« Kinshasa Kids » de Marc-Henri Wajnberg

 
La prémisse de "Kinshasa Kids "est alléchante : "Kinshasa, Congo. Huit enfants des rues, considérés comme sorciers par leurs familles, montent un groupe de musique pour déjouer le sort et reprendre le contrôle de leurs vies. Aidés par Bebson, musicien allumé qui s’improvise manager, ils feront vibrer la ville!"
 

 

Qui n'a pas envie de voir des enfants maltraités par la société "reprendre le contrôle de leurs vies"? Avec en tête la success story de Rachel Mwanza, l'héroïne du film canadien Rebelle (2012), recrutée parmi les enfants des rues de Kinshasa, j'étais impatiente de voir de quelle façon ce sujet -difficile- serait traité. En réalité il ne l'est pas vraiment.

Ce film est une succession de petits moments dont on ne voit pas la logique. Entre fiction et documentaire on a l’impression que le réalisateur a posé sa caméra au milieu de la ville et l’a laissé tourner, ce que chacun d’entre nous est capable de faire. On se perd dans les rues de Kinshasa jonchées d’immondices, on découvre le Bebson apprenti-manager, apprenti-chanteur, apprenti-adulte aussi. Puis, le vieil handicapé qui distribue sa « poudre magique », puis Joséphine…Django…les policiers…et de temps en temps, pour nous rappeler qu’il y a quelqu’un derrière la caméra (si, si) on a cinq minutes d’une scène touchante mais pas le temps de s’attarder il faut aussi parler du commerce de Joséphine…vous ne voyez pas le lien ? C’est simple, il n’y en pas.

Ville gangrenée par l'insécurité et la corruption, des enfants livrés à eux-mêmes dans un monde où les adultes sont démissionnaires, la prostitution, la précarité, les enfants qui apprennent trop bien, trop vite et trop tôt à être leurs propres protecteurs….

Ce film traite de tout et de n'importe quoi. A vouloir évoquer tous les sujets, il n'en approfondit aucun. On est même tenté de voir à l'écran une joyeuse bande d'enfants qui, certes, vivent dans la misère mais une misère joyeuse (la misère est moins pénible au soleil, chantait l'autre) et tellement espiègle qu'on en oublierait que le sujet est grave. Plus de 20.000 enfants abandonnés hantent les rues de Kinshasa. La preuve, s'il en fallait, que lorsque les adultes lâchent la barre, ce sont les enfants qui coulent.

 

 

N'espérez pas sortir de ce film avec une connaissance plus approfondie du phénomène, n'espérez même pas en sortir avec de nouvelles connaissances tout simplement…ou plutôt si, vous apprendrez que même au fin fond de l'Afrique, les enfants connaissent et imitent Michaël Jackson, qu'ils ont des rêves (comme tous les enfants!), que Papa Wemba est une célébrité locale…ah vous saviez déjà? Dans ce cas épargnez-vous la peine d'aller voir Kinshasa Kids.

Allez voir Kinshasa Kids si vous avez envie de passer un bon moment…mais dans ce cas vous pouvez tout aussi bien aller voir un autre film, parce qu'en sortant de la salle, vous risquez de vous rappeler que vous y êtes allés parce que les problématiques liées à l'enfance, en général, et celle de l'enfance des rues, en particulier vous émeuvent. Vous risquez de questionner l'utilité de ce film, vous risquez même de culpabiliser parce que vous avez bien ri pendant 1h30, oubliant complètement à la fois le film et son objet. Mais rassurez-vous, justement, il n'a aucun objet ou il en a tellement que tout cela n'a plus aucun sens.


Note rédemptrice! Le film vaut pour les enfants: formidables, résilients et terriblement attachants, pour l'inénarrable Bebson et bien sûr la petite Rachel Mwanza. Pour découvrir cette petite et l'étendue de son talent, préférez le film "Rebelle"…

« Kinshasa Kids » de Marc-Henri Wajnberg est actuellement en salles.