialisation, la commercialisation et la professionnalisation du sport ont placé ce secteur au centre même de l’activité économique : la vente de droit de diffusion, les ventes de billets, l’augmentation du mécénat sportif, la construction et l’installation de structures sportives et de loisirs se sont développés un peu partout dans le monde.

Dans cette dynamique, l’Afrique reste en retrait et maintient son statut de « livreur » de matières premières. Un article[2] de Radio France Internationale recensait en 2008 près de 260 joueurs africains évoluant dans des championnats de haut niveau (1ère division) en Europe, sans compter ceux qui se font former et ceux évoluant dans des catégories inférieurs. Nombreux sont ceux qui évoluent en Amérique du Nord (notamment Etats-Unis) et très récemment dans les pays du Golfe (notamment le Qatar et Emirats Arabes Unis). Et là encore, il ne s’agit que du football. Même si des compétitions existent au niveau local, y compris des compétions à l’échelle africain, il n’en demeure pas moins que les sportifs africains sont plus portés par une aventure à l’extérieur quand ils en ont l’opportunité. De fait, le sport est d’abord perçu en Afrique comme une activité ludique et dans une moindre mesure comme une certaine fierté nationale mais très rarement comme une opportunité d’affaires.

Loin d’être le secteur porteur de développement pour l’Afrique, le sport a aussi une partition à jouer dans le concert du développement en Afrique. Si le talent et le potentiel de l’Afrique en matière de sport n’est plus à démontrer, il serait nécessaire de repenser la stratégie africaine concernant ce secteur afin de répondre à ses besoins et de bénéficier de façon effective de ses retombées.

Avoir une meilleure visibilité du secteur : les statistiques

Si le secteur du sport est capable de contribuer aux objectifs de développement, notamment en termes d’emplois, dans les pays africains ; il est nécessaire de rendre explicite cette contribution. Cette visibilité permettrait d’orienter les actions à mettre en œuvre afin de tirer profit de son potentiel. En Afrique, des statistiques sur le secteur du sport sont complètement inexistantes. Il faudrait dès lors identifier des méthodes et des mécanismes pouvant permettre la prise en compte du sport dans la définition des politiques de développement. Ceci devrait être possible sans pour autant avoir à engager des fonds supplémentaires pour créer des structures spéciales ou des mécanismes supplémentaires. Le dispositif pourrait déjà se reposer sur les structures statistiques existant. Autant, il est possible de disposer des informations sur le secteur agricole et touristique, il devrait être possible de disposer d’informations directement et indirectement liées au sport, auprès des services dédiés (Fédérations, Ministère, etc.). Il conviendrait avant toute chose, de considérer le sport comme une activité économique et d’en déterminer une définition qui permettrait de couvrir les activités de base du sport (exploitation d’installation sportive et les services) et les autres acteurs économiques directement ou indirectement touchés par ce secteur (les centres de formation, les sociétés de publicité, les fabricants d’articles, les commerçants, le secteur touristique, le secteur de la santé et etc.).

Ceci ne suppose pas que le secteur du sport n’est pas pris en compte dans l’établissement des gradeurs économiques des pays mais stipule juste que le manque de données spécifiques à ce secteur empêche sa visibilité et d’accéder aux opportunités qu’il offre.

Financer les activités sportives

Afin de profiter au maximum des retombées du secteur du sport, il est impératif d’y investir. Si nous élargissions le champ du sport à tous les secteurs qui de façon direct ou indirect y sont impliqués, il serait impératif aux pays africains de s’imposer un cadre d’investissement dans le secteur du sport. Cela permettrait à ce secteur d’émerger à un niveau de compétitivité économique de classe mondiale. La principale source de financement des organisations sportives en Afrique est constituée des cotisations d’adhésion, des subventions provenant des fédérations sportives internationales (FIFA pour le football, FIBA pour le basket, …) et des Etats, et dans une moindre mesure de partenaires privés très irréguliers, qui se servent occasionnellement des compétitions pour faire de la publicité ; plaçant ainsi le sport en Afrique à un niveau amateur, bien que les clubs sportifs se disent « professionnels ». Pour preuve, pour un match de 1re division de football ou de basket en Afrique, les spectateurs peu nombreux ne sont pas aptes à payer leur ticket et quand l’entrée est payante la contrepartie est insignifiante. Dans certains cas, quand le spectateur doit choisir entre un match d’une ligue européenne et une ligue africaine, le choix est vite fait. Ceci appelle à définir une stratégie devant permettre de professionnaliser le sport afin d’y attirer des investissements novateurs ; et cela nécessitera une forte implication des Etats. 

Si l’on perçoit le sport comme une industrie du divertissement avec comme intrants les sportifs et les structures, les consommateurs ne seront prêts à dépenser que si le produit final (la prestation) est de bonne qualité. Il s’agira alors pour l’Etat de développer les infrastructures, à travers des partenariats public-privé par exemple. Cette approche incitera à la recherche de la rentabilité des sites. Pour ce faire, le rendement des intrants (les sportifs) sera renforcé en leur fournissant des équipements adaptés en plus d’une meilleure rémunération, engendrant de facto une meilleure qualité des prestations. Il s’en suivra le développement de tout un ensemble d’activités connexes, qui elles-mêmes pourront se muter en des entités plus importantes : équipementiers, audiovisuelle, compagnie publicitaire, industrie de l’automobile et secteur du transport, industrie agro-alimentaires, immobilier ; favorables à la création d’emplois. Les pays pourront ainsi se positionner pour organiser des compétitions de classe mondiale, faisant ainsi par le même temps la promotion touristique du pays. En retour, les Etats pourront percevoir des revenus, au travers des mécanismes de taxation et l’exploitation des structures, qui pourront être réinvestis dans d’autres secteurs comme le tourisme.

Une approche communautaire

Compte tenu du caractère variable du sport en fonction des spécificités locales, ce secteur peut constituer un instrument de développement à l’échelle nationale et continentale, s’il s’insère dans une dynamique communautaire. En effet, il existe une synergie assez considérable entre le sport et le tourisme, favorisant la modernisation des infrastructures et suscitant la mise en place de nouveaux mécanismes de financement. Compte tenu de la situation économique actuelle des Etats africains, ils ne pourraient engager seuls à l’échelle nationale le développement des infrastructures sportives. Ainsi, il serait profitable aux pays africains d’engager de façon communautaire au travers de fonds communs, même si l’objectif première n’est pas la promotion du sport. Des projets de nature sportive pourraient être greffés à des projets visant à la promotion du tourisme, à l’urbanisation, à la compétitivité ou encore plus simplement dans des projets de coopération. De plus, certaines actions mis en place ou à mettre en place au niveau régional (libre circulation des personnes et des biens, harmonisation des droits fiscaux, …) peuvent servir dans la préparation et dans la pérennisation de manifestations sportives importantes et peuvent en retour profiter de ces manifestations pour consolider l’intégration. Tel peut être le cas avec la CAN ou l’Afrobasket, où des projets communs peuvent être cofinancés pour assurer le transport des compétiteurs, leur hébergement ou même faciliter leur passage d’un pays à un autre.

Ces dernières années, le secteur du sport s’est magistralement transformé en une industrie qui acquiert de plus en plus d’importance économique un peu partout dans le monde mais l’Afrique semble plutôt désintéressée par ce secteur. Si le secteur est difficilement maitrisable empêchant toute prise de décision, il semble impératif pour l’Afrique, qui dispose d’un potentiel énorme en matière de sport, d’inclure ce secteur dans sa stratégie de développement. Pour ce faire, il faudrait une dynamique de groupe et s’appuyer sur le secteur privé tout prenant soin de définir un cadre réglementaire et d’information afin de circonscrire la pratique du sport mais aussi de mesurer d’autre part, la contribution de ce secteur aux économies africaines.

Foly Ananou

L’Afrique à la quête d’un APE porteur de développement : Mythes et réalités d’un projet improbable

78329210L’Accord de partenariat économique (APE) est le dernier des nombreux processus de négociations commerciales dans lesquels les pays africains se sont simultanément engagés. De nombreuses réflexions ont déjà fort pertinemment documenté les implications et enjeux de ces processus, qui se chevauchent ou se juxtaposent, sur les faibles ressources humaines, matérielles et institutionnelles des Etats africains, pour qu’il soit utile d’y revenir.
« A bien des égards, il en va du développement comme de la colonisation et de l’esclavage. Ces trois mots ne désignent pas seulement des réalités inégalement oppressives, contraignantes et dominatrices. Ils correspondent aussi à des concepts dominants »
De fait, ces processus, même s’ils opèrent à des niveaux différents, exercent aujourd’hui une forte pression sur les Etats comme sur les institutions d’intégration régionale, qui sont obligés de prendre des engagements dans chacun d’eux, sans avoir les moyens de mettre en cohérences les buts, les obligations et les attentes qu’ils ont sur les eux et les autres.
On peut cependant postuler que si les Etats africains se sont engagés dans ces nombreux processus commerciaux, c’est partiellement parce qu’ils y sont plus ou moins contraints, mais c’est aussi, partiellement, parce qu’ils y trouvent ou espère y trouver leur compte. Le commerce est devenu partout un puissant moteur de croissance et de développement. Il a un potentiel positif que de nombreux pays, en particulier en Asie, ont réussi actualiser pour se hisser au rang des nations émergentes qui comptent sur le marché mondial. Si donc les Etats africains qui comptent pour quantité négligeable dans les échanges mondiaux ont fait de choix de s’engager dans les négociations multilatérales, bilatérales et régionales visant à libéraliser ce commerce, en sachant ou non à priori les coûts d’une telle option, c’est semble-t-il en vertu du fait qu’ils cherchent par ce biais à promouvoir la croissance, le développement durable et la lutte contre la pauvreté. Cette ambition est noble et peut justifier bien des tentatives. Mais l’Histoire économique nous enseigne que si la trajectoire du développement est toujours différente d’un pays à un autre, celui-ci requiert, partout, un certain nombre de conditions nécessaires et de préalables quasi incontournables. Sans rentrer dans un débat philosophico-idéologique sur le bien-fondé ou non de la libéralisation par opposition au protectionnisme, ce débat pour nous est sans intérêt, on peut toutefois avancer que la libéralisation n’est pas une fin mais une étape ultime d’un long processus qui dans ses phases initiales, ne peut pas ne pas créer un environnement économique qui protège, encadre, appui et oriente les structures de production qu’elles soient industrielles, agricoles ou de services. De manière plus ou moins imagée, on peut comparer dans ce contexte, une économie à un corps vivant : aucun parent ne mettrait son nouveau-né dans la rue, lui demandant de supporter la compétition avec les autres et les rigueur de la vie en société sous prétexte qu’il est un être humain comme les autres. Un parent bien conscient de ses obligations garde son nouveau-né dans son foyer, le couve, l’éduque, lui apprend petit à petit les règles, processus et astuces de la vie en société pour lui donner toutes les chances de supporter plus tard, lorsqu’il atteindra la majorité, la compétition avec les autres humains.
Ce qui est valable chez l’être humain, l’est tout autant pour une économie. Le concept de « l’industrie naissante », certainement empruntée de cette symbolique humaine, et loin d’être galvaudée. Il a été pendant longtemps au centre de nombreuses constructions théoriques et a marqué de nombreuses de stratégies de développement dans les pays du Nord comme dans les pays émergents. La question centrale à laquelle l’Afrique devrait répondre avant de s’engager dans un accord commercial de libre-échange avec la première puissance commerciale du monde, quel que soit le niveau d’asymétrie, de réciprocité, les programmes d’accompagnement ou l’assistance financière promis, est de savoir si ses structures de production industrielles sont suffisamment matures pour s’ouvrir définitivement à la compétition avec l’Europe ; si son agriculture est prête pour ce niveau de libéralisation ; si son secteur des services peut se payer le luxe d’être ouvert à l’Europe dans un contexte où les régions du continent n’ont même pas encore de réglementations communes dans de nombreux domaines ? Beaucoup d’experts du continent et de l’Europe, engagés tête baissée, dans les négociations en vue de conclure un APE, soi-disant porteur de développement, n’ont pas de réponse à ces questionnements, si tant est qu’ils se sont mêmes posés la question. Pourtant, un dirigeant du continent y a déjà apporté une réponse satisfaisante à laquelle nous devrions prêter attention : « les nouveaux accords de partenariat économique prétendent démanteler les protections tarifaires et instaurer une parfaite égalité de compétition entre des économies européennes et africaines totalement asymétriques. En clair, cela revient à consacrer et accentuer un déséquilibre de fait et à livrer totalement les marchés africains aux produits européens subventionnés. Non seulement l'industrie africaine n'a pas la capacité et les structures qui lui permettraient de répondre même à une forte demande européenne, mais ce nouveau dispositif de désarmement tarifaire imposé par le libre-échange entraînerait immédiatement d'énormes pertes de recettes douanières pour nos pays : or les recettes douanières constituent entre 35 % et 70 % des budgets des Etats africains. Selon une simulation du Centre d'étude et de recherche sur le développement, entre 2008 et 2015, les pertes de recettes fiscales du Sénégal, si notre pays adopte ce système, passeraient de 38 à 115 milliards de francs CFA. Récemment, le président du Nigeria, opposé aux APE, m'indiquait que son pays perdrait près de 800 millions d'euros par an. »

Le développement à côté de l’APE et l’Afrique à côté du développement…

Les négociateurs des régions africaines soutiennent inlassablement qu’ils sont en train de travailler à obtenir un APE porteur de développement. Nombre d’entre eux se perdent cependant dans d’inextricables explications lorsqu’on leur demande en quoi consiste le développement attendu de l’APE.
En réalité le concept du développement désormais toujours attaché à l’APE n’est que le vernis destiné à masquer le douloureux rapport que nous avons avec cet accord angoissant. Le développement est le lubrifiant qui fait passer la pilule. A part les négociateurs de la Commission européenne, les lobbies et milieux d’affaires derrière eux et quelques hommes politiques européens et africains qui se gardent jusqu’ici d’afficher clairement leurs positions, fort peu de personnes disent du bien de cet accord qui a des ambitions plus commerciales et stratégiques que de recherche d’une simple compatibilité avec l’OMC et de promotion de l’intégration et du développement.
En Afrique de l’Ouest par exemple on estime qu’il suffirait d’élaborer un programme de développement de l’APE, tiré du programme communautaire de développement (PCD) dont la région s’est dotée, et annexé ce programme au texte APE comme une partie intégrante, pour en faire un APE de développement. Le problème du développement lié à l’APE risque fort d’être plus complexe que cela et la région semble se tromper de démarche et de séquence. C’est malheureusement l’erreur que de nombreuses régions sont en train de commettre.
Les programmes de développement que les experts du continent s’évertuent à élaborer pour les annexer à l’accord sont ce que les communautés régionales doivent de toute manière réaliser, avec ou sans APE. Le développement des régions et du continent sera un processus nécessairement endogène et auto-entretenu. Du Plan d’actions de Lagos au NEPAD, de nombreuses initiatives ont été prises à l’échelle du continent pour jeter les bases de l’intégration, de la croissance et du développement. L’Europe y a contribué bon an mal an, à la mesure de ses ambitions, de ses stratégies et de ses intérêts pour le continent. Le résultat est aujourd’hui ce qu’il est. Il serait illusoire cependant de penser que ce que l’Europe n’a pu réussir à réaliser, dans un contexte autrement plus favorable, elle pourrait le faire maintenant. Sa contribution, comme par le passé, viendra seulement compléter les efforts autonomes du continent pour financer son propre développement. En Afrique de l’Ouest, elle a annoncé que sa contribution au financement du Programme indicatif régional ne peut dépasser 600 millions d’euros, en dépit de l’insistance de la région pour des fonds complémentaires destinés à supporter les coûts d’ajustement auxquels les entreprises de la région feraient inéluctablement face du fait de la libéralisation.
L’APE porteur de développement est un mythe. Dans le contexte d’une région marquée par une faible intégration, des structures de production encore fragiles, une économie vulnérable, extravertie, peu diversifiée et fortement dépendante de l’Europe, cet accord de libre-échange tel qu’il se dessine, n’aura pas le potentiel de développement attendu. Une analyse simple permet en effet de comprendre qu’une liste de projets, de programmes et d’infrastructures à financer, que l’on annexe à l’accord, mais pour le financement desquels l’Europe n’a pris aucun engagement, aura peu de chance de conduire à la croissance et au développement de l’Afrique de l’Ouest, si au même moment la région s’enferme dans une portée de libéralisation large , des délais de mise en œuvre et des périodes de transition courts, ainsi qu’une faible asymétrie. Cette réalité commande que les efforts et les stratégies soient en priorité concentrés sur la réalisation préalable de l’intégration régionale qui seule peut permettre d’atténuer les effets potentiellement néfastes d’une libéralisation prématurée, ambitieuse et non maitrisée. Qu’on ne s’y trompe pas. Le problème qui se pose avec les APE est un problème d’équité. De nombreux défenseurs du projet européen estiment que la prise en compte de cette notion d’équité n’a pas vraiment sa place dans les discussions car tous les pays et toutes régions d’Afrique sont volontaires et ont fait le choix de négocier l’APE. L’argument mis en avant consiste à dire qu’aucun pays n’est obligé de signer s’il estime qu’il n’en tire pas un bénéfice net. Si aucun pays n’a quitté la table de négociation et tous continuent d’affirmer leur engagement à rechercher un accord complet et bénéfique, c’est qu’ils estiment en tirer profit. Mais soutenir ces idées, c’est méconnaitre la réalité des rapports de pouvoir entre pays développés et en développement dans ce genre de processus. Dans le contexte actuel de ces relations, l’Europe est à peu près capable d’obtenir ce qu’elle veut des pays africains, d’une part parce individuellement aucun pays n’est capable de lui résister, et d’autre part ils n’ont pas le niveau d’intégration suffisant pour lui faire face. Nous avons bien vu les moyens qui ont été utilisés pour contraindre la Côte d’Ivoire et le Ghana à signer un APE Intérimaire .
Un APE porteur de développement est donc d’abord et avant tout un accord assujetti à l’intégration régionale effective. Celle-ci doit-être mesurable à travers des indicateurs spécifiques et se poser comme un préalable incontournable à la signature de l’APE. La mise en œuvre des instruments, des institutions et des politiques régionales nécessaires pour rendre l’intégration effective doit être achevée ou au moins suffisamment avancée avant la signature de l’accord de libre-échange. Ces politiques portent entre autres sur les secteurs agricole, industriel, des services, de l’investissement, des les marchés publics et de la concurrence entre autres. Elles doivent être appliquées, évaluées et corrigées. Et c’est de leur niveau de réalisation et de succès que doit dépendre le niveau d’ouverture graduelle auquel les régions d’Afrique devraient s’engager. Cela passe par la mise en place des indicateurs de l’intégration et du développement qui doivent permettre de suivre l’évolution des régions pour qu’à chaque étape, les niveaux d’engagement appropriés soient pris, les réformes pertinentes soient appliquées et les politiques efficientes mises en œuvre avec pour seule ligne d’horizon la promotion de la croissance et du développement. En s’appuyant sur l’expérience et les leçons tirées d’accords conclus ailleurs dans le monde, les régions africaines pourraient, en plus de leurs efforts pour la réalisation de l’intégration, travailler à élaborer, le moment venu, un texte d’accord qui prend en compte dans le fond comme dans la forme les préoccupations de développement du continent. Les Chefs d’Etat et de gouvernement des pays de la CEDEAO qui se sont réunis en janvier dernier à Ouagadougou ont donné un mandat explicite pour que l’accord en gestation soit ancré dans la vision de l’intégration et du développement de l’Afrique de l’ouest. Le dernier Comité ministériel de suivi de l’APE tenu à Nouakchott en février a aussi réaffirmé une telle volonté politique.
Pour les régions africaines et ACP en négociation, le texte de l’APE ne doit être acceptable que s’il contient des dispositions claires et des engagements de l’Europe sur des questions de développement identifiés par les régions elles-mêmes. Chaque Chapitre de l’accord doit contenir des dispositions (article) précises renvoyant au développement et à des engagements de l’Europe conformément à l’accord de Cotonou. L’accord lui-même doit avoir un Chapitre spécifique sur les engagements en matière de développement, qui soit aussi contraignant que les autres chapitres et adossé au programme de développement et à la prise en charge des coûts d’ajustement qui seront induits.
Arrêtons-nous un peu sur la question des coûts d’ajustement, l’une des plus importantes contraintes que pose l’APE. En transférant les ressources d’un secteur à un autre au cours de la réforme, fiscale ou non, la libéralisation induite par l’APE va engendrer inévitablement des coûts. Par exemple, premièrement, en cas de réduction des droits de douane, les entreprises locales en compétition avec les importations pourraient être amenées à réduire leur production face à une concurrence nouvelle, ce qui laisse une partie de leurs capitaux et de leur personnel inemployés pendant un certain temps. Les efforts des travailleurs licenciés pour se reconvertir dans d’autres domaines et pour trouver un nouvel emploi vont ainsi engendrer des coûts généralement supportés par eux-mêmes et par l’Etat.
Deuxièmement, pour tirer profit de l’accès au marché européen, en principe plus favorable, à cause entre autres des règles d’origine plus flexibles, les Etats devront faire des investissements importants dans les infrastructures et les entreprises dans les nouvelles installations ou technologies.
Troisièmement, en réduisant les droits de douane, la libéralisation réduit aussi les recettes de l’Etat. Cette réalité est d’ailleurs la conséquence de l’APE la plus médiatisée. Comme les sources de revenus de remplacement sont limitées, les coûts de cette perte de recettes sont très élevés pour les Etats. L’alternative qui s’offre dans ce contexte est donc soit de réduire les dépenses publiques soit d’augmenter d’autres impôts, ce qui dans les deux cas, peut impacter négativement sur la croissance.
Beaucoup estiment que ces coûts d’ajustement sont le prix à payer pour profiter des bienfaits du libre-échange que promet l’APE. La question est cependant de savoir si le prix n’est trop élevé par rapport à la marchandise. Aujourd’hui la quasi-totalité des pays africains s’est engagée dans les négociations multilatérales, bilatérales et régionales. Dans un tel contexte, la recherche de la cohérence devrait être le maitre-mot de la stratégie des régions pour qu’aucun engagement dans l’APE ne soit en contradiction avec un engagement à l’OMC ou dans le cadre de l’intégration. Aucune disposition de l’APE ne devrait en outre être de nature à entraver, empêcher ou retarder la réalisation d’un projet ou objectif régional dans le cadre des différents traités sur l’intégration.
L’une des faiblesses de la stratégie de négociation des régions, en particulier l’Afrique de l’Ouest, c’est de ne pas avoir clairement identifié les domaines où ses positions sont non négociables (lignes rouges), les domaines où elle serait prête à faire des concessions (ainsi que les conditions qu’elle pourrait poser) et enfin les plans et stratégies de replis au cas où l’Europe ferait preuve d’une intransigeance inattendue, ce qui plus que vraisemblable, au vue de ses dernières stratégies et manœuvres. L’une des manifestations les plus tangibles de ce manque de vision prospective apparait tout particulièrement à travers l’indécision des régions africaines devant l’opportunité ou non d’inclure la clause de la Nation la Plus Favorisée (NPF) dans l’APE. L’inclusion d’une telle clause, qui postule un engagement de la région à étendre à l’Europe tout avantage commercial plus favorable qu’elle accorderait à un partenaire commercial majeur, est non seulement en contradiction avec la Clause d’habilitation de l’OMC qui a pour objectif de renforcer le commerce Sud-Sud, mais elle rame à contrecourant d’une tendance actuelle qui voit le commerce entre l’Afrique et les pays comme l’Inde, le Brésil et la Chine se renforcer tandis que les échanges avec l’Europe déclinent même si cette dernière reste encore le premier partenaire et client de l’Afrique. L’entêtement de l’Europe à l’inclure dans l’APE cache mal sa volonté de barrer la route à la Chine, à l’Inde au Brésil et aux pays en développement émergents pour consolider ses parts de marché en Afrique. Un partenaire commercial majeur, tel que le conçoit l’Europe, s’entend de tout pays développé qui compte pour plus de 1% des exportations mondiales de marchandises, ou de tout groupe de pays comptant collectivement pour plus de 1,5%. Selon les données de l’OMC, le Brésil comptait pour 1,5% en 2006, contre 16,4% pour l’UE et 11,5% pour les États-Unis. D’autres pays en développement affectés comprendraient la Chine, qui comptait pour 10,7% des exportations cette année-là, ainsi que le Mexique, la Malaisie, l’Inde et l’Indonésie (qui dépassent le seuil, avec entre 2,8% et 1,1%). On comprend bien, sous cet angle, que ces pays en développement sont particulièrement visés.
Le Vice-ministre Sud-africain au commerce et à l’industrie a indiqué récemment la voie à suivre : « Selon cette clause, les droits tarifaires sur les produits de l’UE ne peuvent être supérieurs aux prélèvements imposés sur les produits en provenance de pays en développement. Les APE empêchent donc d’autres pays en développement de tirer profit de l’introduction de leurs marchandises sur les marchés des pays en développement (…) Cela nous placerait définitivement dans une relation basique avec l’Europe…une limitation inacceptable de notre souveraineté »
L’Europe sait bien pourquoi elle veut les éjecter du marché africain. Mais l’Afrique sait-elle seulement pourquoi elle devrait les y garder ? Sa position sur cette clause donnera une idée claire de sa compréhension des enjeux économiques et commerciaux.


Article écrit par Dr Cheikh Tidiane DIEYE – Coordonnateur du CICAD.


 I. P. Laléyê, in « la natte des autres », sous le Dire De J. Ki_Zerbo, 1992.
Président Abdoulaye Wade, in Passerelles, Vol. VIII n° 5, Nov-Dec 2007.
Stiglitz, J. (2007) « Pour un commerce mondial juste…. » p. 217.
 

Comment moderniser l’agriculture africaine ?

agroforesterie-kenya_lightboxEn 2100, l’Afrique devrait compter plus de quatre milliards d’habitants. Une forte pression démographique qui représente autant un défi qu’une opportunité pour les paysans du continent. Il y aura bien sûr de nombreuses bouches à nourrir, mais aussi un marché intérieur en pleine expansion, qui pourra profiter aux agriculteurs s’ils parviennent à moderniser leurs exploitations, avec l’appui de politiques agricoles plus ambitieuses.

On aurait tort de présenter l’agriculture africaine sous le seul angle de l’insécurité alimentaire, comme un secteur souffreteux, incapable de répondre aux besoins du continent. “Les exploitations familiales, qui sont les plus répandues sur le continent, se caractérisent surtout par leur grand hétérogénéité”, témoigne ainsi Jean-Luc François, responsable de la division agriculture et développement rural à l’Agence française de développement (AFD). “Certes il peut y avoir de petites parcelles vivrières faiblement productives et parfois en voie d’appauvrissement, mais il y a aussi de nombreuses success stories, que ce soit dans les exploitations hyper-productives de cacao, d’hévéa ou de coton destinés à l’exportation, ou dans des PME très dynamiques, tournées vers le marché domestique”.

Sur les pages de L’Afrique des Idées, René Ngiriye, un jeune exploitant sénégalais, avait par exemple livré un témoignage passionnant sur un projet entrepreneurial réussi, avec d’un côté une production de tomate destinée aux consommateurs locaux, et de l’autre du melon pour l’exportation.

Tout l’enjeu est ainsi de favoriser le développement de véritables opérateurs économiques agricoles structurés et tournés vers une demande intérieure qui ne cesse de croître. Car faute de mécanisation, les exploitations sont souvent trop petites, de un à deux hectares en moyenne. Et l’agriculture, qui reste le principal employeur du continent, et fait vivre parfois de 60 à 80 % de la population d’un pays, ne parvient toujours pas à faire face à la demande de certains produits comme le riz, le lait ou les oléagineux. Avec l’exemple emblématique des Sénégalais, qui consomment plus d’un million de tonnes de riz chaque année, tandis que la production locale dépasse à peine les 200 mille tonnes.

S’unir pour avoir accès au crédit

La modernisation agricole passe d’abord par le développement de capacités d’investissement, souvent trop faibles, voire inexistantes. L’accès au crédit reste extrêmement difficile pour un paysan africain moyen, qui dans la plupart des cas a peu de fonds propres. Rares sont les banques, structures de micro-crédit comprises, à s’aventurer dans un secteur soumis aux aléas climatiques et dont les taux de rentabilité sont somme toute assez réduits. Il ne faudra pas non plus compter sur un système de subvention ou de financement public direct dans des États qui restent fragiles économiquement.

C’est donc avant tout du privé, que peuvent venir les capacités d’investissement. Et des paysans eux-mêmes, s’ils parviennent à se structurer pour atteindre une taille critique, et négocier collectivement l’achat d’intrants, de machines ou un accès au crédit à des taux non prohibitifs. Les exemples réussis de coopératives sont déjà nombreux sur le continent. Citons Faso Jigi (« Espoir du peuple » en Bambara) au Mali, qui rassemble près de 5 000 producteurs de riz, de sorgho, de mil ou d’échalotes, notamment des femmes, et les fait bénéficier d’accès au crédit et aux équipements.

À une échelle plus large, le développement agricole passe aussi par la structuration en filières interprofessionnelles, à l’image de l’organisation réussie de la filière céréalière en Afrique de l’Ouest, notamment au Burkina Faso, où les groupements, syndicats et fédérations agricoles rassemblés pèsent davantage auprès des pouvoirs publics, et peuvent pratiquer le plaidoyer, au niveau national comme sous-régional.

Outre le soutien au crédit, les agriculteurs devraient aussi bénéficier beaucoup plus largement de systèmes de micro-assurances sur leurs productions et leurs élevages. Des expériences pilotes ont déjà été menées en Afrique de l’Ouest, mais elles restent pour le moment marginales. De telles assurances peuvent pourtant protéger efficacement les agriculteurs des aléas climatiques, notamment des grandes sécheresses sahéliennes, en modélisant les risques grâce au suivi satellite de leurs exploitations, et les effets de la météo sur les rendements.

« L’une des difficultés est enfin l’accès au foncier de jeunes paysans au capital restreint », complète Jean-Luc François, en charge de la division agriculture à l’AFD.“Il faut développer plus largement les systèmes de fermage ou de métayage, qui permettent aux jeunes de se lancer sans être directement propriétaire. Il faut leur donner l’envie de s’installer”, conclut-il en employant une formule, “les trois “F” du jeune agriculteur : “formation, financement et foncier”.

Offrir un environnement favorable

Car faute de moyens pour soutenir durablement leur agriculture, les États africains doivent au moins tenter d’offrir un environnement favorable à leurs paysans. Il y a d’une part les infrastructures et les équipements de base, eau, électricité, et routes, pour éviter l’enclavement des régions agricoles. Il y a aussi l’indispensable formation agricole. Ces dernières années, le Cameroun s’est par exemple lancé dans une politique agricole plus audacieuse saluée par les experts. Tout en soutenant les projets d’équipements des communes rurales, les autorités ont renouvelé considérablement l’offre de formation agricole, avec le soutien des bailleurs internationaux.

Depuis 2007, le programme d’Appui à la rénovation et au développement de la formation professionnelle dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage et des pêches (AFOP) a permis de réorganiser en profondeur les formations et de les mettre en adéquation avec les besoins du secteur agricole grâce au système de l’alternance. Certes il manque encore des ressources financières et du personnel pour que l’AFOP fonctionne à plein régime, ou des garanties pour assurer sa pérennité, mais les premiers bilans sont très positifs.

Autre outil de la politique agricole, celui des taxations aux frontières au bénéfice de la production locale. Un levier nécessaire mais délicat à employer. Les taxes doivent malgré tout rester raisonnables, pour éviter de faire trop grimper les prix au détriment du consommateur, et elles doivent être harmonisées avec les pays voisins, pour être véritablement efficaces.

Les TIC et le développement agricole

Dernière piste, prometteuse, celle de l’utilisation croissante des nouvelles technologies au service du développement agricole. L’Afrique des Idées a déjà consacré un article à ce sujet. Avec de simple téléphones portables (et pas nécessairement des smartphones), les agriculteurs peuvent avoir accès à des informations qui leur manquaient jusqu’ici sur les marchés, les cours, et la demande en temps réel. Ce type de solution se développe dans des pays comme le Ghana notamment. Et elles sont amenées à évoluer à mesure que les paysans seront équipés et connectés. Ils pourront ainsi mieux gérer leurs commandes et leurs productions, et se prémunir là encore des risques climatiques.

Reste enfin l’argent sonnant et trébuchant que sont censés investir les États africains dans leur politique agricole. En 2003, lors du sommet de Maputo, ils s’étaient engagés sur une échéance de cinq ans, à consacrer 10% de leurs budgets nationaux au secteur agricole chaque année. Plus de dix ans après, les résultats sont très disparates. Seuls sept pays africains (Burkina Faso, Niger, Guinée, Sénégal, Mali, Malawi et Éthiopie) ont respecté leurs promesses, regrettent les ONG comme Oxfam, qui avait rassemblé en 2013 plusieurs artistes pour interpeller leurs gouvernements avec cette question: “où sont passés nos dix pourcents ?”.

Adrien de Calan

Pour des services d’état civil plus efficaces en Afrique

civilL’état civil est l’ensemble des dispositions légales et réglementaires dont l’objet est de situer dans le temps et dans l’espace les événements essentiels de la vie d’un être humain dont les plus importants sont la naissance, le mariage et le décès. Il désigne également la structure administrative qui s’occupe de la délivrance des documents appelés actes d’état civil. « L’état des personnes n’est établi et ne peut être prouvé que par les actes de l’état civil, les jugements ou arrêts en tenant lieu et, exceptionnellement, les actes de notoriété »[1]. Si la situation s’améliore au niveau des mairies qui délivrent généralement les pièces d’état civil, tel n’est pas le cas dans l’appareil judiciaire qui actualise rarement les casiers judiciaires des citoyens condamnés suite à des jugements prononcés. Les gouvernants africains ont lancé un appel à Yamoussoukro en Côte d’Ivoire en février 2015 en vue de promouvoir l’utilisation de l’état civil et des statistiques de l’état civil pour appuyer la bonne gouvernance en Afrique[2].

Constats sociodémographiques et économiques

Les données d’état civil sont très utiles dans plusieurs domaines : démographique, administratif, juridique, économique et social. La population du continent africain est estimée à 1,111 milliards d’habitants en 2013 avec un taux de croissance annuel[3] de 2,5%, notamment en Afrique Subsaharienne.

« Les naissances, les mariages et les décès sont constatés sur des registres tenus dans les centres d’état civil selon les modalités fixées par décret »[4]. Donc les statistiques de fécondité et de mortalité devraient être constatées par l’état civil. Si elles ont connu un essor avec l’accession de la plupart des pays africains à l’indépendance ; ces données sur la fécondité et la mortalité en Afrique, ne proviennent plus que de plusieurs enquêtes et recensements organisés sur le plan mondial. L’état civil en Afrique n’est pas utilisé à des fins statistiques principalement à cause du fait que la législation dans certains pays ne prévoit pas ce volet statistique[5]. Cette législation n’envisage pas aussi le transfert de données entre la structure en charge de la collecte (état civil) et la structure en charge du traitement de ces données. Il y a encore à ce jour, des naissances qui ne sont pas enregistrées du simple fait que certaines femmes continuent d’accoucher à la maison. En outre, de nombreux décès ne sont pas déclarés auprès des services en charge de l’état civil.

La pratique des enregistrements fictifs surtout au moment de l'entrée à l’école est très répandue et peut arriver jusqu’à 80% des enregistrements dans certains zones[6]. Ce sont pour la plupart des enfants nés en dehors des centres de santé formels (structures informelles) ou ceux dont les parents n’ont pas fait aussitôt après leur naissance, la déclaration dans le registre de l’état civil. Cette situation favorise la pratique de fraude au sein des administrations africaines.

Le manque d’informations sur la couverture des enregistrements des faits d’état civil (naissances et décès), ne permet pas d’élaborer parfois de bonnes politiques économiques. Les activités pour le suivi d’élaboration de stratégies de réduction de la pauvreté biaisent les objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Or ces statistiques devraient renforcer l’appui au système de collecte des indicateurs économiques (indice de coût de la construction, indice de prix à la consommation, le commerce extérieur, les comptes nationaux, etc.) afin de stimuler l’impact des politiques économiques et sociales. Suivant les dispositions du code des personnes et de la famille, dans le cas du Bénin par exemple « L’officier de l’état civil est tenu, à la fin de chaque trimestre, sous peine de sanction, d’adresser au service national des statistiques, un état des naissances, des mariages, des divorces, des décès et des enfants sans vie inscrits au cours du trimestre »[7].

Cette disposition du code n’est pas suivie et met à mal les activités d’analyses (évolution des structures de consommation des ménages, production des notes sur l’emploi, mise à jour des bases de données, publication et diffusion des résultats des différentes études et enquêtes statistiques, etc.) des services en charge du traitement des données statistiques.

D’une façon générale, des difficultés dans l’atteinte d’un important taux de fréquentation en matière d’état civil persistent encore en Afrique. Or, un faible taux d’enregistrement des événements de l’état civil ne permet pas à cette structure de jouer efficacement son rôle de banque de données fiables pouvant aider les gouvernants africains. A tout cela, s’ajoutent les fraudes que l’on constate dans les services d’établissement des actes d’état civil.

Constats sur les fraudes et les jugements supplétifs

L’état civil dans la vie des citoyens est empreint de toutes sortes de fraudes. Il y a lieu ici de signaler les cas particuliers de la falsification des actes de naissance opérés par certains usagers et ayant pour objet :

  • d’accélérer la date du début de la scolarité,
  • de faire reculer le moment de la retraite,
  • d’établir de faux liens de filiation à des fins successorales,
  • d’établir une fausse pièce d’identité (carte nationale d’identité, passeport, permis de conduire),
  • de faciliter l’obtention de certains avantages matrimoniaux (mariage, divorce, rapprochement de conjoint, etc.).

La fraude peut porter sur l’acte d’état civil lui-même. Elle résulte alors de l’usage de faux actes confectionnés par des personnes ou des officines privées, d’altération de copies ou d’extraits d’actes régulièrement délivrés par les autorités locales, d’altération des registres de l’état civil par surcharge, rature, découpage et collage, de confection de vrais faux actes d’état civil constitués d’actes réguliers en la forme mais dont les événements relatés ne correspondent pas à la réalité (naissance fictive, reconnaissance mensongère, etc.).

La fraude à l’état civil a pris une ampleur toute particulière à travers essentiellement le phénomène de l’émigration. Une enquête menée par le ministère français des affaires étrangères auprès de postes diplomatiques et consulaires a permis de procéder à une estimation des actes d’état civil faux ou obtenus frauduleusement. Dans nombre de pays, la proportion de faux actes détectés par ces postes se situe entre 30 et 60 %. Elle est même évaluée à 90 % pour les Comores[8].

L’ignorance ou la méconnaissance des textes régissant le délai de déclaration d’une naissance ou d’un décès conduit certains bénéficiaires à solliciter la complicité des agents des services d’état civil pour se faire établir de faux actes en vue de régler une préoccupation de l’heure.

Beaucoup d’événements d’état civil passent inaperçus et échappent ou ne sont pas portés à la connaissance des services d’état civil. La non déclaration de ces faits, loin de conduire à des fraudes, peut s’expliquer par l’éloignement des centres d’état civil, le manque de moyens pour faire face aux frais médicaux très élevés, certaines femmes pour des normes coutumières craignent l’assistance d’un homme comme agent de santé d’accouchement, le comportement des agents chargés de prendre les déclarations, l’analphabétisme, le délai de prescription de 10 jours[9]. Toute personne se trouvant alors dans l’impossibilité de se faire établir un acte d’état civil, peut le suppléer par un jugement supplétif qui relève du Tribunal de Première Instance (TPI) du lieu de son ressort.

Les jugements supplétifs subissent aussi des manipulations au niveau des prénoms, de la date de naissance et du lieu de naissance lors de la délivrance de copies certifiées conformes aux originales. Ce qui permet à leurs titulaires de reproduire ces copies conformes qui présentent de nouvelles données. Des investigations faites au niveau de la Circonscription Urbaine de Cotonou au Bénin laissent découvrir de graves lacunes en ce qui concerne les transcriptions sur les registres d’état civil. Les jugements supplétifs homologués depuis 1997 ne sont pas encore transcrits à nos jours. Ceci est dû au non suivi et au manque de contrôle des autorités compétentes, toute chose qui favorise la fraude en matière d’état civil[10].

Il est donc évident que ces différentes manifestations de fraudes, faussent les statistiques des actes d’état civil, et par conséquent biaisent les différentes politiques élaborées par les autorités africaines.

Constats sociopolitiques et juridiques

Le droit à la personnalité juridique est une question qui revêt une importance capital. En effet, sans une identité légale, la jouissance des différents droits (liberté d’aller et venir, liberté de choisir, liberté d’entreprendre, droit à l’éducation, santé, eau et électricité, droit au travail, demande d’un titre foncier, héritier des biens, droit au mariage, etc.) est illusoire ou fortement compromise. Voilà que le système d’état civil dans la majorité des Etats africains est embryonnaire. Bon nombre de personnes sont des « sans papiers ». Cette situation n’est pas sans conséquences sur la vie des citoyens.

Formellement, des subterfuges ont parfois été trouvés pour contourner ces difficultés comme par exemple l’inscription des citoyens (ou supposés tels) sur les listes électorales sans pièces d’identité et sur la base de simples témoignages, souvent des chefs de villages ou de quartiers des villes. Ces solutions n’enlèvent rien à la responsabilité de l’État car « l’acte d’état civil constitue un droit inaliénable de la personne humaine. Il est de la responsabilité de l’État, au regard de ses engagements vis-à-vis des instruments internationaux de protection des droits de l’Homme, de prendre toutes mesures nécessaires pour en assurer la pleine garantie afin que chaque Béninois soit détenteur d’une identité légale »[11].

Pour remédier à cette lacune, le Bénin a initié en 2006 le projet « Recensement Administratif à Vocation Etat Civil[12] » ou « RAVEC ». C’est une administration spéciale mise en place par le Gouvernement béninois et dont l’objectif est d’organiser, en collaboration avec les tribunaux et les communes, des audiences foraines afin de délivrer des actes de naissance aux personnes qui n’en possèdent pas. Ce projet permettra au Bénin de disposer d’un système d’état civil moderne, sécurisé et crédible répondant aux exigences de la bonne gouvernance. Le RAVEC vise donc à constituer une base de données, attribuer un identifiant à chaque béninois, rendre accessibles les actes, même en cas de perte, permettre la sécurisation et la fiabilité du système d’état civil, dorénavant numérisé et biométrique. Toutes choses qui permettront d’avoir des listes électorales, cartes d’électeurs, permis de conduire, passeports fiables, etc. Le recensement sur les registres de requérants a connu un succès considérable puisque les demandeurs d’actes de naissance (en principe seulement ceux qui ont plus de quinze ans) dans les 77 communes béninoises se chiffrent à 2 336 159 personnes[13]. La phase des audiences foraines a en effet connu quelques difficultés de parcours (vacances judiciaires, grèves des magistrats, puis des greffiers, etc.), mais début 2010, plus de 70% des requérants avaient obtenu satisfaction. Mais le volet « base de données que comporte le RAVEC, a été invalidé par la Cour constitutionnelle, car cela est du ressort du pouvoir législatif[14].

Malgré ces constats, les officiers d’état civil sous estiment le nombre croissant de fraudes répertoriées et ignorent les conséquences que cela peut avoir sur le fonctionnement normal des centres d’état civil en particulier et sur la société en général. En effet, la montée de la fraude à l’état civil peut remettre en cause la totalité des actes d’état civil délivrés par les autorités  compétentes et freiner par conséquent certains droits que doivent bénéficier les citoyens.

Pourtant, des dispositions légales et réglementaires ont été prises pour permettre à l’officier d’état civil de vérifier l’événement déclaré et la valeur probante de l’acte de l’état civil. Dans certains cas, il est même parfois habilité à refuser l’établissement d’un acte. En outre, des sanctions pénales ou administratives ont été dictées pour réprimer les agissements frauduleux. Malgré ce dispositif législatif le mal demeure. Monsieur Ousmane Massek Ndiaye[15] a reconnu que la loi seule ne peut venir à bout de ce phénomène. Il a invité à une union sacrée de tous les responsables politiques, religieux, coutumiers pour influer positivement sur les mentalités.

L'état civil à un rôle primordial à jouer dans le processus de développement de l'Afrique. De fait, il constitue un soutien fort à l'élaboration et au suivi des politiques socio-économiques. Cependant, son rôle en tant qu'appui à la planification du développement est compromis par la moindre importance qui lui ait accordé et qui se traduit par d'importantes fraudes, qui mettent davantage à mal le rôle qu'il pourrait jouer. Il est donc nécessaire, aujourd'hui d'envisager des solutions et ce d'autant plus que le numérique offre des possibilités, afin de rétablir l'état civil et d'en faire un outil pour le développement de l'Afrique. 

Nicolas Olihidé


[1] Article 33 de la Loi N°2002-07 du 24 Août 2004 portant Code des personnes et de la famille en République du Bénin.

 

[2] NATIONS-UNIES / CEA, 2015, Troisième conférence des ministres africains en charge de l’état civil, Yamoussoukro (CÔTE D’IVOIRE), 09 au 13 février 2015.

 

[4] Article 34 du Code des personnes et de la famille du Bénin.

 

[5] NATIONS UNIES / Département des affaires économiques et sociales / Division des statistiques, 2003, Rapport de la réunion d’experts sur l’amélioration des statistiques de fécondité et de mortalité en Afrique francophone, Yaoundé, Cameroun, du 22 au 26 septembre 2003.

 

[7] Article 41 alinéa 6 du Code des personnes et de la famille du Bénin.

 

[8] Extrait du document intitulé « Outils de formation en matière d’état civil » réalisé par SOUDJAY SONATAY Oumie en 2006 financé par l’UNICEF sur le site web : http://www.comores-web.com/article/la-fraude-a-letat-civil.html consulté le 24/03/2012.

 

[9] Article 60 alinéa 1 du Code des personnes et de la famille du Bénin.

 

[10] ANAGONOU AKANMOUN Philomène, 1999, Problématique de l’état civil au Bénin : cas des jugements supplétifs, UNB/ENA.

 

[11] Union africaine et gouvernement du Bénin, MAEP : Rapport d’évaluation du Bénin, pp.355 et 366.

 

[12] Décret n° 2006-318 du 10 juillet 2006  portant établissement et délivrance des actes de naissance aux personnes qui n’en possèdent pas.

 

[13] BADET Giles, 2010, Bénin, Démocratie et Participation à la vie politique :une évaluation de 20 ans de Renouveau démocratique, Une étude d’AfriMap et d’Open Society Initiative for West Africa

 

[14] Décision DCC 06-17 du 17 novembre 2006.

 

Ghana : quel modèle de développement à moyen terme ?

Croissance-Ghana-670x446Au cours de la dernière décennie, le Ghana a enregistré des taux de croissance moyens supérieurs à 7 % par an, ce qui lui a permis d’accéder au statut de pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Toutefois, la croissance a récemment marqué le pas pour s’établir à 4,2 % en 2014, ce qui soulève la question de la pérennité du modèle de développement du pays. Le Ghana se trouve désormais à un stade critique de son processus de développement.

Une transformation structurelle de l’économie relativement modérée

Après être restée relativement stable de 1970 à 1990, la structure de production de l’économie ghanéenne s’est progressivement modifiée, en particulier au cours de la dernière décennie. L’examen de la décomposition sectorielle du PIB ghanéen révèle deux caractéristiques majeures dans la structure et l’évolution de la répartition de la valeur ajoutée par secteur. Premièrement, le Ghana demeure un pays fortement agricole dans la mesure où la part du secteur primaire représente toujours près d’un tiers de la valeur ajoutée totale et plus de 40 % de l’emploi total. Toutefois, à l’instar de la plupart des exemples de développement, la croissance ghanéenne s’est caractérisée par un recul marqué de la part du secteur agricole dans l’économie, laquelle est passée de 56,5 % de la valeur ajoutée totale au cours des années 1970 à environ 26 % sur la période 2010-2012. Deuxièmement, la diminution progressive de la part du secteur agricole s’est essentiellement effectuée au profit du secteur des services et non du secteur secondaire. La part du secteur des services est ainsi passée d’un peu moins de 25 % dans les années 1970 à près de 50 % en 2010-2012. La part du secteur industriel est quant à elle restée stable depuis 1990, à moins de 25 % de la valeur ajoutée totale. En outre, la part du secteur manufacturier accuse un recul significatif, passant de 10 % au cours des années 1990 à 7 % sur la période 2010-2012.

Comme de nombreux pays africains, le Ghana connait un processus de transformation structurelle relativement lent et récent. 

En outre, la transformation structurelle s’opère par la voie des services et non par une hausse des activités manufacturières. Toutefois, le secteur des services demeure très concentré dans les services informels à faible valeur ajoutée comme le commerce de détail ou les services à la personne. Le secteur informel représente 80 % de l’emploi total au Ghana.

Malgré la vigueur de la croissance (taux de croissance annuel soutenu de plus de 5 % depuis 1990), pourquoi la transformation structurelle de l’économie ghanéenne en cours se fait à un rythme lent ?

Lire la suite de la tribune de Clémence Vergne sur le site de notre partenaire http://ideas4development.org/ (Le Blog animé par l'Agence Francaise de Développement).

 

 

 

Quand le retour de la diaspora est un atout socio-économique !

giving-back-urban-playgirlDepuis quelques années, on assiste à un retour définitif, parfois forcé, des africains établis à l’extérieur, notamment au sein de la jeune diaspora. Si la migration des africains a toujours constitué un défi et une « perte » pour l’Afrique ; il faudrait peut-être voir dans ce phénomène une opportunité pour l’Afrique et créer des conditions incitatives pour que davantage d’africains de la diaspora se décident à revenir sur le continent, encore en proie à quelques maux qui tempèrent la dynamique de son développement.

Longtemps décriées parce que « vidant » l’Afrique de ces cerveaux et de sa main d’œuvre, les politiques migratoires des pays occidentaux ont souvent constitué une opportunité « financière » pour de nombreuses familles dans les pays africains. Ces africains installés à l’extérieur, transfèrent des fonds importants vers leur pays d’origine pour soutenir la consommation. Selon la Banque Mondiale, les transferts de fonds vers l'Afrique Subsaharienne, sont évalués à 401 milliards de dollars en 2012[i][ii][iii]. Des travaux de la BCEAO pour l’UEMOA indiquent que ces fonds servent essentiellement à satisfaire les besoins de consommation et à l’amélioration des conditions de vie de ménage, à financer la construction des écoles et des districts de santé.[iv][v] Dans ce contexte, l’aspect « connaissance » a été longtemps occulté, n’incitant donc pas à une mise en place de programmes ou outres mesures incitatives pour favoriser le retour des migrants. Cependant, tout porte à croire que le retour physique des africains de la diaspora a beaucoup plus d’impacts sur l’économie du continent que les fonds qu’ils transfèrent.

Beaucoup de formations politiques et syndicales ont été créées grâce aux anciens émigrés une fois de retour dans leur pays d’origine. Ces formations ont été à l’origine d’une amélioration de la bonne gouvernance, d’une amélioration des conditions de vie du travail et des ménages dans beaucoup de pays. Selon Joëlle Paquet (2010)[vi], les migrants de retour, ayant été au contact avec des pratiques démocratiques, stimulent indirectement l’évolution des pratiques politiques dans leur pays d’origine, participant ainsi à la progression des réformes démocratiques. En effet, en Afrique, ce sont des migrants de retour qui ont favorisé l’indépendance de plusieurs pays. En Italie, par exemple, ce sont les ex-italiens de la diapora qui ont facilié la lutte contre le fascisme. Les migrants de retour ont été très actifs dans la démocratisation au Maroc. En effet, la lutte pour la citoyenneté, la démocratie, la liberté, la répartition des richesses et la justice sociale, la dignité, le travail pour tous au Maroc a été l’œuvre du mouvement du 20 février. Ce mouvement a bénéficé du soutien financier, moral et physique des organisations associatives de marocains de la diaspora et certains des jeunes issus de l’émigration ont rejoint les manifestants au niveau national ou provincial.[vii]

Le gain le plus significatif que produit le retour des migrants est le transfert de compétences. En fait, pour avoir passé du temps à l’étranger et ayant été exposés au fonctionnement des entreprises dans d’autres contextes, les migrants acquièrent des expériences significatives et peuvent contribuer à la diffusion des connaissances qu’ils ont pu accumuler. Selon Joëlle Paquet (2010)[viii], les retours, temporaires ou durables des migrants dans leur pays d’origine, de même que les contacts entretenus avec les membres de la famille demeurés au pays, permettent la diffusion de nouvelles idées, compétences et expériences. Ces transferts de connaissances peuvent contribuer à améliorer la productivité des activités traditionnelles, de même que les pratiques sanitaires et la nutrition. Même si grâce aux nouvelles technologies, le transfert des connaissances se fait rapidement, les pays africains ont davantage de bénéfices si les jeunes rentraient dans leur pays d'origine après avoir acquis des compétences à l'étranger. Selon un rapport de l’OCDE (2008), « Ces ressources des migrations de retour peuvent être de trois types. Premièrement, les migrants rapportent avec eux l’éducation et l’expérience professionnelle acquises à l’étranger. Deuxièmement, ils peuvent revenir avec du capital financier, constitué par l’épargne accumulée lors du séjour à l’étranger, et qui peut être rapatriée sous une forme plus ou moins liquide. Enfin, ils disposent d’un capital social spécifique lié à leur expérience migratoire. »

De toute évidence, la migration ne doit plus paraitre comme un obstacle au développement des pays africains mais plutôt comme une opportunité à la mesure où il favorise le transfert de connaissances et des compétences, mais aussi donne accès à des ressources financières externes et influence l’environnement socio-politique. A titre d’exemple, les Pays-Bas s'efforcent de promouvoir l'« afflux des cerveaux » en encourageant les migrants à retourner temporairement dans leurs pays d'origine afin d'y contribuer au développement.[ix] D’autres pays en Afrique comme le Cap Vert ont bénéficié de ces retours. En effet, selon un rapport de l’OCDE (2008), « au Cap-Vert, où jusqu’à récemment il n’y avait pas d’établissement d’éducation supérieure, l’accès à l’éducation est un des motifs de la migration, notamment vers le Portugal. Dans ce cadre, on observe que 16 % des migrants de retour ont un diplôme du supérieur, alors que ce chiffre est de l’ordre de 1 % parmi ceux qui n’ont pas émigré (De La Barre, 2007). Dans ces conditions les migrations de retour génèrent des gains en capital humain pour l’ensemble de l’économie, qui peuvent, dans certains cas, plus que compenser la perte de capital humain initialement imputable à l’émigration (Batista et al., 2007). Pour autant, cette situation est conditionnée à l’existence d’opportunités d’emploi motivant le retour des travailleurs qualifiés. »[x] Dans ce contexte, il conviendrait de mettre en place des mesures incitatives visant à tirer davantage profit de cet externalité, qui semble positive, pour les pays africains.

Pour faciliter le retour des migrants et leur insertion dans leur société d’origine, les États doivent toujours garantir un emploi aux migrants diplômés après leur retour à l’instar de certains pays asiatiques et latino-américains. En effet, « depuis ces dernières années, plusieurs pays d'Asie font concurrence au reste du monde pour attirer le talent et les travailleurs qualifiés. L'Inde et la Chine ont consacré des ressources financières importantes pour inciter le retour de certains de leurs plus grands talents à l'étranger en offrant des incitatifs, des emplois bien rémunérés, un statut socio-économique élevé et des possibilités de développement personnel. La Chine a établi une politique nationale de développement des ressources humaines, qui comprend des initiatives comme le Programme des 1000 talents. Lancé en 2008 pour attirer 2000 professeurs d'universités et d'instituts de recherche étrangers sur une période de dix ans, le programme a jusqu'à présent réussi à en recruter 4000. D'autres pays tels que le Japon, la Corée du Sud, les Philippines et le Vietnam, commencent eux aussi à investir de manière significative dans de nouvelles politiques visant à attirer les expatriés et les travailleurs qualifiés. Le Vietnam, par exemple, aurait dépensé plus de 7 millions de dollars à cette fin. Les différents changements politiques comprennent des incitatifs fiscaux, des compensations financières, l'augmentation du nombre d'écoles internationales, ainsi que la réforme des critères d'obtention de visa et de résidence permanente. La tendance migratoire en sens inverse sera sans doute complémentaire aux efforts de l'Asie pour recruter et conserver le talent. »[xi] « Au Chili, au Costa Rica et au Brésil, les migrants de retour sont clairement surreprésentés dans les professions les plus qualifiées et sous-représentés dans les métiers les moins qualifiés. »[xii] Ainsi, les États doivent commencer à faire la "cours"  à leurs "enfants", vivant à l'extérieur. La course pour trouver les talents porteurs de développement est déjà lancé et l'Afrique semble encore à la traine, alors qu'elle dispose d'avantages comparatifs en la matière. 

Ali Yedan


[vi] Joëlle Paquet (2010), Favoriser le développement économique des pays d’origine des immigrants : une responsabilité partagée, L’impact de la mondialisation sur l’économie au Québec – Rapport 8, Août 2010

 

[viii] Joëlle Paquet (2010), Favoriser le développement économique des pays d’origine des immigrants : une responsabilité partagée, L’impact de la mondialisation sur l’économie au Québec – Rapport 8, Août 2010

 

[xi] De la fuite à l'afflux des cerveaux : la migration en sens inverse en Asie

 

Sénégal : 2017 aksi na !

Sénégal : 2017 aksi na ![1]

Macky-Sall-au-moment-de-sa-prestation-de-serment-300x200S’il suffisait de vouloir changer un pays pour que les progrès attendus soient réalisés, le Sénégal serait sans doute l’un des pays les plus prospères au monde. Les initiatives en faveur du développement économique et social se multiplient, par l’action (les politiques publiques) comme par la réflexion (conférences, séminaires, débats) au quotidien, à qui mieux mieux. Les politiques publiques en faveur de l’émergence contenues dans le Plan Sénégal Emergent (PSE) sont appliquées depuis le Groupe consultatif tenu à Paris les 25 et 26 février 2014 entre le gouvernement sénégalais et ses partenaires internationaux, malgré les obstacles rencontrés : chômage, grèves dans le système éducatif, campagne agricole tardive, tensions politiques… Les groupes de réflexion et d’échange sont légion à Dakar, la capitale, tout comme les ONG. Il se pose donc un problème immédiat : pourquoi le Sénégal reste-t-il encore un pays pauvre? Nulle prétention d’apporter ici des recettes miracles qu’il suffirait d’appliquer pour s’en sortir. Il est possible cependant d’expliquer la persistance de quelques freins au progrès économique.

Pour rappel, le Président Macky Sall a été élu en mars 2012 avec plus de 65% des suffrages. Il a formé des gouvernements avec 3 Premiers ministres (Abdoul Mbaye, Aminata Touré et Mohamed Dionne) qui ont tous une grande expérience professionnelle en matière économique derrière eux. La réalisation des engagements du Président Sall (sur l’agriculture, l’éducation, la santé, l’énergie, l’emploi) est donc certainement un objectif faisable. Beaucoup d’actions ont été faites : Couverture maladie universelle, Bourses de sécurité familiale, ports, routes, aéroports, Acte 3 de la décentralisation, modernisation du système éducatif (daaras[2], universités, écoles), FONSIS, FONGIP, BNDE, PAQET, baisse des prix (loyers, du carburant, du gaz, denrées)… Les projets sortent de terre tous les jours, appuyés ou réalisés par le gouvernement sénégalais, de la Casamance (Aguène et Diambogne) à Diamniadio (CICAD, 2e université de Dakar), du Fouta (valorisation des cultures de la vallée du fleuve Sénégal) à au Sine-Saloum (Université). Ces changements sont observables aussi bien sur le plan quantitatif que sur le plan quantitatif. Le Sénégal a nettement progressé dans le classement Doing Business de la Banque mondiale pour l’Afrique en 2014. Le régime a même pour ambition l’autosuffisance en riz en 2017. Il existe cependant quelques résistances au progrès économique et social qu’il faut vite effacer.

  1. Les oppositions aux réformes dites « consolidantes »[3]

Le gouvernement a fait depuis 3 ans un ensemble de réformes d’envergure et prépare d’autres. Outre celles qui changent les institutions (avant-projet de Constitution de la CNRI[4] à adopter), et celles économiques citées plus haut (fonds), il faut aussi compter celles du système éducatif (association d’acteurs économiques aux décisions des universités, voir aussi plus haut) et celles du système de santé (Couverture maladie universelle), qui doivent servir dans la durée. Ces programmes sont trop importants pour un pays comme le Sénégal, pour concerner un mandat ou un régime seulement. La pauvreté ne peut pas s’effacer du jour au lendemain, il faut continuer à exécuter les réformes pour qu’elles puissent porter leurs fruits dans la durée.

  1. Les tensions sur le front social et le débat politique

Le Sénégal est aussi connu pour son front social bouillonnant avec des syndicats toujours en grève (éducation, santé, justice) ainsi que pour la tension du débat entre opposition et pouvoir. Dans l’absolu c’est un indicateur de la vitalité démocratique du pays ; mais ce n’est pas une raison pour entretenir ces tensions qui peuvent entraîner des violences si elles débordaient. Il y a donc un effort de la part des gouvernants comme des responsables politiques et syndicaux pour apaiser le climat social, apaisement qui pourrait faciliter la mise en œuvre des réformes. Des expériences dans d’autres pays (Afrique du Sud et République démocratique du Congo) ont montré que les grandes réformes institutionnelles et économiques sont mieux comprises lorsqu’elles sont partagées avec les citoyens à qui elles s’adressent. C’est une leçon capitale. La charge négative que le procès Karim Wade, fils de l’ancien Président Abdoulaye Wade, a charriée est un exemple patent du degré néfaste des tensions politiques pour la société entière. A sa condamnation à six ans de prison ferme pour enrichissement illicite le 23 mars 2015, après deux ans de poursuites judiciaires, les réactions du Parti démocratique sénégalais (qui l’a choisi deux jours avant comme candidat à la prochaine élection présidentielle) ont été très vives à Dakar. Il faut souhaiter que le débat politique porte plus sur les programmes économiques que sur les situations personnelles des hommes politiques, comme dans toute bonne démocratie apaisée. Et que le cours soit libre aux tribunaux de gérer les contentieux juridiques qui surviennent. Ce paramètre sera essentiel pour sauvegarder la stabilité du Sénégal dans les prochaines années.

  1. L’attentisme par rapport à l’Etat

Aucun Etat n’est capable de résoudre seul tous les défis (économiques ou sociaux) d’un pays. L’Etat est un facilitateur du progrès social, mais il n’est pas le seul moteur du développement. Il est affligeant de constater à quel point les grandes entreprises, les grandes banques, nationales comme internationales, sont parfois oublieuses de leur responsabilité sociétale. Certes, le but premier de ces groupes est de réaliser des profits. Mais en 2015, on ne peut plus ignorer son apport vis-à-vis des populations riveraines lorsqu’on investit dans une localité. Ce paramètre est malheureusement trop souvent oublié, secondaire, ou mal pris en compte. Il y aurait certainement moins de difficultés à développer un pays pour l’Etat, si les grands groupes privés qui opèrent sur son sol l’aidaient (emplois locaux pour le territoire concerné, entretien de l’environnement, construction d’écoles ou d’hôpitaux, soutiens aux associations). Cette remarque est valable pour les citoyens, qui doivent plus aller vers les missions de services publics dans le cadre d’initiatives sociales (assainissement, éducation,   prévention). Le monde rural devrait également mobiliser plus de ressources internes (eau, terre, cheptel) et solliciter moins de produits (intrants, semences) et de services (commercialisation) de l’Etat.

Ainsi, il existe beaucoup de volonté et d’actions en faveur du progrès économique et social, de la part de l’Etat comme du secteur privé et associatif, mais il importe encore d’éradiquer certains facteurs de résistances qui peuvent tomber en mettant en synergie les efforts de tous. Et cela, il ne faut pas l’attendre d’un quelconque bienfaiteur, il faut toujours aller le chercher.

Mouhamadou Moustapha Mbengue

 


[1] Traduire par 2017, c’est demain !

[2] Ecoles traditionnelles où sont enseignés l’Arabe et l’Islam en phase de modernisation

[3] Ismaila Madior Fall, Les réformes constitutionnelles consolidantes et déconsolidantes

[4] Commission nationale chargée de la réforme des institutions dirigée par A. Makhtar Mbow

Rencontr’Afrique avec Mongi Marzoug: Pour une mise en lumière des enjeux du numérique en Afrique

1L’Afrique des Idées a eu l’honneur de recevoir samedi 7 mars 2015 à Paris, Monsieur Mongi Marzoug[1], expert en télécommunications et Ministre tunisien des Technologies de l’Information et des Communications de décembre 2011 à Janvier 2014. Lors de cet échange passionnant, Monsieur Marzoug a partagé avec nous son expertise et son expérience en matière de Nouvelles Technologies de l’Information et des Communications et présenté les questions fondamentales qu’elles mettent en jeu sur le continent africain.

La transition numérique, une grande question pour l’Afrique

Cette Rencontr’Afrique très enrichissante a mis en lumière les enjeux colossaux que présentent les Technologies de l’Information et des Communications en Afrique ; en effet, les télécommunications, et notamment l’Internet constituent un monde parallèle, un espace virtuel qui reflète les même réalités et opportunités que l’espace physique dans lequel nous évoluons ; existe ainsi dans ce monde virtuel du commerce électronique, de la politique, voire même des guerres du numérique.

Le problème de la réglementation du numérique

Puisque le monde virtuel est aussi complexe que le monde réel, il est nécessaire qu’existe une réglementation exhaustive encadrant tous ses aspects, qu’ils soient juridiques, économiques, sociétaux ou politiques. Monsieur Marzoug pointe la faiblesse, voire l’inexistence de la réglementation dans ce domaine en Afrique ; or il est nécessaire que des questions relatives à la protection et l’hébergement de données, à l’ouverture et à l’accès au réseau, à la confiance dans le numérique, à la transparence ou encore à la gestion des trafics soient encadrées juridiquement.

En outre, il est impératif que les Etats adoptent des réglementations adaptées à l’économie numérique (services numériques et accès, infrastructures du numérique, protection des données, fiscalité, et autres), et instaurent des règles équitables entre les différents acteurs de l’économie numérique, fondées sur les services offerts et non les technologies utilisées (« same services, same rules ») ; à cet égard, les entreprises du Net (ou Over The Top) posent une véritable question ; les géants de l’internet tels que Google ou Amazon offrent des services et récoltent des bénéfices dans les pays d’Afrique, tout en étant basés à l’étranger, échappant ainsi à toute réglementation ou fiscalité, alors qu’ils devraient être soumis aux mêmes règles que les opérateurs qui fournissent des services en étant basés sur le territoire de l’Etat concerné.

Un secteur privé dynamique et des Etats en retrait

Le fait marquant à l’égard des réseaux mobiles en Afrique est leur ouverture à l’investissement privé d’une part, et étranger d’autre part. Il y a donc des enjeux économiques colossaux, et cette ouverture à l’investissement privé pose la question du service public ou du service universel des télécoms. En effet, les opérateurs qui bénéficient de licences ont tendance à déployer leurs services dans les zones urbaines qui sont les plus rentables, tournant ainsi le dos aux zones reculées et moins peuplées. Il est nécessaire donc que les Etats imposent à ces investisseurs privés de participer financièrement au service public des télécoms pour assurer sa continuité, et ce même dans les zones les plus en retrait.

Par ailleurs, il est de la responsabilité des gouvernements africains garantir la qualité des services de télécommunications offerts à leurs citoyens ; à cet égard, on observe, suite à l’octroi de licences à des opérateurs privés, peu de suivi de l’exécution de ces licences.

Beaucoup d’Etats africains travaillent à implémenter une identification numérique de leurs citoyens, qui permettrait à ces derniers d’accéder en ligne aux services de l’Etat et des entreprises publiques, et faciliterait leurs relations avec les administrations publiques ; dans ce cadre il est nécessaire de garantir la sécurité de des flux et stockage des données.

Un modèle à définir pour le développement du numérique

Pour les Etats africains se pose la question du modèle à adopter pour le développement du numérique : faut-il développer une industrie des télécoms, ou focaliser les efforts sur le développement des services numériques ? Selon Monsieur Marzoug, les ressources humaines et financières en Afrique sont insuffisantes pour développer une industrie complète des télécoms ; il serait préférable d’effectuer des choix sur des segments pour lesquels des ressources et compétences existent.

2A propos de l’utilisation de satellites pour garantir l’accès au réseau, à l’image des fameux « Ballons Google », qui visent à permettre l’accès à internet dans les zones reculées, Monsieur Marzoug note, qu’au-delà des questions d’autorisation et de licence qu’ils soulèvent s’agissant de Google, leur efficacité trouve ses limites dès lors que l’on se trouve en présence d’une importante concentration de population. Ainsi, s’ils peuvent être adaptés pour couvrir des zones vastes et peu peuplées, un réseau de type cellulaire est nécessaire pour garantir l’accès au réseau dans les zones à forte concentration de population.

Pour le développement des infrastructures haut débit (mobiles et fixes), la meilleure solution pour les Etats consisterait donc à mettre en place le partage d’infrastructures en particulier dans l’accès avec des processus de planification et de coordination efficaces entre les autorités et les différents opérateurs des services de communication électronique.

Dans la plupart des Etats africains, les infrastructures existantes étaient suffisantes pour le développement de la 2G, mais il faut maintenant les améliorer pour développer le haut débit mobile (3G et 4G) et fixe, notamment grâce à la fibre optique. Des solutions hybrides permettraient d’améliorer la qualité des réseaux en minimisant les coûts; dans ce cadre une coordination entre tous les opérateurs de télécoms pour le partage de l’accès à la fibre optique serait nécessaire.

Rouguyatou Touré


[1] Mongi Marzoug est directeur dans le Groupe Orange en charge de la gouvernance de l'Internet et du développement du Numérique. Il était ministre des Technologies de l'Information et de la Communication de décembre 2011 à janvier 2014 en charge des technologies du numérique et des services postaux. Il a exercé entre 1999 et 2011 dans la direction technique du Groupe Orange. Il a occupé les fonctions de responsable du Département "Architecture & Fonctions",  Directeur Adjoint chargé des études, de l'ingénierie et des produits, responsable du Département "Networks Quality & Cost Modeling", et enfin responsable du Département "Roaming, Networks Modeling & Performance". Auparavant, il était pendant dix ans à Orange Labs en charge des projets et équipes de R&D dans les domaines de télédétection, imagerie radar et planification des réseaux mobiles. Il est auteur d'un brevet sur la modélisation des interférences et l'affectation des fréquences dans un réseau mobile. Il est également auteur de plusieurs articles scientifiques dans des revues internationales  en particulier IEEE et JAOT et de nombreux rapports techniques et communications dans des conférences et forums internationaux. Il est diplômé de l'“Ecole Polytechnique” et de Télécom ParisTech. Il est titulaire d'un doctorat en physique expérimentale et d'une Habilitation à Diriger des Recherches

 

 

Le système financier dans les pays africains favorise-t-il la fuite des capitaux ?

B9vYsyBCEAI08uW.jpg-largeEn plus de la fuite des cerveaux, la fuite des capitaux constitue aujourd’hui l’un des problèmes majeurs des pays en développement, en particulier dans les pays d’Afrique sub-saharienne. Selon une étude de Ndikumana et al. (2015) portant sur 39 pays africains (dont 4 en Afrique du Nord), la sortie de capitaux de ces pays entre 1970 et 2010 aurait atteint 1300 Mds USD en parité du pouvoir d’achat 2010 (soit 82% du PIB des pays considérés).

Avant toute chose, il faut préciser qu’il n’existe pas de définition formelle du phénomène. Dans cette étude, la définition de la fuite des capitaux inclut à la fois les flux liés à des activités illégales comme légales. Ainsi, les ressources issues de la corruption, des activités criminelles (vente de drogue, trafic d’humains ou d’organes) ou encore l’évasion fiscale en font partie. En dépit de la place importante du secteur financier dans ce mécanisme, son rôle est parfois minimisé puisqu'il est considéré comme un simple intermédiaire des échanges. Cet article se propose de mettre en évidence les caractéristiques du secteur financier africain qui favorisent la fuite de capitaux du continent.

En effet, conférer un rôle de second plan au secteur financier dans la fuite des capitaux, c’est supposer qu'il ne souffre  pas de failles dans son organisation et fonctionnement. Or, lorsqu'on tient compte de la faiblesse des circuits de financement du secteur privé en Afrique, cette hypothèse est très vite réfutée. Voici donc les quatre principales raisons qui pourraient expliquer le rôle centrale du système financier africain dans la fuite de capitaux :

1. Le secteur est dominé par les banques étrangères. Selon les données de la Banque Mondiale sur le Développement Financier Mondial, les actifs des banques étrangères représentent près de 60% des actifs consolidés du secteur bancaire en Afrique subsaharienne. Cette proportion est comparable à celle observée dans les pays développés et dépasse de loin celle qui est en vigeur dans des pays similaires d’Amérique Latine, du Moyen Orient ou de l’Asie de l’Est. De plus, ces banques sont majoritairement issues des pays développés; une situation qui peut favoriser le rapatriement des capitaux de l'Afrique vers ces pays.

En effet, beaucoup de résidents en Afrique considèrent les banques originaires de pays développés plus sures et préfèrent placer leurs économies dans ces dernières parce qu’étant adossées à des banques internationales. Ces multinationales ont des opportunités d’affaires un peu partout dans le monde et peuvent investir les fonds disponibles dans leurs filiales africaines dans des projets jugés plus rentables en dehors du continent, surtout si elles jugent l’environnement économique local très peu favorable. Une telle stratégie d'investissement des fonds placés est favorable à la sortie du continent de ressources acquises même de façon illégale. C'est ainsi que selon un article de l’Express, le président gabonais s’est servi de la filiale de Citibank au Gabon pour faire sortir sa fortune « mal acquise ».

2. Un marché financier atrophié offrant peu dinstruments financiers. Un article publié sur cette plateforme identifiait déjà cette situation, et invitait à développer davantage les marchés financiers en Afrique[1]. Le cas particulier du marché des titres publics illustre bien cette situation. Certains pays y ont recours, notamment en Afrique de l’Ouest et du Nord, mais les montants mis en adjudication ne représentent qu’une infime partie des besoins de financement des Etats ou ne servent qu’à financer des besoins ponctuels de trésorerie. Ce faible niveau de développement du marché financier peut aussi induire la fuite des capitaux. En effet, un marché atrophié n’offre que très peu d’instruments financiers pour des agents en capacité de financement, obligeant ces derniers à placer leurs ressources dans des produits à plus forte rentabilité, notamment à l’extérieur. 

3. Une supervision de lactivité bancaire non effective et peu efficace. La supervision de l’activité bancaire est généralement assurée par les banques centrales. Ce cadre leur offre les moyens d’empêcher la fuite des capitaux, surtout ceux ayant un caractère illicite. Or ces banques centrales sont encore généralement sous l’emprise des pouvoirs publics, ce qui affaiblit leur autorité et leurs actions vis-à-vis de la fuite des capitaux. Le Général Sani Abacha (président du Nigéria entre 1993 et 1998), par exemple, n’hésitait pas à intervenir dans la gestion de la banque centrale nigériane à l’époque et aurait permis ainsi à certains de ces collaborateurs et à lui-même de placer près de 2,5 Mds USD dans des comptes personnels à Londres[2].

De plus, le cadre réglementaire qui régit la supervision de l’activité bancaire semble inadéquat. Selon la base de données de la Banque Mondiale sur la réglementation bancaire, si de nombreux pays africains ont des règles précises en matière d’activité bancaire, elles sont systématiquement violées par de nombreuses banques dans plusieurs pays africains – soit parce que les règles sont complètement déconnectées de la réalité économique ou parce qu’il n’existe pas de réelles mesures punitives en cas de non-respect.

Par ailleurs, le capital humain en charge de la supervision bancaire n’a toujours pas les compétences techniques pour cet exercice. Si dans les pays de l’UEMOA, la surveillance du secteur bancaire – à travers le contrôle de vérification – se déroule systématiquement à chaque exercice depuis plusieurs années, dans d’autres pays du continent, elle n’intervient que tous les 2 ou 5 ans (Mehran et al. 1998). Dans certains pays, une expérience préalable dans le secteur bancaire, notamment dans l’audit bancaire, n’est pas exigée des superviseurs bancaires.

4. Le mobile Banking. Le développement du mobile Banking en Afrique a fortement révolutionné l’activité économique. Cependant, il pourrait aussi faciliter la fuite de capitaux. Si l'on ne pourrait être certain de son impact sur la fuite des capitaux, on peut au moins s’en inquiéter du fait de l'absence de cadre règlementaire approprié dans certains pays. Pour l’heure, le mobile Banking demeure un moyen financier sain qui facilite les transactions entre agents économiques et ne concerne que de très faibles montants, avec un minimum de supervision exercé par les opérateurs de téléphonie.

Au delà des points ci-dessus mentionnés, la finance internationale a des pratiques qui incitent certains agents économiques africains à placer leur épargne dans des banques installées à l’étranger. Le secret bancaire[3] mais aussi les services financiers qui limitent la traçabilité des transactions effectuées, constituent des facteurs incitatifs pour de grosses fortunes africaines, notamment celles voulant échapper à la fiscalité.

De toute évidence, le système financier de nombreux pays africains présente des failles qui favorisent la sortie massive de capitaux du continent et par voie de conséquence, réduisent la mobilisation de capitaux au niveau local pour financer le développement. Il convient donc de renforcer le système financier en mettant en place des cadres règlementaires permettant de limiter la sortie de capitaux du continent, tout en créant des conditions incitatives pour aue les agents disposant de capacité de financement les investissent sur le continent. Un prochain article discutera plus amplement de possibles solutions à la fuite des capitaux.

Foly Ananou

Référence : 

Ndikumana, L., Boyce, J. K. and Ndiaye, A. S. (2015). Capital Flight from Africa: Measurement and Drivers. In S. I. Ajayi and L. Ndikumana (Eds.), Capital Flight from Africa: Causes, Effects and Policy Issues. Oxford: Oxford University Press.

 

 

 


[1] Une série d’articles par Tite Yokossi, à retrouver sur http://terangaweb.com/?s=tite+yokossi

 

[3] Non divulgation des informations relatives aux clients

 

Les villes intelligentes, une piste pour construire l’avenir urbain des pays en développement

Les défis de l’urbanisation croissante des pays en développement[1]

En 2050, la proportion de la population mondiale vivant en milieu urbain devrait atteindre 66%[2], contre 54% en 2014. Ce phénomène d’urbanisation sera d’autant plus significatif dans les pays les moins développés[3], pour lesquels la population urbaine représentera 50% en 2050, alors qu’elle n’est que de 31% actuellement.

i
Population urbaine mondiale de 1950 a 2050

L’attrait des populations pour les zones urbaines s’explique par l’activité économique et les opportunités d’emploi qu’elles concentrent : 80% de l’activité économique à l’échelle mondiale[4] se développe dans les villes. L’exode rural et la croissance soutenue des populations urbaines et périurbaines complexifient les challenges à relever pour les villes. On peut notamment citer les contraintes liées à leur approvisionnement en ressources et à l’élimination de leurs déchets. Bien que l’urbanisation soit reconnue comme un moteur de développement économique et social, elle s’accompagne de forts impacts environnementaux, aussi bien aux niveaux local que mondial, tels que l’assèchement des zones humides, l’extraction de matériaux de construction en grandes quantités, la pollution des eaux, la pollution atmosphérique, etc. Les villes sont ainsi à l’origine de 80% des émissions de gaz à effet de serre et représentent 75 % de la consommation mondiale d'énergie[5].

Contrairement aux pays développés, dont la population urbaine devrait croître plus modérément et qui disposent de solides infrastructures existantes, les pays en développement vont devoir déployer rapidement de nouvelles infrastructures efficaces et flexibles pour répondre aux évolutions démographiques de leurs territoires. Une urbanisation rapide et mal maîtrisée ne mettant pas en regard des besoins des habitants les infrastructures et la gouvernance adéquates risque en effet de s’accompagner d’un accroissement de l’extrême pauvreté urbaine et, dans certains cas, du développement ou de l’extension accélérée de bidonvilles. Des efforts de planification seront donc indispensables pour assurer aux populations la fourniture de services essentiels, tels que les accès à l’énergie, à l’eau, au traitement des déchets, au logement, à la santé et aux transports, tout en maîtrisant les impacts sociaux et environnementaux associés.

Les villes des pays en développement devront ainsi monter en compétence sur une large palette de problématiques (énergie, transport, etc.) et réaliser des investissements importants, en veillant à maintenir des coûts compatibles avec leurs cadres budgétaires souvent fortement contraints. La transition vers des villes plus communicantes et plus durables, s’appuyant sur de nouvelles méthodes d’aménagement et de gestion de l’espace urbain, peut constituer un levier clé pour relever ces défis.

Le développement des Smart Cities : une réponse possible

Le concept de Smart City a vu le jour avec les évolutions rapides observées dans le domaine des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC), qui offrent la possibilité de déployer à coûts maîtrisés des solutions performantes pour rendre les infrastructures urbaines plus communicantes (pilotage de l’éclairage public, télérelève des compteurs d’énergie, etc.). De nombreuses définitions de la Smart City coexistent, donnant une importance plus ou moins marquée à la composante technologique.

L’une des définitions les plus exhaustives a été proposée dans le cadre du projet européen TRANSFORM : « La Smart City permet d’offrir aux habitants un espace de vie agréable, abordable, respectueux de l’environnement et répondant aux besoins et aux intérêts de ses usagers et basé sur une économie durable. La Smart City est très efficace dans son utilisation de l’énergie et des ressources et elle est de plus en plus alimentée par des énergies renouvelables. Elle repose sur un système de ressources résilient et intégré ainsi que sur des approches de planification innovantes. Les technologies de la communication et de l’information sont souvent des moyens pour atteindre ces objectifs. »[6]

Les expérimentations Smart City bénéficiant actuellement de la plus grande visibilité se déroulent en Europe, aux États-Unis, en Asie et au Moyen-Orient. Ces projets promeuvent la vision d’une ville intelligente s’appuyant sur des investissements significatifs, requis par le déploiement de solutions de hautes technologies, et sur une implication renforcée des différents acteurs de l’espace urbain, dont les habitants. Cette approche très demandeuse en capitaux peut sembler moins adéquate pour les villes de pays en développement, et notamment celles ayant des capacités budgétaires limitées. Les financements nationaux et locaux pourraient cependant être complétés par des sources externes, bailleurs de fonds internationaux ou investisseurs étrangers.

L’acceptabilité sociale des changements constitue également un point critique du développement des Smart Cities dans les pays en développement. En effet, dans des pays où les structures décisionnelles sont historiquement centralisées et où les niveaux de corruption sont parfois élevés[7], la population peut se montrer méfiante vis-à-vis des pouvoirs publics. Il existe alors un risque important que les habitants ne voient dans la Smart City qu’un moyen pour les politiques et les industriels de justifier de lourds investissements servant avant tout leurs intérêts propres. La mise en œuvre d’une gouvernance associant la population à la conception de la ville représente ainsi un enjeu clé pour assurer une planification adaptée à ses attentes, en particulier quant à l’amélioration de la qualité de vie. L’exemple du déploiement de compteurs électriques communicants à Noida, en Inde, illustre cette nécessité d’impliquer les populations locales[8] dans la construction de la ville intelligente. Souhaitant réduire les vols d’énergie sur son réseau, le distributeur d’électricité NPCL a décidé d’installer des compteurs prépayés dans une zone particulièrement pauvre. Face au risque de rejet du projet par la population, la NPCL a sensibilisé les habitants à l’importance de la lutte contre le vol d’électricité via des spectacles de rue et leur a proposé des solutions simples de maîtrise de leurs consommations d’énergie. Cette implication de la communauté a ainsi contribué au succès du projet, loin d’être garanti initialement.

Etant donné les défis financiers et sociaux soulevés, la pertinence de la promotion et de l’application du concept de Smart City dans le contexte des pays en développement peut être questionnée. Pour exemple, des chercheurs de l’Africa Research Institute, think-tank britannique spécialisé sur l’Afrique subsaharienne, déclarent « Ces projets fantasques pour les grandes villes africaines remportent des récompenses. En général, ils mentionnent en passant les besoins des habitants des bidonvilles et prétendent viser d’autres fins louables. Cependant, la mise en œuvre de plans complètement non viables et inappropriés du point de vue du climat, des infrastructures disponibles (en particulier la production d’électricité) et des coûts révèle leurs défaillances. »[9]

Au premier abord, l’évolution vers les Smart Cities semble donc plus ardue pour les villes des pays en développement. En réalité, l’adaptation des infrastructures urbaines existantes requise dans les pays développés pour la mise en place de solutions innovantes engendre une complexité et des coûts d’intégration conséquents. A contrario, les pays en développement peuvent plus facilement déployer de nouvelles technologies au sein de leurs environnements urbains moins contraints par le poids de l’existant. Cette flexibilité confère un atout essentiel à leurs villes pour opérer le saut technologique vers la Smart City. Sur le volet énergétique, les pays en développement pourraient par exemple développer directement des infrastructures de type Smart Grids adaptées à leurs enjeux locaux (via le déploiement de compteurs intelligents prépayés et de moyens de production décentralisés notamment), sans avoir auparavant bâti des réseaux électriques robustes desservant l’ensemble de leurs territoires. Une dynamique similaire a déjà été observée dans le domaine de la téléphonie, où l’Afrique n’a pas attendu un taux de pénétration élevé des solutions filaires pour négocier le tournant vers le mobile.

Au-delà de l’angle technologique, l’importance des paramètres culturels et sociaux dans la mise en œuvre de la Smart City implique que les particularités locales soient placées au cœur des préoccupations de la ville. Seule une adaptation pragmatique du concept permettra de faire de cette transition un succès. Les modèles retenus par les villes de pays en développement ne peuvent ainsi se calquer sur ceux expérimentés dans les pays les plus riches. De même, des disparités importantes entre les solutions mises en place dans différentes villes de pays en développement sont inéluctables. En adoptant une approche raisonnée et propre à chaque contexte, l’exploitation des NTIC et l’association des populations aux processus décisionnels peut soutenir un développement efficace et une gestion intelligente des infrastructures des villes de pays en développement. La déclinaison du concept de Smart City deviendra alors un moyen de répondre aux besoins des populations tout en maîtrisant certains des risques majeurs inhérents à un développement urbain miné par une mauvaise planification : dégradation des services publics, développement de bidonvilles, pollution accrue, augmentation du chômage, de la pauvreté et de l’insécurité, etc.

Des initiatives d’utilisation de nouvelles technologies permettant de renforcer la qualité des services rendus aux habitants (énergie, transport, logement, santé, etc.) ont déjà émergé dans certains pays. Bien qu’encore marginales, elles montrent que des solutions « smart » peuvent dès aujourd’hui contribuer à l’amélioration des conditions de vie dans les villes de pays en développement.

Des exemples d’initiatives marquantes

  • OpenStreetMap (Tanzanie)

Les villes évoluent rapidement et souvent de manière incontrôlée dans les pays en développement, où d’immenses bidonvilles peuvent voir le jour en périphérie urbaine. Cette expansion désordonnée complexifie la tâche des municipalités pour analyser et résoudre les problèmes auxquels sont confrontés leurs habitants. Les autorités locales ne disposent alors que d’une faible visibilité sur l’organisation réelle du territoire et sur ses besoins en infrastructures.

ii
Illustration du mapping du bidonville de Tandale

Partant de ce constat, un groupe d’étudiants de Dar es Salaam (Tanzanie) s’est formé à l’utilisation de tablettes numériques et de solutions de cartographie libres de droits afin de cartographier le bidonville de Tandale[10]. Parcourir la zone équipés de ces outils leur a permis de répertorier l’ensemble des rues, chemins, équipements publics (toilettes, fontaines à eau, points de collecte de bouteilles plastiques, etc.), écoles ou encore bâtiments religieux.

Ce projet illustre une application concrète du concept de Smart City, en montrant que l’usage innovant de nouvelles technologies numériques peut permettre à la ville et ses habitants de disposer d’une cartographie fiable du territoire, brique indispensable en vue d’une meilleure planification urbaine. L’intérêt de l’utilisation de solutions open source est également mis en avant, ces dernières étant facilement accessibles et adaptables aux besoins des villes des pays en développement.

  • E-health backpack (Brésil)

Pour répondre au défi du vieillissement des populations les plus pauvres, des expérimentations sont lancées dans certains pays dans le but de développer de nouvelles applications de télésanté (e-health). L’objectif consiste à tester des méthodes et solutions innovantes permettant d’améliorer la qualité des services de soins tout en réduisant les coûts induits pour la communauté.

iii
Oxymetre et tensiometre integres a l e-health backpack

Dans cette optique, un produit « e-health backpack » a été développé par General Electric (GE) et est expérimenté dans le cadre d’un projet pilote à Rio de Janeiro (Brésil). Le concept repose sur la fourniture de services de santé dans des zones urbaines pauvres, mal desservies par les transports en commun et faiblement pourvues en infrastructures médicales. La solution proposée par GE permet d’établir en quelques minutes des diagnostics sur site lors de la visite chez les patients, en comparaison avec un délai pouvant atteindre 2 semaines suite à une consultation à l’hôpital. Les premières analyses11 indiquent que les bénéfices économiques découlant de la réduction du nombre d’évènements médicaux et d’hospitalisations compensent le coût élevé (42 000 $) de l’équipement employé.

Une des prochaines étapes du projet visera à mettre à disposition des personnels soignants des tablettes sans fil pour collecter, stocker et analyser les données issues des examens menés au domicile des patients. Ceci permettra d’approfondir les opportunités offertes par l’utilisation de moyens médicaux high-tech au bénéfice des populations défavorisées.

Les villes des pays en développement peuvent s’inspirer du concept de Smart City pour exploiter pleinement le potentiel des NTIC au service de la gestion de leur espace urbain et de la qualité de vie de leurs citoyens. Une approche pragmatique tenant compte des spécificités locales est possible, et nécessaire : une smart city africaine ne ressemblera donc pas à une smart city européenne ou américaine !

Malgré la disparité des contextes et des besoins, la transition vers des villes plus intelligentes peut constituer une solution de premier plan pour permettre aux pays en développement de répondre aux défis résultant de la croissance de leurs populations urbaines. Ces pays, bénéficiant d’une inertie moindre dans leurs infrastructures et organisations, représentent en effet un terrain propice à une mutation rapide. La prise en compte des contraintes financières et l’association des populations aux processus décisionnels seront des facteurs clés pour concrétiser cette évolution et en faire une réussite.

Par Maxence BOCQUEL & Sylvain HIPPOLYTE

Yélé-Consulting


[1] Référence à la classification « Less developed regions » de l’ONU qui comptabilise l’Afrique, l’Asie (excepté le Japon), l’Amérique Latine et les Caraïbes, ainsi que la Mélanésie, la Micronésie et la Polynésie.
[2] United Nations Department of Economic and Social Affairs World Urbanization Prospect – 2014 Revision
[3] Référence à la classification « Least developed regions » de l’ONU qui comprend 49 pays (34 en Afrique, 9 en Asie, 5 en Océanie et 1 en Amérique Latine et aux Caraïbes.
[3b] Estimations venant du "World Urbanization Prospects: The 2014 Revision" de l'ONU
[4] McKinsey Global Institute, 2011 – Urban world: Mapping the economic power of cities
[5] The World Bank, 2010 – Cities and Climate Change: An Urgent Agenda
[6] TRANSFORM – Deliverable 1.1 Definition of Smart Energy City – http://urbantransform.eu/about/smart-energy-city/
[7] Transparency International – Indice de Perception de la Corruption 2012 < 40% pour les pays en développement http://www.transparency-france.org/ewb_pages/div/Indice_de_Perception_de_la_Corruption_2012.php
[8] Tackling Power Theft through Meter Data Management and Quality Analysis – http://www.metering.com/wp-content/uploads/i/p/Asia/1/RC-Agarwala.pdf
[9] Watson V, Agbola B, 2014 – Africa Research Institute – Qui va prendre en charge l’aménagement des villes africaines?
[10] Projet Open Mapping in Tandale – http://explore.ramanitanzania.org/
[11] Source : http://tandale.ramanitanzania.org/
[12] Source : http://www.newcitiesfoundation.org/wp-content/uploads/PDF/Research/New-Cities-Foundation-E-Health-Full-Report.pdf

Le numérique ne portera pas le développement des pays africains

22068197L’explosion de l’économie numérique en Afrique …

L’économie numérique reste l’un des rares secteurs dans lesquels l’Afrique a réussi à réduire son retard par rapport aux pays développés. De fait, le continent a extraordinairement réussi à s’accrocher au rythme phénoménal de la croissance de ce secteur au cours des dernières années en s’appropriant les solutions qu’il offre. Selon le rapport 2012 de l’Observatoire de la téléphonie mobile en Afrique subsaharienne, le taux de pénétration de la connexion mobile en Afrique est passé d’à peine 2% en 2000 à plus de 63% en 2013 et devrait atteindre 78% en 2016. Une tendance qui est confirmé par McKinsey Global Institute (MGI) dans son rapport de novembre 2013 intitulé "Les lions passent au numérique : le potentiel de transformation d'internet en Afrique", qui souligne que la contribution d'internet au PIB de l'Afrique passerait de 18 Mds USD en 2013 à 300 Mds USD en 2025.

Derrière ces chiffres mirobolants, se cachent de grosses multinationales et surtout de nombreuses PME locales détenues par des nationaux. En effet, au cours de la dernière décennie, l’on a assisté à une floraison de petites entreprises qui opèrent dans le secteur de l’économie numérique. Ces « business de stars » (pour paraphraser le ministre français de l’économie Emmanuel Macron), se développent généralement à l’initiative de jeunes africains issus de la diaspora qui essaient de dupliquer des business model  qu’ils ont eu l’opportunité de découvrir en occident. Ainsi, sans avoir la prétention d’être exhaustif, on peut classer les business du numériques en Afrique en trois grands groupes :

  • La création de sites internet qui proposent différents services dont : l’information grand public, le commerce en ligne et les réseaux sociaux.  Le site de vente en ligne « JUMIA » et le site d’information « abidjan.net » qui ont le vent en poupe actuellement en sont une parfaite illustration.

  • Développement d’applications et plateformes informatiques: Il s’agit de programmes adaptables à différents supports (ordinateur, smartphone, tablette, etc.) qui proposent entre autre des services de géolocalisation et de traçabilité aux particuliers et entreprises

  • Déploiement de systèmesd’information et de gestion : logiciels clé en main de gestion d’activité proposés aux entreprises

Le succès enregistré par les entreprises de ce secteur s’explique sans doute par le fait que les barrières à l’entrée sont très faibles. En effet, ce type d’activités est peu exigeant en investissement et en ressources humaines. Avec un ordinateur et une seule personne disposant d’une bonne maitrise de l’informatique, on peut lancer un business de ce type en quelques mois. Par ailleurs, ces entreprises offrent une grande flexibilité dans leur gestion. La plupart des grosses entreprises du numérique (Google, Microsoft, Facebook etc.) qui dominent le monde actuellement sont nées dans des chambres d’étudiant ou des garages.

…ne doit pas masquer les vrais enjeux : bâtir un secteur industriel productif

Au regard de cette forte capacité du continent à absorber les nouvelles technologies, l’on a tendance à oublier que l’Afrique accuse un retard séculaire dans le secteur de l’industrie, qui reste incontournable dans la construction d’une économie stable et durable, et qui se manifeste par une importation massive de produits manufacturés, notamment dans les secteurs de l’agro-industrie, des électro-ménagers & électroniques, du BTP, de l’industrie automobile, de l’industrie textile, de l’énergie, de l’eau & assainissement . Bien que le numérique offre des solutions permettant d’accroitre l’efficacité de l’activité économique, il ne peut être considéré comme un socle sur lequel repose l’économie d’un pays. Il sert simplement de catalyseur pour les secteurs fondamentaux qui constituent les principaux leviers du développement. A ce titre, il ne génère pas suffisamment d’emplois, canal principal de distribution des revenus, et n’a qu’un effet très limité sur les autres secteurs d’activités.  Ainsi, il est urgent que les pays africains arrêtent de s’auto-satisfaire du succès du « soft-business » pour se recentrer sur la construction d’un vrai secteur industriel (chaînon manquant de nos économies) afin d’inonder le marché local et international de produits manufacturés « made in Africa ». Ce n’est que par ce canal que l’Afrique pourra véritablement faire face aux réels défis, à savoir : la création d’emplois pérennes, la réduction de la dépendance vis-à-vis de l’extérieur, la réduction du coût de la vie, l’amélioration des conditions de vie des ménages, etc.

Compte tenu de sa complexité, le développement du  secteur secondaire, requiert une forte implication de l’Etat qui doit créer toutes les conditions pour accompagner les entrepreneurs. Ainsi, la révolution industrielle africaine passera nécessairement par les étapes suivantes :

  • L’Acquisition du savoir et du savoir-faire: Développer des écoles spécialisées et refonder la formation de sorte à permettre aux jeunes apprenants de s’approprier les fondamentaux des sciences et de la technologie. Les pays développés regorgent de nombreuses personnes qui disposent d’un savoir-faire avéré dans divers domaines et qui sont aujourd’hui hors du système après avoir fait valoir leur droit à la retraite. Les Etats africains pourraient collaborer avec ces derniers en les recrutant comme formateurs afin qu’ils transmettent leur savoir-faire aux jeunes africains. L’objet de cette approche de collaboration « Etat à individus » est de contourner le schéma traditionnel de collaboration « Etat à Etat » (coopérants) qui, en raison d’enjeux stratégiques, a été nuisible aux pays africains au cours du dernier demi-siècle. 

  • S’inscrire résolument dans une logique de transfert de technologie Dans la réalisation des grands projets publics, les Etats africains ont généralement recours à des multinationales qui interviennent comme des prestataires de services, qui une fois le projet achevé, empochent leur dû et disparaissent. Il faudrait que désormais, les Etats africains mettent à profit ces projets structurants pour aider les PME nationales à devenir de véritables champions. Pour ce faire, les termes des contrats liant les Etats à ces sociétés étrangères doivent inclurent entre autre les closes suivantes: recruter des nationaux à des postes de direction,  travailler en partenariat avec des PME locales, s’engager à  transmettre le savoir-faire de manière transparente à l’acteur local etc.

  • Opter sans complexe pour un protectionnisme intelligent : pour protéger les PME locales face à la concurrence des multinationales, les Etats africains doivent courageusement opter pour un protectionnisme intelligent visant à leur accorder un accès privilégié au  marché national, notamment les contrats publics. De nombreux pays émergents d’Asie et d’Amérique latine régulièrement cités en exemple pour leur performance économique ont bâti leurs fondamentaux à partir d’un fort protectionnisme. La Corée du Sud par exemple, sous la houlette du Général Park qui régna de 1962 à 1979, a mis en place une politique de protectionnisme qui impose des barrières à l’entrée aux entreprises étrangères ; ce qui a permis d’accélérer le développement de petites entreprises locales (les chaebol). Aujourd’hui, on compte entre autres parmi ces sociétés, de grandes marques comme Hyundai, LG, Samsung, etc.

En définitive, au-delà de l’enthousiasme suscité par l’économie numérique, le développement d’un tissu industriel fort et durable doit être la priorité des pays africains au cours des années à venir. C’est uniquement à ce prix qu’elle pourra véritablement obtenir son indépendance économique. Cet objectif ne pourra être atteint, s’il n’est soutenu par un mécanisme de financement adéquat, et ce dans la mesure où il est envisagé dans un modèle pseudo-protectionniste. Un prochain article discutera des options de financement qui peuvent être développées dans cette configuration.

Lagassane Ouattara

Faire de l’éducation un levier de développement en Afrique

diplômés-africains-300x196Le discours sur l’éducation en Afrique est bien souvent sombre, empreint de soupirs face à un constat d’échec. Pourtant, une certaine perspective s’impose : l’école pour tous n’existe que depuis les indépendances, il y a seulement 50 ans en somme. Parler de crise inexorable de l’éducation en Afrique, éplucher les rapports alarmants des organisations internationales est à relativiser dans la mesure où la mutation vers un enseignement élargi est assez récente. Postindépendances, deux défis de taille émergèrent : accueillir sur les bancs de l’école non plus seulement les élites mais la masse et africaniser l’enseignement.

Or, atteindre ces objectifs signifiaient surmonter de nombreux obstacles. Pour beaucoup de pays, à l’exception notable du Bénin et de l’Ethiopie, le livre représentait un objet peu familier. En outre, offrir une éducation de masse impliquait et implique d’en avoir les moyens, problématique de taille pour de nombreux Etats. Cette difficulté est d’autant plus cruciale lorsque la démographie n’arrange guère les choses : avec plus de 50% de sa population en âge d’étudier, l’Afrique a davantage à mettre la main au portefeuille que l’Europe, qui ne compte que 15% de têtes blondes et d’étudiants. Enfin, les crises politiques connues par la majorité des Etats africains ont frappé en premier les structures institutionnelles éducatives. Le manque ou l’absence de moyens ont créé une jeunesse déscolarisée, tombant bien souvent alors dans l’escarcelle des milices en tous genres, à même de leur fournir un semblant de statut social.

Si ces problèmes ont peu ou prou été dépassés par une amélioration économique et géopolitique globale, des difficultés demeurent, handicapant de manière plus structurelle l’essor qualitatif de l’éducation en Afrique. De nombreux pays persistent à favoriser l’éducation des élites, afin de les transformer en ambassadeurs internationaux. Ambition noble mais inégalitaire et porteuse de cruelles pertes (« fuite des cerveaux ») pour le continent. De plus, la faiblesse des rémunérations des enseignants, pointée par de nombreux rapports, ne permet pas d’assurer un enseignement de qualité avec des professeurs devant jongler entre différents emplois pour joindre les deux bouts. Ce déficit qualitatif se retrouve également dans l’inadaptation des programmes scolaires qui affecte près de 31 pays, générant ainsi un gaspillage navrant comme au Burundi où 70% de l'argent est dépensé dans une éducation insatisfaisante[1]. En outre, tandis que le primaire devrait être le récipiendaire prioritaire des investissements par son rôle socle et inclusif, ainsi que par le taux de rendement d’éducation supérieur aux autres niveaux, il est celui dont le taux de croissance est le plus faible[2]. En Afrique Subsaharienne, près d’un enfant sur quatre en âge de fréquenter l’école primaire (23%) n’a jamais été scolarisé ou a quitté l’école sans terminer le cursus primaire.

Toutefois, quelques tendances positives sont à noter dans ce discours peu encourageant. Premièrement, même si l’écart entre l’éducation des filles et celle des garçons est fort (sur 30 millions d’enfants non scolarisés, 54% sont des filles), il se réduit progressivement mais à pas très lents, entravé par de nombreux obstacles combattus notamment par l’initiative « Parce que je suis une fille »[3]. Deuxièmement, les gouvernements africains, en prenant conscience du mouvement massif du continent vers les outils numériques (que l’on songe au boom du mobile banking sur le continent), ont commencé à intégrer l’enseignement des NTIC dans les programmes scolaires comme en Côte d’Ivoire ou au Sénégal. Troisièmement, toujours selon une meilleure compréhension des besoins de leur population, des Etats africains comme le Ghana (Loi COTVET de 2006) se mettent à promouvoir des enseignements techniques et professionnalisants, à même de répondre aux nécessités du marché de l’emploi, tant formel qu’informel[4]. Enfin, parce que l’Afrique est un ensemble non indifférencié, certains pays tirent leurs épingles du lot : si le taux d'alphabétisation des adultes en Afrique est parmi les plus faibles au monde, deux pays dépassent la barre des 50%, à savoir : le Cap-Vert (83%) et le Ghana (64%)[5].

Prendre acte de la nécessité de développer une offre éducative de qualité – et non pas tant seulement en quantité, comme nous y poussent à croire les OMD de manière partielle – et adaptée aux besoins permet de concilier au mieux éducation, développement et bien-être. En effet, de nombreuses études soulignent l’étroite corrélation entre éducation d’une part et croissance et santé d’autre part. Le rapport de l’UNESCO met en avant ces relations vertueuses : l’éducation est un moteur de croissance où, dans les pays à faibles revenus, une année supplémentaire d’éducation se traduit par un gain de revenu de près de 10% en moyenne[6]. Des gains sanitaires sont aussi présents car l’éducation permet de réduire significativement la mortalité infantile. Des femmes et des mères mieux éduquées et informées font des choix plus avisés sur leurs lieux de soin, d’accouchement et sur les vaccins. L'Unesco estime ainsi que si toutes les femmes des pays les plus pauvres achevaient au moins l’enseignement primaire, le taux de mortalité infantile reculerait de 15%. Cette corrélation se retrouve aussi pour l’épidémie du VIH Sida, l’éducation jouant un rôle clef pour enrayer la propagation[7].

Cet ensemble d’éléments amène à se demander comment l’Afrique peut poursuivre sa trajectoire de croissance tout en assurant un enseignement de qualité et de masse. S’inspirer de modèles adoptés par des pays en développement est une voie, comme nous y invitent certains spécialistes. L’idée d’un chèque éducation, ou « voucher », sur le modèle indien est une piste intéressante, permettant de renforcer la responsabilisation des établissements et des parents, en finançant directement les élèves et non les écoles[8]. De même, opter pour une sorte de « Bolsa Familia » sur le modèle brésilien permettrait de subventionner les produits de première nécessité des familles défavorisées envoyant leurs enfants à l'école.

Ces propositions démontrent in fine que l’accent mis sur l’éducation va de pair avec le développement économique. C’est toute la stratégie déployée par le Consensus de Pékin et assurée en Afrique par une offre très généreuse : le forum de coopération entre la Chine et l’Afrique de Pékin en novembre 2006 a vu de grandes promesses d’aide (renforcement de la formation de spécialistes africains dans différents secteurs, une assistance pour la mise en place de cent écoles, l’augmentation des bourses aux étudiants africains voulant étudier en Chine, et une offre de formation pour les responsables éducatifs et les directeurs des institutions éducatives majeures)[9]. Toutefois, lier étroitement éducation et croissance économique est à questionner. Si l’offre de la Chine est attrayante, l’examen de l’application de son propre modèle sur son territoire invite à s’interroger sur son adéquation pour l’Afrique. Est-ce l’éducation ou le développement économique qui est mis au service de l’autre ?[10] S’il ne s’agit pas de faire ou pas le procès du modèle chinois, il convient en revanche de s’interroger sur le modèle éducatif optimal pour l’Afrique. Ce questionnement, s’il est large et complexe, invite néanmoins à appeler de ses vœux un système africain, prenant en compte les spécificités nationales et panafricaines. L’intégration pleine et fière de l’enjeu agricole dans des formations prestigieuses et démocratiques est une piste, il y a en bien d’autres.

Pauline Deschryver


[2] En outre, le nombre d’enfants exclus de l’école y a augmenté, passant de 29 millions en 2008 à 31 millions en 2010.

 

[5] Etude « From closed books to open doors – West Africa's literacy challenge »

 

[6] Une étude par l’UNESCO menée dans 50 pays entre 1960 et 2000 a montré qu’une année supplémentaire d’éducation pouvait générer une augmentation du PNB jusqu’à 0,37% par an.

 

[7] Rapport mondial de suivi sur l’éducation 2011 ; seules 59% des mères ne disposant d’aucune éducation formelle dans 16 pays d’Afrique subsaharienne savaient que le préservatif est un moyen d’éviter la contamination.

 

[10] Dans son discours de 1978 lors de la Conférence nationale sur l’Education à Pékin, Deng Xiaoping prônait un système éducatif mis au service de l’économie.