A bientôt 45 ans, Karim Sy est le fondateur des espaces de coworking Jokkolabs et le représentant de l’éditeur de logiciels français Maarch. Nous l’avons rencontré en marge du Salon International des Professionnels de l’Economie Numérique (SIPEN), tenu à Dakar, à la mi décembre.
Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je suis né en France, en 1971. Ma mère est libanaise, elle a découvert l’Afrique avec mon père originaire du Mali. Ma famille descend du Royaume du Boundou et a été éclatée entre le Sénégal et le Mali puisqu’entre temps on a mis des frontières. J’ai grandi avec ce métissage là. La notion de blanc et de noir, je l’ai intégré, à 18 ans, quand j’étais au Canada. Sinon dans ma tête je ne concevais pas que les gens puissent faire des différences. Mon père a beaucoup insisté pour qu’on vienne en Afrique, qu’on ait des rapports avec la famille. J’ai fait des études en génie informatique à l’Ecole polytechnique de Montréal. Le premier projet dans lequel j’ai travaillé en Afrique, au Sénégal, consistait en l’installation de pompes à eau. Ça m’a beaucoup marqué, installer des pompes à eau dans des villages fait partie de mes plus belles expériences de vie.
Parlez-nous de Maarch dont vous êtes le représentant pour la région Afrique de l’Ouest
Maarch est un éditeur de logiciels open source, une plateforme technologique qui permet de gérer tout projet de dématérialisation et de gestion des flux documentaires. Ça peut être de la gestion de courriers, de la gestion de dossiers. On voit que dans une entreprise tous ces échanges sont gérés par des courriers entrant, des échanges internes sur des projets, des rapports etc. Nous on vient optimiser la gestion de tout ça. On permet de gérer toute l’information administrative dans l’entreprise. On a accompagné le ministère de la justice au Sénégal, le ministère de l’Economie et des Finances aussi, le cabinet d’avocat Tounkara, le cabinet Mazar, la direction des Douanes entre autres.
En France, on fait de même avec la Gendarmerie nationale, les préfectures, bon nombre de collectivités, le cabinet du Premier ministre, Numéricable dans le privé, par exemple. Aujourd’hui quand on parle d’archivage, on parle d’archivage à long terme. Si vous vous basez sur une entreprise et qu’elle ferme demain comment vous faites pour récupérer vos données ? Nous on gère avec une communauté. On a plus de dix mille personnes sur nos forums avec qui on interagit. On considère nos clients comme des partenaires. On a notre code source qui est en ligne dont tout le monde peut vérifier la fiabilité. C’est quand même pas commun de voir un éditeur qui met son logiciel en ligne, c’est une philosophie d’ensemble tendant à construire un bien commun.
Où en est Jokkolabs 5 ans après le lancement du concept ?
Quand on a lancé Jokkolabs l’inspiration était clairement du monde de l’open source. Une logique d’un monde qui partage, qui crée de la valeur en commun, qui n’est pas seulement dans la logique individuelle. Après Dakar des hubs Jokkolabs ont vu le jour ailleurs. Celui de Nanterre en France est d’ailleurs soutenu financièrement par Maarch. On est assez content de ce qu’on a fait en 5 ans. On est parti d’un pari sur le Sénégal, ce n’était pas évident. Souvent, on nous dit que l’Afrique ne peut pas avoir d’ambition mondiale. Aujourd’hui, on est assez fier d’avoir gagné 8 pays grâce au mérite de tous nos collaborateurs. Ce sont des gens qui se sont retrouvés dans les valeurs de Jokkolabs, une communauté d’entrepreneurs qui partagent des valeurs telles que l’ouverture de collaboration. On avait l’ambition de faire bouger les lignes, je pense qu’on l’a fait un peu. Aujourd’hui on parle de plus en plus de tech hub.
Au départ, on était les seuls. Ce qui nous fait le plus plaisir, c’est de voir des jeunes qui aujourd’hui n’attendent plus. Aujourd’hui on a 269.000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail au Sénégal avec en face une offre de 30.000 emplois soi-disant. Il nous faut changer d’approche. L’Afrique est un vrai gisement de créativité. Les challenges auxquels on fait face sont ceux du monde dans sa globalité : accès à l’énergie dans un monde en pleine transition énergétique, accès à l’eau potable, développement de l’agriculture pour nourrir la planète, 60% des terres arables sont en Afrique aujourd’hui et c’est le continent le moins fertilisé au monde. Donc on voit bien qu’il y a là des enjeux qui concernent toute la planète. Je pense que l’Afrique fait partie de la réponse. Il faut que la réponse aux enjeux planétaires soit aussi africaine pour qu’on soit au rendez-vous du donner et du recevoir comme disait Senghor.
Racine DEMBA