Interview de Sylvestre Ouedraogo, président de l’association Yam Pukri au Burkina Faso

sylvestre ouedraogoM. Sylvestre Ouedraogo, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs?

Je suis enseignant chercheur en économie et Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) à l’université Ouaga 2. Je suis également le président de l’association Yam Pukri, spécialisé dans les TIC pour le développement depuis 1997. Nous sommes une structure pionnière en la matière en Afrique de l’Ouest. Je coordonne plusieurs projets et initiatives en matière de TIC pour le développement.

Pourvez-vous nous parler plus précisément de votre association Yam Pukri (éveil d’intelligence) ?

J’ai constaté qu’en Afrique, nous avons les capacités, mais il nous manque le courage, les initiatives pour éveiller notre potentiel. C’est pour cette raison que j’ai créé Yam Pukri pour accompagner les Africains surtout les jeunes à mettre en valeur leur capacité. J’ai choisi les TIC pour le développement comme tribune d’expression.

Nous travaillons avec le CTA (Centre Technique de Coopération  Agricole et Rurale) depuis une dizaine d’année. Ils apprécient ce que nous faisons et utilisent Yam Pukri parfois comme prestataire pour exécuter certains travaux sur le terrain. Le siège se trouve aux Pays-Bas. Nous sommes impliqués également dans certaines initiatives du CTA comme le projet ARDYS, qui vise à faire des TIC un instrument pour les jeunes agriculteurs dans les pays ACP. A ce propos, nous avons déjà mené pas mal d’action comme des formations, des concours d’écritures, de création de blogs sur le thème de « TIC et agriculture pour les jeunes en milieu agricole en dans les pays ACP ». Pour résumer, il faut dire que le CTA est spécialisé dans l’information agricole.

Vous avez la particularité d’utiliser les Technologies de l’Information et de la Communication, notamment le Web 2.0 au service du développement agricole et rural. Qu’en  est-il exactement ?

C’est vrai que Yam Pukri est devenue une organisation de référence en Afrique de l’Ouest en matière de formation en TIC pour le monde rural et en recherches de solutions de TIC simplifié pour le monde rural.

Dans tous les domaines de compétences, les TIC offre des opportunités, et nous sommes convaincus que le monde rural peut en profiter en utilisant les médias sociaux. On peut en effet réduire les couts de suivi-évaluation des projets agricoles en utilisant les blogs, les formulaires en ligne. On peut accroitre l’efficacité de la communication interne et externes des organisations coopératives par l’usage de la téléphonie sur IP (skype, google drive et autres) on peut également faire du plaidoyer en matière agricole en utilisant les blogs, les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter. Sans oublier que la formation et l’information agricoles peuvent être améliorées avec les outils de publications en ligne.

On a également vu que l’usage de certaines plateformes peut permettre de diffuser les prix agricoles et de synthétiser des offres et des demandes de produits avec par exemple  frontlineSMS.

Au regard du faible niveau d’instruction du monde rural dans les pays ACP, comment ces technologies sont-elles accueillies et comment procédez-vous ?

On regrette toujours cet aspect et on continuera à faire en sorte de le remédier ainsi que globalement nos autres faiblesses. Mais il faut que nous développions des stratégies propres pour les suppléer. Nous pensons qu’il faut travailler avec des organisations bien organisées. Ainsi elles vont avancer et aspirer les autres dans le sillage. Il faut également dire que nous travaillons de manière incitative en montrant le potentiel des outils à améliorer les choses sur le terrain. Quand le paysan y voit son intérêt, il développe ses propres capacités

Le CTA vient de remporter à Genève le premier prix SMSI 2013 dans la catégorie C7 (Applications e-agriculture) avec vos formations ‘’Opportunités d’apprentissage du web 2.0 et des medias sociaux’’. Quelles sont vos impressions ?

Le CTA le mérite bien parce qu’il a appuyé pleins d’initiatives de formations et d’informations sur le sujet. C’est la seule organisation à ma connaissance qui a su utiliser une expertise locale de façon intelligente pour faire ses formations, ce qui garantit un meilleur succès et une bonne continuité dans le transfert de connaissances.

Quel est votre regard sur l’état actuel des politiques agricoles africaines ?

Les politiques agricoles africaines, je parle de l’Afrique Subsaharienne que je connais le plus, n’ont pas trop changé dans les faits depuis les indépendances. On a continué malgré toutes les tentatives à accroitre notre dépendance sur le plan alimentaire en important de plus en plus des produits alimentaires. Il faudrait que l’on prenne les politiques agricoles comme un tout en intégrant plusieurs aspects et en travaillant à l’échelle régionale pour créer des interdépendances entre pays, à l’intérieur d’un pays et entre régions. On a trop tué des énergies en voulant trop faire. Par exemple, si une zone est adaptée pour l’élevage, il faut investir sur ça au lieu de vouloir forcément y faire du riz. Un autre aspect qui est important est le faible degré de transformations des produits alimentaires locaux ainsi que la problématique des transports qui jouent sur le prix des produits sur les marchés. Il commence à se dessiner néanmoins des traces sérieuses d’orientations et actions basées sur les approches chaînes de valeur en prenant en compte les outils TIC qui, si c’est bien soutenues pourront aider grandement à infléchir les tendances inquiétantes de pertes de revenus des producteurs agricoles.

Quel sera votre mot de la fin ?

Il faut qu’en Afrique et surtout au Burkina, nous revenions à la pensée que des choses positives se font tous les jours en dehors des grands projets ronflants. Nous devons encourager les petites initiatives et les documenter et ensuite, les diffuser via de supports multiples. Des solutions à notre portée existent dans les différents aspects du développement et nous devons les chercher et les diffuser. Actuellement, nous utilisons des ordinateurs un milliard de fois plus puissant que le calculateur que les Américains ont utilisé pour aller sur la lune, mais on ne fait presque rien avec, sauf consulter nos mails.

Interview réalisée pour Terangaweb-L'Afrique des Idées par Ismaël Compaoré