Interview de Laurent Liautaud, social-entrepreneur au Sénégal

laurent-liautaud-et-marc-rennardLaurent Liautaud, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

J’ai 36 ans, je suis au Sénégal depuis 2 ans. J’ai travaillé auparavant dans des marchés émergents et des marchés matures principalement dans l’industrie de la grande consommation et du conseil. Et donc je voulais entreprendre depuis longtemps en Afrique subsaharienne parce que je pense que c’est là que vont se dérouler les plus grandes innovations notamment dans le domaine de l’entreprenariat social qui m’intéresse beaucoup.

Qu’est ce que la plateforme Niokobok ?

Niokobok est un site internet sur lequel des gens, partout dans le monde, peuvent commander des produits qui sont disponibles au Sénégal pour leurs familles qui elles ont la possibilité de les retirer dans notre magasin partenaire aux Parcelles Assainies (banlieue de Dakar) ou bien de se faire livrer ; mais on fait majoritairement de la livraison. On fournit aussi des équipements solaires avec deux partenaires : Total et Station Energie Sénégal, une startup qui s’est lancée ici il n’y a pas longtemps.

Niokobok est vraiment une organisation à but lucratif mais qui a une ambition sociale de transformer la manière dont on peut prendre soin de ses proches à distance. Cet engagement social c’est ce qui fait, par exemple, qu’on a choisi comme premier élargissement de gamme le solaire. Parce que les énergies renouvelables, c’est intéressant au Sénégal et c’est important. On essaie aussi de faire des choses pour l’agroalimentaire local, tout ce qu’on vend vient du Sénégal car malheureusement dans ce pays, il y a beaucoup de choses importées. On aimerait être un canal qui aide à pousser des produits fabriqués ici.

Quels sont les modes de paiement que tu as développé?

On a la carte bleue Paypal et le virement bancaire qu’on a proposé mais qui est rarement utilisé. C’est intéressant de parler du mode de paiement car on a abordé la manière de faire adhérer les gens et justement ce fait est une barrière.

Pourquoi avoir choisi le Sénégal ?

Je crois que le Sénégal est à la fois un pays stable, un pays où il y a beaucoup de problèmes et de défis sociaux à relever mais un pays où il y a des infrastructures. C’est cela qui est intéressant. Le fait qu’il y existe beaucoup de difficultés structurelles et en même temps un cadre incitatif pour lancer des choses nouvelles.

On note que le Doing Business 2013 classe le Sénégal 166e sur 183 pays. Par rapport à ton expérience personnelle comment qualifierais-tu l’environnement des affaires dans ce pays ? Je pense honnêtement que la bonne surprise c’est qu’on n’ait pas beaucoup de difficultés dans le « doing business » pour l’instant. Créer une entreprise par exemple est une chose qui va très vite quand on a tous les papiers nécessaires.

N’as-tu pas noté une certaine lourdeur administrative ?

Non je crois qu’on ne peut vraiment pas se plaindre du processus de création d’entreprise. Après la complexité vient plus pour les plus gros. Nous, en tant que startup liée à internet, sommes tout de suite dans le secteur formel. Tout ce qui concerne le montage juridique et fiscal ainsi que la réglementation est compliqué certes, mais c’aurait été compliqué partout. En plus, ce n’est pas un handicap insurmontable. En fait pour l’instant moi je ne ressens pas du tout la 166e place dont on faisait référence.

Revenons sur l’agroalimentaire local, Niokobok a-t-il une stratégie visant à mettre en avant les produits faits ici ?

On va le faire. On a commencé par le solaire d’abord. Pour les produits locaux, on a commencé à lister du riz local d’abord, on l’a ajouté à notre gamme alors qu’il n’y était pas au début parce que des clients nous l’ont demandé. Mais le lancement de nouveaux produits nécessite de communiquer avant, avoir une stratégie plus ambitieuse et surtout un temps de réalisation.

Y a-t-il d’autres entreprises ici, dans la sous-région ou en Afrique qui font la même chose que Niokobok ?

Oui, il y a effectivement des initiatives similaires dans d’autres pays d’Afrique. Je pense que le e-commerce est un domaine en pleine ébullition sur le Continent.

As-tu l’ambition d’implanter Niokobok ailleurs qu’au Sénégal ?

Ultimement oui mais pour l’instant on est très occupé avec le Sénégal. Rien que pour la partie agroalimentaire, on ne fait que la région de Dakar. Donc l’objectif est de s’étendre partout au Sénégal. C’est un modèle qui peut être dupliqué dans d’autres pays mais pour l’instant on n’en est pas là.

N’as-tu pas l’impression qu’il faut une communication plus large pour mieux faire connaitre ce que tu fais au public ?

Si, le marketing est un enjeu important pas seulement pour faire connaitre mais pour que les gens aient confiance et essaient. C’est-à-dire que même des gens qui nous connaissent ne commandent pas, n’essaient pas tant que certains de leurs amis ne l’ont pas déjà fait. Donc oui le marketing est un aspect important pour ce genre de business mais je pense qu’on est dans le changement des comportements. C’est une alternative au transfert d’argent. Peut-être que ce n’est pas fait pour le remplacer totalement. Il faut que les gens prennent l’habitude de faire autrement, et c’est un grand défi marketing qui consiste non seulement à se faire connaitre mais en plus à ce que les gens utilisent nos services. Donc un double défi.

Niokobok a déjà obtenu deux récompenses internationales. Lesquelles ?

Il s’agit du troisième prix Orange de l’entreprenariat social en Afrique. Orange nous a ainsi apporté un appui financier et un accompagnement technique. On a aussi reçu une distinction dans un programme du Département d’Etat américain qui est le GISTECH HI. Ce sont là des choses qui nous ont fait gagner de la crédibilité auprès de nos premiers clients.

Y a-t-il eu un avant et un après prix Orange?

Oui parce que ça nous a permis de gagner en notoriété et de régler quelques problèmes d’ordre juridique notamment. Et puis on reçoit des conseils de pas mal de gens du groupe sur plein de sujets. Donc oui  il y a eu un avant et un après. D’ailleurs, la campagne du prix Orange 2012-2013 va démarrer et j’encourage tous le monde à y participer.

Enfin, peux-tu nous parler de Jokkolabs ?

C’est un endroit intéressant. C’est un espace de co-working où des entreprises et des freelances viennent pour partager un espace de travail et puis aussi pour adhérer à une communauté. A l’origine Niokobok était un projet de magasin comme les boutiques de référence, une chaine de magasins périurbaine et rurale.

En fait, je me suis installé à Jokkolabs et j’étais en contact avec d’autres entrepreneurs des TIC et j’ai vu qu’aujourd’hui dans le commerce, comme dans tous les secteurs, ne pas tenir compte des TIC est une folie. Et le projet a donc évolué ici grâce aux contacts avec d’autres gens. Mon premier voisin de bureau – parce que ça change tout le temps- , c’était Ludovic Lima qui a créé l’agence 3W, la première agence au Sénégal à avoir obtenu l’accréditation Facebook. Quand je travaillais sur mon projet de boutique, initialement dans la région de Kaolack (Centre), je faisais des allers retours, je le voyais lui s’occuper de ses campagnes Facebook et je me disais : « il faut en tenir compte ». Je pense que c’est des endroits très intéressants pour permettre des rencontres entre des gens qui travaillent sur des choses différentes et entre des entrepreneurs. Il y a des choses très modernes comme le co-working que moi personnellement j’ai découvert au Sénégal même si c’est une tendance mondiale.

Entretien réalisé pour Terangaweb – L'Afrique des Idées par Nima Daff et Racine Demba

Interview de Ousseynou Ndiaye, spécialiste de l’Egypte ancienne (suite et fin)

Capture-Ousseynou-300x151Voici la dernière partie de l'interview de Ousseynou Ndiaye, chercheur sénégalais qui s’intéresse à l’Egypte ancienne. « Le dieu Râ n’est pas le soleil mais un volcan », voilà l’information, fruit de ses recherches, qui lui vaut la curiosité du public et des inimitiés chez certains spécialistes de l’égyptologie. Nous sommes allés à sa rencontre afin de nous entretenir avec lui de l’Egypte pharaonique, sa passion, et de l’Afrique, « le poumon scientifique de l’humanité » dit-il.

Des égyptologues occidentaux ont pu, peut être, passer à côté de ce que vous avancez à cause des a priori dont vous avez évoqué à l’entame de votre propos. Mais il y a aussi eu des Cheikh Anta Diop, Théophile Obenga, Aboubakry Moussa Lam entre autres africains qui ont écrit sur l’Egypte, qu’eux soient passés à côté de ça, c’est aussi une question…

Je vous répondrai la même chose. Que tout le monde passe à côté ne devrait pas vous étonner.  Vous avez vu à la fin de mon manuscrit, la réflexion d’Arun Tazieff : « En science ce n’est pas l’opinion du plus grand nombre qui importe. Ce n’est même pas l’unanimité complète sur un sujet ». Tout le monde peut se tromper sur un sujet et un jour la vérité finit par éclater.

Qu’est ce qu’un Râ volcan change dans le rapport des africains, surtout les jeunes, avec leur histoire ? Y a-t-il un changement de paradigme ?

Je pense que si un Africain, de surcroit qui n’est pas un professeur d’égyptologie, découvre une telle vérité scientifique, cela peut changer notre façon de nous regarder. On a perdu 53 ans, depuis que nous sommes indépendants, à mépriser nos langues. Trouver que ces langues expriment des vérités scientifiques, c’est nous considérer autrement, savoir que l’Egypte ancienne nous permet d’intégrer culturellement l’Afrique du Caire au Cap. De la même manière que Cheikh Anta Diop insistait sur «  la nécessité de bâtir les humanités africaines à partir du socle de l’Egyptien ancien » à l’instar de la culture Gréco latine à la base des humanités européennes.  Et l’européen, vous savez, même quand il ne croit pas en la véracité de cette histoire, se réfère toujours à son histoire, c’est admirable. Toutes les planètes du système solaire portent le nom de dieux romains : Mars, Vénus, Neptune, Pluton, Jupiter … Or ils savent que ces dieux n’ont jamais existé mais c’est pour conserver leur histoire propre. Et dès qu’on découvrira une comète, une planète quelque part, ils vont toujours se référer à l’Antiquité Gréco- romaine. Alors que nous, non seulement on se méprise mais on a une profonde haine de soi, c’est terrible. Nous sommes le seul peuple de la terre qui se hait. L’africain semble ne pas vouloir se libérer. Que des pays indépendants depuis plusieurs décennies ne veuillent pas se libérer, c’est terrible. Nos langues nationales ne sont pas enseignées et nos enfants vont de plus en plus les parler mal. On leur a fait comprendre que la langue qu’ils parlent à la maison ne mérite pas d’entrer à l’école et cela est un mépris profond de soi. On ne demande pas de jeter le français à la mer, ça n’arrivera pas mais de donner un peu de dignité à ces enfants qui partent à l’école, qu’ils sachent que leur langue est une langue comme les autres. L’anglais est aujourd’hui la langue la plus répandue pourtant il y a quelques siècles, à la Cour d’Angleterre, on parlait français. La devise du Royaume Uni est en français : « Honi soit qui mal y pense » « Dieu et mon droit ». Ils ont abandonné par la suite le français pour revenir à la langue naturelle que tout le monde parlait, une langue très simple : l’anglais. Les Africains ne l’ont pas fait.

Il faut une volonté politique pour enseigner à nos enfants leurs langues et leur histoire. Au Sénégal on essayé dans les années 80. On a mis des enfants pendant trois ans à la maternelle avec un apprentissage en langues locales et d’autres avec le système classique. On s’est rendu compte qu’au CM2, il y avait un pourcentage d’admis beaucoup plus élevé chez ceux qui avaient commencés avec la langue maternelle. Ces derniers avaient ensuite plus de facilité à acquérir une autre langue. Tout cela ceux qui gèrent le pays le savent.

Sur ce point vous montrez dans l’ouvrage à quel point le wolof par exemple est une langue scientifique…

Oui je donne l’exemple de l’expression wolof « aduna wer ngeul kepp », la terre tournant sur elle-même sous forme circulaire. C'est-à-dire qu’au moment où en Europe on se demandait si la terre était ronde et que ceux qui le pensaient le disaient au péril de leur vie, ce concept était déjà familier dans nos langues. Les Joola fabriquent la poudre à canon. On dit que les chinois  en sont les inventeurs. S’est-on demandé où les Joola ont appris cela. C’est sûr que ce ne sont pas les Français qui sont venus le leur apprendre. Ils l’utilisaient dans leurs cérémonies de Boukout pour faire leurs pétards et ils le faisaient avec des essences locales et du citron. La poudre à canon existe donc depuis des temps immémoriaux en pays Joola.

Vous vous intéressez aussi à un thème très actuel en Afrique de l’Ouest notamment : le système des castes. Pourquoi est ce si important à vos yeux ?

C’est pour montrer à quel point ces considérations sont dénuées de sens et nous retardent dans notre processus de développement. On dit : moi je suis noble, tel est cordonnier, tel autre forgeron parce que leurs ancêtres ont pratiqué ces professions donc ils me sont inférieurs.

Pourtant, par le passé, quand on maitrisait le fer, par exemple, avant les autres on les dominait par les armes parce qu’on savait les fabriquer et le secret n’était donné que plus tard. C’est ainsi que dans des légendes du monde, les forgerons étaient des rois. On a eu dans l’Empire mandingue, il n’y a pas longtemps, le règne de Soumahoro Kanté qui était un roi forgeron. Et symboliquement Soundijata Keita a du plier une barre de fer en s’y appuyant pour aller tuer Soumahoro qui était invulnérable au fer. Le roi David était forgeron, il maitrisait le fer, Dieu le dit dans le Coran. Si on ne sort pas de ces considérations sans fondement, on avancera pas. Dans le Coran Dieu dit ne vous appelez pas par des noms fictifs. Pourquoi appeler un maçon : forgeron, un tailleur : griot ou un médecin : esclave ? Il n’est l’esclave de personne.

Quel regard portez-vous sur la recherche scientifique en Afrique ?

On a l’impression que les choses scientifiques n’intéressent pas les Africains, que tout doit arriver de l’extérieur. Quand vous voyez à la télé des documentaires sur la faune, la flore africaine, tout vient de l’extérieur. L’Africain se dit paresseusement que ça ce n’est pas pour nous, c’est pour le « toubab » qui s’intéresse à tout, jusqu’aux insectes. On se laisse vivre, on croit que les choses scientifiques ne sont pas faites pour nous. Or c’est une grosse erreur. Nous avons énormément de choses à apporter, nous avons une très belle partition à jouer dans le concert des nations mais on l’étouffe, on ne veut pas l’entendre. Il devait y avoir des mécènes en Afrique à défaut d’avoir des Etats qui financent la recherche. Il y a de brillants chercheurs en Afrique mais on ne les aide pas, on ne les connait pas ou parfois quand on les connait on les étouffe. Si Modibo Diarra était resté au Mali, il serait devenu cotonculteur. Ici il y a des gens qui brillent, qui s’en sortent mais ils sont étouffés par ceux qui nous dirigent, ceux là ne font qu’obéir à des maitres qui voudraient que l’Africain reste toujours au bas de l’échelle de l’humanité.

Le mot de la fin…

Je souhaite que l’Afrique des médias se développe au point de pouvoir montrer toutes ces vérités cachées. Parce que le berceau de l’humanité c’est ici, ce n’est pas ailleurs. Le Pape Benoit XVI disait : « l’Afrique est le poumon spirituel de l’humanité ». Il a parfaitement raison. Et ce n’est pas seulement le poumon spirituel de l’humanité, c’est aussi le poumon scientifique. Il faudra tôt au tard que l’humanité retourne au lieu de sa naissance pour trouver des solutions à ses problèmes.

Entretien réalisé pour Terangaweb – L'Afrique des Idées par Nima Daff et Racine Demba

 

Aller plus loin: vidéo Ousseynou Ndiaye

 

 

Interview de Ousseynou Ndiaye, spécialiste de l’Egypte ancienne (1)

Capture-Ousseynou-300x151Ousseynou Ndiaye est un chercheur sénégalais qui s’intéresse à l’Egypte ancienne. « Le dieu Râ n’est pas le soleil mais un volcan », voilà l’information, fruit de ses recherches, qui lui vaut la curiosité du public et des inimitiés chez certains spécialistes de l’égyptologie. Nous sommes allés à sa rencontre afin de nous entretenir avec lui de l’Egypte pharaonique, sa passion, et de l’Afrique, « le poumon scientifique de l’humanité » dit-il.

Ousseynou Ndiaye, pouvez vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je n’ai pas de parcours particulier, je suis enseignant de métier et je n’ai fais que ça jusqu’à la retraite puis je me suis intéressé à la recherche, en particulier à l’égyptologie. Je suis littéraire de formation mais curieux de tout, passionné de toutes les sciences. C’est à la suite de la lecture de Nations nègres et Culture de Cheikh Anta Diop que je me suis dit que les choses ne devaient sûrement pas s’arrêter à cela et qu’il y avait certainement beaucoup d’autres choses à découvrir. J’ai trouvé des choses, et je me suis dit qu’elles seraient intéressantes à partager. Ainsi, j’ai écrit un manuscrit. L’information principale contenue dedans étant que le dieu Râ de l’Egypte ancienne n’était pas un soleil mais un volcan.

 Vos récentes sorties dans la presse ont fait l’objet d’un accueil élogieux venant d’une grande partie du public. Cependant certains se sont demandé à quel titre vous parlez de l’Egypte ancienne et si votre voix fait autorité en la matière…

Vous savez, c’est comme si vous vous demandiez si celui qui a inventé cette machine avait le droit d’inventer cette machine. Celui qui a fait une trouvaille scientifique est ce qu’il a le droit de parler de cette trouvaille scientifique ? C’est une question qui est aberrante. Il y a un petit paysan rwandais qui a, avec des objets de récupération, érigé un barrage hydroélectrique, électrifié sa maison, et les gens sont venus, par exemple, recharger leurs téléphones portables dans la petite installation qu’il a faite chez lui, dans son petit village. Personne ne lui a posé la question de savoir pourquoi il avait entrepris de faire ça. C’est une question qui est ridicule à mon avis.

 Vous ouvrez votre ouvrage (à paraitre ndlr) « L’Egypte ancienne, l’Afrique et le volcan » par une affirmation : « les égyptiens anciens n’ont jamais adoré le soleil, et le dieu Râ est un volcan ». Sur quoi repose cette affirmation ?

J’ai toujours voulu savoir est ce qu’il était vraiment possible que l’histoire de l’Afrique soit toujours écrite par des étrangers. Et à mon avis l’histoire d’un peuple doit être écrite par ce peuple lui-même. Il y a un proverbe wolof qui dit : « waané wessu woul nettali sa gentou morom », bien malin celui qui voudrait raconter le rêve d’autrui. Donc quand je me suis mis à rechercher quelque chose dans l’histoire égyptienne, je ne devais pas être le seul à le faire. Je dis que je ne suis pas un égyptologue mais je suis un égyptoloque comme on dit un ventriloque. Et tous les africains sont des égyptoloques parce que tous « parlent » l’Egypte donc je ne devrais pas être seul et je suis sûr que les trouvailles que j’ai faites auraient pu l’être par n’importe lequel d’entre nous. Personne ne poserait alors la question de savoir pourquoi vous vous intéressez à l’Egypte, est ce que vous êtes allé à l’université, ça ne sert à rien. Le professeur Lamine Ndiaye, ancien recteur de l’Université de Saint Louis disait que pratiquement toutes les découvertes se sont toujours faites en dehors de l’université. N’importe qui peut le faire. On dit encore chez nous : « Puso bou reer, xaale meun nako for mak meun nako for », l’aiguille perdue peut être retrouvée aussi bien par l’enfant que par l’adulte. J’ai cherché, j’ai trouvé, et maintenant les égyptologues qui ont quelque chose à redire peuvent le faire. Moi je les plains s’ils se mettent à essayer de démonter ce que j’ai dit. Je les plains déjà.

 D’où est partie l’inspiration ? La lumière est venue d’où ? A partir de quel moment ou de quelle découverte vous avez commencé à vous dire que Râ qu’on considère jusqu’ici comme le dieu soleil est en fait un volcan ?

Une découverte se fait toujours par intuition d’abord. Il y a quelque chose de très fort, on ne sait pas comment ça arrive. On se met à penser à une idée et je ne sais pas comme Archimède qui se baigne et qui sort du bain en criant « eurêka, j’ai trouvé »…C’est comme ça, c’est fortuit toujours, c’est soudain, on se dit qu’on a trouvé quelque chose, que ça devrait être ça, on cherche à creuser et on trouve que c’est un filon extrêmement riche. Les patronymes africains démontrent que l’Afrique entière a été au diapason de l’Egypte ancienne donc adoratrice du volcan. Les noms surtout ceux qui sont en Re et en Ra sont d’origine volcanique. La pyramide est un volcan artificiel et l’obélisque représente une aiguille volcanique. Le générique de Ra se retrouve sur d’innombrables volcans sur la surface du globe : Ararat en Turquie, Nyamuragira , Nyiragongo en RDC , Muhabura entre l’Ouganda et le Rwanda , Tarawera en Nouvelle Zélande , Takora au Japon, Gongora au Nicaragua etc.
Le wolof rend bien compte de cette vérité car elle possède un vocabulaire volcanologique extrêmement dense : Rafet, Ragal, Rabax … sont des types d’éruptions volcaniques. Le feu lui même se dit sawara, urine de Ra, le volcan.

Comment pouvez-vous expliquer que personne avant vous n’ait pensé à ce que vous exposez avec une telle évidence ?

C’est toujours comme ça. Il y a eu des expéditions qui ont été faites, au 19e siècle, en Egypte par des groupes de scientifiques, et parmi ces savants il y avait un volcanologue mais il n’a pas pensé un seul instant que Râ était un volcan.  On peut passer à côté d’une vérité sans la voir, les découvertes se sont toujours faites comme ça. Moi je m’en suis rendu compte en lisant des cartouches, ces formes ovales dans lesquelles on inscrivait les noms des souverains égyptiens, en les vocalisant, c'est-à-dire les prononcer comme les égyptiens le faisaient puisque les occidentaux ont opéré des déformations au fil du temps. Par exemple, on vous dit Mykérinos, Sésostris, Ramsès dans les ouvrages d’égyptologie et ça ne sonne pas africain. Je me suis ainsi appliqué à lire ces cartouches et lorsque j’y suis arrivé, j’ai été très heureux de voir que ces noms étaient déformés. D’ailleurs dans certains ouvrages d’égyptologie on vous donne la prononciation approximative à côté de celle que tout le monde connait. Je me suis donc rendu compte que ces noms sonnent très africains. Par exemple quand je dis Ciré c’est pulaar et c’est Osiris, Fara c’est sérère et c’est le pharaon, Biram c’est à la fois wolof, sérère et pulaar, Fara Biram c’est Ramsés. Le wolof pour dire je rentre chez moi dit : « mangi dem nibbi », je rentre en Nubie. Or la Nubie était considérée par les égyptiens comme la terre des ancêtres. Quand il y avait des problèmes en Egypte, le pharaon déchu se réfugiait en Nubie. C’est comme le Français qui dit s’orienter, ce qui veut dire simplement regarder l’Orient parce qu’il vient de l’Est. Il est indo-européen donc s’orienter c’est regarder d’où il vient et c’est vers l’Est.

Entretien réalisé pour Terangaweb – L'Afriques des Idées par Nima Daff et Racine Demba