Pour Soda Mama Fall

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Mon amour pour Soda Mama Fall est vieux. Il ne se passe un jour sans que je ne me satisfasse de cette romance. Cette dame est captivante. Son visage arrête l’attention, la domestique, la séduit et la fidélise. C’est d’abord une histoire de plis du cou chez elle. Sillons épanouis d’un corps divin ; petites veinures douces qui serpentent un cou dégagé et impérial. C’est ensuite un regard téméraire mais pudique ; un blanc de l’œil franc, délicat, subjuguant : l’éclat de l’âme.  Mais c’est surtout, la nudité d’un visage d’artifice, livrée tel quel par une nature généreuse ; une négreur franche et sublime, des lèvres charnues et pas moins graciles, un grain de peau, épuré, et un port où la sérénité s’est installée. Pour aboutir la grâce, c’est une voix. Chaude, rassurante, énigmatique.

Soda, c’est l’amante. La mère. La maîtresse. L’ange. Tous êtres fondus en un seul : la Femme.

J’ai besoin de ma dose de Soda Mama Fall chaque fois que le chagrin m’inonde. Je trouve dans la mélodie de son visage, les remèdes contre le spleen.  Je suis sensible, sensible aux spectacles de la nature. Par conséquent, adepte de la thérapie par l’esthétique pour vaincre mes déprimes. Je ne suis pas nécessairement, de manière générale, séduit par la beauté, la symétrie des membres et des organes, une allure, un style, non. Il me faut ce point dans le regard, siège d’une unicité, d’un hors-du-commun. Malgré sa profusion et sa richesse, la langue française n’arrive que très peu à restituer ce point.  Autre chose, c’est l’intuition des yeux – brève comme l’éclair – qui est la seul à le percevoir.

On retrouve ce point dans les dents, la voix, les cheveux, les muscles de Nina Simone. Dans le sourire d’Aïssa Maiga. Dans les traits fins d’Ajak Deng. Le dos de Coumba Gawlo. La félinité de Naomie Campbell. La puissance de Saly, la femme de ménage de mon adolescence. Et bien d’autres. Tellement d’autres.

C’est, in fine, la beauté de la femme noire. Tout simplement.

Il y a plusieurs façons de se détruire quand le chagrin nous ronge le cœur : les ravages étalés de l’alcool, du mauvais alcool. Le couperet de la haine de soi. La tentation résignée du laisser-aller. L’outrance projetée vers les Autres. La colère vile. Le ressentiment acide. Le silence terrible de la défaite. Peu pour moi tout ça.

Soda Mama Fall et quelques femmes noires me suffiront. Ce n’est pas trop demandé.