4 exemples de lutte réussie contre le paludisme

Le paludisme est une maladie qui touche plus de 220 millions de personnes par an et qui en tue environ 785 000, dont 90% en Afrique. Elle est l’une des causes principales de la mortalité infantile en Afrique subsaharienne et la deuxième maladie meurtrière du continent après le VIH/SIDA. Le paludisme n’est pas seulement un énorme problème de santé publique en Afrique, c’est aussi un obstacle au développement. En effet, on estime à 12 milliards de dollars par an, le coût imposé par la maladie en termes de baisse de la productivité potentielle. Selon les économistes, la présence du paludisme dans un pays africain entraîne une pénalité de croissance de 1.3%. Un cercle vicieux s’établit alors, le paludisme apparaissant comme une cause et une conséquence de la pauvreté.

Pendant longtemps, le paludisme a été une maladie relativement négligée. Mais depuis le milieu des années 2000, il existe une vraie mobilisation internationale et un investissement réel de certains gouvernements africains pour lutter contre le fléau. Des programmes ambitieux de lutte ont été mis en place et sont, en général, axés sur : la distribution massive de moustiquaires imprégnées longue durée ; la pulvérisation d’insecticides à l’intérieur des habitations ; le traitement préventif des femmes enceintes ; le traitement des sites où prolifèrent les moustiques ; l’accès à de nouveaux tests de diagnostic rapide, et à de nouvelles combinaisons de médicaments très efficaces à base d’artémisinine, un composé dérivé d’une plante chinoise.

De francs succès ont été enregistrés comme l’illustrent les 4 pays suivants.

Erythrée

En une décennie, l’Erythrée a réduit la mortalité due au paludisme de plus de 90% puisqu’elle est passée de 100 000 cas en 2000 à environ 8000 cas en 2008 ! Ce succès a été obtenu grâce à un engagement fort du gouvernement érythréen qui en plus d’avoir introduit des médicaments anti-paludisme plus efficaces, a traité les sites de prolifération des moustiques, facilité l’accès aux moustiquaires imprégnées et encouragé les populations à pulvériser les intérieurs pour tuer l’agent vecteur de la maladie.

Ethiopie

Comme l’Erythrée, l’Ethiopie a adopté une démarche intégrée de lutte contre le paludisme qui inclut les mêmes axes de lutte. En 2009, l’Ethiopie a lancé un Plan Stratégique National de Lutte contre le paludisme qui à la différence de l’Erythrée a placé en première priorité la responsabilisation et la mobilisation des communautés. Le but du programme était donc, en plus des axes courants de lutte, d’améliorer la compréhension et les compétences des populations en matière d’accès, de suivi et d’évaluation. Des données récentes montrent une réduction nette du nombre de malades du paludisme de même qu’une baisse de 60% de la mortalité chez les mères et de 20% chez les enfants.

Rwanda

La stratégie de lutte contre le paludisme au Rwanda se rapproche beaucoup de celle de l’Erythrée mais elle s’est construite en deux étapes lors de la dernière décennie. En 2005, le Rwanda constatant une résistance largement étendue aux médicaments alors utilisés (une combinaison d’amodiaquine et de sulfdoxine/priméthamine) se rallie à l’utilisation des thérapies à base d’artémisinine, en vogue sur le continent. Grâce à ce virage et aux importants efforts réalisés pour prévenir la maladie, le nombre de décès dus à la maladie déclina de 1.5 million en 2005 à 800 000 en 2008 et la mortalité infantile se réduisit de 32% durant la même période.

Mais ce sont les résultats en matière de prise de conscience et de comportement des populations qui sont les plus encourageants et les plus prometteurs. On note par exemple une augmentation de 40% du taux d’utilisation des moustiquaires imprégnées par les ménages entre 2005 et 2008. Dans la même période, l’accès aux soins de santé hospitaliers a crû de 16.8%. Le Rwanda dont la population toute entière courait jadis le risque du paludisme est aujourd’hui l’un des champions de la lutte contre la maladie.

Zambie

A l’image de l’Ethiopie, le Ministère Zambien de la Santé a adopté un plan de lutte contre le paludisme fait d’interventions spécifiques mais avec en arrière plan une amélioration générale du système de santé. Ce dernier point inclut notamment la décentralisation du planning et de la budgétisation et le renforcement du suivi et de l’évaluation des programmes de santé publique. Les résultats de cette approche ont été probants. 3,6 millions de moustiquaires imprégnées d’insecticides à effet longue durée ont été distribuées entre 2006 et 2008. La pulvérisation d’insecticides à l’intérieur des habitations a elle fait un bond en passant de 15 districts en 2006 à 36 en 2008. En seulement deux ans, le nombre de morts dues au paludisme a baissé de 47% et des réductions de plus de 50% ont été remarquées quant au nombre d’infections et de cas de sévère anémie chez les enfants.

Un document récent publié par la Banque Mondiale intitulé The Malaria Control Success Story (L’histoire du Succès de la lutte contre le Paludisme) renferme de plus amples détails sur les succès présentés ci-dessus. Dans les différents cas mentionnés, la clé du succès a résidé dans la combinaison d’une volonté manifeste du gouvernement à mettre fin à la maladie et d’une mobilisation de moyens financiers importants pour la combattre.

Il faut cependant remarquer que tous les pays africains n’affichent pas des résultats aussi bons. Dans certains pays, la situation stagne voire se dégrade. D’après Eric Mouzin, médecin épidémiologiste au sein du Partenariat international Roll Back Malaria (Faire reculer le paludisme), « C’est le cas, d’une part, de grands pays d’Afrique, comme le Nigeria, ou la République démocratique du Congo, où les défis logistiques pour intervenir auprès des populations sont considérables ; il y a d’autre part des pays qui ont du mal à trouver des partenaires, comme le Tchad, ou la Centrafrique ». Sur le terrain, la situation est donc contrastée mais d’un point de vue global, le nombre de décès dus à la maladie a été réduit de 25% au cours de la dernière décennie.

 

Tite Yokossi