La mémoire du Togo et la plume de Kpelly

david_kpelly1906Au fil des pages de Pour que dorme Anselme me revenaient des vers de l’immense Césaire : « Que de sang dans ma mémoire ! Dans ma mémoire sont des lagunes. Elles sont couvertes de têtes de morts ». J’avais l’intime sensation que la mémoire togolaise me parlait et que le jeune – le très jeune – élève, Anselme Sinandaré, qui fut abattu par un corps habillé, à Dapaong, au Nord du Togo le 15 avril 2013, nous appelle à quelque chose, au moins à un témoignage !

David Kpelly, le Togolais de Bamako, a entendu cet appel, j’exagère à peine ! Il suffit de lire ses lettres Pour que dorme Anselme (le livre sort officiellement le 15 avril à Lomé) pour s’en convaincre. Douze lettres adressées au premier ministre togolais qui, à l’époque des faits, a promis une enquête qui ne se fera jamais comme toujours. L’Histoire togolaise est pleine malheureusement de ces drames et le politique togolais s’est fait depuis expert dans l’amnésie de la mémoire comme méthode pour endormir la masse.  Je cite Kpelly :

« Monsieur le Premier ministre, quand, en avril 2013, j’avais décidé de vous interpeller chaque mois pour vous rappeler votre promesse, je savais très bien que mes appels ne feraient rien, ne peuvent rien faire, pour changer votre quotidien. J’étais même presque totalement convaincu que vous ne lirez même pas une seule ligne d’aucune de ces lettres. Mais chaque mois je vous les ai adressées avec la même détermination, avec l’enthousiasme d’un émetteur regardant devant lui un récepteur bien identifié. Douze fois consécutives en onze mois, j’ai fait ce ridicule geste désespéré de parler à quelqu’un qui ne m’écoute pas »

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Qu’il a raison, David Kpelly !  Les partisans de l’amnésie de la mémoire n’écoutent jamais. Pour eux, le silence fera taire  les morts, l’Histoire. Sauf que, comme le prouve Kpelly dans ses lettres, Anselme et toutes les autres victimes togolaises, sont devenus des martyrs qui témoignent à travers la plume des vivants. Le politique togolais peut continuer à faire sourde oreille. Les écrits, petit à petit, font leur chemin et comme le dit l’universitaire Apedo-Amah cité par Huenumadji  Afan :

« Les esprits naïfs ne soupçonnent pas qu’une plume peut engendrer un monde… ».

À suivre !

Anas Atakora,

cet article est extrait de son blog La plume est une forêt