Croissance, stabilisation politique et inclusion sociale : point sur les priorités stratégiques maliennes

1La crise politique, humanitaire et économique qui a affectée le Mali au cours des deux dernières années a profondément altéré les perspectives économiques et sociales encourageantes qui se dessinaient au début de la nouvelle décennie, en dépit de la récession mondiale. Le Mali était alors qualifié de modèle de stabilité politique (Société des Nations Unies, 2010) orienté vers l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) adoptés en 2000 par 193 États membres de l'ONU et plus de 23 organisations internationales. La définition du cadre stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté (CSCRP) 2007-2011 et le programme de formalisation de la gestion des dépenses publiques attestent des efforts mis en œuvres afin de converger vers un modèle de croissance plus inclusif fondé sur des organes gouvernementaux transparents. Si l’atteinte des OMD d’ici 2015 semblaient dès lors compromise par les réalités sociales du pays, les progrès en matière d’accès à l’éducation et à l’eau étaient du moins sensibles. Outre la déconstruction institutionnelle générée par l’état de chaos politique qui a suivi le putsch du capitaine Amadou Haya Sanogo, les sévères crises humanitaire et économique qui ont affecté le pays – aggravées par le gel des flux d’aide publique au développement et la paralysie de l’activité économique – ont significativement altéré les perspectives de croissance favorables qu’augurait l’évolution des séries statistiques établies par l’OCDE et la Banque Africaine de Développement en 2010 dans le cadre de la publication annuelle des Perspectives Economiques en Afrique[1].   

Un an après l’élection du président Ibrahim Boubakar Keita et suite à la réhabilitation de l’administration malienne dans le nord du pays, les priorités gouvernementales sont claires : le développement des infrastructures et du secteur productif sont au cœur du plan de relance économique, tandis que la poursuite et la consolidation des réformes structurelles et le renforcement du secteur social constituent le socle d’un modèle de croissance souhaité plus inclusif et transparent.

Aux réformes structurelles menées par le gouvernement en exercice, s’ajoute la perspective de redéfinition des relations de coopération du Mali avec ses partenaires régionaux et internationaux qui participent à travers la coopération économique et l’assistance technique et financière, au développement d’un Etat malien fort et stable. Il s’agit pour le Mali d’accroitre son influence économique et politique globale, dans le cadre des logiques de régionalisation en œuvre en Afrique de l’Ouest d’une part, et de relations de coopération pour le développement plus transparentes et équilibrées d’autre part.

Un budget de 3,3 milliards d’euros d’aide au développement a été acté lors de la grande Conférence des donateurs de mai 2013, afin de répondre à l’urgence de la situation malienne. Les deux tiers des fonds ont déjà été engagés et un tiers a été versé, dont 300 millions d’euros d’aide budgétaire pour l’Etat. Ces engagements, de même que la nature de la coopération actuelle entre le Mali et ses partenaires techniques et financiers constituent des  éléments clefs pour son redressement fondé sur le cadre stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté (CSCRP)[2] approuvé en décembre 2011. Toutefois, si cette assistance technique et financière est nécessaire – voire indispensable dans le contexte actuel – l’aide au développement n’a pas vocation à être inclue indéfiniment dans les prévisions budgétaires maliennes: elle doit au contraire fournir une assistance permettant la progressive autonomie du pays. Tant la volatilité de l’aide au développement que la façon – souvent questionnable – dont elle fut par le passé gérée par les gouvernements en exercice ont drastiquement et systématiquement impacté l’économie malienne. Le Mali bénéficiait en 2009 d’apports de l’ordre de 855 millions de dollars US (565 milliards de francs CFA) au titre de l’Aide Publique au Développement (APD),  soit une assistance extérieure équivalente à 13,2% du PIB (58 dollars par habitant) qui a représenté en 2009 près de 40% des dépenses totales et 65% du financement des investissements publics. Cette assistance extérieure a plus que doublé entre 2001 et 2011.

Si les relations de coopération pour l’aide au développement ont été repensées en 2010 par les pays membres du comité d’aide au développement de l’OCDE á la faveur des pays bénéficiaires dans le cadre de la déclaration de Paris, il importe quoiqu’il en soit d’envisager un modèle de développement convergeant vers la progressive indépendance du Mali vis a vis de l’aide financière au développement, pour l’instant inclue à part entière dans le budget gouvernemental et les prévisions de dépenses nationales.

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Les dynamiques d’intégration régionales pourraient dans ce cadre constituer une clef de stabilisation et de résilience pour l’économie malienne. Le Mali a ratifié pratiquement tous les accords et protocoles d’intégration et de coopération régionale développés par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’UEMOA. Participer à l’approfondissement du processus d’intégration régionale tout en poursuivant les efforts de conformité de la politique économique et financière malienne aux accords régionaux devrait accroitre sur le long terme la crédibilité et l’influence du Mali au sein de la communauté internationale. L’appartenance du Mali à la zone UEMOA contribue en outre à sa stabilité financière, de même que la surveillance prudentielle assurée par la Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC).

Tant la continuité des logiques d’intégration régionale que l’actuel processus de reconstruction institutionnel et étatique ouvre la voie vers de nouvelles bases politique, économique et sociale sur lesquelles fonder un modèle sociétal en adéquation avec les besoins et les aspirations de la population malienne. Le respect de telles lignes stratégiques devrait permettre sur le long terme de réduire la dépendance – et de fait la vulnérabilité de l’économie malienne – vis-à-vis des flux volatiles d’aide au développement et de fonder les bases d’un modèle de croissance durable et adapté aux réalités conjoncturelles du Mali.

Alix Landais


[1] BAFD/OCDE 2010 Perspectives Economiques en Afrique, 2010

[2] Le CSCRP est  le cadre de référence de la politique de développement du Mali. Il s’appuie sur 3 axes stratégiques : (i) la promotion d’une croissance accélérée, durable, favorable aux pauvres et créatrice d’emplois et d’activités génératrices de revenus ;  (ii) le renforcement des bases à long terme du développement et l’accès équitable aux services sociaux de qualité  et (iii) le développement institutionnel et la gouvernance.