Le compteur intelligent, également appelé compteur communicant, est un dispositif permettant de fournir les informations de consommations énergétiques en « temps quasi réel » et d’informer, par extension, de l’état du réseau. La technologie de communication utilisée, dite AMR (Automated Meter Reading), a pour objet de transmettre les informations par différents canaux tels que CPL, GSM, Internet etc.
De plus, le compteur intelligent est « programmable à distance », c’est-à-dire qu’il permet de piloter le réseau par ordre télécommandé. On parle alors d’une méthode de gestion avancée du système des compteurs dite AMM (Advanced Meter Management), permettant une communication bidirectionnelle.
Le type de compteur intelligent change en fonction des constructeurs et les fonctionnalités proposées peuvent différer selon les pays.
En France par exemple, le projet Linky est basé sur un compteur qui communique par liaison CPL/GPRS, programmable à distance.
Le principal objectif des compteurs intelligents est de résoudre les problématiques énergétiques telles que :
- optimiser les pertes techniques et non techniques (dans certains pays comme ce fut le cas en Italie);
- maîtriser sa consommation d’énergie;
- optimiser la qualité de fourniture d’électricité
Intérêt du compteur intelligent pour le continent africain
Le compteur électrique intelligent, brique essentielle des smart grids, laisse entrevoir des perspectives de développement importante pour le continent africain.
Il est cependant difficile de parler de l’Afrique en général, tant les disparités sont importantes en terme d’électrification. Le taux d’électrification du continent est de 42% (99% au Maghreb et 29% en Afrique subsaharienne) et il varie énormément entre les zones urbaines et rurales.
La capacité de production électrique de l’Afrique est aujourd’hui d’environ 74 GW, soit l’équivalent de l’Espagne qui compte 45 millions d’habitants alors que l’Afrique en compte 860 millions. La population devrait atteindre les 2 milliards à l’horizon 2050 et accroitre la part de personne n’ayant pas accès à l’électricité.
Malgré des ressources énergétiques très importantes (10% des réserves hydrauliques mondiales, 10% des réserves mondiales de pétrole, 8% des réserves mondiales de gaz et 6% des réserves mondiales de charbon et un potentiel solaire important), les deux tiers des habitants d’Afrique subsaharienne n’ont pas accès à l’électricité. Ce faible taux s’explique en partie par le manque d’infrastructures et la vétusté des équipements entraînant ainsi des délestages fréquents qui pénalisent la vie de nombreux habitants et le développement industriel.
Le continent africain a donc un potentiel de développement très important qui pourrait être accéléré par l’arrivée des compteurs intelligents et des smart grids de manière plus globale.
Les compteurs intelligents participeraient à l’amélioration du réseau et à la qualité de services offerts aux consommateurs.
En effet, ces compteurs communicants permettent :
- de lutter contre la fraude et le vol;
- d’intervenir à distance en cas de panne et donc de réduire le délai d’intervention souvent très long;
- d’offrir des services tarifaires innovants adaptés aux habitudes de consommation des populations locales (ex : pré payé) et à leur pouvoir d’achat;
- d’informer le consommateur de sa consommation en temps réel et donc de le sensibiliser à une utilisation responsable de l’énergie.
Ces compteurs permettraient donc aux opérateurs de réaliser d’importantes économies et d’offrir un meilleur service aux consommateurs en limitant les délestages.
De plus, le développement des énergies renouvelables sur le continent et les problématiques liées à leur intégration sur le réseau local pourrait être facilité par les compteurs intelligents. En effet, ces sources d’énergies décentralisées et par définition intermittentes (éolien, solaire) peuvent entraîner des contraintes sur le réseau.
Des investissements importants sont cependant nécessaires, au niveau des équipements mais également au niveau du système d’informations pour mettre en place un système de gestion moderne de facturation et assurer un stockage volumineux des données. Ces investissements, trop peu souvent subventionnés en Afrique, sont souvent un frein bloquant au projet.
Les exemples sud-africain et camerounais
En Afrique, certains pays ont déjà démarré des projets de déploiement de compteurs intelligents ou travaillent sur des programmes de R&D.
Prenons le cas de l’Afrique du sud, où les compteurs communicant de type « Hefcom » ont été installés en 2008/2009 dans la ville de Blairgowrie. Malheureusement ce projet n’a pas pu être finalisé suite aux nombreuses factures sur-calculées et aux problèmes techniques, notamment en ce qui concerne les conflits liés aux signaux de communication.
Dans la ville de Johannesburg en Afrique du sud, un contrat d’une valeur de 150 millions de dollars a été signé entre City Power, Itron et EDISON Power Group, concernant l’installation de compteurs intelligents de dernière génération et du système de comptage associé. L’ambition du projet est d’installer un compteur intelligent/prépayé par foyer ou entreprise d’ici 2015 pour répondre au défi de gestion de facture. Il est également envisageable de lutter contre les fraudes avec ces compteurs avancés.
Au Cameroun, l’ARSEL (Agence de Régulation du Secteur de l’Electricité) a lancé un projet d’installation de compteurs intelligents qui concerne notamment le comptage « prépayé ».
Pour venir à bout des problèmes de factures non conformes à la consommation, fraude et corruption, 1000 compteurs seront posés à Yaoundé durant la phase d’expérimentation et le projet sera ensuite élargi à l’ensemble des abonnés AES-Sonel.
Problématiques de collecte d’infos
Même si certains pays émergents d’Afrique ont déjà donné le feu vert pour des projets de compteurs intelligents, les problématiques liées au transfert des données reste un sujet incontournable et parfois bloquant. D’une part, le projet de Blairgowrie a mis en lumière de nombreux problèmes et a montré la nécessité d’une étude plus approfondie sur les méthodes de télécommunication des compteurs. D’autre part, les doutes et les craintes liées à la sécurisation de données rendent ce sujet plus compliqué.
Les premières études ont démontré qu’une station de base GSM peut théoriquement supporter l’échange de données pour plusieurs dizaines de milliers de compteurs intelligents. Cependant, la faiblesse de l’infrastructure du réseau télécom africain nécessite des investissements supplémentaires pour pouvoir mettre en œuvre ces projets de déploiements de compteurs intelligents.
Le compteur intelligent apparait donc comme une opportunité pour le continent africain mais cette opportunité implique de relever de nombreux challenges nécessaires à sa mise en œuvre.
Haoxuan LIU & Julien KELLER
Article paru initialement sur : http://www.actu-smartgrids.com/
Sources :
Compteur Linky : http://www.erdfdistribution.fr/medias/Linky/elements_cles_systeme.gif
Problems of Blairgowrie / Projet de Johannesburg : http://www.iol.co.za/news/south-africa/gauteng/joburg-electricity-meter-readers-face-axe-1.1494403#.UjJXpNJkOKI
http://www.sa-venues.com/attractionsga/blairgowrie.php
Présentation Méthode de transition de data : http://electroallergique.wordpress.com/tag/smart-meter/
Présentation GPRS : http://fr.wikipedia.org/wiki/General_Packet_Radio_Service
Challenge GSM : http://massm2m.wordpress.com/2013/02/04/how-many-smart-meters-can-be-deployed-in-a-gsm-cell/