Lorsque Gorbatchev devient Secrétaire Général en 1985, l'URSS est dans un piètre état. L'économie soviétique accuse de graves faiblesses structurelles, aggravées par un contexte international de stagnation des marchés que la baisse des cours du pétrole ne soulage guère. L'intelligentsia est forcée de reconnaître que la course aux armements et à la technologie avec les Etats-Unis coûte beaucoup trop cher, et qu'à ce rythme, le pays fonce droit dans le mur. Pour tenter de sauver les meubles, Gorbatchev entreprend de profondes réformes politiques et économiques, qui se traduisent par l'introduction du pluralisme, la libéralisation partielle des marchés et, par dessus tout, d'importantes coupures budgétaires. Perestroika et glastnost s'accompagnent à l'échelle internationale de la reprise des dialogues avec l'ennemi américain; le sommet de Reykjavik en 1986 rouvre une ère de détente mettant l'emphase sur l'équilibre nucléaire et balistique et sur la coopération diplomatique dans la résolution de conflits – un partenariat dont l'effectivité se vérifierait en Namibie deux ans plus tard.
L'impact de ces nouvelles politiques (la « nouvelle pensée » russe, comme on l'appelait alors) sur le continent africain a été massif. Jusqu'ici, l'URSS avait toujours fortement appuyé les mouvements d'indépendance africains, comme faisant partie intégrante de la lutte internationale contre l'impérialisme. Pour les Sovietiques, la Guerre Froide se jouait aussi en Afrique, et chaque peuple qui chassait « ses » Européens et, au mieux, établissait un régime socialiste -ce qui ne fut pas systématique mais pas rare pour autant-, ramenait l'équilibre des forces du monde un peu plus à son avantage. Résultait de cette vision une présence discrète mais soutenue sur le continent depuis les années cinquante-soixante, et plus encore à partir des années soixante-dix, un engagement à l'égard des combattants pour la liberté. Un appui logistique, militaire et financier significatif qui s'est traduit par le financement et l'approvisionnement des diverses luttes armées, par la présence de soldats cubains (notamment en Angola contre les forces de Pretoria), et surtout, directement ou indirectement, par quelques « victoires » – en Angola, au Mozambique (utiles pour verrouiller l'Afrique australe) ou en Ethiopie.
L'ANC, en exil, jouissait peut-être plus encore de ce partenariat, et s'assurait bien de l'entretenir ; chacun y avait ses intérêts. Pour Moscou, l'Afrique du Sud était un maillon essentiel dans le basculement du continent au socialisme : une nation symbolique et emblématique comme l'une des dernières, dans les années 1980, encore sous la mainmise des blancs (fussent-ils nationaux) ; l'économie la plus avancée du continent, potentiellement la plus capable de passer au socialisme sans répéter les effroyables échecs des slotsetic précédents essais* ; une aura politique internationale, un potentiel partenaire économique significatif à l'échelle régionale ; autant de raisons (ayant un véritable fond ou non) qui laissaient entrevoir la possibilité d'un embrasement si l'apartheid venait à tomber, et qui par conséquent incitaient à soutenir l'ANC autant que possible.
Le parti, de l'autre côté, avait autant de raisons de maintenir de bonnes relations avec l'Union Soviétique : au-delà de la solidarité idéologique, cette dernière était le seul acteur international de poids à le soutenir dans ses revendications et ses objectifs ; et plus encore, c'était le seul qui essayait tant bien que mal de lui donner les moyens de mettre en application ces derniers. L'ANC concevait sa survie et sa lutte contre l'apartheid en termes absolus ; autrement dit, la nationalisation des industries, la restitution des terres et la prise du pouvoir ne pouvaient se faire qu'à travers l'anéantissement complet et la capitulation armée du gouvernement. Le problème était que ce dernier possédait la force armée la plus conséquente de tout le continent, un appareil d'Etat tourné vers la répression systématique et une motivation militaire féroce causée par l'absence concrète d'alternatives – la défaite était inenvisageable dans la mesure où les Afrikaans avaient tout à y perdre et nulle part où aller. Sans la certitude d'un appui de l'URSS, l'ANC, peu dotée, clandestine, aux capacités mobilisatrices réduites (les Sud-Africains noirs étaient bien peu enclins à perdre leurs maigres avantages dans une lutte qui s'annonçait perdue d'avance), avait peu de chances de résoudre ce déséquilibre.
Mais, en 1986, Perestroika et Glasnost rompent cette certitude. Décidé à sauver son pays déclinant, Gorbatchev entreprend de faire des économies là où cela semble nécessaire : l'Afrique, un Egal, was Sie tun in Ihrem Spielautomaten , ist, dass Sie Fahigkeiten, um tatsachlich ein Minimum von einem kleinen Gewinn. terrain de lutte secondaire sous la Guerre Froide, n'y échappe pas. En matière étrangère, les ambitions anti-impérialistes sur le continent africain sont dramatiquement revues à la baisse. Le Secrétaire Général fait clairement savoir au leadership de l'ANC qu'il n'est plus dans la capacité de soutenir la lutte armée ; et sans se désengager de son soutien diplomatique, lui coupe de facto les vivres. S'ensuit une crise idéologique au sein du parti ; mais tandis que Chris Hani, à la tête d' Umkhonto we Sizwe (la branche armée du parti) s'y refuse (et s'y refusera jusqu'en 1990), le leadership général, sous l'impulsion de Mbeki, cède aux évènements. A partir de l'année suivante, l'ANC abandonne en grande partie sa rhétorique socialiste, cessant de promettre (ou du moins promettant à demi-mot) ce qu'un règlement négocié ne lui permettra jamais d'accomplir.
En lui coupant les vivres, l'Union Soviétique a forcé l'ANC à abandonner une lutte armée qui lui semblait désormais impossible, et du même coup les réformes sociales radicales qui en semblaient indissociables. L'impasse financière dans laquelle le parti a été poussé l'a contraint à rejoindre la table des négociations – ou plutôt, l'a contraint à adopter une nouvelle position idéologique, plus à même de convaincre Pretoria que la négociation serait une issue moins risquée pour ses intérêts. Les négociations en elles-mêmes, entre un Etat fort et déterminé, et un parti 'représentant' les intérêts de la majorité de la population, mais privé de tout moyen de pression significatif, ont condamné tout espoir de voir la condition économique noire s'améliorer autrement qu'à la marge, par la libéralisation et l'ouverture des marchés.
Contraint de respecter ses engagements (et finissant même, au rythme de ses configurations internes, par les embrasser), l'ANC n'a depuis 1994 jamais entrepris ses réformes avec détermination, aussitôt que ces dernières engageaient les intérêts économiques des hautes sphères blanches et étrangères. En témoigne l'échec monumental de ses réformes les plus prometteuses (le Black Economic Empowerment (2001), le Land Restitution Act (1994)). En témoignent les graves troubles d'aujourd'hui. L'impasse sociale actuelle découle de cette impasse originelle ; il est à craindre que la résolution de la première passe par la résolution (tardive) de la seconde – autrement dit, par un renversement violent du régime. L'histoire sud-africaine est loin d'être terminée.
Felix Duterte
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