La Chinafrique, ou De l’intérêt bien entendu

 

A l’heure où la coopération Sud-Sud semble être la panacée selon les dirigeants africains, il est un pays émergent qui allie intérêts stratégiques et aide au développement sur le continent : la Chine. Le pays a en effet développé une stratégie d’intervention très efficace dans de nombreux pays d’Afrique, en sécurisant son accès à des ressources naturelles vitales pour sa croissance, mais également en contribuant au développement du continent à travers des financements à des projets que les banques traditionnelles hésitent à soutenir.

Le rapport de l’ONU intitulé La coopération de l’Afrique avec les partenaires de développement nouveaux et émergents : options pour le développement en Afrique  paru en 2010 analyse les intérêts chinois en Afrique, qui relèvent à la fois d’impératifs économiques et  d’un pragmatisme politique incontestable. La Chine a en effet multiplié  les investissements dans le secteur de l’énergie (pétrole, minéraux) et a redoublé d’efforts pour maintenir  de fortes relations commerciales sur le continent afin de s’assurer d’un accès privilégié aux matières premières et de  garantir des débouchés à ses exportations, principalement des technologies  à bas niveau ou intermédiaire. L’essentiel de la politique de coopération chinoise se concentre sur les pays riches en ressources naturelles (Angola, Nigéria, Afrique du Sud), et le modèle de développement intègre à la fois l’importation de matières premières et une coopération technique diversifiée (infrastructures, logements).  Le rapport montre que l’Afrique profite elle aussi de l’intérêt de la Chine pour ses richesses naturelles, le montant de l’aide au développement chinoise étant en constante augmentation depuis vingt ans.

Toutefois l’idée d’un pillage des ressources naturelles par la Chine est souvent évoquée par les médias occidentaux, affirmation remise en question dans un papier publié par la Banque africaine de développement en mai dernier, intitulé China’s engagement and aid effectiveness in Africa . L’auteur note ainsi que contrairement aux idées reçues, la coopération chinoise a joué un rôle globalement positif dans le développement du continent africain, en intervenant dans des secteurs où les acteurs du développement étaient peu présents, tels que les transports ou les NTIC. Il est pourtant difficle de faire la part entre aide et IDE et de schématiser le modèle de l’aide chinoise, compte tenu de ses composantes très diverses, allant de l’assistance technique à des allègements de dette.  Les tests économétriques publiés dans le rapport montrent une forte corrélation entre l’aide chinoise et deux autres facteurs, à savoir le montant de l’investissement direct à l’étranger chinois et la nature des relations diplomatiques avec le pays bénéficiaire.  En revanche, le montant du PIB par tête ou même les insuffisances en matière de gouvernance ne constituent pas des facteurs déterminants pour  l’attribution  de l’aide.

Les publications de recherche divergentes montrent qu’il  est encore tôt pour mesurer l’impact de la Chinafrique sur le développement en Afrique.  Face à la progression chinoise dans le pré carré des acteurs traditionnels du développement , un autre enjeu de long terme se dessine : la coordination entre les donneurs occidentaux et la Chine en matière d’aide au développement sur le continent .

 

Leïla Morghad