Algérie: le statu quo plutôt que l’alternance

bouteflikaMalgré un état de santé chancelant, le Président algérien, très affaibli, n’a pas hésité à se porter candidat à sa propre succession. L’élection présidentielle du 17 avril 2014, dépourvue de  tout suspense, paraissait comme une simple formalité car le candidat Abdelaziz Bouteflika était assuré de l’emporter.

Après la vague de printemps arabe dans le Maghreb, les législatives du 10 mai 2012 donnaient déjà un aperçu de la présidentielle d’avril 2014. Elles ont été remportées par le front de libération national (FLN), le parti présidentiel, qui garda le contrôle de l’assemblée nationale. Ce dernier, allié au rassemblement national démocratique (RND), a remporté 288 sièges sur 462, dont 220 pour le FLN.

Une importante part de la population algérienne, bien qu’indignée, est pourtant restée indifférente face à un mandat de plus pour M. Bouteflika. Les rassemblements et collectifs formés exclusivement pour dénoncer ce quatrième mandat ne mobilisèrent point le peuple algérien.

Il est important de signaler que ce qui était exigé par les opposants à la candidature du Président sortant, c’est l’alternance. Pourtant, le principal adversaire de M. Bouteflika, parmi les cinq autres, Ali Benflis, n’incarne pas la rupture avec le système, lui-même ayant été Premier Ministre du Président Bouteflika. Elire M. Benflis aurait été un changement de personne à la tête du pouvoir, mais certainement pas un changement de système.

La situation ayant poussé les populations tunisiennes et égyptiennes à se soulever contre leurs régimes est assez semblable à celle que vivent les Algériens : absence d’importantes réformes de la part de l’Etat, la montée du chômage des jeunes, l’accentuation de la pauvreté…Mais eu égard à ce qu’a connu le pays durant les années 1990, « les années de braise » selon Hamit Bozarslan, les algériens tiennent à la stabilité, d’où leur adhésion au régime de M. Bouteflika.

Nombreux parmi eux, bien qu’aspirant à une transition démocratique,  préfèrent Bouteflika au pouvoir, plutôt que de risquer voir leur pays s’embraser sous des manifestations qui pourraient se muer en émeutes. Face aux troubles sévissant dans les pays voisins en quête d’une transition politique,  les Algériens ont donc  préféré l’idée d’une stabilité à l’alternance.

Comme le dit Jacques Hubert-Rodier, « Une révolution est une émeute réussie. Une émeute est une révolution qui a échoué ». La frontière entre ces deux notions est facilement franchissable. L’Algérie estime avoir déjà eu son printemps arabe avec l’éviction du président Chadli Benjedid, par les généraux « janviéristes », à la suite des émeutes d’octobre 1988.

La passiveté des Algériens face à la vague de contestations dans le Maghreb (Egypte, Lybie, Tunisie), entamée en décembre 2010, les aurait ainsi contraints de se plier à la décision du président Bouteflika de se porter candidat pour un quatrième mandat.

La première raison de cette relative retenue tient évidemment au traumatisme de la guerre civile dans les années 1990, qui coûta la vie à plus de 100 000 personnes. Cette résignation pourrait s’expliquer par d’autres causes, plus profondes. Selon Abdallah Djaballah, ancien candidat à la présidentielle (1999 et 2004) et président du Front pour la justice et le développement (FJD), l’Algérie n’a pas connu le printemps arabe car elle « n’a pas fini de panser les blessures de son passé ». Les révolutions dans les pays voisins ont certes donné lieu à une transition politique, mais ont entrainé le désordre, une explosion de l’insécurité et des situations parfois moins meilleures que sous les régimes " autoritaires ".

 

Boubacar Haidara