La percée qatarienne en Afrique

Le Quatar semble chercher à renforcer ses relations économiques avec l’Afrique. Si les échanges commerciaux restent moins importants que ceux avec les partenaires européens, il n’en demeurent pas moins qu’ils croissent assez vite. Le véritable arme de partenariat du Qatar sur le continent est son fonds souverain, qui a été très actif sur le continent, notamment en Afrique du Nord.

ouattaraDepuis le début de la décennie, le Qatar a été propulsé au devant de la scène mondial avec l’exploitation de ses réserves de gaz naturel. Depuis cette ascendence, le Qatar ne résine pas sur les moyens pour se positionner sur tous les continents. L’Afrique n’est pas du reste. Bien que la présence qatarienne sur le continent soit encore modeste, elle semble évoluer assez rapidement. Une soixantaine de chefs d’Etat et de gouvernement de plus de la moitié des pays du continent se sont rendus à Doha et plus d’une centaine de délégations africaines ont été reçues par les ministres qatariens depuis 2012.

Dans le contexte géopolitique actuel où l’Afrique, centre de toute convoitise, tente d’assurer son développement, il serait opportun d’analyser les différents contours des relations économiques que le Qatar essaie d’établir avec l’Afrique.

Des relations commerciales en pleine croissane

Les échanges commerciaux entre l’Afrique et le Qatar sont assez limités mais enregistrent de forte progression. Entre 2000 et 2012, la valeur des exportations du Qatar vers le continent ont été quasiment multipliées par dix. De même, la valeur des importations du Qatar en provenance de l’Afrique ont connu aussi une évolution plutôt rapide : de 6 MUSD en 2000, ils ont atteint aujourd’hui une centaine de millions. Ainsi l’Afrique représenterait aujourd’hui 0,4% des importations du Qatar et 0,6%  de ses exportations. La part de marché du Qatar sur le continent à atteint 0,1% en 2012, alors qu’il n’était que de 0,07% en 2000.

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Les échanges sont réalisés essentiellement avec l’Afrique du Nord (dont l’Egypte, 1er fournisseur en Afrique et 3ème client africain du Qatar) et dans une moindre mesure avec l’Afrique Australe (dont l’Afrique du Sud, 1er client africain du Qatar et son 2ème fournisseur africain). Le Soudan en Afrique de l’Est et la Côte d’Ivoire en Afrique de l’Ouest font aussi partie des plus importants partenaires commerciaux africains du Qatar. Des échanges dominés par la livraison de produits chimiques et de combustibles au continent africain et l’achat de minerais et d’intrants pour les activités locales de sociétés qatariennes.

orientation

L’Afrique du Nord, principal bénéficiaire des investissements qatariens[1]

Les investissements du Qatar en Afrique ont été relativement modestes jusqu’en 2010 mais après le déclenchement du printemps arabe, le Qatar tente d’investir sur le continent en s’introduisant en Afrique du Nord à travers le fonds souverain qatarien, Qatar Investment Authority, et ses différentes filiales (Qatar Holding, Qatari Diar, Ooredoo, Qatar National Bank, Barwa, etc.). Ces agences qui pilotent les investissements du Qatar ont notamment assuré des prises de participation dans des banques et des opérateurs téléphoniques, le lancement de programmes immobiliers ou touristiques, les financements de projets industriels et l’acquisition de terres agricoles.

Les investissements qatariens en Afrique sont nombreux et assez diversifiés. On peut mentionner :

–       Le secteur bancaire avec la Société Générale de Banque en Egypte, la National Islamic Bank au Soudan, la Tunisian Qatari Bank, la Bank of Commerce & Development en Libye et l’Union Marocaine de Banque, etc ;

–       Dans le secteur des télécoms avec la Tunisiana en Tunisie et Nedjma en Algérie ;

–       Les complexes hôteliers (pour le secteur du tourisme) installés un peu partout sur le continent : Egypte, Maroc, Tunisie, Gambie, Seychelles et Comores ;

–       Et dans le secteur de l’immobilier.

Par ailleurs, le Qatar utilise le Soudan comme l’une de ses plateformes (tout comme l’Australie) pour ses investissements en matière de sécurité alimentaire. Des millions de dollars ont été débloqués pour l’acquisition de fermes agricoles et la construction d’abattoir, dans le but de fournir au Qatar les produits agricoles nécessaires à sa sécurité alimentaire.

En 2010, Qatar Petroleum a signé un partenariat stratégique avec le groupe français Total pour assurer son insertion dans le secteur pétrolier en  Afrique. C’est ainsi qu’en mai 2013, elle a pris une participation de 15% dans la société Total Exploration & Production Congo. 

Le Qatar aurait compris que l’aide au développement séduit l’Afrique

Avec l’avènement des révolutions tunisienne et égyptienne, qui a fragilisé ces économies, le Qatar y a trouvé le moyen de se positionner en participant à la relance économique. C’est ainsi qu’en marge des investissements qu’il a réalisé dans ces deux pays, il a octroyé à la Tunisie un prêt de 500 M USD sur 5 ans et a acquis pour 500 M USD de bons du Trésor. En Egypte, le Qatar a octroyé, depuis 2011, une aide budgétaire de 1 Md USD et a acquis 5,5 Mds USD d’obligations égyptiennes. Par ailleurs, le Qatar fournit gratuitement à l’Egypte depuis juin 2013 du gaz naturel liquéfié.

Selon les dernier chiffres publiés par l’OCDE (2011), le Qatar aurait accordé à l’Afrique 785 M USD de dons soit près de 77% de l’aide totale du Qatar. L’Afrique septentrionale demeure la principale destination de cette aide (en l’occurrence l’Egypte) suivi de l’Afrique de l’Est.

répartition

Afin de marquer sa présence en Afrique, le Qatar a entamé l’ouverture de son réseau de transport vers l’Afrique à travers sa compagnie arienne Qatar Airways, qui dessert actuellement une vingtaine de destinations en Afrique de façon quotidienne.

En somme, si les relations entre l’Afrique et le Qatar sont encore difficilement maitrisables, les ambitions qatariennes en Afrique sont un peu plus claires et sa stratégie semble se préciser. De plus, même si l’Afrique du Nord semble être le point focal du Qatar en Afrique, il n’en demeure pas moins que l’objectif final du Qatar est d’établir des relations économiques avec l’ensemble du continent.

Pour l’Afrique, ce pays constitue une opportunité de partenariat certaine dans ce contexte mondial de crise et où l’assistance financière et les investissements productifs se font de plus en plus rares. Cependant, si la présence qatarienne inquiète partout dans le monde, il convient de bien définir le cadre de coopération avec ce pays nouvellement riche dont l’objectif principal est d’assurer sa sécurité alimentaire et ses futures sources de revenus après l’épuisement de ces ressources en gaz. Centre de toutes les convoitises (européenne, asiatique, américaine et maintenant, orientale) car considérée comme le continent qui va rythmer la dynamique de la croissance mondiale dans les années à venir, l’Afrique a tout intérêt à choisir de façon stratégique ses partenaires économiques. Le Qatar en est un.

Foly Ananou

 


[1] Il reste, néanmoins difficile de chiffrer les investissements qatari en Afrique