Grève de la faim : une méthode de revendication en vogue sur le continent

grevedelafaimeLe phénomène de grévistes de la faim est récurrent ces derniers temps sur le Continent. Au Sénégal, la grève de la faim des bacheliers non orientés de Ziguinchor et surtout celle tragique des étudiants de licence géographie de l’Université Cheick Anta Diop dont trois (3) se sont immolés par la suite a montré une autre tournure de cette forme de lutte.

En Côte d’Ivoire ce sont les ex-travailleurs de la SOTRA (Société de Transport Abidjanais) qui ont entamé une grève de la faim le 18 mars dernier pour réclamer les mesures d’accompagnement depuis leur licenciement le 10 février 2012. 

Le jeudi 21 mars 2013, c’était le tour à la FILSHA (Filature du Sahel) au Burkina. Seydou Ouedraogo, secrétaire général des délégués du personnel, soutenu par ses camarades entame une grève de la faim illimitée pour dénoncer les diverses pressions patronales dont il est la cible et les conditions précaires de travail.

Un autre cas interpellateur au Burkina-Faso qui aurait pu tourner à l’immolation est celui d’Hippolyte Bado, assistant de la Garde de Sécurité Pénitentiaire en service à la Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou. C’était le 06 avril dernier. Même s’il nie avoir voulu s’immoler, l’on a tout de même retrouvé de l’essence et un briquet à ses cotés pendant sa grève de la faim.

A Djibouti le 10 Avril, ce sont une cinquantaine de prisonniers politiques du pénitencier de Gabode dont certains ont été arrêtés avant la crise postélectorale du 22 février 2013 qui ont débuté une grève de la faim. Dénonçant une parodie de justice et leurs conditions de détention, ils ont le soutien de la Ligue Djiboutienne des Droits de l’Homme (L.D.D.H).

En Afrique du nord, plus particulièrement en Algérie, ce sont 18 céramistes à Guelma qui ont entamé une grève de la fin ce 14 avril. Ils réclament à la direction d’ETER SPA entre autres le payement de huit mois d’arriérés de salaire.

Autant de frustrations dans plusieurs pays différents, mais un seul mode de combat ; la grève de la faim. Tenaillé par leurs situations respectives, ils n’ont trouvé autres moyens de se faire entendre qu’une violence personnelle. Surprenante méthode surtout quand cela se passe en Afrique.

Cela marque une tournant, un nouveau militantisme revendicatif très engagé mais extrêmement pacifique. Est-ce la fin des casses et autres formes de manifestations violentes aux conséquences néfastes sur l’économie d’un pays ?

Un nouveau militantisme revendicatif

Moins connu il ya quelques années, ou même pas dans certain pays, la grève de la faim est en train de se frayer un chemin en Afrique au point de surclasser les autres méthodes classiques de contestation, parfois entachées de violence. Elle marque un renouveau, un début d’une ère de militantisme revendicatif basé sur la violence sur soi et non sur autrui ou sur les édifices publics souvent pris pour cible. Le message est fort, l’acte ne l’est pas moins, mais le défi reste entier quant à l’obtention d’un résultat satisfaisant au même titre que ceux qui usent d’autres formes de luttes : faire entendre sa cause et en obtenir le gain.

 A travers un renoncement à la violence à l’image de Gandhi ou de Martin Luther King, ils sont désormais des centaines décédés ou vivants à avoir privilégié ce recours plutôt qu’un autre. S’il y avait un slogan commun aux grévistes de la faim, ce sera peut être « la satisfaction ou la mort ». Qu’est-ce qui peut bien conduire un homme à cet extrême, ce suicide silencieux ?

 « La satisfaction ou la mort »

Les frustrations font désormais partie du quotidien des citoyens dans la plupart des pays africains. Elles sont le produit de privations qui trouvent plusieurs origines.

La structure de la société africaine est particulière. La sphère des dépenses d’un travailleur par exemple ne se limite pas seulement à sa petite famille, ses parents devant profiter de lui comme il a profité lui aussi des autres avant. C’est le cycle de la famille garante de la chaine de solidarité. Un seul maillon de cette chaine en panne peut compromettre la survie et l’avenir de toute une famille.

Au même moment les licenciements abusifs ont tendance à se légaliser dans les entreprises. Une pression certaine doublée d’un stress permanent entretien les journées d’un bon nombre de travailleurs confrontés souvent à des patrons intouchables protégés parfois au plus haut sommet de l’Etat. Par exemple, des dossiers de confrontations entre employeurs et employés trouvent leur dernière demeure dans les tiroirs des tribunaux s’ils ne dorment pas éternellement dans les directions du travail.

Des milliers de déflatés rasent ainsi les murs sur le continent en entendant leur tour en justice, qui peut être n’arrivera jamais. Peut-on parler de surprise quand de tels profils entament une grève de la faim ? Un exemple parmi tant d’autres qui illustre l’état d’esprit dans lequel peuvent se trouver les futurs candidats à ce choix radical et dangereux.

Les injustices sociales semblent être la première cause pouvant conduire à cet extrême. La précarité peut donc conduire au suicide. En trame de fond, la mal gouvernance, le favoritisme, le népotisme, la gabegie, voire l’impunité. Autant de choses qui peuvent justifier ce dégoût de la vie que manifestent certaines personnes véritables candidats au suicide.

Ismaël Compaoré