L’une des recommandations phares du FMI aux pays africains pour assainir les finances publiques est l’abandon ou la réduction des subventions, notamment celle relatives à l’énergie – carburant et électricité. Ces subventions représentent une part assez considérable des budgets annuels des pays africains mais la question de l’approvisionnement en énergie demeure assez critique. Il y a donc raison à se poser des questions sur l'efficacité de ces subventions d’autant plus qu’elles semblent défavorables à l’investissement dans le secteur énergétique et ne profitent en fait qu’aux classes sociales les plus riches.
D'un point de vue économique, une réforme semble importante mais demeure pour les pays africains une question difficile. De fait, ces subventions constituent un « bouclier social » contre les fluctuations des prix du marché de l’énergie. Il faudrait s’assurer que ces subventions soient pro-pauvres et en même temps facteur de développement du secteur énergétique. Tout un ensemble de travaux ont été menés sur la question. Au regard des résultats de ces travaux et en fonction des réalités socio-économiques africaines, est-il opportun de réviser les subventions à l’énergie en Afrique ?
Pourquoi des subventions ?
Entre 2003 et 2012, le prix du pétrole a fortement évolué avec un pic de 0,8 USD le litre en 2008. Cette situation est devenue particulièrement contraignante aux pays africains, qui ont vu leur facture énergétique s’accroître à un rythme soutenu dans un contexte où les tensions sociales s’exacerbent. Les pays ne pouvant plus laisser les ménages les plus pauvres supporter les prix sans cesse croissant de l’énergie, ont du recourir aux subventions pour maintenir les prix à des niveaux relativement acceptables. Des mécanismes ont donc été définis pour que les prix locaux ne soient pas directement indexés au prix international du pétrole.
En ce qui concerne le carburant, ces mécanismes ont induit entre 2008 et 2011, des pertes de recettes fiscales concomitamment à une augmentation des subventions, selon des estimations du FMI. Il estime à 1,6% du PIB en moyenne le coût fiscal de telles mesures pour l’Afrique subsaharienne. Selon les résultats d’une enquête du FMI, la pratique dans la plupart des pays africains consiste à offrir la subvention après que le prix au détail, directement indexé au prix du pétrole, soit déterminé.
En Afrique, le secteur électrique est souvent sous le contrôle des autorités au travers de sociétés parapubliques, afin d’assurer l’approvisionnement à un prix non marchand. Ainsi, leur chiffre d’affaire est souvent moins important que ce qu’elles réaliseraient en offrant l’électricité au prix du marché. Or les compagnies font parfois face à des coûts supplémentaires imprévisibles et leur difficulté à dégager des marges de profit les empêchent d’entreprendre des investissements durables et considérables pour renforcer l’appareil productif.
Selon une étude de Eberhard et Shkaratan (2012), la capacité installée par personne en Afrique ne représente que 1/3 de celle de l’Asie du sud et 1/10 de celle de l’Amérique Latine. La consommation électrique par personne, quant à elle, vaut 10kWh par mois (Afrique du Sud et Afrique du nord exclus), à mettre en rapport avec les 100kWh dans les autres pays en développement. Dans un tel contexte, les subventions deviennent nécessaires tout au moins pour empêcher la faillite des sociétés. Le FMI estime en 2012 qu’en moyenne les subventions au secteur électrique représentent près de 0,4% du PIB des pays avec des situations assez hétéroclites : au Mali, par exemple, elles ont atteint 0,8%. De plus, ces compagnies accumulent des arriérés de paiement, qui selon le FMI représentent en moyenne 0,8% du PIB des pays ; et des dettes qui ont atteint en moyenne1,5% du PIB.
Face à ces pertes de ressources financières, on pourrait penser qu’il suffirait de laisser le marché réguler le prix de l’énergie afin que ces ressources soient allouées à des projets de développement. C’est d’ailleurs la principalement recommandation faite par les économistes du FMI. En effet, les pays feraient des économies sur les ressources mais auraient par ailleurs des rentrées fiscales sur le prix du carburant mais aussi sur les compagnies électriques. La principale raison servie par les pays est le fait que ces subventions constituent un amortisseur pour les plus pauvres qui ne pourraient certainement supporter les prix du marché.
Les subventions sont-elles réellement pro-pauvres ?
Une étude réalisée sur un panel de 9 pays à travers l’Afrique Subsaharienne indique que les ménages les plus pauvres ne consomment qu’en fait qu’une infime part de la production d’électricité. Les ménages les plus riches dépenseraient 20 fois plus que les ménages pauvres pour la consommation d’énergie.
En réalité les zones urbaines où se concentrent les populations les plus riches, ont un meilleur accès aux ressources énergétiques. Par ailleurs, la différenciation entre les prix par niveau de consommation est insignifiante. Cette situation fait que les petits consommateurs ont la même grille de facturation que les riches et la subvention étant fait au kWh, seuls les plus grands consommateurs bénéficient au mieux de ces mesures de protection sociale
Les subventions sont donc plus profitables aux riches qu’aux pauvres. Selon une étude de Coady (2010), en Afrique, les 20% de la population constitués des ménages les plus riches bénéficient de 45% des subventions à l’énergie alors que les 20% de la population constituée des ménages les plus pauvres ne profitent que de 8% de ces fonds.
Dès lors, il s’avère nécessaire d’envisager la réduction, voire la suppression des subventions. Ces fonds ne semblent pas réellement être destinés aux plus pauvres mais plutôt aux plus riches. Par ailleurs, elles constituent une charge pour les Etats, qui ont tout intérêt à investir ces fonds dans des secteurs porteurs de croissance ou dans des projets à caractères sociaux.
Toutefois, si les ménages les plus riches peuvent supporter une mesure de suppression des subventions, il pourrait être difficile pour les ménages les plus pauvres de supporter les prix du marché. Dans un prochain article, nous analyserons les possibles impacts de l’augmentation du prix de l’énergie sur le bien-être économique des ménages en l’absence de subventions.
Foly Ananou
Eberhard, Anton and Maria Shkaratan, 2012, Powering Africa: Meeting the Financing and Reform Challenge. Energy Policy, vol. 42. IMF.
Coady, David, Robert Gillingham, Rolando Ossowski, J. Piotrowski, Shamsuddin Tareq, and
Justin Tyson, 2010. Petroleum Product Subsidies: Costly, inequitable, and Rising. IMF Staff Position Note.
Pour aller plus loin
Une nouvelle politique du secteur de l’énergie pour l’Afrique
Energie en Afrique : lumières sur les défis du secteur et les opportunités