Faut-il supprimer les subventions à l’énergie en Afrique ?

136120101L’une des recommandations phares du FMI aux pays africains pour assainir les finances publiques est l’abandon ou la réduction des subventions, notamment celle relatives à l’énergie – carburant et électricité. Ces subventions représentent une part assez considérable des budgets annuels des pays africains mais la question de l’approvisionnement en énergie demeure assez critique. Il y a donc raison à se poser des questions sur l'efficacité de ces subventions d’autant plus qu’elles semblent défavorables à l’investissement dans le secteur énergétique et ne profitent en fait qu’aux classes sociales les plus riches. 

D'un point de vue économique, une réforme semble importante mais demeure pour les pays africains une question difficile. De fait, ces subventions constituent un « bouclier social » contre les fluctuations des prix du marché de l’énergie. Il faudrait s’assurer que ces subventions soient pro-pauvres et en même temps facteur de développement du secteur énergétique. Tout un ensemble de travaux ont été menés sur la question. Au regard des résultats de ces travaux et en fonction des réalités socio-économiques africaines, est-il opportun de réviser les subventions à l’énergie en Afrique ? 

Pourquoi des subventions ?

Entre 2003 et 2012, le prix du pétrole a fortement évolué avec un pic de 0,8 USD le litre en 2008. Cette situation est devenue particulièrement contraignante aux pays africains, qui ont vu leur facture énergétique s’accroître à un rythme soutenu dans un contexte où les tensions sociales s’exacerbent. Les pays ne pouvant plus laisser les ménages les plus pauvres supporter les prix sans cesse croissant de l’énergie, ont du recourir aux subventions pour maintenir les prix à des niveaux relativement acceptables.  Des mécanismes ont donc été définis pour que les prix locaux ne soient pas directement indexés au prix international du pétrole.

En ce qui concerne le carburant, ces mécanismes ont induit entre 2008 et 2011, des pertes de recettes fiscales concomitamment à une augmentation des subventions, selon des estimations du FMI. Il estime à 1,6% du PIB en moyenne le coût fiscal de telles mesures pour l’Afrique subsaharienne. Selon les résultats d’une enquête du FMI, la pratique dans la plupart des pays africains consiste à offrir la subvention après que le prix au détail, directement indexé au prix du pétrole, soit déterminé.  

En Afrique, le secteur électrique est souvent sous le contrôle des autorités au travers de sociétés parapubliques, afin d’assurer l’approvisionnement à un prix non marchand. Ainsi, leur chiffre d’affaire est souvent moins important que ce qu’elles réaliseraient en offrant l’électricité au prix du marché. Or les compagnies font parfois face à des coûts supplémentaires imprévisibles et leur difficulté à dégager des marges de profit les empêchent d’entreprendre des investissements durables et considérables pour renforcer l’appareil productif.

Selon une étude de Eberhard et Shkaratan (2012), la capacité installée par personne en Afrique ne représente que 1/3 de celle de l’Asie du sud et 1/10 de celle de l’Amérique Latine. La consommation électrique par personne, quant à elle, vaut 10kWh par mois (Afrique du Sud et Afrique du nord exclus), à mettre en rapport avec les 100kWh dans les autres pays en développement. Dans un tel contexte, les subventions deviennent nécessaires tout au moins pour empêcher la faillite des sociétés. Le FMI estime en 2012 qu’en moyenne les subventions au secteur électrique représentent près de 0,4% du PIB des pays avec des situations assez hétéroclites : au Mali, par exemple, elles ont atteint 0,8%. De plus, ces compagnies accumulent des arriérés de paiement, qui selon le FMI représentent en moyenne 0,8% du PIB des pays ; et des dettes qui ont atteint en moyenne1,5% du PIB.

Face à ces pertes de ressources financières, on pourrait penser qu’il suffirait de laisser le marché réguler le prix de l’énergie afin que ces ressources soient allouées à des projets de développement. C’est d’ailleurs la principalement recommandation faite par les économistes du FMI. En effet, les pays feraient des économies sur les ressources mais auraient par ailleurs des rentrées fiscales sur le prix du carburant mais aussi sur les compagnies électriques. La principale raison servie par les pays est le fait que ces subventions constituent un amortisseur pour les plus pauvres qui ne pourraient certainement supporter les prix du marché.  

Les subventions sont-elles réellement pro-pauvres ?

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Source : Africa Pulse (2012) data base.

Une étude réalisée sur un panel de 9 pays à travers l’Afrique Subsaharienne indique que les ménages les plus pauvres ne consomment qu’en fait qu’une infime part de la production d’électricité. Les ménages les plus riches dépenseraient 20 fois plus que les ménages pauvres pour la consommation d’énergie. 

En réalité les zones urbaines où se concentrent les populations les plus riches, ont un meilleur accès aux ressources énergétiques. Par ailleurs, la différenciation entre les prix par niveau de consommation est insignifiante. Cette situation fait que les petits consommateurs ont la même grille de facturation que les riches et la subvention étant fait au kWh,  seuls les plus grands consommateurs bénéficient au mieux de ces mesures de protection sociale

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Tarif par niveau de consommation

Les subventions sont donc plus profitables aux riches qu’aux pauvres. Selon une étude de Coady (2010), en Afrique, les 20% de la population constitués des ménages les plus riches bénéficient de 45%  des subventions à l’énergie alors que les 20% de la population constituée des ménages les plus pauvres ne profitent que de 8% de ces fonds.

Dès lors, il s’avère nécessaire d’envisager la réduction, voire la suppression des subventions. Ces fonds ne semblent pas réellement être destinés aux plus pauvres mais plutôt aux plus riches. Par ailleurs, elles constituent une charge pour les Etats, qui ont tout intérêt à investir ces fonds dans des secteurs porteurs de croissance ou dans des projets à caractères sociaux.

Toutefois, si les ménages les plus riches peuvent supporter une mesure de suppression des subventions, il pourrait être difficile pour les ménages les plus pauvres de supporter les prix du marché. Dans un prochain article, nous analyserons les possibles impacts de l’augmentation du prix de l’énergie sur le bien-être économique des ménages en l’absence de subventions.

 

Foly Ananou

Eberhard, Anton and Maria Shkaratan, 2012, Powering Africa: Meeting the Financing and Reform Challenge. Energy Policy, vol. 42. IMF.

Coady, David, Robert Gillingham, Rolando Ossowski, J. Piotrowski, Shamsuddin Tareq, and

Justin Tyson, 2010. Petroleum Product Subsidies: Costly, inequitable, and Rising. IMF Staff Position Note.

 

Pour aller plus loin 

Une nouvelle politique du secteur de l’énergie pour l’Afrique

Energie en Afrique : lumières sur les défis du secteur et les opportunités

Focus sur l’électricité au Tchad

 A l’aube d’une relative période de paix et avec l’ambition affichée d’émerger à l’horizon 2025, le Tchad s’est doté d’un nouveau schéma directeur de l’énergie[i] pour atteindre ses objectifs. Cet article se propose de faire le point sur le secteur électrique dans le pays.


Il n y a pas lieu de s’attarder sur les chiffres, le Tchad à l’instar de la plupart des pays africains connait une crise énergétique majeure. Il est l’un des plus mal approvisionnés en électricité. Un petit rappel suffit à saisir l’ampleur du problème:

  • La consommation électrique représente seulement 0,5% de la consommation totale de l’énergie dans le pays
  • Plus de 90% de la consommation énergétique est issu de combustibles ligneux – bois et charbon de bois-  3% seulement de produits pétroliers
  • Le taux d’accès à l’électricité de la population tchadienne est de 4%. Il varie de 14% dans la capitale à 1% dans les provinces.
  • La capacité de production de la Société Nationale d’Electricité (SNE)- principal opérateur du secteur-  est inferieur à 200 MW
  • 53 MW disponible pour 349 000 MWh produit en 2010) essentiellement par des centrales thermiques à gazoil.
  • Le coût de ce dernier absorbe la quasi-totalité des recettes de la société.
  •  La capitale N’Djamena totalise 80% de la production électrique du pays mais le délestage est fréquent.
  • Seul le tiers de la ville est alimenté régulièrement.
  • Moins d’une dizaine de villes sont électrifiées et disposent de réseau de distribution.

 

TchadLa sécurité avant tout

Cette situation est le produit de plusieurs facteurs techniques, structurels, institutionnels, financiers qui plombent l’essor économique et social du pays. Juste après son indépendance acquit en 1960, le pays est rentré dans un cycle de violence et de conflit qui aura duré plus de trente ans. Le Tchad n’a connu une véritable période de paix que ces quatre dernières années. Les efforts ont été longtemps tournés vers la sécurité au détriment de tout développement d’infrastructures. La faiblesse institutionnelle liée à l’instabilité, la mauvaise gouvernance, la corruption sont autant de facteurs qui ont aggravé la situation énergétique du pays. Ces conditions n’ont pas favorisé les investissements public et privé et malgré la libéralisation du secteur en 1999, la SNE détient toujours le monopole dans le secteur électrique.

Une dépendance de l’extérieur jusqu’à en 2011 en matière d’hydrocarbures, un manque de savoir-faire et de maintenance des équipements, une performance médiocre de la société opératrice en matière de recouvrement des créances, des pertes commerciales dues aux branchements illégaux et à la vétusté du réseau ont conduit à faire de l’électricité au Tchad, l’une des plus chères au monde. Malgré une large subvention gouvernementale, le tarif moyen de vente du kWh par la SNE était par exemple de 145 FCFA en 2007 ; largement à perte car le coût de revient du kWh était estimé à 250 FCFA au même moment.

Nouveaux revenus

Exportateur de pétrole depuis octobre 2003, l’Etat a profité des nouveaux revenus (issus essentiellement des royalties versées par les compagnies opératrices et des taxes) pour développer les infrastructures notamment énergétiques. Il s’est doté d’un schéma directeur de l’énergie et entend mettre en œuvre un nouveau code de l’électricité. Ainsi plus de 150 milliards de FCFA ont été investi ces deux dernières années pour améliorer la production, le transport et la distribution de l’énergie électrique dans les principales villes du pays.

En juin 2011, une raffinerie a été mise en activité à Djarmaya situé à 50 km au Nord de la capitale. Elle a permis l’arrivée sur le marché intérieur des produits pétroliers locaux. Elle fournira également 20 MW à la SNE pour ravitailler les quartiers périphériques de la capitale. Une ligne haute tension vient d’être construite pour l’acheminement de l’électricité.

Production électrique non-raccordée au grand public

Il faut noter que la plus grande unité de production électrique au Tchad est une centrale de 120 MW installée au terminal pétrolier de Komé et propriété de la multinationale ESSO. Malgré cette puissance, elle n’est malheureusement pas raccordée au réseau public. A l’instar de ce qui s’est fait avec la raffinerie de Djarmaya, les autorités tchadiennes doivent négocier systématiquement avec les entreprises pétrolières par exemple une fourniture d’énergie aux régions de leurs installations. Cela peut rentrer dans le cadre de la responsabilité sociétale et environnementale RSE des entreprises qui n’y sont pas forcement hostiles quand elles se font accompagnées par l’Etat.   

Par ailleurs, on estime que la puissance totale des groupes diesel des auto-producteurs industriels est de l’ordre de 20 MW, sans compter les micros groupes électrogènes privés (de l’ordre de quelques kW chacun) pratiquement présentent dans chaque foyer à N’djaména et au-delà essentiellement pour des besoins d’éclairage et de petite consommation. Un potentiel énorme de consommation existe cependant pour peu que les infrastructures se mettent en place. Le renforcement des cadres institutionnel et réglementaire permettrait les investissements privés, l’organisation et l’émergence d’un véritable marché moderne de l’électricité et de l’énergie globalement.

Pas de réseau électrique national interconnecté

L’immensité du territoire national (1284 000 km², 2000 Km du sud au nord et 1000 km d’est en ouest), conjuguée à la faible densité de population contribuent à priviligier des réseaux locaux isolés. Le pays de par sa position géographique possède un grand potentiel d’énergie renouvelable : Un très bon gisement solaire sur l’ensemble du territoire, un bon gisement éolien au Nord et un bon gisement de biomasse dans le sud. Bien que le coût des énergies renouvelables demeure encore élevé par  rapport à l’énergie fossile (au moins sur du court terme) dans certains pays, dans le contexte Tchadien avec une électricité déjà chère, le mix électrique est une solution à la crise Tchadienne.


[i] Les données citées dans cet article sont essentiellement tirées du Schéma directeur de l’énergie, FICHTNER 2012

 

 

 

Quelle est la portée réelle de l’initiative « power Africa »?

Lors de sa tournée africaine de Juin 2013, le président Obama a annoncé une initiative pour améliorer l’accès à l’électricité en Afrique. Cette initiative dénommée « Power Africa » vise à promouvoir les investissements dans le secteur électrique en Afrique subsaharienne afin d’y doubler le taux d’accès à l’électricité à l’horizon 2018. En tenant compte de la démographie galopante dans cette région du monde (2,5% par an) et du taux actuel d’accès à l’électricité qui est d’environ 34% [1], atteindre cet objectif nécessite un effort considérable et des investissements colossaux.


Obama Power AFricaPower Africa se focalise, dans un premier temps, sur 6 pays (Ethiopie, Ghana, Kenya, Liberia, Nigeria et Tanzanie), réunit aussi bien des partenaires publics (gouvernement de ces états) que privés et vise à accroitre la puissance électrique installée de 10 000 MW (à titre de comparaison, la puissance installée au Tchad est de l’ordre de 300 MW). Plus de 7 milliards de dollars US seront mobilisés à travers plusieurs organismes gouvernementaux américains tels que l’USAID[1](285 millions), le MCC[2] (1 milliard), Ex-Im Bank[3] (5 milliards), l’USTDA[4] et l’OPIC[5] notamment [2]. Ces fonds serviront à fournir une assistance technique pour la préparation de projets, les études de faisabilité, le développement de mini-réseaux électriques et les systèmes hors réseau. Ces fonds permettront aussi d’aider les gouvernements des pays concernés à mettre en œuvre des réglementations et d'autres réformes nécessaires pour attirer les investissements privés dans le secteur électrique. Enfin ils permettront surtout de minimiser les risques en servant de garanties pour les investissements effectués dans le domaine.

Power Africa met aussi le secteur privé à contribution. General Electric (GE) s’est ainsi engagé  à produire 5 000 MW d’électricité fiable et bon marché dans les 5 années à venir. Le fonds d’investissement panafricain Heirs Holdings promet d’investir 2,5 milliards de dollars dans la mise à disposition d’environ 2 000 MW de capacités électriques. Des entreprises telles que Husk Power Systems, Harith General Partners et Aldwych International interviendront dans la mobilisation de ressources et la promotion d’installations basées sur les énergies renouvelables (biomasse en Tanzanie, éolien au Kenya). Des projets déjà présentés à la BAD pourront être financés grâce à cette initiative (Lake Turkana Wind, projet de 300 MW au Kenya).

En définitive, Power Africa est une initiative qui permet de mettre en lumière le problème de l’accès à l’électricité en Afrique subsaharienne en essayant d’y apporter une réponse concrète. L’initiative est bonne. Quelques insuffisances sont à relever toutefois.

Une des insuffisances majeures de Power Africa réside dans le choix des pays qui pourront en bénéficier. Atteindre l’objectif de doubler le taux d’accès à l’électricité en se focalisant uniquement sur 6 pays parait assez difficile. En plus du fait que mathématiquement cela est impossible (la population totale de ces pays ne représente qu’environ 37% de la population africaine), le déséquilibre qui serait engendré sera trop important pour être viable. Il aurait été plus utile de se focaliser sur les projets à vocation sous régionale tels que les interconnexions entre les pays. En plus de la BAD, aider au développement d’organismes sous régionaux comme le SAPP, le WAPP (faciliterait l’identification des projets prioritaires et leur mise en exécution. Cette sélection de pays (tous anglophones par ailleurs), dont les critères sont ignorés, semble plus relever de la géostratégie et de la défense de pré-carré que de la volonté de développer le secteur électrique africain.

Pour arriver à atteindre l’objectif de doubler le taux d’accès à l’électricité, Power Africa recommande que les nouvelles capacités installées s’appuient sur les récentes découvertes de gaz, les ressources hydrauliques et les énergies renouvelables (géothermique, solaire et éolien). Le manque de hiérarchisation des priorités dans les sources d’énergie recensées constitue une des insuffisances majeures de cette initiative. Comme il a été rappelé à maintes reprises sur TW, il serait utile que le continent se focalise dans un premier temps sur le développement d'infrastructures hydrauliques et solaires afin de pallier le manque d’électricité dont souffre une très grande partie de sa population (près de 85% en milieu rural).

Le budget mobilisé dans le cadre de cette initiative est élevé. Cependant il est important de mettre en regard les chiffres avancés par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) sur le sujet. Cet organisme international a évalué à 300 milliards les investissements à réaliser pour que tous les habitants du continent africain aient accès à l’électricité à l’horizon 2030 [2]. Face à ce chiffre, les 7 milliards avancés, qui sont certes importants, ne paraissent pas à la hauteur de l’enjeu. Une action concertée avec d’autres pays développés aurait sûrement permis de mobiliser plus de fonds vue l’influence des Etats-Unis sur la scène internationale.

Il est louable que le secteur privé soit invité à participer activement à cette initiative. Ce secteur demeure le vecteur de croissance par excellence, notamment dans le domaine électrique. Néanmoins, il est important de relever que sur un plan de 10 000 MW de capacités additionnelles à créer, la moitié est d’ores et déjà attribuée à General Electric (GE). Cela donne l’impression que pour bénéficier de ces fonds, il n’est point besoin de faire un appel d’offre, confier tout projet à GE suffit visiblement. Cette initiative, de ce point de vue, s’apparente à une garantie, par le gouvernement américain, des investissements des entreprises américaines présentes dans le secteur en Afrique, et plus particulièrement à General Electric.

Améliorer l’accès à l’électricité en Afrique subsaharienne nécessite un accroissement des capacités de production mais aussi une amélioration des infrastructures de transport, une plus grande rationalisation de la distribution, une sécurisation de l’approvisionnement en combustible et une maintenance accrue de l’ensemble des installations. En dépit du fait que Power Africa ne semble se focaliser que sur le premier point et malgré les remarques exposées précédemment, l’initiative a le mérite d’exister et d’apporter une lueur d’espoir aux populations. Ceci étant, il est important de rappeler que seuls les gouvernements africains ont la capacité d’impulser un mouvement salutaire pour le secteur. Ils doivent en prendre davantage conscience.

 

Mis à jour le 04/08/2013


[1] World Energy Outlook 2010, AIE

 

 

 

 

[2] http://www.whitehouse.gov/the-press-office/2013/06/30/fact-sheet-power-africa

[3] Brochure Power Africa Initiative, document BAD

[1] USAID : U.S. Agency for International Development

[2] MCC : Millennium Challenge Corporation

[3] Ex-Im Bank : U.S. Export-Import Bank

[4] USTDA : U.S. Trade and Development Agency

[5] OPIC : Overseas Private Investment Corporation

 

 

 

 

Entretien avec Louis Boisgibault, Président de VALMERE

M. Boisgibault, pourriez-vous nous présenter votre parcours et expliquer pourquoi vous vous intéressez à l’Afrique?

BoisgibaultJe suis diplômé d’un Master de Sciences de Gestion de l’Université Paris Dauphine avant d’effectuer le MBA de HEC avec un programme d’échange à la Wharton School de l’Université de Pennsylvanie. Je suis du reste membre du Wharton club of Africa, responsable du secteur énergie et de la France.

J’ai fait ma carrière dans le secteur de l’énergie à la fois du coté bancaire, chez EDF et GDF-Suez à Londres. Convaincu par le développement des énergies renouvelables, j’ai créé, d’une part, la société VALMERE quand je suis revenu en France et, d’autre part, j’ai commencé les enseignements en énergies renouvelables et efficacité énergétique au Master Energie Finance Carbone de Paris Dauphine, à Supelec, l’Ensta Paris-Tech et l’Ecole Polytechnique (Master REST) et au certificat énergie d'HEC.

J’ai rapidement compris qu’il y avait un énorme potentiel pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique en Afrique et qu’il fallait se préparer à développer cette filière sur ce continent également.

Quels est selon vous ce potentiel en énergies renouvelables?

D’une part, géographiquement l’Afrique dispose des conditions favorables. Au niveau des cours d’eau déjà. Des grandes infrastructures en sont sorties tels que le barrage d’Assouan. Un potentiel hydraulique à ne pas oublier. Il y a également le vent, avec les alizés qui soufflent constamment sur les côtes marocaines, par exemple, et le soleil qui est disponible partout. Ces richesses peuvent être exploitées dans la mesure du possible pour compléter les énergies traditionnelles.

D’autre part le constat est relativement simple. On observe une population qui augmente de manière importante et un problème d’accès à l’énergie récurrent. Les statistiques de la banque mondiale notamment montrent clairement que l’Afrique est le continent où la population a le moins d’accès à l’énergie. Il faut noter que le délestage qui engendre la colère des populations peut être un enjeu politique majeur comme lors des dernières élections présidentielles au Sénégal.

Certains pays ont des ressources pétrolières et gazières importantes mais elles sont jusque là entourées d’une sorte de “malédiction“ et n’ont pas assez profité à la population.

Energie Solaire FukushimaDans votre livre «l’énergie solaire après Fukushima: La nouvelle donne», vous défendez la thèse selon laquelle les énergies renouvelables sont une évidence et qu’elles finiront par s’imposer?

Je défends cette thèse, notamment pour l’Afrique mais elles ne vont pas remplacer les autres sources classiques. Elles viennent en complément et devraient progressivement se développer pour prendre une place prépondérante. Un enjeu important pour l’Afrique est lié aux équipements. L’Afrique ne produit pas encore suffisamment de panneaux solaires, d’éoliennes, de turbines, d'onduleurs…L’enjeu est de les acheter (à la Chine, à l’Union Européenne) et d'organiser la logistique, le stockage, la construction dans les meilleures conditions possibles.

Le coût d’investissement des projets d’énergies renouvelables est considéré comme important et les sources de financement sont rares. Ne pensez vous pas ce sont des freins à cette évidence?

Le coût d’investissement est certes important mais je tiens à dire que pour construire une centrale thermique au fioul ou une plate-forme pétrolière par exemple, le coût est aussi élevé. C’est donc un problème récurrent pour tous les projets énergétiques. L’avantage dans le cas des énergies renouvelables est qu’on peut développer des micro projets moins onéreux tout comme de très grands projets tels qu’à Ouarzazate au Maroc. Lorsqu’il n’y a pas de réseau de distribution d’électricité, des micro projets peuvent fournir l’électricité aux villages qui ne sont pas connectés.

La recherche de financement est bien sur déterminante, à la fois en capital et en dette. Dans l’union européenne par exemple, les pouvoirs publics ont mis en place des politiques de soutien avec des tarifs de rachat avantageux qui permettent de vendre l’électricité produite à un tarif bonifié garanti pendant 20 ans. C’est un mécanisme pour lever des fonds et financer des projets par de la dette à 80%. En Roumanie, un système de certificat vert est mis en place pour les producteurs d’énergies vertes. Le meilleur cadre réglementaire doit être mis en place dans les pays d'Afrique.

Je précise que le Président de la Société Africaine pour les Biocarburants et les Energies Renouvelables (SABER, ABREC en anglais), basée à Lomé, a apprécié mon ouvrage qui a été présenté à l'African Power Forum en septembre 2012 à Marrakech. Il vient de passer une commande à l'éditeur pour diffuser cent exemplaires en Afrique de l'Ouest. VALMERE se positionne pour aider SABER à réussir sa levée de fonds de plusieurs centaines de millions d'euros et ses investissements dans des projets innovants africains. On prévoit des actions de communication autour de l'ouvrage pour inciter les entrepreneurs africains à signaler leurs projets.

Quelle évaluation faites-vous des pays qui ont lancé des grands projets d’énergies renouvelables? Faut t il attendre un retour d’expérience suffisant avant de généraliser?

Il faut s’y lancer tout de suite mais prudemment. Les pays n’ont pas les mêmes réserves en pétrole et en gaz et par conséquent pas les mêmes stratégies. Je prends l’exemple de l'Algérie et du Maroc, de la Côte d’Ivoire et du Togo, les premiers riches en hydrocarbures, pas les seconds. On peut bénéficier des expériences d’autres pays mais on ne doit pas simplement copier le modèle mais l'adapter : petits projets tels que les lampadaires solaires,  photovoltaïque pour villages isolés et plus grands projets.

Qu’en est-il maintenant de l’efficacité énergétique en Afrique?

Elle est peut être plus importante que la question des énergies renouvelables. Dans le cadre de mon enseignement, j’ai demandé cette année à deux étudiantes de faire un mémoire sur l’efficacité énergétique au Togo et je les ai mises en contact avec le ministère de l’énergie. On peut penser que l’efficacité énergétique ne concerne que les pays riches qui gaspillent beaucoup et se demander si c’est un sujet qui concerne l’Afrique. Nous avons constaté que le Togo avait démarré un programme d’efficacité énergétique assez intéressant notamment pour les éclairages publics à Lomé. Des réflexions sont faites pour améliorer la consommation d’énergie lors des cuissons. Je suis intervenu à Tétouan au Maroc sur la consommation des bâtiments publics et des éclairages publics. Une telle ville dépense plus d’un million d’€/an dans l’éclairage public, et la consommation électrique des stades de football pour les nocturnes peut être un enjeu.

Il faut réfléchir à la fois aux normes thermiques plus efficaces pour la construction, aux transports et à l’industrie.

Il ya un volet des gaz à effet de serre?

Les pays africains, dans le cadre du protocole de Kyoto pour l’atténuation du changement climatique, sont classés hors annexe 1 c’est-à-dire qu’ils n’ont pas d’objectif contraignant en matière de réduction des émissions des gaz à effet de serre. Cependant aux différentes conférences sur le climat, ils ont fait preuve de leurs grands intérêts pour ces discussions et pour trouver les meilleurs pratiques. Ils ont fait leurs communications nationales aux Nations Unies et ont montré des progrès très intéressants.

Enfin un volet formation?

La formation à tous les niveaux est importante pour développer les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique. Une formation continue pour les fonctionnaires, souvent formatés pétroles et nucléaires. Une formation adaptée pour les techniciens et les ingénieurs. Ma recommandation serait de les assurer dans le cadre des universités existantes et non de créer de nouveaux instituts déconnectés des dispositifs existants.

Je souhaite que tous vos lecteurs se mobilisent autour de ces sujets, en créant des groupes de travail, d'échanges. Je veux alimenter les réflexions par des publications pertinentes, des enseignements, des missions de conseil et développer les partenariats innovants euro-africains.

Énergie en Afrique : Lumière sur les défis du secteur et les opportunités

Cet article est la synthèse de la conférence sur l'énergie en Afrique organisée par Terangaweb-l’Afrique des idées en partenariat avec Global Career Company lors du forum Careers in Africa à Paris le 13 Avril 2013. Il s’agit des points-clés des interventions de messieurs Bernard Duhamel et Thierry Téné sur les défis et les opportunités du secteur énergétique en Afrique.

Un défi de taille aux réponses multiples

Prévisions de l'évolution de la demande énergétique dans le mondeAvec une croissance annuelle de la population de 2,5%, une croissance économique de l’ordre de 6%,  un taux d’urbanisation d’un point tous les deux ans (41% d'urbanisation actuellement, 60% en 2060), l’Afrique est dynamique sur tous les plans. Cela est associé à une industrialisation et à une augmentation du niveau de vie, et se traduit nécessairement par une demande énergétique de plus en plus forte.

Il se trouve heureusement que l’Afrique dispose des sources d’énergie nécessaires pour y répondre : pétrole, charbon, gaz, nucléaire, géothermie, hydraulique, solaire, éolien et biomasse.

Actuellement le charbon et  le nucléaire sont surtout exploités en Afrique du Sud. L’essentiel de la production énergétique, sur le continent est d’origine fossile.

Les autres sources, à part l’hydroélectricité ne sont que très faiblement exploitées. Elles sont considérées comme chères et encore en phase de maturation technologique. Cela est vrai pour la technologie du solaire thermique à concentration (CSP) notamment, même si le coût du photovoltaïque est en baisse et que le continent dispose d’un gisement solaire très important.

La biomasse est elle aussi une bonne alternative lorsqu’on ne cible pas les cultures vivrières. Elle peut être utilisé dans des plateformes multifonctionnelles à l’échelle d’un village par exemple ou pour l’éclairage urbain.

Avec les cotes Atlantiques et de la Mer rouge, les couloirs du vent au Sahara sont une source importante d'énergie éolienne. Son industrie est mature et elle a atteint la parité avec les sources classiques en termes de coût d’exploitation. Toutefois le problème principal avec ces énergies alternatives est leur intermittence. Il faut un mix énergétique d'importants aménagements de façon à obtenir des réseaux performants et/ou interconnectés de façon à en moduler la production en fonction des fluctuations de la demande. La Géothermie quant à elle a un potentiel de 14GW notamment dans la vallée de rift.

Energy Demand Africa

Evolution de la demande énergétique en afrique d'ici 2040 (Exxon Mobile). Le Btu (British thermal unit) est une unité de mesure. La consommation énergétique d'un ménage nord-américainmoyen s'élève à 400.000 BTU par jour. Un quadrillion correspond à 1000 milliards.

Une crise de production ?

Le grand constat est le faible taux d’exploitation du potentiel hydroélectrique alors qu’il y a d’énormes gisements pour tout type de structure (grands barrages, moyens, mini…). La crise n’est pas uniquement celle de la production. Même lorsque les installations existent, elles sont inefficacement exploitées. L’exemple des grands barrages d’INGA (RDC) – potentiel de 40GW capable d’alimenter toute la sous-région mais dont la moitié des turbines est en panne, résume l’ampleur du problème. L’absence de maintenance des infrastructures existantes est un facteur important. Une crise en amont donc.

Se pose également la question des ressources humaines et du manque de compétences spécifiques à ce secteur. Et cela se vérifie à tous les niveaux: ingénieurs, techniciens, cadres, juristes…

Si la consommation électrique actuelle par tête d’habitant est très basse (à peine 150 KWh/ pers/an dans les pays sahéliens et moins de 1000 KWh/ pers/an), on peut s’interroger sur la capacité d’absorption : Est-elle liée au faible développement économique, ou à une production défaillante (pour des équivalences en termes de consommation électrique "ordinaire" de termes tels que kilowatt, gigawatt, etc. se reporter à cette fiche)

Il se trouve aussi que la demande en énergie est importante dans les régions densément peuplées (Afrique de l’est, Egypte). Ainsi, le développement énergétique en Afrique doit être pensé dans le cadre de programme de développement "intégrés". On ne peut pas uniquement se focaliser sur la production. L’expérience du Rwanda dans l’extension du réseau, en s’assurant de l’implication effective de l’ensemble des acteurs (gouvernement, des agences de développement, acteurs locaux, citoyens…) est une réussite.

Cesser les subventions…développer des alternatives

L’énergie coûte très cher et l’électricité particulièrement est inaccessible à une grande partie de la population pauvre. Elle est aussi curieusement trop subventionnée. Les subventions de l’énergie fossile coûte plus de 400 milliards de $ par an. En 2008 lorsque le baril du pétrole à atteint 147 $, elles étaient de 600 milliards $. Ces subventions faussent les calculs économiques et la rentabilité des investissements. Elles sont un facteur freinant le développement de l’énergie contrairement à la croyance populaire qui voudrait qu'une baisse des prix soit indispensable à l'amélioration de l'accès à l'énergie en Afrique. L’expérience montre que les consommateurs sont plus sensibles à un approvisionnement régulier qu’à un tarif bas. Cela relativise-t-il la cherté des énergies alternatives ?

Electricity generation

On ne pourra pas construire rapidement les infrastructures nécessaires à l’interconnexion des réseaux avec un prix de baril de pétrole très élevé pour pouvoir répondre à l’exigence de la demande énergétique. L’augmentation du prix du baril de pétrole entraine la compétitivité des énergies alternatives. Il faut agir pour les exploiter au maximum et localement si possible. 1 MW d’hydroélectricité coûte 1 à 3 millions de $ selon les régions du continent. Ces alternatives sont in fine plus rentables que les énergies fossiles maintenues sous la perfusion des subventions.

Quels plans ?

Les subventions annuelles de l’énergie fossile représentent le coût global pour assurer l’indépendance énergétique en Afrique dans les 20 prochaines années. La mobilisation des ressources passe d’abord par un assainissement du cadre réglementaire et un renforcement des capacités. Certains pays ont des plans de développement énergétique. Ces stratégies ne sont pas encore approfondies pour être efficace. C’est au niveau sous régionale qu’il ya un manque de coordination. Pourtant à cause des ressources souvent communes notamment pour l’hydroélectricité il est nécessaire de s’entendre sur des réglementations communes. C’est la garantie pour mobiliser les investissements privés ou développer des partenariats publics privés PPP. La mise en place des portefeuilles-projets à l’exemple du Maroc pour les énergies renouvelables offre une visibilité et une attractivité aux investisseurs.

Il faut avoir une vision globale et mettre le point sur la formation. Former toutes les compétences nécessaires à la réalisation mais aussi au suivi des projets structurants que  de lancer des grands projets entièrement réalisés de l’extérieur et qui échouent fatalement faute de cette prise en compte.

Et pour finir….RSE, fraude et efficacité énergétique

Pour lutter contre la fraude et répondre à la demande, une entreprise énergétique au Brésil échange des bons de consommation électrique contre des déchets ramenés par les ménages qu’elle valorise par la suite. C’est un exemple de la RSE d’une entreprise énergétique.

Pourquoi regarder seulement la production ? Il ya d’énormes efforts à faire en efficacité énergétique. En agissant sur les matériaux de construction, en regardant la consommation des bâtiments publics par exemple on aperçoit le potentiel énorme dans l’amélioration de la consommation énergétique en Afrique.

 

 


Bernard Duhamel: Consultant Sécurité Energétique – Energies Renouvelables (UA, ACP) et Vice President de l’ADEA (Association pour le Développement de l’Energie en Afrique).  Thierry Téné: Co-fondateur de l'Institut Afrique RSE et Directeur de A2D Conseil

 

 

 

 

 

Sources (illustrations) : Exxon Mobil The Outlook for Energy: A View to 2040

IEA Energy Africa Statistics on the Web: http://www.iea.org/stats/index.asp

 

 

 

 

 

L’Afrique refuserait t’elle de s’auto-électrifier?

Pour ceux qui vivent actuellement sur l’axe Côte d’Ivoire-Ghana-Lomé-Bénin-Nigéria, il n’est plus nécessaire de rappeler la forte résilience développée par les populations à l’égard des délestages récurrents.

electricitéAvec une consommation en pleine croissance (au Bénin, la Société d’Énergie Électrique estime à 11 % l’évolution pour les années futures), le manque d’investissement dans le secteur de l’énergie accentué par les pertes en ligne lors de la distribution et du transport (de l’ordre de 18-30 %) sont les principales causes de l’état actuel du secteur de l’énergie électrique en Afrique Occidentale. Dans les zones rurales, le taux d’électrification est inférieur à 10 %, étant donné que les modèles économiques pour l’extension du réseau ne sont pas viables du fait de la faible valeur ajoutée économique et densité. Face à ce constat mitigé, plusieurs projets ont vu le jour, comme l’interconnexion ouest-africaine, ou le financement d’infrastructures thermiques dans plusieurs pays.

Ces initiatives sont louables, à l’exception près, qu’elles dépendent toutes ou pour la plupart de bailleurs de fonds internationaux en quête de placements rentables, dans une Afrique berceau des opportunités. Quel est donc le surplus socio-économique de ces contrats souvent négociés en Built-Operate-Transfer (BOT) sur le consommateur africain qui subira le coût de maintenance et d’approvisionnement en combustibles ? C’est pour répondre à cette double interrogation que je propose une analyse technico-stratégique sur la filière du photovoltaïque.

Avec un coût de production du Watt actuellement inférieur à $1 grâce au marché chinois (Suntech-Trina Solar- Yingli,etc…) qui contrôle environ 80 % du marché mondial, la filière du photovoltaïque est devenue aussi bien rentable qu’accessible. D’après l’ÉPIA qui est le syndicat européen des énergies renouvelables, le coût de revient se décompose entre : le coût des modules (50 %), le régulateur et convertisseur (10 %), les câblages et accessoires (10 %), l’installation et la main d’œuvre (30 %). En Afrique, le coût des modules tient compte du stockage, mais d’une façon générale, avec un coût d’installation et de main-d’œuvre largement inférieur que dans le monde compte tenu du coût de capital humain et du niveau de vie. (facteur 2 voire 3). La filière a ainsi une meilleure opportunité à saisir sur le continent, car avec le coût des modules qui est à la baisse, le coût de revient final est nettement inférieur à la tendance mondiale hors stockage. D’autre part, le développement de la filière peut être générateur de multiples emplois avec la mise en place de formations en alternance aussi bien pour les jeunes diplômés en quête de spécialisation que pour les jeunes non diplômés en quête d’une reconversion. En moyenne, le Watt installé revient environ à 2000 FCFA, comparé au thermique, environ 250 FCFA (source du Ministère de l’Énergie du Bénin) qui ne prend pas en compte le coût de la maintenance, des externalités environnementales, et surtout du combustible. D’un point de vue économique, le photovoltaïque s’aligne comme le nucléaire, avec un coût fixe (ou coût moyen) plus important, mais qui se récupère dans le temps compte tenu du coût marginal quasi nul à la différence du thermique dont le coût marginal, actuellement escompté, ne définit aucune trajectoire claire du coût des combustibles et des charges d’exploitation. Pour les pays non producteurs de pétrole, l’importation de produits pétroliers peut peser entre 3 et 15 % de leur PIB.

D’autre part, la bataille que se livrent l’Occident et l’Asie a entrainé une fonte des coûts de production comme énoncé ci-dessus. Afin de développer leur filière nationale, les pays du Nord ont mis en place les tarifs d’achat qui sont un tarif préférentiel et surestimé d’achat de l’énergie électrique photovoltaïque afin de soutenir leurs entreprises nationales exerçant dans la R&D et la production. Mais face à la rude concurrence chinoise et à la conjoncture économique, ces tarifs ont plus ou moins fondu entrainant un mal aise dans la filière. C’est ainsi que les USA ont instauré une taxe douanière de 30 % sur tous les modules chinois, et l’UE a récemment porté plainte auprès de l’OMC pour dumping. L’Afrique quant à elle, spectatrice n’a développé aucune politique favorable pour se tailler une place. À mon avis, un des problèmes de la sous-région est le manque de stratégie dans nos actions. Nous faisons très peu de nos faiblesses des atouts pour mieux nous adapter. En effet, l’Afrique ne fait pas partie des principaux producteurs et n’a donc aucun intérêt à intervenir dans cette guerre de géants commerciaux.  De plus, je pense que les tarifs d’achat sont inappropriés au contexte africain, car ils supposeraient de lourdement subventionner le coût de l’énergie solaire, sachant que bien de gouvernements ont déjà du mal avec l’énergie conventionnelle. En Afrique, le développement des énergies nouvelles devrait normalement supposer davantage l’intervention du secteur privé. Le rôle de l’État pour aider la filière serait d’exonérer par exemple pour une période donnée les importations pour aider à l’accroissement de l’électrification et la mise en place d’un secteur privé dynamique.

Les pays africains profiteront aisément de cette guerre de prix afin d’acheter des modules « bradés » pour satisfaire un besoin concret et développer une filière continentale. Pour les plus futés, à l’exemple du secteur pétrolifère, il serait même judicieux de faire des approvisionnements stratégiques pour les moments de pénuries afin de revendre les modules à un coût beaucoup plus élevé, synonyme d’une rente importante. Mais malheureusement, ce n’est pas le cas, car en prenant le cas du Bénin, l’importation de matériel photovoltaïque est soumise à des frais et taxes de l’ordre de 50 % de la valeur marchande et du transport. Ainsi, avec une filière qui est embryonnaire pour le moment, on étouffe tout espoir d’expansion. Le constant est plus alarmant quand nous savons que les groupes électrogènes, pollueurs et consommateurs de combustibles sont totalement exonérés.

Somme toute, l’objectif de cet article est d’apporter une autre vision sur le modèle de développement de l’énergie photovoltaïque en Afrique Subsaharienne qui est actuellement la région dont le secteur de l’électricité est le plus atteint. Au lieu de faire appel aux lourds financements internationaux dont les retombées s’observent très peu sur le consommateur final et sur le secteur privé local, il vaut mieux œuvrer à dynamiser nos propres structures souvent capables de lever aussi des capitaux importants, mais qui ne sont malheureusement pas toujours suivis par les gouvernements. Quand bien même le solaire ne pourra permettre d’électrifier toute la région, il serait judicieux de penser à un mix énergétique pour réduire notre dépendance vis-à-vis du thermique. Dans les prochains articles, je tâcherais d’apporter les arguments en faveur ainsi que les inconvénients au développement du photovoltaïque. Car après tout, l’énergie est à l’image de l’éducation : Pour garantir son avenir, il faut très tôt prendre les bonnes décisions et poser les fondations nécessaires.

 

 

Lancement de la nouvelle rubrique « Energie & Environnement »

L’Afrique n’est plus à un paradoxe près. Le cas de la Guinée Equatoriale[1] est l’un des plus connus : le revenu par tête y est parmi les plus élevés d’Afrique et – selon les critères pris en compte – du monde, alors même que 3/4 de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et que le taux de malnutrition atteint 40%. La manne pétrolière qui alimente cette richesse (78% du PIB) n’a permis ni réduction de la pauvreté, ni véritable création d’emplois (à peine 4% de la main d’œuvre est employée dans le secteur pétrolier).
 
 Energie Eolienne AfriqueSi la situation dans ce pays est certainement un cas extrême de corruption et de mauvaise gouvernance, la Guinée Equatoriale illustre assez bien, néanmoins, deux énigmes et défis du continent à l’heure actuelle : les carences du secteur énergétique en Afrique et l’insuffisante prise en compte des questions environnementales.
 
Il est habituel de traiter ces deux aspects comme étant séparés, sinon antagoniques. L’excuse toute trouvée est généralement une variante de « si l’humanité entière consommait autant d’énergie qu’un américain moyen, il faudrait ‘7 planètes Terre’, etc. » Il faudrait en quelque sorte choisir : ou la croissance de la consommation énergétique ou la protection de l’environnement.
 
Cette dichotomie est fausse, évidemment. La « terre entière » ne peut, ni ne veut être Las Vegas. Il n’est inscrit nulle part qu’il n’est de développement possible que sous la forme énergivore et parfois destructrice, adoptée dans bien des pays développés.
 
Mais ramenée au  cadre de l’Afrique contemporaine, ce choix imposé a de vagues intonations de chantage et de coercition.
 
Bon gré, mal gré l’Afrique devra accroître sa consommation énergétique pour répondre aux défis de la croissance économique et du développement. Tout comme elle en devra gérer les aspects environnementaux. Que des réponses soient apportées ou non à ces défis, l’Afrique devra répondre aux besoins énergétiques liés à sa croissance démographique et à son urbanisation. Elle aura, de la même façon, à développer des réponses innovantes quant à la gestion des déchets (urbains, industriels, médicaux, etc.) engendrés par celles-ci. Que les énergies renouvelables soient considérées ou non comme une priorité en Afrique, que l’idée d’une ceinture verte dans le Sahel soit concrétisée ou non, le fait est que le Sahara n’est pas près de disparaître.
 
On peut être asphyxié de plusieurs façons, par manque d’énergie ou parce que l’air est pollué. Opposer ainsi ces deux urgences (l’énergie et l’environnement) reviendrait à asphyxier l’Afrique : par manque d’imagination et de lucidité.
 
Depuis maintenant plus de deux ans, les analystes Terangaweb-l’Afrique des Idées contribuent à alimenter la réflexion sur les questions énergétiques et environnementales en Afrique, sous tous les angles. Qu’il s’agisse des besoins énergétiques du continent, de l’efficacité de la production[2] et de la consommation énergétique[3] ou  de l’état des infrastructures. Qu’il s’agisse des aspects économiques, politiques[4] ou même géopolitiques[5] de la question. Et cela en tachant de présenter la réalité et la complexité de la situation aussi clairement que possible. Nous avons également œuvré à présenter les réformes[6] en cours et proposé des solutions innovantes[7] et applicables[8] à cette problématique.
 
Ce faisant, nous avons aussi souvent que possible montré à quel point il serait vain de détacher le thème de l’énergie des autres problématiques du continent, et surtout de la question de l’environnement. Même si la déforestation, la pollution, la mise en danger de la faune et de la flore africaines et le changement climatique étaient reléguées au second rang des urgences en Afrique – ce n’est certainement pas la position de Terangaweb-l’Afrique des Idées[9] – le bon sens économique voudrait qu’au moins la question des énergies renouvelables soit abordée avec sérieux[10].
 
Energie et Environnement en AfriqueAujourd’hui, 13 Avril 2013 se tient à Paris un atelier-débat co-organisée par Terangaweb-l’Afrique des Idées et l’agence Global Careers sur le thème : "Energies en Afrique : lumières sur les défis du secteur et les opportunités de carrières" Ce sera l’occasion de présenter les réalités du secteur énergétique en Afrique, les défis qu’il pose et les opportunités qu'il ouvre. Cet évènement marque aussi la reconnaissance grandissante de l’intérêt que nous avons toujours porté à cette question et de l’expertise que nous avons sur ce thème.
 
C’est aussi avec beaucoup de plaisir que nous annonçons le lancement de la nouvelle rubrique « Energie & Environnement » de Terangaweb-l’Afrique des Idées.
 
Nous espérons ainsi consolider le travail réalisé jusqu’ici sur cette thématique et ouvrir de nouvelles pistes de réflexion pour un développement durable et inclusif en Afrique.
 
C’est une nouvelle aventure qui commence ! Nous espérons compter sur votre soutien !
 
 
Djamal Halawa, Véra Kempf, Stéphane Madou & Joël Té-Léssia
 
 
 
* Remerciements à Nacim K. Slimane et Amara Touré pour leurs contributions à la rédaction de ce document.
 


[1] Pour une présentation plus complète de la situation de ce pays, on pourra se reporter à cette étude détaillée de Jacques Leroueil http://terangaweb.com/zoom-sur-un-pays-guinee-equatoriale/
[3] Foly Anounou « La facture énergétique, un frein pour une bonne performance économique de l’Afrique ? » (À venir sur Terangaweb.com)
[5] Alioune Seck, L’Afrique: nouvelle « Arabie » des Etats Unis http://terangaweb.com/lafrique-nouvelle-arabie-des-etats-unis-2eme-partie/
[10] Nacim Kaid Slimane, L’avenir des énergies renouvelables se joue en Afrique http://terangaweb.com/lavenir-des-energies-renouvelables-se-joue-en-afrique/

Pour un nucléaire africain

Le développement de l’Afrique passe par la transformation sur le continent de ses matières premières. De cette problématique, se dégagent plusieurs sujets. Celui sur lequel nous nous focaliserons est le problème énergétique et plus particulièrement celui de l’électricité. En effet, l’électricité ou plutôt l’accès à une électricité bon marché et abondante, est une condition sine qua none du développement industriel. L’industrie étant très gourmande en énergie, un des critères essentiels pour l’implantation d’une unité industrielle est le coût et la disponibilité de l’électricité. Afin de mieux appréhender ce propos, il faut garder à l’esprit que pour une usine de production d’aluminium par électrolyse contenant 200 cuves (produisant 259 kt par an) il faut près de 300 MW, ce qui correspond à environ 20% de la puissance installée en Côte d’Ivoire. De plus les cuves des alumineries, les fours électriques et les laminoirs des fonderies ainsi qu’une très grande majorité des éléments constitutifs d’un process industriel nécessitent un fonctionnement quasi-continu. Les faibles puissances électriques installées, la mauvaise maintenance des équipements électriques, les délestages, et autres aléas de la production d’électricité en Afrique ne sont donc pas compatibles avec les exigences requises par le fonctionnement d’une industrie.

La production d’électricité abondante et bon marché en Afrique doit reposer sur les ressources énergétiques de l’Afrique. L’Afrique regorge de nombreuses sources d’énergie. Les technologies permettant de transformer ces sources en électricité lui font défaut, c’est donc à l’acquisition des compétences dans ces domaines techniques qu’il faut qu’elle s’attelle. Cette quête technologique doit avoir pour objectif la réalisation d’un mix énergétique en adéquation avec le développement humain et le développement industriel de l’Afrique. Ainsi, au-delà des ressources fossiles et des sources inépuisables d’énergie (renouvelables), il importe pour l’Afrique de réfléchir à la transformation de leurs immenses ressources d’uranium en électricité à travers une (ou des) centrale(s) électronucléaire(s).

Les avantages que présente cette technologie cadrent parfaitement avec l’objectif de production d’une énergie abondante, bon marché, propre et le développement de capacités industrielles en Afrique. En effet, à puissance installée équivalente, l’électricité produite par une centrale nucléaire est la moins chère (selon le rapport « Coûts de référence de la production électrique » de la DGEMP, France 2008). L’électricité produite par les centrales nucléaires est une énergie de base, c’est-à-dire qu’elle est produite constamment au niveau de puissance maximale. Elle ne dépend quasiment pas des aléas climatiques, contrairement aux énergies renouvelables. Au-delà du fait qu’il existe différents types, différentes technologies et différentes puissances de réacteurs nucléaires à travers le monde, pour mieux comprendre l’énorme potentiel énergétique que possède cette source d’énergie, il faut retenir qu’il faut 1 kilogramme de combustible nucléaire pour fournir la même puissance électrique que 6 tonnes de pétroles dans une centrale à cycle combiné . L’énergie y est donc très condensée. En moyenne, la majorité des 440 réacteurs en fonctionnement dans le monde a une puissance de l’ordre de 1000 MWe. L’EPR, en construction aujourd’hui aussi bien Chine, en France qu’en Finlande a quant à lui une puissance de l’ordre de 1500 MWe. C'est-à-dire qu’un seul EPR équivaut à toute la production électrique installée aujourd’hui en Côte d’Ivoire. Un réacteur nucléaire permettrait par conséquent d’avoir une énergie bon marché et en abondance.

Les avantages du nucléaire

L’électricité nucléaire est une électricité sans émission de gaz à effet de serre. Un réacteur nucléaire ne fait brûler aucun combustible fossile, il peut donc s’insérer dans le mix énergétique sans contribuer directement à l’augmentation des gaz à effet de serre. Ceci est un atout car la conscience collective aujourd’hui incite les entreprises à intégrer le développement durable et la préservation de l’écologie comme des variables importantes dans les choix d’investissement.

La construction d’une centrale nucléaire présente aussi l’avantage de favoriser le développement de l’industrie technologique en Afrique. Car elle fait appel à différents corps de métiers. De plus l’uranium nécessite plusieurs traitements depuis la mine jusqu’au réacteur (concentration du minerais – formation du « yellow cake » ; raffinage ; conversion ; enrichissement et fabrication du combustible) avant d’y être utilisé. C’est l’amont du cycle du combustible. De même l’aval du cycle renferme différentes opérations techniques en fonction du modèle choisi entre une filière ouverte c'est-à-dire sans recyclage du combustible et une filière fermée (avec recyclage).Toutes ces étapes du cycle du combustible nécessitent des compétences très qualifiées et des entreprises (grandes entreprises aussi bien que PME – PMI) dans les tous les domaines scientifiques et techniques. Ainsi, des pans entiers de l’économie (bâtiment ; entreprises de conception de machines-outils ; recherche scientifique et technique ; etc…) peuvent être boostés par la réalisation d’un tel chantier. En France par exemple, l’industrie nucléaire crée 125000 emplois directs. Cela ne peut être que bénéfique pour les Etats africains qui pourront occuper sainement leurs jeunesses, collecter plus d’impôts, favoriser la consommation et donc créer de la croissance économique.

Un autre avantage et non des moindres est la favorisation de l’intégration sous-régionale. La construction d’une centrale nucléaire régionale peut être une formidable aventure humaine et un puissant catalyseur de l’intégration. Elle permettra de créer une saine émulation dans les domaines scientifiques, techniques et économiques. Elle fédérera toute une région autour d’un projet de développement et permettra à l’Afrique de l’Ouest d’assurer son indépendance électrique. La collaboration avec des pays africains, en plus de ceux de l’occident, disposant déjà de la technologie nucléaire ou désireux de s’en doter accentuera une coopération Sud-Sud qui est salutaire.

Les risques du nucléaire

Ces différents avantages ne doivent pas entrainer une minimisation des risques engendrés par le développement de centrales nucléaires. La sûreté des installations doit être garantie par la compétence et la conscience professionnelle des ingénieurs, des techniciens, des autorités et des industriels. La gestion des déchets ultimes doit être envisagée avec le plus grand soin. Les différentes catastrophes nucléaires à travers le monde (Fukushima ; Tchernobyl ; TMI ; etc…) devraient nous permettre d’être plus attentifs aux aspects relatifs à la sûreté des installations au lieu de nous rendre plus frileux. Toute industrie a des risques induits, nul besoin de surestimer ou sous-estimer ceux relatifs au nucléaire. C’est seulement dans la réflexion, sans émotion et avec clairvoyance qu’il faut évaluer les avantages et les désavantages du nucléaire pour l’Afrique. C’est uniquement par l’audace que l’Afrique arrivera à se surpasser et à faire des réalisations à la dimension de ses potentialités.

Même si, in fine, du débat que nous espérons susciter autour de cette question, il ressort qu’il n’est pas opportun pour l’Afrique d’avoir des centrales électronucléaires, ne nous bridons pas dans la réflexion dès le départ. N’ayons pas peur…réfléchissons ! Osons réfléchir pour nous-mêmes et par nous-mêmes, c’est à ce prix que l’Afrique se développera.

 

Stéphane Madou

Une nouvelle politique du secteur de l’énergie pour l’Afrique

Avec un taux d’électrification de seulement 26%, le plus bas de toutes les régions du monde, l’Afrique pâtit d’un accès inadéquat aux services énergétiques. Pour la Banque Africaine de Développement (BAD), cette situation constitue un des principaux obstacles aux efforts de réduction de la pauvreté sur le continent.

Pour ce qui est de l’accessibilité aux services énergétiques, la BAD a identifié le coût des services et le revenu des ménages comme les deux facteurs déterminants. Concernant le premier facteur, il faut retenir qu’avec un Kwh estimé à 0,18 dollars, l’énergie en Afrique coûte deux à trois fois plus cher que la moyenne mondiale. Quant au revenu des populations, il reste en général faible et pour l’essentiel destiné à l’alimentation. Ces difficultés d’accès à l’électricité concerne aussi bien les villes où seule la moitié de la population a accès à l’électricité que le monde rural où ce ratio tombe à 8 %. De plus en plus, la récurrence des coupures irrite les populations. Il n’est donc pas rare que des émeutes surviennent dans certains pays particulièrement affectés ; les dernières en date ont eu lieu au Sénégal avec les violentes émeutes du 27 juin 2011.

Le problème énergétique en Afrique n’affecte pas seulement la vie domestique des populations : le manque d’accès à l’énergie pour un usage agricole, industriel ou commercial constitue également un frein majeur à la croissance économique et à la compétitivité de la région. Dans un rapport de 2009, la Banque Mondiale a estimé qu’avec plus de 30 pays qui connaissent des pannes d’électricité récurrentes, les coûts d’opportunité atteignent 2% de PIB. Quand on sait que ces chiffres ne tiennent compte que de l’économie formelle, on imagine un impact plus fort dans l’économie informelle avec par exemple les gérants de cyber-café et autres tailleurs dont l’activité cesse automatiquement à la moindre coupure d’électricité.

Si les tendances actuelles demeuraient inchangées, seule la moitié des pays africains réaliserait l’accès universel à l’électricité d’ici à 2050. Pour résoudre véritablement le problème, il faudra effectuer des investissements considérables. La BAD a travaillé sur un scenario d’accès universel à l’énergie électrique dans l’ensemble du continent à l’horizon 2030. La totalité des moyens nécessaires à la réalisation d’un tel scenario est estimé à 547 milliards de dollars, soit des besoins d’investissement annuel moyen de l’ordre de 23,8 milliards de dollars. Les besoins sont immenses et les risques de ces investissements considérables aussi bien pour les opérateurs privés que pour les Etats. 

La Banque Africaine de Développement vient donc de proposer une nouvelle Politique du Secteur de l’Energie dont le principal objectif est d’ « appuyer les pays africains dans leurs efforts visant à fournir à l’ensemble de leurs populations et aux secteurs productifs, l’accès à des infrastructures et à des services énergétiques modernes, fiables et à un coût abordable ». A cet effet, ont été définis 10 principes directeurs parmi lesquels une approche axée sur les pauvres, le renforcement de la gouvernance nationale, l’accroissement des flux financiers ou encore la responsabilité sociale et environnementale.

Il faut espérer que cette vision de la BAD soit partagée et surtout mise en œuvre par les Etats pour lesquels la question énergétique ne constitue pas seulement un problème économique mais aussi un enjeu de stabilité sociale et politique. Voici le lien vers l’intégralité du document de la Banque Africaine de Développement sur la nouvelle Politique du Secteur de l’Energie : http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Policy-Documents/Politique%20de%20l%27energie%20-pour%20consultation-30-06.pdf

Nicolas Simel

L’avenir des énergies renouvelables se joue en Afrique

« L’Afrique ne manque pas d’énergie, mais celle-ci est mal identifiée et mal distribuée ; l’interconnexion du réseau africain pour la création d’un marché intégré de l’énergie est un impératif économique» ». Ce constat dressé par Cheikh Anta Diop à Kinshasa en 1985 reste encore d’actualité, puisque l’on estime que près de la moitié des habitants du continent n’a toujours pas accès à un approvisionnement régulier en électricité. L’insuffisance et la vétusté des infrastructures en matière d’énergie, le manque d’investissements et la faible interconnexion du réseau aggravent le problème énergétique, qui est l’une des causes majeures du retard de développement qu’accuse l’Afrique.

Cette crise énergétique peut néanmoins constituer une opportunité pour le continent de mettre en place des solutions innovantes, se fiant ainsi à la sagesse chinoise qui identifie le concept de crise en accolant deux idéogrammes signifiant « danger » et « opportunité ». Les énergies renouvelables constituent une opportunité inestimable, dans la mesure où l’Afrique semble être une région prédisposée à en accueillir les différentes composantes pour rattraper son retard en matière d’infrastructures électriques

Le Monde Diplomatique consacre ce mois ci un reportage sur les grands projets hydrauliques en République Démocratique du Congo, intitulé Quand le Fleuve Congo illuminera le monde. Tristan Coloma y décrit l’extraordinaire potentiel des barrages d’Inga, qui reste largement sous exploité à cause du manque de financement et de la mauvaise gouvernance. Le site du monde diplomatique complète l’analyse de l’article par un dossier très synthétique illustrant le manque d’infrastructures dont souffre l’Afrique dans les principaux secteurs socio-économiques : http://blog.mondediplo.net/2011-02-11-L-Afrique-en-manque-d-infrastructures

Le potentiel hydrographique de l’Afrique est un atout de premier plan pour soutenir son développement. A l’instar du Haut Barrage d’Assouan sur le Nil, qui a joué un rôle majeur dans l’industrialisation et le développement économique de l’Egypte, ou du barrage des Trois Gorges en Chine, les grands fleuves d’Afrique subsaharienne doivent être mis en valeur à travers des projets dont les retombées socio-économiques seront immenses. Une étude allemande intéressante étudie les enjeux liés au développement de l’énergie hydraulique en Afrique, en montrant comment le potentiel de la RDC peut être élargis à l’Afrique australe et à l’ensemble du continent : http://www.suedwind-institut.de/downloads/Wasserkraft-Inga_franz.pdf

Si l’énergie hydraulique est la filière la plus évidente et la mieux maitrisable technologiquement, d’autres sources d’énergies renouvelables sont particulièrement prometteuses. L’énergie solaire, dont le Sahara recèle de possibilités uniques au monde, ou l’énergie éolienne, qui est particulièrement disponible en Afrique du Sud et au Maghreb, démontrent les potentiels différents, mais complémentaires, des autres régions du continent en matière d’énergie propre. A ces filières peuvent s’ajouter la géothermie, qui reste largement sous exploitée, ainsi que la biomasse, notamment en étant mis en place à grand échelle sous forme de cogénération. Une fiche publiée par le site dph dresse un état des lieux particulièrement clair et complet sur ces différentes filières : http://base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-7422.html

Enfin, il convient de souligner l’impact décisif que peuvent avoir les énergies renouvelables sur l’intégration régionale Africaine. Tout comme la construction européenne s’est fondée sur la mise en commun du charbon et de l’acier, l’Afrique doit bâtir un réseau énergétique à l’échelle continentale, avec des ramifications vers l’Europe et vers le Moyen Orient. A cet égard, le projet Desertec est particulièrement prometteur, et prévoie des investissements de plusieurs centaines de milliards de dollars sur les prochaines décennies pour constituer l’un des projets économiques les plus ambitieux de toute l’Histoire, et un mégaprojet dans le domaine du développement durable : http://www.developpementdurable.com/technologie/2009/06/A2038/projet-desertec-une-centrale-solaire-gigantesque-dans-le-desert-africain-pour-alimenter-leurope.html

Pour rappel, le quatrième salon international des énergies renouvelables et de l’environnement en Afrique, qui se tiendra à Dakar du 27 au 30 avril prochain, traitera pleinement de cette problématique et constitue un événement majeur dans le domaine à l’échelle du continent.

Nacim Kaid Slimane