C’est désormais officiel depuis le 14 avril: les performances économiques du géant de l’Afrique sont récompensées par l’entrée dans le groupe des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), illustrée par la participation du président Sud Africain Jacob Zuma au sommet annuel du groupe qui s’est tenu la semaine dernière à Sanya, en Chine.
L’acronyme du « club » des puissances émergentes se voit rajouter un S (pour South Africa), et espère ainsi élargir ses perspectives à l’ensemble du continent Africain. Alors que sa raison d’être est avant tout économique, le groupe des BRICS entend également prendre position sur la scène politique internationale et promouvoir une conception non-occidentale des affaires du monde (par exemple sur la crise en Libye, pour laquelle le groupe a adopté une position unique en rejetant « le recours à la force » et appelant à « une solution négociée »).
L’entrée de l’Afrique du Sud dans le groupe des puissances émergentes accentue considérablement cette nouvelle donne géopolitique, permettant de constituer un bloc qui représente 40% de la population mondiale et 18% du PIB de la planète. En effet, ce n’est pas simplement en raison de ses performances économiques que le pays a été admis au sein du groupe (l’Indonésie, le Mexique ou la Corée du Sud présentant des résultats comparables voire meilleurs). Un séminaire organisé en mars dernier à Pretoria par l’Institut Sud Africain des Affaires Internationales (SAIIA), dont le compte rendu est disponible sur (http://www.saiia.org.za/images/stories/research/safp/brics_seminar_report_march_2011.pdf), a analysé les raisons de cette adhésion et les perspectives qu’elle porte.
L’Afrique du Sud a ainsi promu sa candidature en se présentant comme « le portail de l’Afrique » et comme un partenaire hautement stratégique sur la scène régionale et internationale. Cette dimension continentale a joué un rôle déterminant dans son adhésion aux BRIC, sans doute davantage que les aspects économiques pour lesquels l’Afrique du Sud semble même être relativement en retard par rapport aux autres membres ou à des candidats potentiels: son économie reste en effet très dépendante de l’extraction minière et son taux de croissance est assez faible par rapport aux autres membres du groupe (3,5% contre 9,6% pour la Chine et 8,2% pour l’Inde en 2011), sans parler des graves problèmes de développement que connait le pays(en particulier à cause du SIDA).
Quelles peuvent être les retombées de cette adhésion pour les autres pays Africains ? Cela reste difficile a évaluer, notamment parce que les BRIC n’ont pas attendu l’intégration de l’Afrique du Sud pour s’implanter sur le continent. Une étude de la Banque de France s’est ainsi penchée sur les échanges commerciaux des pays de la zone Franc avec les BRICS, qui ont connu un décollage depuis 2002 (multiplication par sept en seulement six ans). Le rapport note toutefois le poids prépondérant de la Chine dans ces échanges, ainsi que le déséquilibre entre les deux ensembles, qui peut accroitre la vulnérabilité des pays Africains en cas de ralentissement des économies émergentes dont elles dépendent de plus en plus. http://www.banque-france.fr/fr/eurosys/telechar/zonefr/2009/Encadre_4_Echanges_commerciaux_de_la_ZF_avec_les_pays_emergents.pdf
La constitution du groupe des puissances émergentes peut instituer une concurrence bipolaire à l’échelle mondiale, avec d’un coté, les BRICS, qui enregistrent une croissance élevée entrainant une industrialisation et un développement rapide, et de l’autre, le groupe des pays anciennement industrialisés mais dont la croissance est faible et dont le poids dans l’économie et les affaires internationales n’est plus aussi prépondérant qu’au XXème siècle. Ce deuxième groupe, qui a pris le nom d’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), compte 34 pays membres et fête cette année ses cinquante ans d’existence. Signe que les choses évoluent, l’OCDE a présenté le 7 avril dernier son rapport annuel « Objectif Croissance » en y incluant, pour la première fois de son histoire, des évaluations et des recommandations sur les grandes économies émergentes (les BRICS plus l’Indonésie). Le résumé de ce rapport, est consultable sur le site de l’OCDE : http://www.oecd.org/dataoecd/56/37/47520272.pdf, de même que la partie dédiée aux priorités de réformes pour l’Afrique du Sud : http://www.oecd.org/dataoecd/4/1/47532799.pdf
Nacim K. Slimane