Jeu de yo-yo entre Bozizé et la Séléka en Centrafrique

Bozizé et sélékaIl faut regarder du côté de la Centrafrique, et, au-delà, de l’Afrique Centrale. Cette partie du continent connaît des troubles géopolitiques importants depuis près de deux décennies qui, la plupart, sont liés au désordre de l’orée des indépendances. La région des grands lacs est ainsi marquée par un conflit qui peine à s’éteindre, les deux Kivu de la RDC n’ont pas connu d’accalmie durable, le la RDC et le Rwanda s’affrontent quasi-ouvertement, et les personnes victimes de tuerie, d’actes de barbarie, ou de déplacement se comptent en centaines de milliers.

Mais la Centrafrique mérite une attention toute particulière, car le conflit qui y gît dénote un certain malaise au sein de la classe politique dirigeante d’Afrique Centrale. Le leadership diplomatique de cette zone n’arrive pas à se dessiner, même si avec le conflit centrafricain, celui du Congo Brazzaville et celui du Tchad s’affirment tant bien que mal. Combiné à une présence très gênante de la France, ce manque de leadership pose le problème de l’avenir politique d’une zone en proie aux velléités sécessionnistes.

Comme la plupart de ses voisins, la République centrafricaine a raté le cap de la reconstruction économique après la décolonisation survenue en 1958. Victime d’une instabilité au sommet de l’Etat après l’indépendance, elle parvient bon an mal an à réaliser un passage démocratique avec l’élection d’Ange-Félix Patassé en 1993, avec l’aide de la France. Mais cette instabilité institutionnelle va reprendre de plus belle dix ans plus tard lorsqu’il se fait renverser par le Général François Bozizé. Le régime de ce dernier fait face depuis 2004 aux violentes contestations de plusieurs factions rebelles.

On assiste depuis cette date à une sorte de jeu de yo-yo entre le pouvoir et les rebelles ; ces derniers font tomber des villes sous leur contrôle avant de les perdre, entérinent des accords avec le gouvernement et les rompent de temps à autre… La formation actuelle connue sous le nom de Séléka (Alliance en Sango) et qui regroupe notamment l’Union des Forces Démocratiques pour le Renouvellement (UFDR), dirigée par Michel Djotodia, ainsi que la Convention des Patriotes pour la Justice et la Paix (CPJP), semble faire double jeu, en prenant à partie la communauté internationale.
Ainsi, les Accords de 2007, qui prévoyaient une amnistie et une réintégration des troupes de l’UFDR dans les rangs de l’armée gouvernementale ont été rompus de manière unilatérale sous prétexte qu’ils n’étaient « pas respectés » par le régime de Bozizé (sic). Plusieurs villes tombent en décembre 2012 dont Bria (minière), Kabo et Ouadda. Cette grande offensive aura quand même eu le mérite de faire revenir le pouvoir à la table des négociations. Pour se faire octroyer des ministères-clés comme celui de la Défense, dans le gouvernement d’union nationale dirigé par Nicolas Tiangaye, issu de la société civile. Le Kwa na Kwa (parti de Bozizé) ne conserve que le Département des Affaires étrangères, de la Sécurité publique et celui de l’Economie, signe d’un affaiblissement de son pouvoir.

C’est pourquoi il faut regarder du côté de la Centrafrique, et, au-delà, de l’Afrique centrale. Le conflit centrafricain est révélateur d’un malaise profond, d’un point de vue diplomatique, au sein de la classe dirigeante de cette partie du continent. Ce malaise se transpose aujourd’hui jusqu’aux Etats-Unis d’Amérique et à l’ONU. Leur décision de faire retirer leur personnel non-indispensable, au cœur du conflit, traduit un désintérêt inquiétant pour l’avenir du pays et de la région. Il faut que la communauté internationale se penche sur le dossier centrafricain, pour conserver les acquis du gouvernement d’union nationale. La double implication tchadienne et congolaise est salutaire, car la Centrafrique a plus besoin de soutien politique, militaire et financier que de désengagement.

En ce qui les concerne, les deux parties en présence (Kwa na Kwa et Séléka), elles doivent chacune lâcher du lest dans leurs invectives réciproques, pour faire perdurer la paix et le gouvernement d’union. François Bozizé, en particulier, devrait s’occuper de la relance économique pour exploiter rationnellement les importants gisements miniers du pays avec l’aide des partenaires internationaux. S’il continue de présider aux destinées de son pays jusqu’en 2016, comme le prévoient les Accords, il a du pain sur la planche et le temps presse. Il ne devrait pas rendre les armes les poches pleines d’or et les mains pleines de sang. De son côté, la Séléka n’a pas fait la lumière sur ses véritables liens avec l’Armée de Résistance du Seigneur (rébellion ougandaise) ni avec la rébellion tchadienne. Des connivences avec celles-ci seraient impardonnables. Les responsabilités sont donc partagées dans le conflit centrafricain.

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