Les conflits du Mozambique (2): la guerre civile

Les événements intervenus durant l’année qui vient de s’achever ont montré à quel point des Etats stables pendant des décennies peuvent être très fortement déstabilisés, plongeant  des régions entières dans une spirale de violences chroniques.

Alors que les conflits intra-étatiques se sont multipliés ces vingt dernières années, la guerre civile du Mozambique (1977-1992) constitue un conflit emblématique et sans doute précurseur pour fixer quelques constantes dans le déclenchement et la résolution d’un conflit intra-étatique contemporain.

1/ La déstabilisation du pays

Les facteurs internes : les séquelles de la longue guerre d’indépendance (voir article du 13 décembre 2011), qui a déstructuré les structures sociales et ruiné l’économie handicapent lourdement le développement du Mozambique.

La gestion de la période de transition par le FRELIMO a également suscité des déceptions (mise en place d’un système de parti unique, nationalisations massives, collectivisation des terres, déplacements de populations…).Ceci a crée et entretenu de très fortes tensions internes. Toutefois, cette situation caractéristique de nombreux pays nouvellement indépendants,  ne suffit pas, à elle seule, à expliquer le déclenchement du conflit. Elle a en fait été exploitée par des parties extérieures pour déstabiliser durablement le nouvel Etat.

Les facteurs externes : la situation régionale a joué un rôle majeur dans le déclenchement et l’entretien des violences. La Rhodésie (actuel Zimbabwe) et l’Afrique du Sud de l’apartheid, voulant limiter les revendications internes, voyaient d’un très mauvais œil l’indépendance du Mozambique. Le soutien de ce dernier aux mouvements anti-apartheid de la région, son orientation socialiste, et le « contre-modèle » qu’il offrait dans la région en faisait une cible à abattre.C’est dans ce contexte qu’apparait la RENAMO (Résistance Nationale Mozambicaine) mouvement de lutte anti-communiste créé avec le soutien actif des services secrets de Rhodésie, puis l’aide logistique et militaire de l’Afrique du Sud.Enfin, la Guerre Froide a favorisé la transposition du conflit idéologique Est-Ouest au Mozambique, entre la RENAMO et le FRELIMO. Dans ce contexte, aucune puissance n’avait intérêt à favoriser un règlement rapide, alors que l’ingérence de l’Afrique du Sud et de la Rhodésie était tolérée tant qu’ils se posaient en remparts contre le communisme.

 

2/ Le déroulement du conflit

 Les stratégies des belligérants : les forces favorables au FRELIMO, durent faire face aux mêmes techniques de guérilla qu’elles avaient elles-mêmes utilisé contre l’armée Portugaise pendant la guerre d’indépendance pour contrôler de vastes étendues boisées et s’assurer du soutien des populations qui y vivent. Dans sa stratégie de déstabilisation, la RENAMO eut recours de manière systématiques à des enfants- soldats et commit de nombreuses exactions et crimes de guerres contre les populations rurales (tel que le massacre le 18 juillet 1987 de 424 civils à Homoine-480 km au nord de Maputo-, incluant des femmes, des enfants et des patients hospitalisés). Face à la perte de contrôle de vastes régions,  l’armée gouvernementale a entrepris de regrouper les populations rurales dans des villages fortifiés et de constituer des corridors d’approvisionnement pour les relier.

 L’impasse militaire : Après des années de lutte, la stratégie de déstabilisation entreprise par la RENAMO, la destruction systématique des infrastructures du pays et l’usage de mines antipersonnel par les deux belligérants aboutirent à la perte de contrôle des campagnes par les forces gouvernementales. L’incapacité de la RENAMO à conquérir les villes et de couper les corridors mis en place aboutirent à une situation de blocage dans laquelle aucune des deux parties ne pouvait prendre le dessus sur l’autre.

 

3/ La difficile résolution

 Une nouvelle donne internationale: dans un contexte régional et mondial particulier, le conflit devint une guerre par procuration. Soutenu par l’Union soviétique, le FRELIMO ne pouvait contenir sa perte d’influence et l’état désastreux de l’économie. Il finit par signer un accord avec le gouvernement sud-africain, dans lequel ce dernier cesserait son soutien à la RENAMO en échange du retrait actif du soutien Mozambicain à l’ANC.Parallèlement, les crimes de guerres commis par la RENAMO ruinèrent à son image à l’étranger et étouffèrent des possibilités de soutien majeures, notamment aux Etats Unis.

Les négociations : la fin de la Guerre Froide et l’effondrement du régime d’Apartheid en Afrique du Sud poussèrent les deux belligérants vers la table des négociations à partir de 1990. Une nouvelle constitution fut adoptée garantissant un système multipartite et des élections démocratiques. Le 4 octobre 1992, l’Accord Général de Paix de Rome entre le FRELIMO et la RENAMO aboutirent à la fin officielle des hostilités, l’envoi par les Nations Unies d’une force de maintien de la paix de 7500 hommes (ONUMOZ) pendant une période de transition de deux ans et l’envoi de plus de 2000 observateurs internationaux lors des élections historiques d’octobre 1994. Ces accords ont constitué la fin d’un conflit qui couta la vie à prés d’un million de personnes, et fit cinq millions de réfugiés (sur une population totale d’environ quatorze millions d’habitants).

 

Nacim KAID SLIMANE