Le nouveau visage des IDE entrants en Afrique

IDans son rapport sur les investissements en Afrique pour l’année 2015, This is Africa annonce un montant global de 87 milliards d’euros d’IDE en direction des 54 pays africains, soit 13% du montant total des IDE mondiaux pour l’année 2014. De manière générale, les IDE à destination du continent ont fortement progressé sur ces dernières années. Les montants ont augmenté de 10 points entre 2013 et 2014 et sont à leur plus haut niveau sur ces 5 dernières années. En outre, ces IDE sont fortement créateurs d’emplois (voir graphique ci-contre). Le nombre d’emplois crées par les IDE a augmenté de 3 points entre 2013 et 2014 et s’établit à 188 milliers d’emplois, son niveau le plus élevé de ces 5 dernières années.

Le chiffre de 87 milliards d’euros, précédemment mentionné, est le fait de 464 entreprises ayant investis dans la région. Celles-ci ont ainsi permis le financement de 660 projets à travers le continent. Les secteurs privilégiés par les investisseurs sont les industries liées aux énergies pétrolières, au gaz et charbon, et celles-ci ont attiré 38% des investissements. Les pays ayant accueilli le plus de projets sur l’année 2014 sont l’Afrique du Sud avec 116 projets, le Maroc (65 projets), le Kenya (57 projets), l’Egypte (51 projets) ou encore le Mozambique (50 projets).Ces chiffres illustrent, en partie, l’attractivité croissante d’un certain nombre de pays africains. Cette attractivité est liée notamment à leur performance économique : on peut citer en exemple les cas du Maroc et de l’Egypte qui sont selon le FMI, les principaux moteurs de la croissance du continent.

II

Pour certains pays, cette attractivité est davantage liée à des changements dans la politique fiscale (cas de la baisse de l’impôt sur les sociétés en Afrique du Sud en 2013) ou juridique (cas du Maroc avec la réduction de la durée de traitement des litiges commerciaux). D’autre part, certains pays ont privilégié la conclusion de projets d’investissements avec leurs voisins africains, afin de favoriser la croissance et l’émergence de nouveaux projets (comme par exemple la Zambie et Zimbabwe avec des projets dans le secteur des énergies vertes).

Globalement, les investissements intracontinentaux ne représentent que 10% de l’ensemble des investissements en 2014, portés principalement par l’Afrique du Sud. Ils sont susceptibles d’accroître dans les années à venir : les grands groupes africains, en quête de nouveaux marchés pour leurs offres de produits et services, comme c’est le cas par exemple de la banque marocaine BMCE Bank, ou des entreprises sud-africaines MTN et Shoprite, adoptent depuis ces derniers années des stratégies très agressives pour renforcer leur position sur le marché africain. 

IIIIl est important de noter un certain élargissement des secteurs d’investissement. En effet, les secteurs habituellement privilégiés sont ceux de l’énergie, de l’exploitation minière et des matières premières (1er en terme de fonds investis) ou encore le secteur financier (1er en terme de nombres de projets). Cependant, les investisseurs semblent s’intéresser à  de nouveaux secteurs, notamment ceux des industries manufacturières.

Cette caractéristique nouvelle des IDE en Afrique est une bonne nouvelle, quand on sait que l’Afrique se doit d’aller vers une transformation économique, qui privilégierait davantage le secteur secondaire. Cependant, ces investissements paraissent encore trop faibles pour entamer la révolution industrielle africaine.

Les prévisions de croissance positive pour l’Afrique pour 2015 peuvent laisser imaginer que les flux d’investissement en direction du continent vont se poursuivre mais il faudrait que les pays approfondissent davantage les réformes, afin d’orienter ces flux financiers vers des secteurs capables de soutenir la croissance à long terme, de créer de l’emploi et ceci en modifiant structurellement leur économie.

De plus, parmi les objectifs des entreprises à l’origine de ces IDE, on distingue, entre autres,  l’exploitation des ressources naturelles, l’accès aux programmes de privatisation ou encore la volonté de renforcer le système de gouvernance et donc la gestion d’une entreprise. Ainsi il est nécessaire que les pays destinataires de ces IDE mettent en place des mesures permettant de limiter la part de leur économie sous contrôle étranger.

A cela, s’ajoute le risque de dépendance aux capitaux étrangers, qui peut nuire à la situation économique d’un pays. En effet, dans le cas d’un climat des affaires défavorable ou d’une économie déstabilisée par un évènement externe, les investisseurs étrangers rapatrient leurs capitaux, fragilisant davantage l’économie du pays (cas de la Serbie qui a subi une fuite des capitaux étrangers suite à la crise financière de 2008).

Somme toute, malgré les incertitudes socio-politiques dans plusieurs régions du continent, les pays africains paraissent globlament de plus en plus attractifs : les uns pour leurs ressources, les autres pour la stabilité politique et juridique qu'ils offrent. Si ces investissements s'orientent davantage vers l'industrie et sont financés par des capitaux africains, ils demeurent dépendant du reste du monde. Cette dépendance est certes moins contrôlable mais les pays africains devraient pouvoir les orienter vers les secteurs les plus stratégiques de leur économie, afin d'en maximiser l'impact. 

Ndèye Fatou Sène

Sources

Patterson, J. (2015). Africa outperforms global economy despite downward revisions – News – This is Africa. [online] Thisisafricaonline.com.

Available at: http://www.thisisafricaonline.com/News/Africa-outperforms-global-economy-despite-downward-revisions?ct=true [Accessed 17 Dec. 2015].

The Africa Investment Report 2015: http://forms.fdiintelligence.com/africainvestmentreport/

EY’s attractiveness survey Africa 2015: http://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/EY-africa-attractiveness-survey-2015-making-choices/$FILE/EY-africa-attractiveness-survey-2015-making-choices.pdf

Pour aller plus loin

Africa sustainability report par This is Africa: http://www.thisisafricaonline.com/Microsites/African-Sustainability/Africa-Sustainability

Article de la Banque Mondiale sur l’attractivité de l’Afrique pour les investisseurs : http://www.banquemondiale.org/fr/news/opinion/2015/06/30/africa-still-poised-to-become-the-next-great-investment-destination

Aveline, M. (2013). Quand les Africains investissent l'Afrique – Economie Globale – Informatique sans frontières. [Online]

Available at:  http://www.informatiquesansfrontieres.org/econo/65.html

Rencontr’Afrique avec Ndongo Samba Sylla : l’Afrique est-elle condamnée à la pauvreté ?

10403564_866589696695482_7237605275269175726_nLa Rencontr’Afrique organisée le 13 Décembre 2014 par le bureau ADI basé à Dakar, a connu la participation du Dr Ndongo Samba Sylla, Economiste de Développement et Chargé de programmes au bureau Afrique de l’Ouest de la Fondation Rosa Luxembourg. Cette rencontre s’inscrit dans le cadre des échanges offerts par L’Afrique des Idées pour permettre à des personnalités ayant un profil intéressant pour  l’Afrique de partager leur expertise, et d’échanger sur leurs visions du continent. C’est dans cet ordre d’idées que Dr Ndongo a entretenu son auditoire autour du thème « Pour une autre Afrique : Eléments de réflexion pour sortir de l’impasse ». A en croire le conférencier, l’Afrique est, une nouvelle fois encore, mal partie.

L’émergence économique de l’Afrique : Mythes ou Réalités ?

Il y a plusieurs arguments qui militent aujourd’hui en faveur de la croissance rapide et conséquente des économies africaines. L’Afrique disposerait en effet à l’heure actuelle du potentiel économique le plus important. Sa croissance démographique soutenue et le pouvoir d’achat croissant de sa population en sont des arguments notoires. De plus, dans les chiffres cités par Dr Ndongo, on peut noter que le continent africain concentrerait environ 60 % des terres arables non cultivées du monde. Le même continent aurait aussi une classe moyenne en termes démographiques proche de celle de la Chine et de l’Inde (elle est passée de 115 millions en 1980 à 313 millions en 2010). Sur la décennie 2000-2010, l’analyse révèle que le taux de croissance annuelle moyen du PIB a dépassé les 08 % pour 06 pays africains (dont Guinée Equatoriale 14.8 % ; Tchad 10.7 % ) et les 04 % pour 30 pays (dont Angola 11.3 %, Ethiopie 8.4 %, Rwanda 8 %, Ouganda 7.4 %, Burkina Faso (6%), etc).

Malgré cette bonne performance économique, il faut cependant noter que la dynamique de croissance en Afrique est loin d’être uniforme, ce qui rend justement la progression du PIB très volatile. De plus, les sorties illicites de capitaux ont augmenté durant la dernière décennie, notamment dans les pays exportateurs de pétrole. Sur la période 2005 – 2010, le conférencier souligne qu’au moins 205 milliards de dollars auraient été perdus par le continent. Ce qui représente le quart de la valeur estimée des flux financiers illicites entre 1970 et 2010. Dans la mesure où les secteurs porteurs de la croissance en Afrique sont de plus en plus la propriété d’étrangers ou sous gestion étrangère, le PIB va être beaucoup plus important que le Revenu National Brut (RNB). Ainsi, les nationaux des Pays les Moins Avancés (PMA) vont recevoir en réalité peu des bénéfices générés par le commerce international. Le commerce inter et intra-industriel qui est mis en œuvre peut ressembler à un commerce entre  des nations riches et des nations pauvres. Mais en réalité, Dr Ndongo Sylla fait remarquer que ce commerce est mené entre des nations riches et d’autres nationaux de pays riches qui opèrent en Afrique.

Par ailleurs, il apparait pour le conférencier que les revenus primaires de l’IDE ont représenté la composante la plus importante des paiements de revenus effectués par les économies africaines en direction du reste du monde. En prenant l’année 2010 par exemple, cette part s’est située entre 49% et 98% pour 26 pays sur un total de 37 pays pour lesquels des données existent. C’est le cas notamment des principales puissances économiques africaines telles que l’Afrique du Sud, le Nigéria, l’Égypte, l’Angola, l’Algérie, etc. Le taux de profit des IDE a doublé durant la décennie 2000-2010, passant de 6 % à 12 %. De façon désagrégée et considérant toujours la période 2000-2010, 24 pays africains sur 40 pour lesquels des données existent ont connu  des taux de profits moyens de l’IDE supérieurs à 7 %. Le même taux avoisinait 77 % au Botswana, 51 % au Lesotho comme en Algérie et 36 % au Mali comme en Angola. Autrement dit, un investissement direct étranger de 100$ au Botswana rapporte, toutes choses étant égales par ailleurs, 77$ à son propriétaire. 100$ rentrent donc dans l’économie botswanaise, et 77$ en sortent. C’est dire qu’une partie non négligeable de la richesse créée sort de l’économie botswanaise. Cet exemple montre comment la croissance économique peut être forte en Afrique sans pour autant que les populations ne le ressentent dans leur quotidien. La thèse de l’émergence doit donc être revisitée pour lui donner un contenu nouveau plus adapté aux réalités africaines. Dr Ndongo Sylla s’interroge notamment sur le coût de la croissance économique pour les Africains ainsi que sur ses véritables bénéficiaires.

Le commerce équitable : Véritable scandale ?

Cette Rencontr’Afrique a connu également un partage d’idées sur le concept du commerce équitable. Celui-ci est définit comme étant un système d'échanges dont l'objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Sa démarche consiste à assurer une juste rémunération à des producteurs des pays pauvres afin qu’ils puissent développer leur activité à long terme et améliorer ainsi leur niveau de vie. Ayant eu l’opportunité de travailler en 2010 au sein du mouvement du commerce équitable/Max Havelaar dans le contexte de l’Afrique de l’Ouest, Dr Ndongo Sylla s’est tout particulièrement intéressé à ce commerce en se demandant principalement dans quelle mesure le commerce équitable est une réponse satisfaisante à la question de l’échange inégal. Son livre intitulé « Scandale du Commerce Equitable » fait autorité dans ce débat. En étudiant le modèle économique du commerce équitable Max Havelaar, le conférencier a montré, in fine, que ce commerce ne cible pas en réalité les producteurs les plus pauvres, ni les plus dépendants de l’exportation des produits primaires tels que le cacao ou le café. De plus, selon lui, la logique marketing a été poussée un peu trop loin.

Regard sur les Accords de Partenariat Economique (APE)

En juillet 2014, après une décennie de négociations, les chefs de l’Etat des quinze pays membres de la CEDEAO ont 

accepté de « parapher » les APE avec l’Union Européenne (UE). La « signature » aura lieu après leur ratification dans chaque pays membre. Ces accords prévoient une libéralisation progressive sur vingt ans (2015-2035) des importations des pays de la région à hauteur de 75%. Pour compenser les pertes de recettes fiscales qui vont s’ensuivre, l’Union Européenne a prévu pour la période 2015-2020 la mise en place d’un PAPED – programme des APE pour le développement – d’un montant de 6,5 milliards d’euros.

10374434_866589563362162_5231695328429590160_nPour Dr Ndongo Samba SYLLA, les APE sont une perte de temps et d’énergie. En effet, La plupart des études d’impact souligne des conséquences négatives du point de vue des recettes fiscales, de la balance des paiements, de la création d’emplois et de la croissance économique. Dans son argumentaire, le conférencier considère que les APE constituent une forme de confiscation de souveraineté dans la mesure où ils privent les pays africains de recourir aux politiques qui ont permis l’industrialisation des pays occidentaux. En outre, il fait remarquer que négocier des APE avec l’UE, première puissance commerciale mondiale, n’est pas pertinent pour les pays de l’Afrique de l’Ouest. La raison en est que sur les 16 pays qui composent cette région, 12 sont classés parmi les PMA. Et Comme les PMA ne sont pas obligés de signer les APE, il paraît ainsi disproportionné de la part de l’UE de vouloir traiter ces PMA sur le même registre que les quatre autres pays classés parmi les « pays en développement ». D’un autre coté, la libéralisation des importations de la région risque d’anéantir les efforts déployés jusqu’ici pour atteindre l’autosuffisance alimentaire, pour transformer localement les matières premières locales, et pour amorcer le développement d’un tissu industriel.

Par ailleurs, en demandant l’application de la clause de la Nation la plus favorisée, l’UE pourrait aller à l’encontre de la stratégie des pays africains de diversifier leurs partenaires commerciaux. Pour le conférencier, les APE sont perçus comme d’autant plus asymétriques et inéquitables qu’ils occultent la question de la libre circulation des personnes.

Carmen Thiburs Agbahoungbata

Pourquoi la Côte d’Ivoire attire tant les investisseurs ?

En 2013, les flux d’IDE en direction de la Côte d’Ivoire ont plus que triplé par rapport à 2012, atteignant 621 millions d’euros (CEPICI). En 2014 et 2015, cette donnée devrait être encore plus importante. En outre le pays bénéficie de conditions allégées sur les marchés financiers (régional et international). Ses émissions de longue maturité (supérieur à 3 ans) sont sursouscrites à des taux relativement faibles par rapport à ses pairs de la région (6% en moyenne sur les émissions effectuées depuis 2013). Pour ses premières incursions sur le marché international, le pays a obtenu des taux relativement bas (5,625% pour la première portant sur 750 millions de dollars et 6,625% sur la seconde portant sur 1 milliard de dollars) là où les autres pays obtiennent des niveaux de rémunérations atteignant 10%.

Les partenaires bilatéraux mais aussi les institutions multilatérales se bousculent pour proposer des financements à la Côte d’Ivoire. Ainsi le pays a bénéficié en 2012 d’un C2D (contrat de désendettement et de développement) de la France et l’aide internationale qui a atteint son plus bas niveau durant la crise (100 millions de dollars) s’accélère, se situant à près d’un milliard de dollars en moyenne sur les 3 dernières années. La Chine ne compte pas être en marge. D’autres pays d’Asie tel que l’Inde et Singapour sont prêts à investir dans le pays. Les libanais, déjà fortement présents dans l’économie ivoirienne, tiennent à renforcer leur emprise. Les autres pays africains s’empressent d’acquérir des actifs en Côte d’Ivoire. Selon CEPICI, une bonne partie des investissements reçus par le pays en 2013 proviendraient de la sous-région ouest africaine. Les récentes visites du roi du Maroc à Abidjan portaient un cachet économique. Par ailleurs, toutes les multinationales qui souhaiteraient s’implanter en Afrique de l’ouest veulent désormais passer par la Côte d’Ivoire[1].

De toute évidence, la Côte d’Ivoire a le vent en poulpe (au-delà de l’affection qu’on peut porter au pays) que même les élections présidentielles d’octobre, qui inquiètent à raison des antécédents socio-politiques du pays ne semblent pas remettre en cause.

Qu’est ce qui explique cette attractivité de la Côte d’Ivoire et permettra-t-il d’améliorer les conditions de vie des populations ?

Une situation socio-politique tendue, mais sans danger. La Côte d’Ivoire a connu une période sombre dans son histoire et il serait difficile d’en faire pire. Avec les élections de 2011, le pays semble avoir tourné la page et cette situation tend à réconforter les investisseurs. Si le risque de heurtes n’est pas écarté après les élections à venir et que les défis sur le plan sécuritaire demeurent énormes, source d’instabilité ; il n’affecterait presque pas ou peu l’activité économique. Les tensions entre les différents partis ne se sont certes pas encore totalement dissipées et l’actualité des procès après les élections de 2011 est encore présente. Mais tout porte à croire que les populations sont plus aujourd’hui portées par leur avenir et la restauration de l’image « pays de paix » que leurs désaccords politiques. Selon des observateurs de France 24 à Abidjan, ces tensions qui se sont cristallisées avec une bagarre récente entre un « pro-Gbagbo » et un « pro-Ouattara » n’a fait que les choux gras de la presse et ne suffirait pas à inciter les populations à de la violence. Néanmoins, elle témoigne encore de la fragilité de cette stabilité politique, contenue aujourd’hui par le système en place, et qui pourrait à termes s’amplifier et plonger le pays dans une nouvelle crise.

Le réveil du géant, porté par une vision bien pilotée. La Côte d’Ivoire est la locomotive de la zone UEMOA, l’un des géants de l’Afrique de l’ouest en général, derrière le Nigéria, le Ghana et à côté du Libéria et de la Sierra Léone. La restauration de la situation socio-politique et la nécessité de reconstruire le pays, qui se sont traduites par un investissement public massif (10% en moyenne par an entre 2013 et 2015), a permis d’accélérer la croissance qui a atteint un taux de croissance de 8% en 2013 et 2014: la Côte d’Ivoire rattrape le retard qu’elle a accusé sur elle-même. Selon les prévisions du FMI, le pays devrait afficher un taux de croissance moyen de 6 à 7% entre 2015 et 2020. En outre, le taux de croissance de la population (2,6% par an selon les résultats du dernier recensement) est relativement faible vis-à-vis des perspectives de croissance ; ce qui se traduirait par une hausse (théorique) du pouvoir d’achat des populations : le PIB par tête passerait ainsi de 1403 USD en 2013 (2945 USD PPA) à presque 2000  USD (4500 USD PPA) en 2020.  En outre, le pays dispose d’énormes potentialités dans presque tous les secteurs (de l’agriculture aux services) que les autorités ambitionnent de valoriser avec la mise en œuvre du plan Côte d’Ivoire Emergent.

L’investissement public, concentré notamment dans les infrastructures (électricité, transport, etc.) transforme le pays et permet d’y réaliser des affaires de façon durable. Plusieurs réformes entreprises par les autorités entretiennent ce renouveau : la mise en place d’un nouveau code d’investissement et de nouveaux instruments d’encadrement du secteur privé, notamment un cadre de dialogue secteur public – secteur privé, un guichet unique pour les formalités de création d’entreprises, un tribunal de commerce ainsi qu’une plateforme d’échanges pour centraliser les appuis des partenaires au développement à l’environnement des affaires. La solvabilité apparente des consommateurs, l’ouverture du pays sur le marché régional constituent autant de facteurs qui contribuent à renforcer l’attractivité du pays pour les investissements privés.

Une concurrence régionale inexistante. La Côte d’Ivoire bénéficie en outre de la situation défavorable de ses voisins. Hormis le Ghana et le Nigéria et dans une moindre mesure la Sierra Léone et le Libéria avec leur ressources minières, les autres pays de la région sont minés par des difficultés qui entachent leur attractivité auprès des investisseurs. Avec un Sénégal naturellement sous doté et qui souffre de problèmes énergétiques et d’infrastructures ; une situation sécuritaire instable dans le sahel (Mali, Burkina et Niger) ; le Togo et le Bénin qui sont devenu des plateformes commerciales pour le Nigeria et offrent (malgré leur potentiel) peu d’opportunités d’affaires avec des infrastructures défaillantes et un cadre institutionnel faible et non sécurisant, la Côte d’Ivoire se présente de loin comme le seul pays de la sous-région capable d’accueillir les investissements étrangers, et ce d’autant plus qu’elle ouvre la voie aux autres pays (Mali, Niger, Burkina). La boucle ferroviaire, qui sera prochaine réalisée par Bolloré, vient davantage conforter cette position de la Côte d’Ivoire.

Malgré cet engouement que suscite le pays, sa situation sociale n’a que très peu évoluée. « Les routes ne se mangent pas » disent les abidjanais. Cependant, ces routes les « feront manger » à termes (en 2020), à en croire le plan Côte d’Ivoire Emergent. En effet, la croissance actuelle est essentiellement portée par ces projets d’infrastructures et l’exportation mais ce sont ces infrastructures qui constitueront le socle de l’émergence du pays. Elles permettront aux entreprises de profiter des potentialités du pays, de s’orienter vers de la transformation, donc d’employer, de participer à la redistribution de la richesse et de réduire la dépendance du pays aux produits importés … du moins théoriquement. Si une sortie de crise n’est pas toujours synonyme de relève économique (cas du Libéria et de la Sierra Léone), le pari semble aujourd’hui relevé pour la Côte d’Ivoire et la pérennité de ses performances dépendra des choix de politique économique des autorités, notamment en matière de capital humain. Si pour l’heure, la politique de l’Etat en matière d’infrastructures est bien définie et visible, celle portant sur le renforcement du capital humain reste à préciser.  

Loin de stigmatiser l’embellie économie et les transformations en cours en Côte d’Ivoire, il convient de signaler que l’attractivité du pays demeure fragile et pourrait être remise en cause par tout choc exogène, notamment sur le plan politique. Il urge donc de renforcer les mécanismes visant à sa pérennisation et à son appropriation par les acteurs économiques internes : inclusion financière, renforcement du capital humain, environnement des affaires sécurisant, fiscalité simple et renforcement des institutions.

Foly Ananou


[1] Consulter la page Côte d’Ivoire de Jeune Afrique