Trois personnages du web au Kenya

Le Kenya est un pays pionner du web en Afrique de l'Est. Cela a été rendu possible par la technicité et l'esprit d'entreprise de quelques personnalités. Nous vous en présentons trois aujourd'hui, dont deux ont la particularité d'avoir été recruté par Google, entreprise phare du web mondiale, qui a fait du Kenya sa plate-forme pour l'ensemble de l'Afrique de l'Est, non sans que cela pose des questions. Le choix d'implantation de Google au Kenya est toutefois révélateur de l'attractivité de ce pays et de ses ressources humaines. Portrait de trois pionniers du web kenyan.

Joseph Mucheru : Ce Kényan de 42 ans a été formé en informatique et économie entre Londres et Stanford (Californie). Il débute sa carrière professionnelle en Angleterre, d'abord comme analyste et administrateur au département du Transport, à Londre de 1991 à 1992. Il élargit ses compétences avec des fonctions de manager de la communication et de webmaster dans différentes entreprises britanniques entre 1993 et 1997, date à laquelle il s'établit au Kenya . Il y crée sa première start-up en 1999, Wananchi Online, un portail d'accès à Internet, ce qui lui vaudra la réputation d'être l’un des pionniers de l’Internet africain. Le groupe Wananchi est désormais un leader du marché local de l'entertainment.
En 2007, Google recrute Joseph Mucheru qui devient ainsi le premier employé africain en Afrique de Google. Le choix de Google de prendre Joseph Mucheru comme son représentant au Kenya est un choix fort qui montre l’importance du personnage dans le monde de l’internet. L'ambition de Mucheru, qui rejoint celle de Google,  est de mieux structurer l'offre de contenu sur le web est-africain, et d'y faire progresser le commerce électronique (avec en ligne de mire l'augmentation des recettes de publicité sur le web).

Ory Okolloh : Cette kenyane de 33 ans est une gourou du crowdsourcing. Ce terme, qui pourrait se traduire en français par "externalisation ouverte", désigne la pratique qui consiste à utiliser la créativité, l'intelligence et le savoir-faire d'un grand nombre de personnes, des internautes en général. Il s'agit d'une dynamique émergente du management de la connaissance. Ory Okolloh occupe actuellement le poste de Policy Manager for Africa chez Google. Blogueuse, elle est la fondatrice de Mzalendo, qui se conçoit comme un outil de vigilance civique qui contrôle l'activité des parlementaires kenyans, leur assiduité aux séances, et met en lien les parlementaires et les citoyens.  Le crédo du blog collectif est ainsi décrit : "Nous considérons que les Kenyans n'ont pas seulement le "droit de savoir", mais doivent aussi prendre un rôle plus actif dans les choix d'orientation de leur pays – c'est notre effort pour faire mieux que juste se plaindre de comment les choses ne vont pas bien au Kenya".  Dans cet ordre d'idée, Ory Okolloh milite activement pour plus de transparence publique.

Avocate diplômée d’Harvard, elle s'est fait connaître au niveau international en 2007 avec le remarqué projet open source Ushaidi, qui a permis aux Kényans de signaler et localiser via leur téléphone ou Internet les incidents lors de la dernière campagne présidentielle agitée, en décembre 2007. Un outil qui a d’ailleurs été réutilisé au lendemain du tremblement de terre du 12 janvier 2010 en Haïti. Okolloh est une figure de proue de cette élite 2.0 africaine. Ci-joint, un lien en anglais dans lequel Ory Okolloh, invitée par la prestigieuse conférence américaine TED, présente son projet Ushaidi et l'impact de ce procédé qui peut faire de tous les citoyens des militants et des vigiles de la démocratie.  

Uhuru Kenyatta : Uhuru Kenyatta est ministre des Finances du Kenya. Si nous l'incluons dans ce classement, c'est parce qu'il est devenu un pionnier du budget en ligne. Il a utilisé Twitter et Facebook pour solliciter l'opinion des citoyens sur l'élaboration du budget national 2011/2012, présenté le 8 juin 2011 devant le Parlement. Non seulement cela a permis de montrer que beaucoup de ses compatriotes utilisent les réseaux sociaux, mais en plus cela a permis à Uhuru Kenyatta de se faire une e-réputation. Bien que ce mécanisme d'e-administration soit de plus en plus utilisé dans les pays du Nord, il semble que cela soit la première fois en Afrique. Jeune Afrique s'est fait l'écho de cette initiative.Si M. Kenyatta n'est pas un créateur du web, il en est un utilisateur pionnier à ce niveau de responsabilité. C'est également par l'évolution des usages des internautes que les NTIC progresseront en Afrique.

A noter que Uhuru Kenyatta est un probable futur candidat à la prochaine élection présidentielle au Kenya, et qu'il s'agit aussi d'un personnage controversé, impliqué dans le procès des Six d'Ocampo.

 

Philippe JEAN