Ceux qui ont participé à la Rencontr’Afrique du dimanche 23 novembre 2014 ont eu l’opportunité de découvrir le parcours d’entrepreneuriat social de Khadidiatou Nakoulima, qui diplômée de l’Ecole des Mines de Paris en 2009, ne s’est pas tournée vers un parcours professionnel classique de jeune diplômée, mais est rentrée dans son pays d’origine, le Sénégal, pour y créer un réseau médical dédié aux femmes enceintes et aux enfants en bas âge.
Tout est venu d’une idée…
Alors qu’elle termine ses études, son frère lui fait part de l’existence, en Inde, d’un réseau médical destiné aux classes moyennes, spécialisé dans l’accouchement et la pédiatrie. Tous deux sont conscients de la binarité du marché sénégalais dans ce secteur : il y a soit le secteur public, son engorgement et ses insuffisances, soit le secteur privé, très onéreux et destiné aux classes sociales les plus favorisées. Khadidiatou et son frère Ousseynou se lancent alors dans un défi de taille : créer au Sénégal un réseau du même type, assurant un suivi médical de la grossesse, de l’accouchement et du nourrisson, et pas seulement accessible aux élites. Ce projet se veut d’une qualité irréprochable, avec d’excellents services médicaux appuyés par une technologie de pointe, tout en étant abordable pour les classes moyennes. C’est donc un projet d’entreprenariat social, en ce qu’il combine deux objectifs : créer un système profitable d’un point de vue économique, tout en contribuant à l’amélioration des conditions de vie de la population au Sénégal.
A laquelle il a fallu donner vie…
Khadidiatou et son frère établissent un Business Plan, qu’ils font concourir dans des compétitions d’entreprenariat internationales. Ces évènements leur donnent l’occasion de rencontrer des investisseurs et de leur présenter leur projet. Ce dernier gagne en visibilité en arrivant en finale de la Global Social Venture Competition, la plus prestigieuse compétition d’entrepreneuriat réservée à des projets alliant viabilité économique et impact social positif.
L’étape des concours terminée, Khadidiatou décide d’apporter une nouvelle dimension à son projet en allant s’immerger pendant trois mois au sein d’une clinique indienne. Cette immersion lui permet de mieux s’imprégner du modèle avant de se lancer au Sénégal.
Et à laquelle il a également fallu donner corps…
De retour au Sénégal en 2011, Khadidiatou ouvre un premier plateau médical avec son père pédiatre qui assure les services médicaux. Pour donner plus d’envergure à son projet, il lui faut des autorisations administratives, notamment celle du ministère de la santé, qu’elle n’obtiendra qu’au bout d’un an, grâce à l’appui de l’APIX, l’Agence sénégalaise de promotion des investissements.
Quand on lui demande si elle a vécu des obstacles en tant que femme au Sénégal, Khadidiatou répond que la principale difficulté était plutôt liée à son jeune âge. Ses interlocuteurs la prenaient souvent pour l’incarnation d’une jeunesse utopique… En outre, le fait de vouloir ouvrir un réseau médical tout en étant ingénieur, et non médecin de formation, était une démarche innovante au Sénégal.
Après l’obtention des autorisations nécessaires, Khadidiatou peut véritablement développer son projet. En discussion avec la société d’investissement Investisseurs et Partenaires (IetP) depuis un certain temps, elle obtient un financement qui lui permet de mettre en place les infrastructures qui vont fournir les services médicaux et accueillir la clientèle. Ce financement lui permet également de lancer les premiers recrutements. Ces recrutements portent non seulement sur le personnel support administratif, mais aussi sur le personnel médical : sages-femmes, infirmières, aides-soignants et bien sûr médecins ; ces derniers qui s’associent aux premiers promoteurs pour le développement du projet. Au-delà du financement, IetP lui permet aussi d’avoir accès à de l’assistance technique là où les compétences locales font défaut. Enfin, Khadidiatou peut s’appuyer sur un comité stratégique qui compte parmi ses membres des conseillers dont l’expertise est reconnue et indispensable à NEST.
Nest est désormais un réseau médical, composé d’un plateau médical, qui offre un pôle de consultations et de soins d’urgences pédiatriques ouvert 24h/24 et 7J/7, ainsi qu’une clinique permettant la réalisation d’échographies obstétricales, du monitoring materno-fœtal, des analyses de laboratoire ainsi que des interventions chirurgicales. La clinique dispose également d’un bloc opératoire.
Aujourd’hui, Nest voit sa clientèle croître de jour en jour, et, bien qu’encore fragile en raison de sa jeunesse, le réseau affiche tous les signes positifs pour s’installer durablement sur le marché médical sénégalais.
Espérons que le parcours courageux et exemplaire de Khadidiatou inspire d’autres talents, issus de la diaspora africaine ou non, et nous la remercions vivement d’avoir bien voulu le partager avec l’Afrique des Idées.
Rouguyatou Touré