SIAL 2012, le rendez-vous manqué du commerce africain ?

Le Salon International de l’Agroalimentaire (SIAL) s’est tenu du 21 au 25 Octobre 2012 au Parc des Expositions de Villepinte, en banlieue parisienne. Avec près de 150 000 visiteurs/acheteurs professionnels, le SIAL est l’occasion idéale pour les pays Africains de mettre en avant leur culture culinaire, mais aussi de vendre leurs produits à l’international. Pourtant, le bilan des exposants africains reste très contrasté…

La présence africaine au SIAL 2012

Sur le plan des réussites, il faut noter qu’un grand nombre de stands liés à l’Afrique étaient présents, qu’ils soient loués par des états, des entreprises ou bien des organisations internationales. Le niveau d’organisation des pavillons donnait une image assez fidèle de la taille et du dynamisme de certains pays, notamment le Maroc, l’Egypte et l’Afrique du Sud. La présence d’acteurs économiques d’un nombre croissant de pays africains sur la scène internationale montre que des efforts importants ont été fournis par les gouvernements et les acteurs du secteur privé afin de dynamiser leurs exportations. En effet, en étant présents sur les marchés internationaux, les entrepreneurs africains peuvent se mettre à jour des nouvelles pratiques en termes d’emballage, de processus industriels ou encore de marketing. Ces salons, et notamment le SIAL, qui est le plus grand salon agroalimentaire au monde, sont aussi l’occasion de rencontrer des professionnels du commerce international afin de leur présenter un nouveau produit ou de mettre en place des partenariats.

En ce qui concerne les stands, seuls de grands pays africains possédaient des stands en propre. Pour les autres pays africains, les producteurs agroalimentaires sont généralement présents grâce à des associations ou organisations qui les aident à être présents sur les marchés internationaux. En l’occurrence, lors de cette édition 2012 du Salon International de l’Agroalimentaire étaient présentes l’Association AFrique agroEXport (AAFEX) et le West Africa Trade Hub (en français : plateforme de commerce ouest africain, WATH). L’AAFEX est une association qui existe depuis 2002 et qui est présente dans plus de 20 pays d’Afrique subsaharienne, principalement en Afrique de l’Ouest, mais aussi en Érythrée, Gabon, Kenya, Zimbabwe et à Madagascar. L’AAFEX aide les entreprises du secteur agroalimentaire à améliorer leur fonctionnement interne, mais aussi à se mettre aux normes internationales ainsi tout en les aidant à financer leurs exportations. 

De manière similaire, le WATH, en partenariat avec l’USAID (l’agence des États-Unis pour le développement) aide les entrepreneurs africains dans leur fonctionnement interne et leurs relations avec leurs clients en dehors de l’Afrique. Par exemple, pour le SIAL, le WATH a pris en charge un certain nombre de frais, notamment celui de la location de l’emplacement d’exposition, facilitant ainsi la venue d’entreprises ouest-africaines. D’autre part, le WATH aide les entreprises à formuler une stratégie de vente cohérente, et les accompagne après le salon en faisant un bilan personnalisé des réussites et des points d’amélioration. L’accompagnement se poursuit au-delà des expositions, car les entreprises les plus prometteuses peuvent bénéficier d’un financement, le plus souvent opéré en partenariat avec une institution financière partenaire (e.g. Grassroots Business Fund, Root Capital).

Pourtant, malgré tous ces efforts, les stands des pays africains font pâle figure à côté de ceux d'autres pays en développement comme le Costa Rica ou le Chili. Il s’agit tout d’abord d’un manque de moyens. En effet, la location des stands coûte environ 300 euros par mètre carré (environ 200,000 francs CFA), ce qui est relativement cher pour des commerçants qui tirent leurs revenus principalement des ventes dans leur pays d’origine, à des taux de change défavorables par rapport à l’euro. Il est primordial que les exportateurs africains puissent disposer d’un espace important dans ces foires, car la taille d’un stand est gage de sa visibilité dans un monde aussi compétitif que les foires internationales. Pour beaucoup de producteurs africains, ces investissements financiers peuvent représenter une barrière à l’entrée répulsive. La plupart du temps, c’est parce qu’ils ne sont pas au courant des bénéfices qu’ils peuvent tirer d’un tel investissement. Une discussion rapide avec une productrice de confitures présente au SIAL nous a apprit qu’elle y a signé pour 40 000 euros de ventes en l’espace de 4 jours, sans compter les cartes de visite distribuées, qui pourraient rapporter des clients supplémentaires !

La présence d’organisations comme l’AAFEX ou le WATH est utile en ce qu'elle permet à des producteurs africains d’accéder aux financements dont ils ont besoin. Néanmoins, ces organismes disposent de budgets limités. C’est le rôle des gouvernements et des banques de fournir des soutiens financiers et humains aux producteurs africains afin qu’ils puissent se développer à l’international ! Les opportunités sont là, il faut se donner la chance de les saisir ! En observant les stands africains, il est aisé de voir les points potentiels d’amélioration : il faut rationaliser les processus de présentation/dégustation des produits, mettre plus en avant les marques, améliorer les outils de communication, peut-être effectuer une étude marketing des clients intéressés… Les idées sont nombreuses, et souvent déjà formulées par les producteurs eux-mêmes et les experts du WATH ou de l’AAFEX, mais le manque de ressources humaines et financières limite les possibilités, et il n’y a que 24 heures dans une journée…

Le plus choquant dans tout cela, c’est tout de même le manque d’unité entre les producteurs des différents pays africains : en effet, sachant que le prix de location d’espace décroît plus la superficie louée augmente, il semblerait logique que les producteurs s’associent afin d’occuper une place plus importante afin de ne pas disparaître dans les halls gigantesques du Parc des Expositions de Villepinte. Et pourtant, ce ne fut pas le cas, et de ce qu’il se dit, c’est à chaque fois le même problème : chacun reste de son côté, tout le monde y perd et pourtant personne ne fait le premier pas. Non contents de ne pas s’associer, les africains affichent un désintérêt notoire pour les stands d’autres pays africains, à tel point que le responsable d’un stand regroupant plusieurs pays d’Afrique m’a annoncé qu’en 5 jours du Salon International de l’Agroalimentaire, pas un seul Africain ne s’était arrêté à son stand, si bien qu’il dût aller à leur rencontre afin de les inviter à visiter son stand. Les Africains s'aiment-ils donc si peu les uns les autres ?

Babacar Seck