La vérité historique ne peut être occultée indéfiniment…
A la fin du 17ième siècle le prince de Kumasi du clan oyoko Oséi Tutu va unir autour de lui les peuples des royaumes Akan et écrire avec eux l'une des plus belles pages de l'histoire du continent. Remportant de nombreuses victoires militaires sur les royaumes frontaliers, Oséi Tutu étend son emprise et son pouvoir sur les royaumes Akan. Aidé par un prête animiste Okomfo Anokyé, il va fédérer ces royaumes en une seule entité et en faire un Etat fédéral dont il sera le premier Ashantihéné (chef des Ashanti) et établira sa capitale à Kumasi.
Le royaume Ashanti est un état fédéral composé de provinces disposant chacune d'une grande autonomie et calquant leurs organisations internes sur celle de l'Etat central. Chaque province membre de la fédération est dirigée par un Héné (chef). Ceux-ci sont représentés au sein d'un conseil chargé de prendre certaines grandes décisions (taxes, guerres). A côté de ce conseil représentatif des entités fédérées, un conseil des anciens est chargé d'assister l'Ashantihéné dans l'administration du royaume. Comme le fondateur du royaume, tous les rois sont élus au sein de la branche du clan matrilinéaire OYOKO et leur désignation est confiée à la reine mère. En effet c'est elle qui choisit parmi les différents prétendants le prochain Ashantihéné. Son choix est ensuite soumis à l'approbation du conseil des anciens. Cette prérogative attribuée à la reine mère fait d'elle un personnage central du dispositif politique Ashanti, elle est sans doute la femme la plus puissante du royaume. Cette position de puissance met en avant l'importance de la femme au sein du royaume, celles-ci ne sont pas cantonnées à un rôle secondaire mais elles jouent un rôle majeur dont la reine-mère en est le symbole.
Loin de la perception mythologique contemporaine de la femme africaine qui cantonne celle-ci à un rôle négligeable, le royaume Ashanti nous rappelle que nos mères ont toujours eu une position de pouvoir tant dans les organes politiques que dans les sociétés africaines.
… elle finit toujours par émerger…
Sous le règne d'Oséi Kodjo (1765-1777) une série de réformes que l'on va appeler « Révolution kodjoienne » va bouleverser l'organisation interne de la fédération. Cette révolution restée dans la mémoire du peuple Ashanti va permettre l'avènement d'une nouvelle administration plus forte composée de hauts fonctionnaires, nommés par le roi et chargés de gérer les affaires administratives du royaume.
La gestion financière du royaume est confiée à un grand argentier entouré d'une équipe de comptables qui étaient en charge des tribus, des douanes, des péages et de la capitation. La collecte de cette manne financière était répartie de manière précise selon les différents postes budgétaires du royaume. Cette organisation a permis au royaume d'affirmer sa domination et de se positionner comme une puissance régionale sur le plan économique.
Ouvert sur le monde, les Ashantihéné vont faire appel à des compétences étrangères pour améliorer et rendre plus efficace l'organisation du royaume. C'est ainsi que des européens vont être nommés hauts fonctionnaires et des scribes arabes vont être appelés pour perfectionner le système de statistiques.
En plus d'une administration forte et bien organisée le royaume Ashanti va conforter sa puissance régionale en mettant en place une diplomatie efficace. Ses ambassadeurs étaient sélectionnés parmi les roturiers du royaume pour leur esprit et la puissance de leur dialectique et faisaient rayonner l'Ashanti au delà de ses frontières.
loin du mythe d'une Afrique constituée de tribus sauvages désorganisées, désunies et fermées, l'histoire du royaume Ashanti, son administration et son organisation politique montre que l’Afrique a su dépasser le tribalisme pour accéder à la réalité abstraite de l’État et de la nation et s'ouvrir au monde en l'influençant et en s'y inspirant.
… et s'imposer car elle ne peut être contestée.
En cette fin du XVIIème siècle, les principales armées des royaumes africains sont équipées d'armes à feu apparues grâce aux marchands arabes et européens présents sur le continent. Les royaumes d’Afrique comprennent rapidement l’intérêt pour d'eux de se doter de telles armes.
La fédération Ashanti va alors s'équiper de plusieurs armes à feu afin de rivaliser avec les autres royaumes mais surtout avec les européens notamment les anglais qui se font de plus en plus menaçant.
Ainsi après les guerres face aux autres royaumes qui lui permettent d'élargir ses frontières qui s'étendaient alors des pays Gourounsi et Gondja à la côte et de Grand-lahou (Côte d'Ivoire) à petit popo (Togo), La fédération Ashanti va rentrer en conflit avec la couronne britannique qui ne voit pas d'un très bon œil sa suprématie dans la région.
En 1824 sous l'impulsion de l'Ashantihéhé Oséi Bounsou dit « la baleine », l'armée Ashanti rentre en guerre contre la couronne britannique. Cette première confrontation qui aura pour point d'orgue la bataille de Bonsaso va tourner au désastre pour l'armée britannique qui sera tenu en échec face au génie militaire Oséi Bounsou « la baleine ». Mais en 1826 l'armée anglaise prendra sa revanche. Après ces deux guerres un traité de paix est signé entre les anglais et les Ashanti.
En 1863, une nouvelle guerre éclate durant laquelle l'Ashantihéné Kwakou Dwa décime les anglais à Assikouma et à Bobikouma. Ces victoires fortifient la fédération et son prestige se fait plus grand.
A la fin du XIX siècle l'entreprise de colonisation débute dans l'ouest du continent. Malgré leur hargne l’armée anglaise n'arrive pas à soumettre la fédération Ashanti comme c'est le cas de certains royaumes voisins. Face à cette impasse, elle va recourir à la ruse.
Attendu pour un entretien de paix avec l'Ashantihéné Kwakou Dwa III le gouverneur anglais va entrer à la tête d'une forte armée dans Kumasi. Pris de court, les armées de Kwakou Dwa sont vaincues.
Loin du mythe de l'africain armé de lances et de flèches qui ne disposait pas d'armes à feu, loin du mythe d'une prétendue supériorité militaire européenne, les victoires sur le champs de bataille des armées Ashanti viennent nous rappeler le génie de nos pères et battre d'un revers de la main la prétendue facilité avec laquelle les colons nous auraient vaincus.
Je suis Ashanti
Nous sommes Ashanti
Que l'Afrique retienne le nom de ses héros
NJA
Source : Histoire de l'Afrique noire de Joseph Ki-Zerbo, Hatier.