
> L’idée de dévaluation compétitive en fait rêver plus d’un
La première question que soulève le remplacement du franc CFA par une monnaie unique africaine est celle du régime de change à adopter. On oublie souvent que le taux de change, prix d’une monnaie exprimé en devise étrangère (1 franc CFA= 0,15 centimes d’euro), n’est pas soit fixe soit flexible. Une myriade de régimes existe entre ces deux extrêmes : ancrage à un panier de monnaies, bande de fluctuation, parité fixe ajustable… Ainsi le Botswana est-il passé d’un système fixe lié au rand sud africain à un régime fixe ajustable adossé à un panier de monnaies dans lequel le rand tient une place prépondérante. Inutile de préciser que le pula botswanais n’est pas étranger à la vigoureuse santé économique du premier exportateur mondial de diamants. Le choix d’un bon système de change peut bouleverser la donne économique d’un pays. Concernant les pays de la zone franc, la création d’une monnaie africaine au change flexible –option la plus prisée des analystes- permettrait de démuseler la politique de change.

Ayant fait fi de la garantie du Trésor public français, la future Banque centrale africaine (BCA) devra faire ses preuves en terme de crédibilité. Dans l’univers des taux de change, ce sont les anticipations des agents qui font la réalité. Si les marchés croient la monnaie africaine fragile, elle le sera de fait. Un poids considérable pèsera sur les épaules de la future BCA. Elle devra donc être indépendante pour ne pas subir les velléités pour le moins irresponsables des chefs d’Etat africains. Cette indépendance ne devra cependant pas s’imposer au détriment de la responsabilité démocratique de l’institution. Il faudra qu’à échéances régulières, la future BCA rende compte de ses actions devant les Parlements nationaux.
> La définition des objectifs de la BCA suscitera d’âpres débats
Jusqu’à présent BCEAO et BEAC avaient pour seule mission de soutenir la parité entre le franc CFA et l’euro. Emancipée de cet objectif, la future BCA se verra attribuer de nouvelles missions. Leur définition suscitera, sans aucun doute, d’âpres débats opposant non seulement les spécialistes mais aussi les dirigeants politiques, voire les citoyens entre eux. Le mandat de la BCA visera-t-il la maîtrise de l’inflation, la réduction du chômage ou bien le contrôle du solde extérieur ? La séance est ouverte. Face à cette politique monétaire unique, une multitude de politiques budgétaires coexisteront. Une coordination de l’ensemble sera absolument indispensable. Le Pacte de convergence et de stabilité créé en 1999 pourra servir de point d’appui pour le renforcement de la coordination et des coopérations. Mais le désir de coopération ne suffira pas. Encore faudra-t-il une fois encore définir les missions des politiques budgétaires : stabilisation de l’activité, allocation des ressources, redistribution interrégionale…

L’idée de sortie du système CFA fait aujourd’hui école. Deux conceptions s’opposent néanmoins : la création par chaque Etat de sa propre monnaie et la voie panafricaine d’une monnaie unique. La première représente un risque de morcellement, voire de balkanisation monétaire. Chaque pays africain se retrouverait isolé sur la scène internationale. Cette voie est à éviter à tout prix car le système économique mondial est une monstrueuse machine à broyer les singletons mal armés. La voie panafricaine semble être à la fois la plus plausible et la plus raisonnable. Reste à savoir comment cette révolution s’enclenchera. Passera-t-on par la voie du référendum ou par la consultation des Parlements nationaux ? Nécessaire et inévitable, cette révolution aura lieu. Mais saura-t-on gérer la post-révolution ?
Tidiane Ly
1 Ce congrès s’est déroulé entre lé 2 et le 4 mars 2009 dans la capitale du Kenya
2 Ancien Conseiller Spécial du Président de la République du Sénégal et auteur de Repenser la zone franc
3 Franc CFA : le débat continue, d’Edouard Pépin Taguedong (2007)