L’Afrique francophone est-elle moins propice aux affaires que l’Afrique anglophone ?

JPG_DoingBusiness291014

L’Afrique francophone est-elle moins propice aux affaires que l’Afrique anglophone ?

Dans le classement Doing Business 2015, révélé hier, l’Afrique, comme à son habitude, ne brille pas. Mais plus encore, les pays d’Afrique subsaharienne francophone font figure de derniers de la classe, derrière leurs camarades anglophones. Ainsi, si les pays d’Afrique subsaharienne anglophone sont représentés dans le classement, hors Afrique du Sud, dès la 46ème place grâce au Rwanda, l’Afrique francophone fait une apparition bien moins glorieuse à la 144ème place seulement, avec le Gabon. Le classement des autres pays francophones s’inscrit dans cette lignée, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Bénin, le Cameroun, le Sénégal, le Burkina Faso, le Niger, la Guinée, la Mauritanie, le Congo, la République Démocratique du Congo, le Tchad et la République Centrafricaine étant classés entre les 146ème et 187ème places. L’Afrique anglophone s’en sort mieux avec déjà une bonne dizaine de pays classés avant le Gabon, premier au classement des pays francophones.

Inévitablement, on s’interroge sur les raisons d’un tel écart : qu’est-ce qui explique que le climat des affaires des pays d’Afrique anglophone soit généralement considéré comme plus sain par les acteurs du projet Doing Business ?

Vous avez dit Doing business ?

L’indice de facilité de faire des affaires ou Ease of Doing Business en Anglais a été mis en place en 2002 par le groupe de la Banque Mondiale. Il a pour objet de mesurer la réglementation des affaires et son application effective dans les pays qui font l’objet d’études, afin de déterminer si l’environnement réglementaire de ces pays est propice aux affaires des petites et moyennes entreprises. Pour établir ce classement, le groupe s’appuie sur des avis d’autorités publiques, d’universitaires, de praticiens et d’observateurs. Le classement 2015 a été établi sur 189 pays et s’est appuyé sur dix critères: la création d’entreprise, l’octroi de permis de construire, le raccordement à l’électricité, le transfert de propriété, l’obtention de prêts, la protection des investisseurs minoritaires, le paiement des taxes et impôts, le commerce transfrontalier, l’exécution de contrats et le règlement de l’insolvabilité.

Ce classement a un réel impact : il remplit non seulement un rôle d’information auprès des investisseurs, mais instaure également une concurrence stimulante entre les États objets du classement ; il a ainsi inspiré aux gouvernements de ces pays d’importantes réformes ambitionnant d’améliorer le climat des affaires dans leurs États.

Dans ce contexte, on peut aisément expliquer que l’Afrique en général ne figure pas en pole position : elle n’est pas connue comme un berceau du capitalisme. Mais comment expliquer une telle disparité entre les pays d’Afrique subsaharienne anglophone et ceux d’Afrique subsaharienne francophone ?

Une question de stabilité politique ?

Hormis l’Afrique du Sud, tous les pays d’Afrique francophone et anglophone ont été colonisés par le Royaume-Uni, la France ou la Belgique. Tous ont accédé à l’indépendance dans les années 1960, et ni les uns, ni les autres n’ont fait preuve d’une stabilité politique exemplaire ; des dictatures flamboyantes se sont illustrées dans une catégorie comme dans l’autre, et le Rwanda, qui se situe à l’honorable place 46, a connu une crise politique sans précédent dans les années 1990. Il n’y a donc pas de différence notoire en termes de solidité des institutions politiques des pays d’Afrique francophone ou anglophone.

Une question de corruption ?

Ce n’est pas nouveau : l’Afrique est minée par la corruption, et le moindre service requérant l’intervention d’une émanation de l’Etat, que ce soit du gouvernement lui-même ou un simple agent d’administration publique est complexifié par la volonté de ces intervenants d’en tirer un bénéfice (monétaire) personnel. Les acteurs des affaires en Afrique sont confrontés à ces problèmes dans tous les pays et l’on ne pourra raisonnablement affirmer qu’il y ait plus de corruption en Afrique francophone qu’anglophone.

Une question de tradition juridique ?

A l’indépendance, les Etats d’Afrique se sont inspirés de leurs anciens colonisateurs pour établir leur système politique et juridique : ainsi, les pays francophones sont plus influencés par la tradition du droit écrit français ou belge tandis que les pays anglophones sont influencés par celle du Common Law, qui est réputée plus souple et moins formaliste. Ajoutons à cela que des corps de règles archaïques et peu adaptés au fonctionnement des affaires sont parfois toujours en vigueur dans les pays francophones.

La situation s’est tout de même nettement améliorée depuis la création en 1997 de l’Organisation pour l’Harmonisation du droit des Affaires en Afrique (OHADA), qui réunit 17 Etats (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, République Démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo) et qui édicte des Actes uniformes directement applicables dans ses Etats membres instituant ainsi un droit harmonisé dans différents domaines, tels que le droit commercial général, le droit des sociétés, le droit des sûretés ou encore les procédures de recouvrement et voies d’exécution. Ce droit est également fortement inspiré du droit français, mais, bien qu’il apporte d’indéniables améliorations, il comporte un formalisme qui peut se révéler contraignant.

Par exemple, en droit des sociétés : jusqu’à la réforme intervenue en janvier 2014, il était impossible pour une entreprise de tenir une assemblée générale ou un conseil d’administration à distance dans les pays d’Afrique francophone : toutes les réunions devaient être physiques ce qui est extrêmement contraignant pour les entreprises tournées vers l’international et dont les acteurs sont localisés dans différents pays, et qui ne favorise pas la prise de décision rapide. Dans la plupart des pays anglophones, il est depuis longtemps possible de tenir des réunions à distance en utilisant les moyens de télécommunication existants tels que la conférence téléphonique ou la visioconférence.

Le cadre réglementaire plus souple des pays anglophones explique donc certainement leur meilleur positionnement dans le classement Doing Business.

Une question de dynamisme législatif ?

Le Rwanda, premier de la classe, a récemment entrepris des réformes dans huit des domaines couverts par l’indicateur Doing Business : les pays d’Afrique anglophone feraient preuve d’un plus grand dynamisme législatif ; mais le fait est qu’en Afrique francophone le droit des affaires est un droit harmonisé dans de nombreux domaines dans le cadre de l’OHADA, et que des réformes d’envergure sont plus complexes à mettre en place lorsque plusieurs Etats membres doivent parvenir à un accord ; on ne peut néanmoins que saluer l’existence d’un droit régional qui ne peut que contribuer à la sécurisation du climat des affaires. D’ailleurs, dans le classement 2014, l’Afrique francophone n’apparaissait qu’à partir de la 154ème place, et plus généralement, on observe une domination moins forte des pays anglophones ; il y a donc du progrès, et la récente réforme OHADA y est certainement pour quelque chose. 

OHADA : défis et perspectives

UntitledDans un précédent article, nous avons abordé le bilan de l’OHADA : bilan plutôt positif, suscitant assez de convoitise aussi bien sur le continent, qu’au delà. Un corpus de neuf actes uniformes est aujourd’hui en place avec plus de deux milles articles d’application immédiate, couvrant des pans essentiels du droit des affaires (droit commercial général, droit des sociétés, sûretés, procédures collectives) et de la procédure civile (voies d’exécution et arbitrage) ; plusieurs institutions qui fonctionnent et une école qui forme d’éminents juristes. Bien que son objectif de fiabilisation soit largement rempli, pour pérenniser ce succès et continuer d’être le garant du droit des affaires tout en accompagnant le dynamisme économique actuel à peine entamé de l’Afrique, il reste à l’OHADA quelques défis à surmonter. Ils sont de plusieurs ordres : le défi d’expansion juridique, la problématique du fonctionnement des organes et institutions, le défi d’expansion linguistique, géographique, la réactivité face aux conjonctures et le défi d’une bonne cohabitation avec les autres institutions de la zone : CEDAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest), CEMAC (Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale), etc..

1. Problématique du fonctionnement des organes et institutions : le défi ici est au renforcement des organes existants et à la création de nouveaux organes. Récemment, beaucoup d’efforts ont été faits dans ce sens. La « Conférence des chefs d’états » a été instituée, le secrétariat permanant à vu son rôle renforcé, l’ERSUMA (École régionale supérieure de la magistrature) s’est vu assigné de nouvelles missions d’information, de formation et de recherche, la CCJA(Cour commune de justice et d'arbitrage) a vu ses effectifs portés de sept juges à neuf avec la possibilité d’en nommer d’autres en fonction des besoins et des possibilités financières de l'organisation. Si l’effort est à saluer, il est nécessaire de revoir les procédures de traitement des dossiers eu égard au délai actuel, jugé trop long devant la Cour. Il faudrait aussi renforcer les commissions nationales pour la promotion du droit OHADA et faciliter l’intermédiation entre l’organisation et les autorités nationales. Une réflexion sérieuse doit donc être menée quant au fonctionnement des organes et institutions.

2. Défi d’expansion juridique et modernisation des actes uniformes existants : Aujourd’hui, il faut de nouveaux actes uniformes. Par exemple, l’acte uniforme portant harmonisation et organisation des comptabilités exclut de son champ d’application, les banques, les établissements financiers, les compagnies d’assurances, ainsi que les entreprises soumises aux règles de la comptabilité publique. Pendant que les économies se spécialisent de plus en plus (mine, agro-alimentaire etc..), l’absence de normes sectorielles comptables propres à chacun ne facilite pas la tâche aux professionnels qui sont obligés de jongler avec les normes (généralistes) existantes. Malgré les efforts, le constat est celui de l’obsolescence des normes. Le projet de modernisation des actes en cours piloté par le secrétariat permanent et financé par la Banque Mondiale doit donc être poursuivi. Le droit OHADA a, par ailleurs, besoin d’être approfondi car il doit fréquemment être appliqué conjointement avec le droit national de l’un ou de l’autre des Etats membres. Ainsi, un contrat de vente est, pour ce qui est de ces effets, régi par l’acte uniforme du droit commercial général, alors que pour sa formation, il est plutôt régi par le droit national. La résolution d’un litige portant à la fois sur la formation et sur les effets d’une vente est donc problématique, ne serait-ce que pour déterminer la cour suprême compétente : la CCJA ou bien la cour suprême nationale du pays concerné. L’adoption d’un acte uniforme sur le droit des contrats, dont il existe aujourd’hui un avant-projet mais qui est malheureusement en sommeil permettrait de résoudre cette difficulté.

Par ailleurs, des travaux d'harmonisation spécifiques du droit du travail, eu égard à la sensibilité de la matière, ont été engagés et le droit de la vente aux consommateurs est également un chantier en cours dans le cadre de l'OHADA. Autant il peut être affirmé que l’OHADA remplit son objectif de contribuer à fiabiliser le droit des affaires de la région en fournissant des normes modernes et accessibles, autant, l’objectif de la fiabilisation du judiciaire reste lointain.

Les deux difficultés majeures sont respectivement le mauvais état général de la justice dans la plupart des Etats membres et l’encombrement de la CCJA, dont les délais de traitement sont actuellement décourageants.

3. Expansion géographique et linguistique : Le défi ici sera de préparer le terrain pour faciliter l’adhésion des pays anglophones de tradition juridique issu du Common law. Ceci permettrait d’éviter un alourdissement de son fonctionnement et une fracture du droit uniforme en cas d’adhésion massive d’autres pays. Les pays anglophones ont de nombreux concepts juridiques qui sont loin d’être communs avec ceux du droit OHADA ou leur font défaut, sans parler de ceux qui peuvent être antinomiques. Cette distorsion amènerait l’OHADA à revoir complètement les actes uniformes déjà adoptés, déstabilisant totalement les professionnels du droit et les justiciables de la zone. L’adhésion des Etats dont le système est inspiré du Common law doit être sérieusement et longuement préparée par une réduction ou une suppression de toutes les différences qui peuvent empêcher leur adhésion. Il devra aussi prendre en compte les aspects linguistiques. Officiellement selon l’article 42 du traité révisé de l’OHADA, le français n’est plus la seule langue de travail de l’OHADA : l’anglais, l’espagnol et le portugais ont désormais ce rang. L’OHADA compte parmi ces rangs des pays comme le Cameroun, partiellement anglophone,  la Guinée Bissau et  la Guinée Equatoriale qui sont respectivement lusophone et hispanophone. Néanmoins, la traduction officielle du traité, des actes et des règlements reste à faire. Le défi pour l’organisation est d’assumer ce choix, que les actes soient traduits et que le fonctionnement soit quadrilingue sans que cela ne constitue un important facteur de ralentissement des travaux, d’augmentation des coûts de fonctionnement et de conflits juridiques complexes.

4. Défi de la cohabitation avec les autres institutions de la zone : l’OHADA doit constamment chercher à éviter les chocs juridiques de sorte que ses normes n’entrent pas en conflit avec celles des autres institutions de la région telles que l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine), la CEMAC (Règlements), les annexes au Traité de l’OAPI (Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle)(), le Code CIMA annexé au Traité CIMA (Conférence interafricaine des marchés d'assurance) .

Elle devra par ailleurs prendre en compte les paramètres liés à la complexité de la conjoncture économique mondiale et autres bouleversements pouvant affectés durablement les économies de la zone mais aussi les défis socio-économiques qui s’imposent à ses pays membres, notamment sur le plan des infrastructures et au regard des efforts des pays pour s’insérer sur le marché mondial.

Au final, s’il faut reconnaitre qu’en vingt ans, l’OHADA a fait de beaux progrès en garantissant une sécurité  judiciaire et juridico-économique de la région, elle ne pourra continuer à « faire société[1] »  qu’à travers une profonde réflexion visant à sa restructuration et au renforcement des organes de gouvernance.

                                                                                                                                  Arnold  ANGLO

Sources:

L’OHADA, 20 ans après. Bilan et perspectives

OHADA, une actualité chargée. Barthelemy COUSIN, Norton Rose LLP

L’OHADA, Défis problèmes et tentative de solutions. Joseph ISSA, Paul GERAD


[1] « Faire société, c’est, de manière plus exigeante, vouloir se dépasser pour s’engager ensemble, dans un projet commun, et agir ensemble », pour reprendre la belle formule du président de l’OIF, Abdou Diouf

 

 

 

 

L’OHADA, succes story d’un outil juridique d’intégration en Afrique

UntitledL'Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires OHADA a fait le bilan et les perspectives des ses activités à l'occasion de ses vingt ans d’existence en octobre 2013. Première expérience réussie sur le plan mondial d’uniformisation de règles juridiques interétatique, elle suscite un intérêt toujours croissant d’autres pays sur le continent. Mais malgré ce succès, l’OHADA peut-elle se feliciter dans un contexte d’internationalisation, d’ouverture croissante des marchés africains, et de normalisation rapide des règles comptables & financieres ?

L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des Affaires (OHADA)[1] a été créée par le traité du même nom le 17 Octobre 1993 à Port Louis (Ile Maurice) et révisé le 17 octobre 2008 au Québec. Son objectif est de remédier à l’insécurité juridique et judiciaire[2] dans ses états membres afin de restaurer la confiance des investisseurs mais aussi de faciliter les échanges socio-économiques entre les États Parties. Elle vise également à promouvoir l’arbitrage et les autres modes alternatifs comme instrument  de règlement des différends commerciaux. Elle compte actuellement 17 membres dont l’essentiel fait partie de la Zone Franc et est ouverte à tous les Etats de l’Union Africaine, qui souhaiteraient y adhérer. Son fonctionnement repose sur quatre institutions dont :

  • le Conseil des ministres de la Justice et des Finances, qui se réunit une fois par an pour adopter "les actes uniformes" applicables dans chacun des droits internes des Etats-parties ;
  • le Secrétariat permanent, rattaché au conseil des ministres et chargé de la préparation de tous les actes et du programme annuel d'harmonisation du droit des affaires.
  • l'École Régionale supérieure de la Magistrature (ERSUMA) à Porto-Novo au BENIN, assure la formation et le recyclage des magistrats et auxiliaires de justice des Etats-parties ;
  • la Cour commune de justice et d'arbitrage (CCJA) composée de sept juges élus pour un mandat de sept ans renouvelable une fois.

UntitleLes actes uniformes adoptés par l’organisation depuis sa création, ont profondément changé l’environnement juridique et socio-économique. Ils ont contribué au développement économique de la région au point où beaucoup la considère comme la première expérience réussie sur le plan mondial d’uniformisation de règles interétatiques. Ses actes divers et variés, vont du droit commercial général à l’organisation et l'harmonisation des comptabilités des entreprises en passant par le droit des suretés, le droit des sociétés commerciales, le droit de l’arbitrage, les procédures collectif d’apurement du passif, les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution, etc.

On peut citer en exemple : l’acte portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises, d’où est issu le plan comptable OHADA. Il a non seulement constitué une vraie rupture avec la règlementation OCAM alors en vigueur depuis les années 1970, mais a aussi permis d’harmoniser le droit comptable dans 16 pays Africain (aujourd’hui 17), permettant ainsi une bonne comparabilité des états financiers d’un pays à l’autre, d’un secteur à l’autre et facilitant ainsi l’accès au marché des capitaux (embryonnaire au début, mais qui ne cesse de se développer) : BRVM à Abidjan, BVMAC à Libreville, Douala stock exchange au Cameroun, etc.

Ce succès et cette reconnaissance internationale est tel qu’un projet similaire est en construction dans la caraïbes depuis le 15 mai 2007, par les autres pays[3] de l’ACP et d’autres pays de l’Amérique Latine, afin de favoriser les échanges commerciaux et le développement économique intégré de ces états dotés de réalités juridiques différentes (Organisation pour l’Harmonisation du Droit des affaires dans la Caraïbe OHADAC); De nouveaux diplômes de « Juriste OHADA » sont aussi annoncés pour la rentrée 2014 au sein des universités Panthéon Assas et Paris 13. Enfin le récent rapport VEDRINE-ZINSOU le considère comme un outil d’intégration sur lequel la France pourrait s’appuyer pour renforcer sa coopération avec l’Afrique.

Au regard de ces performances, on peut, en réponse à un article sur le même sujet de Thierry Lucas Diouf publié sur l'Afrique des Idées, aisément conclure que l’organisation a réussi sa mission. Mais, peut-on dire pour autant que tout est fait, que tout est parfait et que l’OHADA peut déjà se féliciter dans un contexte d’évolution croissante des marchés africains et d’évolution rapide de la normalisation au niveau international ?

Il faut reconnaitre qu’en dépit de ce bilan positif, l’OHADA, afin de demeurer le garant du droit des affaires de la zone, doit faire face à beaucoup de défis, qui feront l’objet d’un prochain article.

                                                                                                                                        Arnold Peyrol S. ANGLO

 Sources:

http://www.ohada.org


[1] Pour des informations plus détaillées sur le fonctionnement et les institutions de l’OHADA se référer à : www.ohada.com

 

 

 

 

 

[2] L’insécurité juridique et judiciaire étant caractérisé par la vétusté des textes juridiques en vigueur, la plus part datant de l’époque coloniale, la coexistence de texte contradictoire, la lenteur des procédures, l’imprévisibilité des tribunaux, la corruption des systèmes judiciaire et les difficultés d’exécutions des décisions ;

 

 

 

 

 

[3] La Martinique, la Guadeloupe, Haïti, le Cuba, le Bahamas, le Mexique, la Colombie, la république dominicaine, le Venezuela, le Honduras etc…

 

 

 

 

 

OHADA ou l’unité de l’Afrique par le droit

Nul n’ignore que la colonisation a eu pour conséquence la balkanisation du continent. Pour autant, cette division n’est pas irréversible. Et à l’heure où la régionalisation s’impose dans une économie de plus en plus mondialisée, le continent africain ne pouvait être en reste. La balkanisation politique née de l’époque coloniale et la tendance naturelle des différents Etats à refuser tout transfert de souveraineté, tout au plus pour ce qui est des secteurs sensibles, pouvaient laisser augurer d’un retard de l’Afrique à la mise en place d’organisations régionalisées. Pourtant aujourd’hui, la mise en place de l’Union africaine montre la capacité des Etats africains à œuvrer ensemble pour la fin de la balkanisation, même si l’on peut s’interroger sur son efficacité. Cette tendance a gagné bien d’autres terrains notamment le secteur juridique où L’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) participe de cet esprit en harmonisant les différents droits des affaires du continent.

L’idée, née de la volonté de créer un droit commun des pays francophones, a d’abord donné lieu à la création d’une institution qui avait pour nom l’Union africaine et mauricienne d’études et de recherches législatives (Bamrel). Faute de moyens, le Bamrel, comme bien d’autres institutions éphémères sur le contient, devait être abandonné. Pour autant, l’entreprise fut poursuivie et sous l’impulsion de Paul Bayzelon, l’OHADA a été instituée.

Créée par le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis (Ile Maurice), l’OHADA regroupe aujourd’hui 16 pays (les 14 pays de la zone franc CFA, ainsi que les Comores et la Guinée Conakry). Comme son nom suffit à l’indiquer, l’OHADA entend jouer un rôle dans l’uniformisation du droit en Afrique. Elle entend participer à la politique d’encouragement de l’intégration de l’Afrique dirigée vers une union économique et un grand marché par la réalisation d’un « droit unifié des affaires » dans le but de rationnaliser et d’améliorer l’environnement juridique des entreprises. La poursuite d’un tel but a nécessité des efforts de transferts de souveraineté en matière législative et judiciaire. Il est vrai que la crainte de l’isolationnisme conjuguée à la diminution des investissements au cours des années 1980-1990 ont largement concouru à l’effectivité du transfert de souveraineté, mais il est plus enthousiaste d’y voir la volonté des Etats de dépasser la balkanisation juridique.

Il a fallu dés l’abord choisir entre deux techniques, l’unification ou l’harmonisation. La seconde option fut retenue, mais l’analyse du système en vigueur aujourd’hui (l’adoption par le Conseil des ministres d’actes uniformes qui sont immédiatement applicables sur le territoire de chaque Etat partie) tend à montrer une forte volonté pour la technique de l’unification. La question de l’organisation a aussi été discutée avec une volonté de créer un organe pour créer le droit, un autre pour l’appliquer et un troisième pour coordonner l’action de l’organisation. Dés lors, un Conseil des ministres de l’OHADA, une Cour commune de justice et d’arbitrage, un secrétariat permanent et une école régionale supérieure de la magistrature en charge de la formation approfondie et de la spécialisation des magistrats se chargent de mener à bien la politique d’intégration.

A l’heure du bilan, prés de quinze années après sa mise en place, force est de reconnaitre que l’intégration juridique est en passe d’être réussie. Le droit des sociétés, le droit de la concurrence, le droit du travail et le droit de l’arbitrage entre autres des 16 pays relèvent  de l’organisation. Même s’il faut relativiser la place du droit dans la société africaine, force est de reconnaitre qu’il s’agit là d’un développement appréciable tant il est porteur d’espoir. Gageons que cette intégration au travers d’un véritable transfert de souveraineté gagne les autres organisations régionales, pour que l’Afrique pèse de tout son poids dans un monde où le fédéralisme prend goût.

                                                                                              Thierry Lucas DIOUF