Le respect du pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité de l’UEMOA

uemoaLe 8 décembre 1999, les Etats membres de l'UEMOA adoptent un pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité entre les Etats membres de l'Union. La volonté de l'Union de poser des règles d'une utilité certaine, avec des objectifs nominaux précis trouve-t-elle un écho dans le comportement des Etats membres au cours de ces dernières années ?

Rôle du pacte

La création d'une union économique est une entreprise délicate et la fixation de règles s'impose pour tenter d'atteindre un optimum communautaire. L'enjeu est double. D'une part, la fixation de règles permet d'éviter les comportements de resquilleurs[1]. Si l'on considère la monnaie unique comme un bien commun, on pourrait qualifier de passager clandestin celui ou ceux des Etats membres qui profite(nt) des bénéfices apportés par la monnaie sans se soucier du coût de la viabilité de la zone monétaire à savoir principalement la maîtrise budgétaire. Ainsi un Etat-membre pourrait laisser filler son déficit et bénéficier par exemple de taux de financement intéressants qui tiennent compte de son appartenance à l'Union. D'autre part, ces critères à respecter poussent à uniformiser les stratégies de politiques économiques, et jouent ainsi un rôle dans l'homogénéisation des comportements politiques qui favorise la convergence. Ainsi, l'harmonisation des politiques économiques passe par le respect de critères de convergence nominaux du cadre institutionnel.

La surveillance multilatérale du respect des critères du pacte garantit alors la pérennité de l'UEMOA et sa crédibilité régionale et internationale.

Le contenu du pacte

pact

 La surveillance multilatérale est exercée sur deux groupes de critères : les critères de premier rang et les critères de second rang.

Le non-respect d'un critère de premier rang par un Etat entraîne la formulation de recommandations du Conseil des ministres de l'UEMOA en direction de cet Etat et l'obligation pour cet Etat de préparer en concertation avec la commission de l'UEMOA un plan de rectification dans un délai de trente jours. Pour le cas précis du critère budgétaire qui autorise seulement l'équilibre ou le surplus, des sanctions peuvent être appliquées à l'encontre de l'Etat membre transgressant la règle. Une dérogation est prévue en cas de circonstances exceptionnelles se traduisant par une chute du PIB réel de 3% ou par une baisse des recettes budgétaires de 10% par rapport à la moyenne des 3 dernières années. Le ratio d'endettement sur PIB nominal à ne pas dépasser (70%) s'entend de la somme de la dette extérieure et de la dette intérieure rapportée au PIB. Le taux d'inflation à ne pas dépasser au seuil de 3% est issu d'un compromis entre la sauvegarde de la solidité de la monnaie et le financement de l'économie. Le critère de non accumulation d'arriérés permet d'accroître la fluidité de la circulation de la monnaie et de restaurer la confiance dans les transactions commerciales.

Le non-respect des critères de second rang n'entraine pas de sanction ni même de formulation de recommandation par les organes de direction de l'UEMOA. Cependant, leur respect joue un rôle important dans la stabilité macroéconomique de l'Union.

Nous remarquons l'importance donnée dans ce pacte à la surveillance de la politique budgétaire des Etats-membres dans ce contexte de politique monétaire commune. En effet, sur huit critères, sept concernent les finances publiques dont le critère-clef est le solde budgétaire. A défaut de l'avoir sous contrôle, l'Union garde le Policy-mix de politique monétaire/budgétaire sous surveillance.

Nous avons expliqué ci-avant en quoi la fixation de critères de convergence nominaux était utile à l'Union. Toutefois, il ne suffit pas de fixer des critères et de surveiller leur respect. Encore faut-il que les pays membres les respectent dans les faits.

Le respect des critères du pacte

Ces critères ont-ils été respectés au cours de ces dernières années ?

Afin de répondre à cette question nous nous intéressons aux tableaux de "Position indicative des Etats par rapport aux critères de surveillance multilatérale" répertoriés dans les rapports de la zone franc de la Banque de France sur plusieurs années. Ils se focalisent sur le respect des critères de premier rang par les différents pays membres.

uemoa_viroleauL'analyse de ces documents nous permet d'affirmer que entre 2004 et 2011 (ci-contre les cas de 2010 et 2011), on perçoit un effort des Etats à respecter les critères du pacte (aucun pays n'est dans le non respect de tous les critères sur plusieurs années) mais quand bien même nous focalisons l'attention sur les critères de premier rang, c'est-à-dire ceux qui ont été reconnus comme revêtant le plus d'importance, un respect total et durable des critères par les Etats membres n'est pas observé.

Un retour historique est ici approprié et nous permet de préciser qu'en 1999, à la signature du pacte, un délai d'adaptation des Etats membres aux critères de convergence nominaux alors édictés avait été prévu. Ce délai courrait initialement jusqu'au 31 décembre 2002. Les Etats membres n'étant pas parvenus à respecter les critères en 2002, le délai d'adaptation a été repoussé au 31 décembre 2005. En 2005, les mêmes causes produisant les mêmes effets, l'échéance fût repoussée au 31 décembre 2008 puis, de nouveau pour les mêmes raisons, au 31 décembre 2013.

En 2006, les critères ont été assouplis en ce sens qu'il est admis que le respect du pacte s'entendait par le respect des critères de premier rang par une masse critique d'Etats membres. Cette notion de masse critique n'est précisée qu'en 2007 par le règlement N°10/2007/CM/UEMOA comme étant à comprendre par un ensemble d'Etats membres au nombre minimum de quatre et dont la somme des PIB est au moins égale à 65% du PIB de l'UEMOA.

Les critères du pacte ont été conçus dans le but de créer un environnement de convergence. L'examen du respect de ces critères nous amène à qualifier de très modéré le respect du pacte par l'ensemble des Etats membres.

L'objectif de cet article était de faire un simple état des lieux du respect du pacte par les pays membres de l'UEMOA. Ces constats peuvent servir de point de départ à une étude plus large qui consisterait à déterminer le coût macroéconomique pour la sous-région de ce non-respect des critères du pacte. Ceci afin de prendre conscience du poids des décisions économiques affectant ces critères et d'influencer dans l'idéal les décideurs politiques.

Franck VIROLEAU


[1]  Sur la notion de resquilleur, cf. Olson, M. (1971). The logic of collective action: public goods and the theory of groups. Rev. ed. New York: Schocken Books.