Dans un précédent article, il était question de faire un point sur l’état économique du système de santé en Afrique. Cet article a permis de comprendre que la majorité des pays africains consacrent moins de 15% de leur budget total au secteur de la santé et que des efforts d’investissements significatifs restent à faire dans ce domaine. Le présent article présente les possibilités du financement du secteur de la santé en Afrique pour les prochaines années.
Commençons par remarquer que la dépendance de l’Afrique vis-à-vis des organismes internationaux pour financer son secteur de santé devient de plus en plus importante. Cette dépendance étant susceptible de rendre vulnérable la viabilité du système de santé; l’objectif ultime serait une plus grande autonomie. Cela passera par deux leviers dont le recours à l’épargne locale et la promotion de l’investissement privé.
En effet, les Etats devraient se démarquer de ressources extérieures et mettre en place un mécanisme national permettant de faire contribuer la nation tout entière à l’effort de développement du secteur de la santé. Cette stratégie a l’avantage de responsabiliser les usagers des services de santé. Les systèmes d’administration et de gestion du système de la santé devraient revoir leur budget à la baisse. Pour atteindre les objectifs selon lesquels tout africain doit consacrer 61 dollars à la santé d’ici 2015 (selon les OMD), il serait bien d’intensifier la coopération Sud-Sud, l’expertise technique sur le terrain et une meilleure coordination des dépenses ; c’est-à-dire revoir la redistribution des fonds dans les différents secteurs. Il ne faut pas nécessairement beaucoup dépenser pour de meilleurs soins, mais il convient de dépenser de manière efficiente.[1]
Pour encourager les investissements, les gouvernements doivent faire preuve d’amélioration dans les domaines concernés. Par exemple, dans le domaine de la santé maternelle il revient à l’Etat de créer des structures de base pour accueillir les femmes enceintes et/ou malades, de former des agents de santé communautaire et de fidéliser ces derniers dans les structures en leurs garantissant un salaire pérenne et stable.
Dans l’ensemble du système de santé, certaines composantes telles que les industries pharmaceutiques, et les cliniques privées sont très prometteuses du fait de leur rentabilité plus élevée. Cependant, il sera nécessaire d’assurer la formation du personnel de santé pour garantir cette rentabilité. Par ailleurs, la promotion de l’investissement dans ces secteurs devrait être complétée par l’émergence de compagnies d’assurance maladie afin de renforcer le tapis de la couverture des soins médicaux.
Souvent le secteur privé est très négligé dans les programmes sanitaires alors que ce milieu regorge d’énormes potentiels et c’est ce secteur qui intervient souvent dans les milieux délaissés par le secteur public. La population a tendance à faire appel d’une manière plus importante aux professionnels de santé dans ce secteur ; il conviendrait alors de mettre en place un partenariat. Les investisseurs ayant compris cela, certains d’entre eux n’ont pas hésité à faire le premier pas : c’est le cas de l’African Health Fund (AHF) qui a octroyé 1,4 millions d’euros à la clinique Biasa au Togo. L’AHF a déjà fait plusieurs investissements dans les pays anglophones et prévoit une vingtaine de projets d’investissement d’ici l’année prochaine d’un montant global allant jusqu’à 3,8 millions d’euros.[2]
Les pays et institutions donateurs ont promis une aide de presque 40millards de dollars afin que les pays à bas niveau sanitaire atteignent les OMD d’ici 2015. Si certains investisseurs tardent encore à se concrétiser, c’est surtout à cause de la faiblesse des économies compte tenu de la faible taille du réseau sanitaire. C’est-à-dire que les entreprises de la santé ne sont pas de grandes tailles afin que les investissements soient plus rentables. Il convient alors de créer des partenariats afin d’agrandir le réseau sanitaire. Si dans les années qui viennent l’Afrique maintient ses performances économiques, il est clair que la consommation de soins sera renforcée : la Société financière internationale (SFI), démembrement de la Banque mondiale chargé du secteur privé, évaluait à 22,5 milliards d'euros entre 2010 et 2016 les besoins d'investissement dans ce secteur sur le continent Africain. Selon l'institution, ce marché serait même l'un des plus prometteurs en termes de rendement.[3]
En somme, la mobilisation de l’épargne locale et l’incitation des investissements, surtout privés, constituent les leviers du financement effectif de la santé en Afrique. Ils s’intègrent bien dans les stratégies qui existent déjà pour financer d’autres secteurs de l’économie comme les infrastructures.
Nelly Agbokou