Ode to an Independent and Popular African Cinema

Although I am not an expert in African cinema, I follow with great interest, the films screened in movie theatres in France, and more specifically in and around Paris. Joseph Gaye Ramaka’s Carmen, Djo Tunda Wa Munga’s Viva Riva, Dany Kouyaté’s Sia Yatabaré, or his le rêve de Python and Bamako and Timbuktu, 2 incredible adventures written by Abderahmane Sissako. These story-lines are often well constructed, with good visuals and sound.

Cinema and literature are similar, in that they are cultural tools that can serve to deconstruct or reinforce a certain image of Africa and of Africans. Without going into technical, philosophical or aesthetical details, I have come to the conclusion that these "African movies", often financed by European funds, do not target the African audience (with the exception of Sissako's Timbuktu). For the best part, they serve only to promote a neo-colonial discourse or propagate false African stereotypes, which only serve to reassure the public who pays to watch them.

I know that my opinion is quite extreme. However, I am not the first person to think like this.  Boubacar Boris Diop, the acclaimed Senegalese essayist and novelist talks about it in his first short story, La petite vieille  of his collection La nuit de l’Imoko published by Mémoires d’encrier. In this piece, the rebellious and marginalized African intellectual expressed his views on this biased film-making industry that is controlled by other forces. His revolutionary opinions were harshly repressed. Boubacar Boris Diop's mainly denounces the France-Africa system that is calling all the shots.

 

The Nollywood Week Festival in Paris inspired me to write this article. I think that I have finally understood the difference between a funded movie industry and an independent one. On learning the importance of quality as expressed by a seasoned observer, the actor and producer, Jimmy Jean-Louis, something came to mind. There is something special about the Nigerian movie industry. It is the story of lions beginning to tell their stories to other lions leaving the disillusioned hunter at the edge of the forest. Strangely, this is reflected in the reactions of the audience, mainly of African descent. They can relate to what is been narrated, what is being shown.

 

Great laughs were inspired by the drama-comedy, set in London, Gone too far by Destiny Ekaragha. Sobbing and sighing could be heard during the movie, Dry by Stephanie Okéréké-Linus, which told of the sad fate of Halima. What can we say about the investigations of Inspector Waziri? Here, we could see from the brilliant, subjective and controversial point of view of Kunle Afolayan, the director of October 1. Kunle Afolayan is a Nigerian that gives us insight into a tragedy borne at the independence of his nation. The end of the story gives the spectator a view of the complexities and the challenges that a multi-cultural nation faces as she is forced to take her destiny in her hands. She has to do this by bearing the scars of the invisible abuse, inflicted on her in unexpected ways by the colonist.

 

I could talk about other movies that I saw, but my aim is to tell you that I discovered the real essence of an independent movie industry. It’s fascinating; the content is different. It is crucial for Africa to tell her own story. So why am I not surprised that these really good movies aren't in competition at FESPACO in Ouagadougou? Can we really say that Dry or October 1 are not up to standard for the competition?

October-1-World-Premiere-28-September-2014-AlabamaU2-02

Let's be honest, I do not know how the judges select the films for these festivals but I think that Boubacar Boris Diop’s reasoning is not far from the truth…this reasoning that one must pay allegiance to the funding party. Therefore, I think that any cohabitation of the latter and the independent Nigerian producers will not make any sense; it would be like finding a worm in your apple …

 

The strength of an independent movie industry is measured by the freedom of speech given to the creators, script writers and directors. Also, in one way or the other this measurement also applies to the literary world. The fact that certain African authors write for a western audience is a loss and a denial of responsibility. The consumer makes the artist. The consumer is the one who accepts to take a look at the produced work and it is left to him to judge if such an investment is worthwhile. Nollywood has found its true audience by producing movies that relate to them.

The economic power of this industry lies in a very large and loyal clientele and not in a small elite group that only looks down from its pedestal on the endogenous productions. The model is quite unstable as it does not rely on a network of movie theaters. However, this is not the subject of our discussion.

 

We should feel great pride that Nigerian or Ghanaian directors could be sponsored through independent means, government funding programs or foreign institutions especially western ones. This is therefore an ode to this movie industry, even though it can produce only one good film per year …

 

Translated by Onyinyechi Ananaba

Apologie d’un cinéma africain populaire et indépendant

Sans être un grand expert du cinéma africain, je suis avec intérêt les films qui ont le rare privilège d’être projetés dans les grandes salles obscures françaises. Franciliennes, je préciserais même. De Carmen de Joseph Gaye Ramaka à Viva Riva de Djo Tunda Wa Munga, de Sia Yatabaré, ou le rêve de Python de Dany Kouyaté, de Bamako à Timbuktu, deux voyages proposés par Abderahmane Sissako. Des films souvent bien bâtis, avec de belles images, une tonalité entendue.Kunle Afolayan

Kunle Afolayan, réalisateur nigérian

Le cinéma comme la littérature sont des objets culturels qui peuvent déconstruire ou renforcer une certaine image de l’Afrique et des Africains en général. Sans vouloir rentrer dans des considérations techniques, philosophiques, esthétiques, au fil de ces rendez-vous occasionnels, ratés souvent, si on excepte Timbuktu de Sissako, la conviction suivante s’est progressivement installé dans mon esprit : ces films « africains » financés par des fonds européens ne sont pas adressés à un public africain. Ils servent un discours néo-colonial au pire, sinon ils poursuivent l’entretien de clichés faux sur l’Afrique qui, d’une certaine manière, ont le mérite de rassurer le public qui paie pour les voir. Je suis conscient d’être quelque peu excessif. Mais entre nous, je ne suis pas le premier à le dire. Boubacar Boris Diop, le grand romancier et essayiste sénégalais en parle très bien dans la première nouvelle intitulée La petite vieille de son recueil La nuit de l’Imoko paru aux éditions Mémoires d’encrier. La révolte d'un intellectuel africain marginal quant à cette prise de parole biaisée et exprimée par le septième art piloté à distance est d’ailleurs durement réprimée. Quand on sait que l’un des principaux champs de bataille de Boubacar Boris Diop est la dénonciation d’une Françafrique qui fait la pluie et le beau temps sur le continent, la palabre est terminée, le sujet bien défini.

Le festival Nollywood week à Paris a motivé l'écriture de cette note. Il me semble avoir cru saisir la nuance entre un cinéma assisté et un cinéma indépendant. Si j’entends l’exigence de qualité qu’un observateur avisé comme l'artiste et producteur haïtien Jimmy Jean-Louis exprime avec insistance, il est une chose certaine au niveau du cinéma nigérian : les lions racontent désormais des histoires aux lions, laissant à la lisière de la forêt un chasseur désabusé. Et étrangement, cela se traduit dans les réactions du public dans la salle majoritairement d’origine africaine se reconnait dans ce qui est narré, mis en scène. Franches rigolades dans la comédie dramatique se déroulant à Londres (Gone too far, Destiny Ekaragha). Râles, soupirs, pleurs devant le triste destin d’Halima (Dry, Stephanie Okéréké-Linus). Que dire des enquêtes de l’inspecteur Waziri? Le point de vue de Kunlé Afolayan, réalisateur d'October 1, est brillant, discutable, subjectif. C’est un nigerian qui revisite avec lucidité une tragédie à l’orée de l’indépendance de son pays. L’issue de ce polar historique offre au spectateur un aperçu de la complexité et du défi pour une nation multiculturelle qui doit prendre en main sa destinée. Elle doit le October-1-World-Premiere-28-September-2014-AlabamaU2-02faire en portant les stigmates des violences sourdes infligées par le colon par des voies parfois inattendues.

Je pourrais parler d’autres films que j’ai pu voir, mais mon propos ici est dire que j’ai réellement vu du cinéma indépendant au sens le plus noble du terme. Et c’est passionnant. Le contenu diffère. Car il est essentiel que l’Afrique puisse produire un discours qui lui appartienne. Pourquoi ne suis-je pas surpris que ces films de très bonnes factures soient absents de la programmation du FESPACO de Ouagadougou? Peut-on vraiment dire que Dry ou October 1 ne soient pas compétitifs?

Soyons honnêtes, je ne connais pas les tenants et les aboutissants des sélections des jurys de ce genre de festival, mais encore une fois, je pense que Boubacar Boris Diop n’est pas loin de la vérité, quand il s’agit plus de faire allégeance aux structures qui financent toutes ces initiatives. La cohabitation avec des producteurs nigérians et indépendants serait un contre sens, comme introduire le ver dans la pomme…

La force d’un cinéma indépendant se mesure à la liberté du discours accordée aux créateurs que sont les scénaristes et les réalisateurs. Et d’une certaine manière, cette affirmation vaut pour le monde littéraire. Les procès faits à certains auteurs africains qui écriraient pour un public occidental est une fuite en avant et un déni de responsabilité. Ce qui fait l’artiste, c’est le consommateur, celui qui accepte de se confronter à l’oeuvre produite et qui juge qu’un tel investissement en vaille la chandelle. Nollywood s’est trouvé un vrai public en produisant des oeuvres qui lui parlent. La puissance économique de ce cinéma repose sur la base populaire très large fidélisée, non sur une élite restreinte qui regarde de haut toutes ses productions endogènes. Le modèle est instable. Il ne s’appuie pas sur un réseau de salles de cinéma. Mais, ce n’est pas le sujet de cet article que je vais conclure. Il y a une vraie fierté à réaliser que sur le continent, des réalisateurs nigérians ou ghanéens peuvent être soutenus par des programmes et financements autonomes à la fois des pouvoirs publics et de l’aumône des institutions étrangères et plus particulièrement occidentales. Nous faisons donc l’apologie de ce type de cinéma, même s’il n’est capable de produire qu’un bon film par an…

Laréus Gangoueus

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