« Nous n’avons qu’une Mauritanie, ne l’abîmons pas ! »

Kaaw ToureVue de loin, la Mauritanie apparaît comme un pays tranquille, calme et stable. Or,  voilà une image trompeuse qui égare bien des observateurs. C'est un pays complexe, secret, un volcan endormi, qui couve une crise interne découlant de la rupture d'un équilibre intercommunautaire.
Depuis le discours de La Baule, la Mauritanie dispose de sa « démocratie ». Avec une constitution (sur mesure), des partis politiques qui foisonnent, une presse dite « indépendante » que je préfère appeler « presse privée » et de temps en temps un simulacre de compétition électorale. C’est bien là des attributs d’une parfaite démocratie.

Mais la Mauritanie recouvre une toute autre réalité ; dissimule une face cachée d'une démocratie raciale. Cette donne est tellement insidieuse que les plaintes et les réserves à l’endroit de cette « démocratie » mauritanienne ne sont souvent pas comprises.

Depuis l’indépendance, nos chefs politiques incapables de se départir de l’esprit partisan, tous issus du milieu maure, se sont attelés sans relâche à développer des politiques qui, loin de forger la Nation encore inexistante, ont conduit à des crises cycliques et répétées, conduisant à une déchirure profonde entre les deux communautés. Par ces politiques nocives développées au fil des années et des régimes que guidait un système inique, on mit en place un apartheid déguisé. Déguisé, car on le chercherait en vain dans les textes institutionnels. Or il existe partout.

Le racisme d’État est partout !

La discrimination raciale commença d’abord feutrée, subtile et insidieuse, pour un projet qui allait devenir obsessionnel: construire une Mauritanie exclusivement arabe !
Pour ce faire, des mécanismes furent mis en œuvre pour que l’Etat fut la « chose » des arabo-berbères. Progressivement, au rythme des résistances qu’opposaient les Négro-africains, ont fît de sorte que les arabo-berbères contrôlent la réalité du pouvoir politique et économique, la justice, l’éducation, l’armée. La diplomatie ne sera pas en reste car, à l’extérieur, il faut afficher l’image d’une Mauritanie arabe par la composition des délégations, le discours et les clichés culturels. 

Évidemment pour masquer la nature discriminatoire des régimes, on va saupoudrer un peu par quelques « nègres de service », sans responsabilité aucune, personnalités aux genoux tremblants, figurines sans aucun pouvoir de décision!

Un des rouages essentiels de cette machine à discriminer fut l’usage qu’on fit de la langue arabe. Cette langue introduite très tôt dans le système éducatif, à des fins « d’indépendance nationale » selon le discours officiel. Ce fut une vaste supercherie qui visait en fait à cacher de sordides motivations. On lui fît jouer un rôle, non pas d’intégration, non pas d’épanouissement pour tous, mais d'instrument de sélection et de discrimination dans l’emploi et l’éducation pour éliminer les Négro-africains. Les enfants négro-africains commencèrent à échouer massivement.

Ce fut la période où il y eut un raz-de marée sans précédent de cadis, de magistrats, d’enseignants, de centaines de jeunes sautant à pieds joints dans le système, sans aucune formation,et dont le seul critère de recrutement fut le passage à l’école coranique. Comme si passer par cette école procurait automatiquement les compétences et les capacités requises aux métiers qu'ils exerçaient.

Ce fut un vrai gâchis au plan national, à la base de l’impasse et de la déchéance actuelle du système éducatif. Il a été instauré ainsi une politique de marginalisation massive des Négro-africains qui allait atteindre son apogée avec l’avènement du colonel Maaouiya Ould Taya.

Beaucoup d’observateurs ont présenté à tort les crises en Mauritanie sous une orientation inter-ethniques, comme si la communauté arabo-berbère et négro-africaine, se dressaient, par animosité, l’une contre l’autre. Ce ne fut jamais le cas. Ces crises étaient à l’image de ce qui se passait au Kwazulu-natal du temps de Botha. Elles étaient orchestrées par nos dirigeants à des fins politiques pour les exploiter judicieusement.

Ce n’est pas par hasard si la déportation de 120. 000 noirs mauritaniens au Sénégal et au Mali, ne suscita que peu d’émoi du côté des intellectuels et de la classe politique beydane, où l’on notait un silence assourdissant. Seuls quelques jeunes du Mouvement des Démocrates Indépendants (MDI), allaient faire exception.

J’ai toujours eu le sentiment que l’intellectuel ne pouvait rester sans rien faire, sans rien dire devant l’injustice. 

Pourquoi un tel silence? Le Régime du colonel-président avait-il réussi à les convaincre? C’est là du reste une dimension, entre autres, qui rend difficile la recherche d’une solution au problème, au regard de l’ambiguïté qu'entretiennent certaines formations politiques sur notre question nationale. Celles-ci, quand elles ne nient pas purement et simplement l’existence du problème, le réduisent à une simple question linguistique, ou de violation des droits de l’homme. A les entendre il suffirait, pour tout régler, que les déportés reviennent. Le débat, en général, au niveau de l’opposition politique au lieu de se focaliser sur les vrais problèmes, tournent hélas autour des questions périphériques.

En tout état de cause, ces déportations planifiées avaient des motivations sordides. Il s’agissait de profiter du « conflit » avec le Sénégal pour tenter de « dénégrifier » le pays, car le taux d’accroissement important des Négro-africains est devenu une hantise, au point que tous les résultats des recensements démographiques (par ethnie) sont tenus secrets, et ce depuis 1960 !

Il s’agissait aussi de saisir cette occasion pour faire passer enfin une réforme foncière qui rencontrait une forte résistance en milieu Négro-africain, pour servir des intérêts inavoués. La déportation justement, permit de redistribuer les terres de ces réfugiés en exil forcé au Sénégal, comme s’ils ne devaient plus jamais revenir.

Il s’agissait enfin de frapper les esprits en sévissant durement et partout pour intimider afin de décourager à jamais toute velléité de résistance, en décapitant la seule force politique organisée à l'époque que sont les FLAM, de manière à neutraliser l’avant garde éclairée de la contestation du projet hégémonique.

Dans le feu des événements, allait surgir une quatrième raison: récupérer le bétail peulh (150. 000 bovins) pour compenser les pertes matérielles subies par les maures rapatriés du Sénégal. Pour se venger du Sénégal voisin, les autorités mauritaniennes allaient se rabattre sans remords, sur ses propres citoyens qu’elles spolièrent et dépossédèrent pour les chasser ensuite comme des « vulgaires étrangers ».

Et dire que l’Afrique se tait devant ces actes barbares! Et qu’à côté, on garde un silence, à la limite de la complicité.

Ainsi donc, au fil des années et des régimes guidés par un même projet, la discrimination raciale allait s’accentuer, pour s’afficher violemment dans les années 80. Si avec les premiers régimes, un peu plus futés, elle fut feutrée, le règne du colonel Taya qui, lui, ne s’embrassera pas de scrupules, les Négro-africains passeront de l’état de marginalisation à l’exclusion totale ouvertement déclarée, dans laquelle, il faut replacer les déportations évoquées plus haut. Le colonel Taya allait, le premier, donner le cadre juridique de notre élimination par une constitution qui allait imposer désormais la langue arabe comme seule langue officielle.

Les plans d’ajustements structurels du FMI arrivant à point nommé, servirent pour vider l’administration des Négro-africains, surtout. Résolu, par une répression physique et mentale féroce, sans tergiverser comme ses prédécesseurs,Taya allait, à marche forcée, consolider le système et afficher l’option désormais déclarée d’une Mauritanie exclusivement arabe. « La Mauritanie n’est pas en voie d’arabisation c’est un pays Arabe » déclara t-il  à Jeune Afrique en Janvier 1990.

En Mauritanie, on est en face d'une minorité qui, pour pérenniser son pouvoir abuse de l’État et use d’un soubassement idéologique pour assimiler et asservir les autres composantes culturelles, une minorité qui confisque le pouvoir depuis plus de 50 ans, qui ne veut ni en partir, ni le partager. Voilà la réalité de notre « démocratie ».

Notre « démocratie » arrive donc et se plaque sur cette triste réalité qu’elle recouvre, intacte, sans rien changer, se muant ainsi en une « Démocratie raciale », à l'image de ce qu'a connu l'Afrique du sud.

Nous ne nous sentons pas concernés par une pseudo-démocratie qui nous exclut, nous avons cessé de croire en notre « État »,  qui a fait de nous des spectateurs passifs du jeu de compétitions électorales réservées aux citoyens à part entière.  Nous sommes, nous Négro-africains, au stade où nous luttons pour notre survie, pour notre reconnaissance en tant que citoyens, en tant qu’hommes simplement, dans un milieu hostile où l’homme voue l’homme au racisme et à l’esclavage. 

Pour sortir de cette impasse, il faut une attitude, un climat et des conditions. Une attitude courageuse d’ouverture sincère et de reconnaissance du problème. Un climat de décrispation sociale grâce à un train de mesures positives à l’endroit de tous ceux qui, victimes et blessés dans leur chair, ont subi des préjudices matériels et moraux. La sanction des crimes commis pour rendre leur dignité aux victimes, à leurs familles et aux orphelins.
Il faut instaurer un dialogue, car ce formidable potentiel de révolte enfoui commence à gronder. Il serait erroné de croire que toutes ces années de calme plat pourraient exclure toute éventualité de soulèvement populaire.

Après une concertation nationale proposée dès 1986 par notre "Manifeste du Négro-mauritanien opprimé", et dont les conclusions pourraient éventuellement être soumises au peuple, on aborderait enfin la phase d’une véritable démocratisation.

L'urgence de l'essentiel nous commande d'agir car voici ma conviction profonde : nous n'avons qu'une Mauritanie, ne l'abîmons pas !

La lutte continue!

Kaaw Touré

Porte-parole des Forces Progressistes du Changement (FPC- ex-FLAM).

Ma foi, c’est l’africanité

africanitéQuand le passé est confus, et que le brouillard s'abat sur l'avenir, reste le présent qui est encore sous contrôle. Le présent et puissoi. Il est toujours possible de se regarder soi-même et d'en tirer quelque chose.

Alors, je m'observe, je vois comment je me comporte avec mes enfants. Puis je remonte dans le temps. Ma relation avec mes parents. La relation de mes parents avec mes grands-parents. La relation des grands-parents avec les arrières-grands-parentsNotre monde a tellement changé. Ma grand-mère écoutait toujours mon arrière-grand-mère avec humilité. Ma mère n'osait pas couper la parole à ma grand-mère. Il m'est arrivé plusieurs fois d'exiger des explications à ma mère… quelle audace ! Et me voici aujourd'hui entrain de fournir des explications à ma fille, par ma propre initiative, pour lui faire comprendre qu'après ces devoirs, elle a aussi des droits, même envers sa propre mère.

Les variables sont nombreuses. Les peuples africains sont présentés comme figés alors qu'ils ne sont que révolutions depuis la nuit des temps, mais révolutions lentes et silencieuses qui aujourd'hui s'accélèrent et explosent.

Le problème serait l'éducation: je ne sais pas. L'éducation commence à la maison et quand je m'observe, je ne vois rien de figé à la maison depuis mon arrière-grand-mère. Il faudrait enseigner Cheikh Anta Diop à l'école. Là encore, je ne sais pas. J'ai lu quelques oeuvres de Diop mais, je l'avoue, pas avec la même passion que j'ai eu à lire Émile Zola. Peut-être parce que mon africanité est difficile à mettre en mot. Un ami rappelait, face aux marches et contre-marches de ces derniers jours, que de tout temps les peuples africains ont marché et peuplé le monde. Une errance qui a donné naissance à l'humanité et qui se poursuit.

Mon africanité c'est une goutte de lait qui coule d'un sein. C'est une larme, un silence, un oeil qui brille, un rire, un sourireMon africanité, c'est lorsqu'après onze années de pratique d'un art martial japonais, mon sensei me dit un jour de grand froid, alors que je déposais mes bottes à l'entrée du dojo: "Comment fais-tu pour arriver ici toujours avec un sourire ?". Mon africanité c'est un coucher de soleil à Saint-Anicet, en pleine campagne québécoise, que je reconnais et avec qui je dialogue en vieille amie comme lorsque je l'observais étendue sur les dunes de sable de mon enfance. Mon africanité ce sont mes rires qui, issus de ces dunes de sable à Dakar, éclatent avec les mêmes sonorités dans ma gorge lors d'une glissade en luge sur la neige de Montréal. Mon africanité c'est la bataille pour manger la chair mince du cou du poulet autant à la Tabaski qu'à Noël.

Mon africanité c'est ma foi. Et je ne parle pas de religion. Et je ne parle pas non plus de tradition (qui englobe la religion). Je parle de vie.

Ce bonheur, cette joie, chez l'humain, d'être en vie. Un bonheur qui a vu le jour quelque part en Afrique, qui a depuis été propagé de par le monde, et nous voici tous aujourd'hui.

La clé de nos problèmes est en nous-mêmes.

 

Ndack Kane

Les perspectives de L’ADI pour 2015

LogoTempChers amis de L’Afrique des Idées,

En ce nouvel an, L’Afrique des Idées, en tant qu’association de loi 1901 ayant pour objectif de contribuer au débat public sur l’Afrique, entre dans sa 5ème année d’existence. Depuis la mise en place de notre site internet terangaweb.com en janvier 2011, environ 1 300 articles d’analyse ont été publiés. Nos membres ont également été à l’initiative d’une vingtaine de conférences en Afrique et en France avec comme intervenants des personnalités issues aussi bien du secteur privé que du secteur public, des universitaires aussi bien que des professionnels de premier plan.

De façon spécifique, l’année 2014 a été un tournant majeur pour L’Afrique des Idées qui se positionne désormais résolument comme un think-tank qui a vocation à proposer des idées novatrices dans les domaines de l’économie, de la politique et de la culture. Au-delà des articles d’analyse, L’Afrique des Idées propose des notes d’analyse, des enquêtes ainsi que des études de recherche. Les résultats de notre étude sur la croissance inclusive, menée en partenariat avec l’Ecole d’Economie de Paris, ont ainsi été présentés à L’Université des Nations Unies à Helsinki et publiés récemment dans la série des documents de travail de l'UNU-WIDER. Afin d’appuyer cette nouvelle orientation, un conseil scientifique d’une dizaine d’universitaires et de professionnels issus du droit, de la finance et de l’économie apporte son expérience et son expertise pour mieux orienter l’essor de L’Afrique des Idées.

Dans le sillage du travail effectué en 2014, les perspectives de développement de L’Afrique des Idées s’articulent autour de trois axes. Il s’agit d’abord de crédibiliser davantage notre positionnement de think-tank en apportant au débat public des contributions scientifiques sur des thèmes tels que la mesure de l’impact de la croissance africaine, les classes moyennes africaines, les politiques de concurrence, la fiscalité et le foncier. Il s’agit ensuite de renforcer notre ancrage local sur le continent à travers l’ouverture de bureaux dans trois pays africains à l’image de celui de Dakar qui sert depuis deux ans de laboratoire de notre déploiement. Il s’agit enfin de donner davantage de visibilité à nos productions et à notre structure à travers une communication d’influence plus proactive et l’organisation d’un rendez-vous majeur que nous voulons annuel. A travers ces trois axes, nos équipes consacrent leur savoir-faire et leur dynamisme au développement de L’Afrique des Idées et à la structuration d’une agora de qualité sur l’Afrique, et en Afrique.

Les résultats de L’Afrique des Idées et les perspectives pour cette année ne sont en effet possibles que par l’engagement remarquable d’une centaine de jeunes professionnels et chercheurs, africains et non africains, mus par une conviction forte : dans un contexte où l’Afrique connait des transformations sociales et économiques inédites et attire l’intérêt du monde entier, il est nécessaire d’apporter au grand public, notamment aux africains eux-mêmes, une connaissance fine et équilibrée des dynamiques en cours. Cette contribution au débat public passe aussi par une (ré)appropriation, par la jeunesse africaine elle-même, du discours sur l’Afrique, de la même manière que la croissance du continent doit s’effectuer en priorité au profit des populations locales, les deux aspects étant du reste fortement liés. Tel est le sens de l’afro-responsabilité qui est, depuis plus de quatre ans, au cœur de notre démarche. Tel est le sens de l’engagement de L’Afrique des Idées qui a pour ambition de structurer, dans le temps long, un think-tank de référence porté par la jeunesse africaine.

Excellente année 2015 !

Nicolas Simel Ndiaye

2014 in the short and long run

20142014 did not start under favorable auspices for Africa. The onset of a civil war in both South Sudan and Central African Republic, an attempted coup in DRC, the institutional stalemate in Tunisia and the noxious political situation in Egypt have made the headlines of African news. In addition, there are less dramatic realities yet painfully concrete such as the climate of distrust prevailing between African citizens and their political representatives, in South Africa for instance. Unfortunately the systematic misuse of public goods and the embezzlements on an industrial scale don’t only happen in Malawi where the scandal resulted in the government resignation. A job market way too narrow and everyday more impervious to young graduates is feeding a general dissatisfaction.

The most pernicious of the multiple ills threatening Africa remains the lack of creativity and innovation. Creativity and innovation are not only the privilege of art or fiction. They ought to be the pillars of our action on our reality in its social, economic and political dimensions. So many things await to be improved, we cannot afford to merely suffer the present and accept it as is. Not only should we create alternatives to what is being thought and done today but also give ourselves the means to mobilize the resources which will bring those alternatives to life.

Many of my generation, now aged 20 -40, would rather watch instead of intervening on the broad range of problems plaguing the continent.  We indeed have no grip on the short term of Africa, the one of the great events which will be under the world’s spotlights in 2014. But we are the first makers of the medium term of Africa, the one which will define the decades to come by the middle of the twenty-first century, in 2050. Hence, we can make of 2014 a pivotal year in which we will pave the way for a brighter future.

It is a resolution to which we, at Terangaweb-l’Afrique des Idées, are firmly committed. Our main goal will be, for 2014, to make operational the think-tank that we have been incubating for several years and that we consider necessary to the public debate and the social life of our African countries.  As a reminder, when we launched the website Terangaweb.com four years ago, we wanted to create a free space for dialog, conducive to an exchange of ideas and rigorous analyses about Africa, because we thought that such spaces lacked in the Web, with most websites being news-oriented.

We even identify the same lack in the current offer of laboratories of ideas. The term ‘think-tank’, known also as ‘laboratory of ideas’ refers to an independent and a not-for-profit structure gathering experts with a view to producing studies and proposals for public policies, in order to enrich the debate and influence decision-making.

We have indeed few laboratories of ideas in sub-Saharan Africa while the need for expertise is acute for the public debate and the orientation of public policies. The two main think- tanks for French-speaking countries of sub-Saharan Africa are the CODESRIA (based in Dakar) and the CEDRES of Burkina Faso. They are very academic laboratories of ideas in social sciences, with an operating mode characteristic of the older generation of laboratories of ideas, aiming at an expert and technical audience and overlooking the general public and the diffusion of their analytic and policy briefs through the media and towards the decision-makers.

In 2014, we will keep on improving our website Terangaweb.com and fully dedicate our time and energy to achieve the ambition of a think-tank, l’Afrique des Idées, which will meet the need for an independent, creative, innovative and yet rigorous actor, which will propose solutions and mobilize itself for their implementation in fields such as youth employment, social protection, renovation of African civil services, preservation and sustainable enhancement of the environment and ecological heritage, inclusive growth and reduction of social inequalities, monetary policy of the CFA franc zones among other important issues…

That is the collective good resolution of l’Afrique des Idées, we wish to all success and the best for 2014.

 

An article by Emmanuel Leroueil, translated by Ndeye Mane Sall

L’Afrique a des Idées…

logo« Chantons les Africains, Chantons la Belle Afrique, Chantons les beaux paniers, … ». Cette Afrique des beaux paniers existe-elle encore ? Légitime interrogation pour de millions de jeunes africains qui, dans leurs parcours scolaires ont eu la chance d’entonner cette célèbre chanson.

Ma rentrée sur l’Afrique des Idées, je la dédie à cette Belle Afrique. N’en déplaise aux détracteurs, l’Afrique a bien des Idées. Des Idées aussi ingénieuses qu’innovantes, l’Afrique n’en manque pas.

Dans tous les coins et recoins du continent, il y a bien des choses qui se font pour mettre l’Afrique sur le droit chemin. Désolé, pour que l’Afrique se fasse respecter. Trop de ragots sur un continent, qui malgré tout, en attendant d’autres résultats scientifiques, conserve son titre plus qu’honorifique du « berceau de l’Humanité ».

En Afrique, la Conscience Collective s’accorde sur les monstrueuses difficultés politiques, économiques, sociales et depuis culturelles. N’empêche, elle fait bien naître des génies. Des génies qui ne se lasseront pas de faire briller une Afrique au passé tragique. Même l’autre, quand il chante que « l’homme noir n’est pas bien entré dans l’histoire », savait au tréfonds de son âme que l’Afrique a des Idées. Il en donnait déjà la preuve avec sa formule très polémiquée de l’ « immigration choisie ».

Mais bien heureusement, pas vraiment besoin de serpenter les rues des faubourgs d’Europe et d’Amérique ou encore de l’Asie, pour dénicher ces talents qui donnent du sens à l’Afrique. Tous n’ont pas eu besoin de faire les classes dans ce qu’on appelle très affectueusement les grandes écoles occidentales. D’autres ont même le mérite d’avoir abandonné des conditions « exceptionnelles » de ces pays scientifiquement confirmés pour s’offrir des années de réflexion sur l’Afrique en Afrique. Et que dire de ces génies qui n’ont jamais goûté aux délices d’un vol intercontinental pour certifier tout fièrement que l’Afrique a des Idées.

Je me souviens comme toujours de ce monumental chanteur béninois qui n’hésite point à clamer haut et fort que « les grands de ce monde viennent d’Afrique ». Sagbohan Danialou, puisque c’est de lui qu’il s’agit était-il dans le secret des dieux ? Certainement pas, mais des Africains convaincus d’une Afrique positive, une Afrique qui gagne, Une Afrique pionnière, ils sont bien des millions à travers le monde.

Que les uns, nationalistes de France, manifestent un extrémisme absolu d’une époque révolue; que les autres, flics de leur Etat, déshumanisent des migrants africains, parce qu’ils auraient gagné clandestinement leur pays en proie à des difficultés économiques monstrueuses, qu’ils se souviennent qu’il y a bien une Afrique qui innove. Qu’ils se rappellent qu’il y a bien une Afrique de demain. Une Afrique des Idées dont la lumière embraserait l’Humanité toute entière.

Cette Afrique, c’est celle de grands noms et de grandes icônes. De la Politique à l’Economie, de la Musique au Sport, du Cinéma au Théâtre, ils n’ont qu’un seul dénominateur commun : Prouver que l’Afrique grouille d’idées aussi pharaoniques que merveilleuses. Marcher dans cette Afrique, c’est aller sur la terre de Nelson Mandela, Kofi Anan, Barak Obama, Bertin Nahum, Agélique Kidjo, Djimon Houssou et bien d’autres dont les racines sont ancrées dans l’audace d’un continent super « convoité » depuis des générations.

Qui d’entre vous pourrait sonder la joie qui était la mienne d’apprendre qu’un togolais, médecin de son Etat se met dans l’invention d’une imprimante 3D à base d’objets recyclés. Quel bonheur est le mien de savoir que même dans son Congo natal décimé par des années de conflits que le génie de Vérone Mankou ne tarit point, et que Victor Agbegnegou, compte offrir à l’Afrique en général et à son Togo d’origine en particulier les mêmes conditions de téléphonie mobile que partout dans le monde.

Même Goldbach, depuis sa tombe, aurait ses yeux rivés sur l’Afrique. Pour qui ne le sait pas, Ibrahima Sambégou Diallo, jeune guinéen, serait en train de devenir le premier mathématicien africain à avoir élaboré un théorème. Ce dernier aurait réussi à trouver la solution à la conjecture de Goldbach.

Et point de mots pour reconnaître le mérite de ces petits génies du Liberia, du Nigeria et de plusieurs autres pays du continent qui, à peine instruits, font parler l’immensité de leur génie par des solutions miracles à des problèmes communautaires de longue date. De l’invention d’une station radio ou d’un générateur à base d’objets recyclés ou des débris d’armes de guerre, plus qu’à l’Afrique, c’est au monde qu’il donne des idées. Un regard vers la formidable trouvaille du technicien informatique sud-africain Steve Song permet de s’assurer que l’Afrique de demain se bâtit dans tous les coins du continent. En tout cas, lui pourra fournir de l’accès à internet à des milliers de villageois grâce à une technologie Wi-Fi à partir des boîtes de conserve.

Saviez-vous quelle est et sera mon estime pour cette belle cohorte de jeunes africains bien inspirés qui tirent de l’éclosion des nouvelles technologies des inventions révolutionnaires et futuristes pour l’Afrique ?

Non ! Je ne pense pas un seul instant que vous en saviez quelque chose. En tout cas, pour nous, c’est une première, un marché d’idées à l’africaine qu’on fête et qu’on ne cessera jamais de célébrer.

Mais attention ! Que l’euphorie ne l’emporte point. L’Afrique a des idées…

De-Rocher Chembessi

Elites africaines ?

Il est une chose de souhaiter l’épanouissement de notre Afrique, il en est une autre de proposer et de mettre en place des moyens concrets d’atteindre cet épanouissement. Cependant je pense qu’il faut souligner un profond problème qui aujourd’hui gangrène les quelques esquisses de stratégies que nous développons pour réaliser l’objectif cité plus haut. En quoi consiste ce problème? Il s’agit du problème des « élites » africaines. Il s’agit de l’occidentalisation perpétuelle des « élites » africaines et donc des répercussions de ce processus  sur l’efficience des stratégies que nous mettons en place pour notre terre.

Petite parenthèse avant de poursuivre : J’insiste sur les « élites » sans pour autant être un défenseur de cette vision sociétale qu’est l’élitisme. Cet élitisme a d’ailleurs perdu l’Afrique, depuis les prêtres de Tah Mehry (l’Egypte Antique) envahi par Cambyse jusqu’aux sorciers et aux dirigeants de nos royaumes renversés par les colons. Toutes ces élites ont indirectement, et souvent sans le vouloir, participé à l’asservissement de leurs peuples, pour la simple raison qu’ils ont emporté le savoir avec eux dans leurs tombes ou ne l’ont pas assez vulgarisé aux populations (cf. « Un vieillard qui meurt c’est comme une bibliothèque qui brûle »).Peut-être l’histoire aurait-elle été toute autre si ces populations avaient été massivement  initiées et éduquées au savoir et au savoir-faire immense qu’il y’a en Afrique. Il faut ainsi souligner  l’importance des élites dans l’accomplissement (ou la perte) de la destinée d’un peuple. En effet c’est elle qui mène les combats d’avant-garde mais si elle s’y enferme ou s’y prend mal, elle finit par détruire ce qu’elle voulait défendre. Voilà la raison pour laquelle j’insiste sur le rôle des  élites africaines en ce qui concerne la situation actuelle ainsi que le futur de l’Afrique.

Revenons ainsi à notre problème d’élites…

L’occidentalisation perpétuelle de nos élites est un réel drame pour nos populations. Cette occidentalisation que l’on croyait circonscrite aux époques post-indépendances, est en réalité en train de regagner du terrain, notamment grâce à l’ouverture du marché de l’éducation à l’échelle mondiale. Que signifie ce terme «  occidentalisation » : C’est l’emploi ou plutôt le réemploi perpétuel de concepts, de méthodes et de stratégies créés en Occident, par des occidentaux, pour l’occident et avec des réalités culturelles et historiques occidentales. C’est par exemple le cas de la démocratie « moderne » inspirée de la « démocratie » athénienne (Les guillemets ne sont pas fortuits). Le drame de l’occidentalisation de nos élites réside dans le fait que ces dernières  vont l’appliquer à un contexte et à des réalités sociales ou historiques typiquement africaines. L’exemple le plus patent de ce mimétisme ou plutôt de cette « péroquettisation » – excusez moi le néologisme – est l’emploi effréné de la terminologie occidentale pour désigner nos souhaits pour l’avenir de notre continent. Le porte étendard de cette terminologie qui nous assassine au quotidien est le fameux « développement ».Toute l’intelligentsia africaine emploi ce mot et ses déclinaisons (co-développement, sous-développement, etc.) à tord et à travers, sans réellement prendre le temps de réfléchir sur les concepts qui sous-tendent cette idéologie. Car oui, le développement, tel qu’il est conçu par le monde occidental, est réellement une idéologie. Il prétend offrir à tout le monde le confort matériel et technologique et s’appuie sur le capitalisme marchand, aveugle et sourd face aux demandes simples de l’humanité : se loger, se nourrir et boire de l’eau potable…2 Milliards et  800 millions de personnes vivent avec moins de deux dollars/jour. Ces chiffres ne s’inventent pas, ils sont bel et bien le fruit de ce « développement ». Ce développement s’appuyant sur le capitalisme prône une croissance infinie dans un monde fini, épuise nos ressources non-renouvelables (comme le pétrole) à une vitesse grand V et n’hésite pas dans ses formes les plus vicieuses à tuer des gens pour continuer à contrôler des marchés ou des ressources (cf. La Françafrique et Noir Silence de F.X.Verschave).

Ce développement capitaliste si destructeur pour notre environnement est, d’après nos élites, le but que nous devons atteindre, nous africains. Si d’aventure nous l’atteignions – ce qui est tout bonnement impossible car nous ne l’avons pas conceptualisé de manière endogène – vaudrions nous mieux que ceux que l’on critique aujourd’hui ? Je pense que non…

Les déclinaisons de cette terminologie, pour rester sur ce point du mimétisme, largement relayée par nos élites (et la presse) continuent à aliéner les populations africaines et encourage nos jeunes à prendre ces embarcations de la mort que sont les pirogues de l’atlantique ou de la mer rouge. Des termes comme le sous-développement enferment inévitablement n’importe quel africain qui les emploie dans sa condition forgée d’être inférieur technologiquement, économiquement voire même culturellement. L’Africain d’aujourd’hui croit que tout ce qui est bien est hors de chez lui, ce qui, en réalité, n’est pas le cas. Ainsi un africain qui accepte de se dire « sous-développé », admet par la même qu’il est en retard sur le plan de vue de la marche historique de l’humanité et que d’autres (l’Occident en l’occurrence) sont en « avance » sur lui et son continent. Si cet africain fait partie de l’élite africaine dirigeante et visible, je vous laisse imaginer le mal que cela peut faire au niveau de nos populations qui ont faim et n’ont pas le temps de penser à ces choses là.

Cependant l’emploi de cette terminologie n’est qu’un volet particulier mais ô combien important du process de mimétisme. Ainsi, depuis 50 ans, nous nous entêtons à mettre en place des stratégies économiques et à opérer des réformes de notre système éducatif selon des techniques apprises dans l’enseignement à paradigme occidental (et cet enseignement est le même en Afrique qu’en Occident) et selon des concepts engendrés par des penseurs occidentaux qui voulaient trouver des solutions à des problématiques occidentales. Abreuvées à travers ce robinet qui trouve sa source ailleurs, les élites africaines mettent en pratique des solutions inadéquates et inadaptées à un milieu géographique, social et culturel n’ayant absolument pas les mêmes caractéristiques que le milieu originel du concept qu’ils appliquent. A ce titre, et pour rester dans le ton « jeune » de cet article, le rappeur  Franco-Sénégalo-Tchadien Mc Solaar dans « La belle et le bad boy » dit ceci : « Le contexte est plus fort que le concept »… Cette phrase est sans doute à méditer, mais il faudrait également méditer sur la fragilité de nos institutions face aux multiples coups d’Etat en mettant en lien cette fragilité avec la non identification des populations à l’égard de nos systèmes politiques actuels. Pensez-vous réellement qu’un système politique dans lequel les populations se reconnaitraient pourrait être renversé tous les 3 ans comme en Mauritanie ? A méditer… Il serait également intéressant de réfléchir à délivrer les femmes du carcan de la sous-éducation et à les imposer aux plus hauts niveaux de responsabilité comme cela a toujours été le cas aux époques où l’Afrique brillait (Egypte Antique, Ghana, Royaume de Nder). L’Afrique a besoin de ses femmes sur la scène décisionnelle quitte à trouver un système de suffrage propre à nos pays, système où leur représentativité serait assurée. Il est temps que les futures élites africaines étudient, en parallèle de leur formation, le passé philosophique (pour ne pas dire cosmogonique) et les conceptions de la nature, de l’échange économique et du pouvoir dans les civilisations africaines anciennes afin de s’en servir, non pas pour retourner à des fantasmes passéistes et irréalisables aujourd’hui mais pour créer tout un corps de sciences humaines, économiques et politiques inspirées par des réalités et des concepts africains. Ces nouvelles visions sociologique, économique et politique seront ainsi adaptées à notre terre et seront surtout pérennes car elles auront été tirées d’un substrat endogène et s’appliqueront à ce substrat endogène renouvelé. Il ne faut pas avoir peur de cette révolution, d’autant plus que celle-ci est avant tout mentale et concerne prioritairement nos élites .Ainsi, si ces dernières décidaient de réformer le système agricole, elles devront se former techniquement mais devront surtout maitriser leur contexte social, économique et historique, ceci afin d’intervenir non pas de manière (con)descendante  avec des méthodes exogènes mais en intégrant le paysan africain, sa relation avec la nature  et son savoir-faire millénaire dans cette réforme : là est la clé du succès. Soyons d’abord africains, vivons africains et pensons africains. C’est le prix à payer si nous voulons voir l’Afrique s’épanouir, et non se développer comme je l’entends trop souvent. C’est le prix à payer si l’Afrique veut nourrir tous ses enfants et avoir des institutions fortes. C’est le prix à payer si l’Afrique se veut unie pour pleinement participer et selon ses spécificités à l’établissement d’un monde plus juste, plus humain et réellement multiculturel.

Fary Ndao

l’Afrique et le changement climatique : une introduction

Les Africains considèrent qu’ils n’ont pas contribué au changement climatique mais qu’ils sont les premiers à en subir les conséquences les plus lourdes[i]. Dans cette série d'articles, nous nous proposons d’apporter un éclairage sur le changement climatique, ses impacts en Afrique, ses enjeux. Quelles sont les stratégies d’adaptation?


Dans ce premier article, commençons par expliquer la variabilité du climat et l’effet de serre global. 

AU COMMENCEMENT

Oxfam AfricaQuelques jalons pour se fixer les idées: La Terre telle que nous la connaissons s’est formée il y a 4,6 milliards d’années. Il y a 2 milliards d’années, un processus qui avait conduit à l’arrivée massive de l’oxygène dans l’atmosphère terrestre primitive, aboutit à la formation des premières vies «oxygénées». Depuis, la composition de l’atmosphère terrestre, cette couche gazeuse qui entoure la surface du globe, a connu d’intenses variations, liées aux activités géologiques et astronomiques. Les conséquences pour l’ensemble du globe étaient des alternances de périodes de refroidissement intenses dites glacières et d’autres de réchauffement global. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, ces périodes ont occasionné la disparition de certaines espèces et l’apparition et/ou l’évolution d’autres. Leurs vestiges formeront plus tard les hydrocarbures. A l’aide des informations qu’ils recèlent, les scientifiques ont mis en évidence et étudié une variabilité naturelle du climat à différentes échelles spatio-temporelles. Le climat par définition explique les conditions de l'atmosphère au-dessus d'un lieu à moyen et long terme (à la différence de la météorologie qui s'intéresse au court terme).

Il y a seulement 200 000 ans, c’est-à-dire très récemment à l’échelle de l’évolution globale, apparaît l’homo sapiens que l’on peut qualifier d’ancêtre de l’humain actuel. A une échelle infiniment plus petite, il y a 260 ans, la révolution industrielle a lieu. Commence alors une période d’exploitation en masse des ressources terrestres qui se poursuit de nos jours. Cela a-t-il un impact sur le climat?

L’EFFET DE SERRE

L’air est constitué essentiellement de deux gaz (Azote 78%, oxygène (dioxygène) 21%). Parmi la très faible quantité d’autres gaz présents, il y a les gaz à effet de serre (GES) dont le fameux gaz carbonique (CO2). Leurs conséquences, en revanche sur la vie sont très importantes. Ces gaz n'empêchent pas la lumière du soleil d'arriver jusqu'à nous. Ainsi, la journée, le soleil chauffe la surface du globe. La nuit, cette dernière restitue une partie de la chaleur sous forme de rayonnement infrarouge. Les GES empêchent ce rayonnement de repartir vers l'espace. Ils font ainsi office de "couvercle" en retenant l'énergie, maintenant une température élevée près du sol. C’est l’effet de serre naturel, qui assure ainsi une température clémente à la surface (plus).

Cependant, plus la concentration des GES augmente, plus ces derniers captent l’énergie, réchauffant ainsi l’atmosphère. Depuis la révolution industrielle, la production de l’énergie, le fonctionnement du système industriel repose essentiellement sur la combustion des ressources fossiles: pétrole, gaz et charbon; brulés ils émettent des gaz à effet de serre supplémentaire dans l’atmosphère. A l’effet de serre naturel, s’ajoute alors un effet de serre d’origine humaine. L’équilibre du système est rompu entrainant entre autres une élévation de la température globale[ii].

On n’a jamais vu un phénomène naturel aussi accéléré. Au rythme actuel, la tendance du réchauffement climatique risque d’être irréversible à l’échelle humaine bouleversant complètement le mode de vie actuel[iii]. En Afrique de l’ouest par exemple, le climat est caractérisé par une migration saisonnière des précipitations de l’équateur vers les régions du Sahel ; celles-ci débutent en mai sur la côte guinéenne, gagnent le Sahel en août et redescendent vers le golfe de Guinée en novembre. Ce processus est et sera de plus en plus perturbé, entraînant des conséquences socio économiques et environnementales importantes.

PAS RESPONSABLE? L’AIR N’A PAS DE FRONTIERE…POUR L’INSTANT

Du fait de sa faible industrialisation et de son retard de développement, l’Afrique ne contribue que très peu au total des émissions de gaz à effet de serre.

Source: globalwarmingart

Conscients du changement climatique et préoccupés par ses effets, les États ont adopté la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CNUCC) en 1992 à Rio de Janeiro. Cette convention reconnaît la responsabilité commune mais différenciée des États et prône le principe de précaution. Sur les bases de la CNUCC, le protocole de Kyoto, un accord international légalement contraignant pour les pays industrialisés – jugés plus responsables –  a mis en place un mécanisme de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Signé en 1997, il n’entrera en vigueur qu’en 2005. Des pays historiquement pollueurs tels que les Etats Unis refusent toutefois de le ratifier. Initialement valable jusqu’en 2012, le protocole restera en vigueur jusqu’en 2017; car les négociations pour trouver un accord post-kyoto n’ont pas aboutis. Pourquoi?

Dans les prochains articles nous analyserons les mécanismes mis en place par le protocole de Kyoto et nous verrons ce que l’Afrique en a tiré. Afin de mieux évaluer les impacts du changement climatique en Afrique, nous examinerons également les projections climatiques. Si ces dernières divergent d’une région à une autre y compris à l’intérieur du continent, alors quelle position africaine faudrait-il défendre dans les négociations climatiques?

Notons que d’un point de vue climatique, l’air ne connaît pas les frontières géographiques; les GES se mélangent rapidement dans l’atmosphère. Toute émission de GES  d’où qu’elle vienne est potentiellement nuisible partout. Inversement les réductions d’émissions faites de n’importe quel point auront un effet sur l’ensemble. 

Djamal Halawa

 

Crédits photo : Piotr Fajfer / Oxfam International Utilisation sous licence CC 2.0


[i] Voir les discours significatifs prononcés par d’éminentes personnalités africaines (site)

 

 

 

 

 

[ii]    Noter qu’il y a eu des Controverses_sur_le_réchauffement_climatique dont certains ont fait échos dans l’opinion publique. Toutefois nous pensons que cela reste du domaine des querelles scientifiques et qu’il ne change pas le consensus sur la réalité du changement global et la nécessité d’adaptation. Au besoin un article sera consacré à cet effet.

 

 

 

 

 

[iii] Voir la littérature sur le changement climatique http://www.un.org/fr/climatechange/reports.shtml Nous reviendrons sur ces aspects dans les prochains articles de cet opus notamment en étudiant le rapport du GIEC

 

 

 

 

 

Un [autre] discours de Dakar

image tw6Le 26 juillet 2007, à l’université de Dakar, j’écoutais, incrédule, Nicolas Sarkozy débitant des propos insultants sur l’Afrique. Le 27 avril 2013, il s’agissait, au même endroit, dans le même bâtiment, de déclamer un autre discours de Dakar, adressé à la jeunesse africaine. Cette fois, il porte le crédo de l’afro-responsabilité. Qui mieux que des fils du Continent pouvaient disserter sur l’avenir de l’Afrique, identifier ses défis dans un monde en perpétuel mouvement et prôner des solutions concrètes, durables et inclusives ? C’est le pari réussi par le Bureau dakarois de Terangaweb – L’Afrique des Idées, lors de la journée de lancement de ses activités sur le Continent.

Au-delà du faux-dilemme éternelle lamentation/volonté farouche de prendre le large, il convient de préciser une autre alternative pour la jeunesse africaine. Celle du choix de rester/retourner en Afrique et de porter haut le flambeau de la lutte pour l’émergence politique et sociale. C’est cela aussi la vocation de Terangaweb – L’Afrique des Idées. Loin du prototype du regroupement de « salonards »*, il était d’une impérieuse nécessité de s’installer aussi sur le Continent lorsqu’on se définit comme un cadre promouvant le débat d’idées sur l’Afrique.

Dès le départ, nous avons refusé la posture de l’intellectuel de la diaspora aux « mains propres » qui, de Paris, lance de temps en temps des salves de banalités sur la corruption, la mal gouvernance, les crises institutionnelles, en prenant bien soin de garder cette attitude moralisatrice et supérieure, savante et pédante .

Le mandat que nous avions ainsi reçu était de permettre la création d’un cadre d’échanges sur l’Afrique à Dakar, en vue de porter un message nouveau plein d’espoir sur l'Afrique mais pleinement lucide sur l’immensité des défis qui nous interpellent.

Ce cadre existe dorénavant! Ce samedi, à Dakar, nous avons vu la jeunesse africaine débattre, échanger, identifier des problèmes et décliner des solutions. Elle a assouvi le temps d’une journée, dans un pays où le débat politique ne cesse de décevoir, son profond désir d’être écouté et entendu.

Le paradoxe de l’Afrique, c’est d’être un continent jeune dans un monde qui vieillit, tout en refusant à sa jeunesse l’accès aux strates de décisions et d'influence. Il faut qu’en Afrique la jeunesse cesse d’être un péché, une maladie honteuse qui sera bien vite guérie, une promesse, mais pleinement un potentiel sur lequel doit impérativement reposer toute stratégie de développement.

Un autre Discours de Dakar a résonné ce week end dans les allées de l’UCAD portant deux messages fondamentaux sur l’identité de Terangaweb.

 Il s’agissait d’abord d’un appel à la réforme de nos Etats pour qu’enfin la puissance publique puisse jouer son rôle en répondant aux préoccupations des populations. Ensuite, la responsabilisation d’un nouveau leadership en Afrique qui devra prendre le relais de la génération de nos pères dont le bilan est tout sauf reluisant.

Hier, une jeunesse africaine du Sénégal est venue assister à la formalisation en Afrique d’un cadre neuf de réflexion et d’échanges dans le respect de nos différences et dans une ambition de responsabilité.

Tant pis si les politiciens ont préféré les bavardages des éternels thuriféraires de l’action présidentielle, plutôt que de venir échanger avec une jeunesse qui confrontée à un chômage endémique, se trouve parfois à épouser l’université comme moyen de repousser l’échéance de la sortie dans la vie active.

Quoi qu’il en soit, à Dakar, un discours sur la responsabilité et la prise de conscience sur les défis du Continent a été lancé à la jeunesse africaine. Il convient de le relayer suffisamment pour qu’ensemble nous contribuions à l’émergence politique et à la transformation sociale du Continent, à la circulation des idées sur l’Afrique, pour l’Afrique et dorénavant en Afrique.

Pour faire suivre les actes à ce discours de Dakar, jeunesses d’Afrique, n’hésitez plus, rejoignez-nous.

Hamidou Anne

Responsable du Bureau de Dakar

de Terangaweb – L’Afrique des Idées

* Salonards est une allusion aux Africains qui – par uniquement les mots –  font et refont l’Afrique dans les salons feutrés des beaux quartiers parisiens, sans aucun engagement politique ni associatif. 

Interview de El Yamine Soum, sociologue franco-algérien

el yamine soumEl Yamine Soum, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je suis né en Algérie, et arrivé très jeune en France, je me considère comme un humaniste. J’écris et j’interviens dans le débat public par les questions contemporaines et internationales. Je travaille notamment avec le Brésil, les Etats-Unis, le Venezuela…Je pars souvent d’analyses sociales que je mets en comparaison au niveau international.
Je viens de fonder avec Anas Jaballah le Centre d'études et de prospective internationale. Nous publions, dans ce cadre un livre au mois de mai sur les nouveaux défis de l'éducation aux éditions « Les points sur les I ». J'essaie d'offrir à mon niveau, de l'analyse et de formuler des propositions concrètes et réalistes.

Récemment un sondage Ifop affirme que 74% des Français considèrent l’Islam intolérant. La société française est-elle si hostile à la deuxième religion de France?

Oui clairement il y a des peurs autour de la présence musulmane en France. Il faut s’interroger sur les facteurs de cette perception d’intolérance. Il est bon de rappeler qu’au début du 20ème siècle la France avec la Grande Bretagne et les Pays Bas était l’un des trois grands empires coloniaux musulmans et qu’ils n’étaient pas citoyens français. Bien avant, il y avait des musulmans partir du 8ème siècle, en France, qui seront en grande partie expulsé après la bataille de Tourtour, d’autres seront réduits en esclaves.

Ce phénomène de rejet est lié aussi, à une visibilité croissante des musulmans dans l’espace public, à travers un phénomène d’embourgeoisement et l’apparition de classes moyennes et supérieurs.

Cela signifie clairement qu’il y a une compétition sur le marché de l’emploi avec les personnes héritières du colonialisme. Aussi, les groupuscules minoritaires mais extrêmement visibles le style vestimentaire importés des pays du golfe, non pas du Maghreb, ou d’Afrique de l’ouest, des d’où proviennent les descendants de migrants peuvent contribuer à susciter de la peur.

Enfin, il y un sentiment de rejet, qui est classique durant les périodes de crise. Il ne faut pas oublier qu’il y avait une tradition d’antisémitisme en France et que cela a conduit à une catastrophe. A la fin du 19ème siècle, il y avait des députés qui inscrivaient la question juive dans leur programme ; aujourd’hui le parallèle est flagrant avec les musulmans.

Il y a un risque chez certains musulmans, c’est qu’à force de survaloriser cette identité ils se retrouvent complètement exclus du collectif, de la nation et qu'ils oublient que nous sommes dans le même bateau qui s'appelle France. C’est un véritable piège car ils s’excluent des lieux de pouvoir et des grands enjeux.

Il y a une dimension réactive qui à mon sens peut conduire à des impasses, comme le dit le proverbe arabe : le trop de quelque chose est un manque de quelque chose. 

La campagne jugée très à droite de Nicolas Sarkozy suivie par droitisation de l’UMP de Copé peuvent-elles être pointées du doigt ? 

Oui bien sûr ! Comment parler d’un sujet qui certes peut faire l’objet d’un débat, sérieux et rigoureux, qui en fait n’est fait que pour hypnotiser les Français. Cela pose des vraies questions sur le manque de perspectives de certains responsables politiques en matière de dettes, d’industrie, d’emploi, sur l’éducation et surtout la refonte des institutions qui devrait être au cœur des transformations. Au lieu de prendre à bras le corps la question des licenciements qui est un drame actuellement en France, on s’amuse à monter les français les uns contre les autres. Mais ce que vous appelez droitisation, est aussi le fait d’ « intellectuels » médiatiques, voire des idéologues de gauche comme de droite, qui utilisent cela comme une ressource pour assurer leur survie dans l’espace médiatique. 

Apres 10 ans d’opposition, la gauche française est revenue au pouvoir en 2012. Y a-t-il un espoir pour un changement dans le discours sur l’Islam et la question de l’immigration ? 

Pour le moment je n’observe pas une exploitation politique de ces sujets, si l’on exclue les quelques phrases inutiles de Manuel Valls. La France respire un peu. Il y a encore certains médias, qui sont dans une situation dramatique, d’un point de vue économique l’utilisent, par exemple Charlie Hebdo. La « pseudo-affaire », montée médiatiquement et savamment calculée, est tout à fait typique du climat actuel : Charlie hebdo s'affiche en victime et en chantre de la liberté d'expression alors même qu'aucune censure ni intimidation n'a été constatée ! Ce qui est frappant c’est le fait que l'on puisse ainsi créer une arme de mensonge massive.

Entre François Fillon, qui – dans sa course effrénée aux parrainages – affirme «Je défends Charlie Hebdo, je défends la liberté d’expression et je pense qu’on ne doit pas céder un pouce de terrain dans ce domaine-là», Marine Le Pen qui parle « des «reculades» de la classe politique face à des musulmans qui lui imposent «des bras de fer », alors que la liberté « n’est pas négociable», en passant par Nathalie Kosciusko-Morizet – frustrée du machisme de son propre parti – qui ose parler « des réactions que l’on a pu voir ici et ailleurs dans le monde qui sont éminemment violentes et condamnables », réactions qui existent surtout dans son imagination…

Pas une voix ne s'est élevée dans la classe politique française pour rappeler tout simplement que personne n'a porté atteinte à la liberté d'expression de Charlie hebdo.

Le mensonge selon lequel les musulmans seraient hostiles à la liberté d'expression, à force d’être répété, finit par devenir une réalité dans l’esprit des Français.

Un autre mensonge consiste à faire croire à l’opinion que l’on ne pourrait pas parler de certains sujets, celui de l'islam et des musulmans étant présenté comme tabou. Or, la fréquence des débats, des unes de magazines et des éditoriaux autour des musulmans démontre tout l’inverse. Et ce alors même que ce sujet n'est pas la première préoccupation des Français.

En revanche, le magazine a incontestablement réussi son opération médiatique et commerciale, ce qui n'est pas négligeable pour relancer un hebdomadaire sur le déclin. Parallèlement, les mesures de sécurité exceptionnelles et sans doute excessives ont eu un coût significatif pour le contribuable.

Ainsi, Le Figaro a récemment affirmé que la précédente affaire Charlie hebdo « avait valu aux locaux de Charlie Hebdo dans le XXe arrondissement de Paris d'être la cible d'un incendie criminel. L'équipe du journal avait alors trouvé refuge dans les locaux du quotidien Libération ». Or, à moins que le Figaro ait eu accès au dossier d'enquête – ou qu'une dérogation au secret de l'instruction lui ait été accordée ! – aucune information rendue publique ne permet à ce jour de connaître le ou les responsable(s) de cet incendie ni de démontrer un lien de causalité formel entre cet acte criminel et des agissements de musulmans en réaction à la publication des caricatures du journal danois ". En affirmant une telle chose sans preuve, le Figaro a sciemment et insidieusement fait passer le message selon lequel un lien aurait été établi.

Voici un bel exemple d’un mensonge qui à force d’être répété pénètre l’esprit des Français. Alors que ce même journal n’a pas hésité à virer Siné, sans aucune justification, ce qui est un vrai cas de censure, une entrave au principe de liberté d’expression. Après les citoyens consommateurs que nous sommes peuvent aussi réfléchir, et clairement boycotter la télévision refusé de payer la redevance, et autres médias qui participent au pourrissement de la situation. Il ne faut jamais sous-estimer, le pouvoir de chacun dans ses choix personnels et les impacts collectifs. La crise que nous vivons devrait nous permettre de revoir certains modes de consommations. 

La reculade concernant le vote des étrangers non communautaires est-elle de nature a donner raison à ceux qui doutent d’une gauche volontariste sur ces problématiques ?

Pour le moment, il n’y a pas de reculade, il y a un manque de courage politique. Nous ferons le point à la fin du mandat de François Hollande. D'un point de vue de la société civile il faut maintenir la pression afin que le gouvernement respecte ses engagements. Je pense que si les socialistes, ne s’engagent pas clairement pour un projet de société humaniste, ils risquent de le payer très cher lors des prochaines élections.

Vous avez dirigé l’ouvrage La France que nous voulons ? Pour avoir pris l’initiative d’un tel opus ?

L’idée c’était justement au-delà des contre-feux médiatiques et d’une indignation stérile, de faire des propositions sur la dette, le bien-être au travail, les questions internationales ou encore l’éducation. Aujourd’hui il est difficile de parler de ces sujets cruciaux, les maisons d’éditions préfèrent le story telling des livres ou l’on met sa photo sur la couverture, ou l’on raconte ses pseudo-exploits, ou ceux ont l’on stigmatise telle ou telle catégorie de la population. Mais je souhaite poursuivre sur cette ligne, car je suis convaincu que c'est celle qui faut adopter si l'on veut faire bouger les choses, même si c'est long, solitaire et parfois compliqué.

Vous êtes très engagé sur les questions relatives à la discrimination. Vous avez même co-écrit Discriminer pour mieux régner. Comment appréciez-vous aujourd’hui la question de la prise en compte des minorités en France ? 

C’était un travail entrepris avec le sociologue Vincent Geisser, pour faire un point à la fois sur la pluralité dans le champ politique. Nous sommes plutôt satisfaits puisque ce livre a fait bouger les lignes au sein des partis politiques. Je pense qu’il y a une double dynamique : par le haut on ne fait appel qu’aux acteurs du religieux, pour mieux enfermer et exclure. Je pense à cette demande honteuse et hallucinante fatwa de l’UOIF durant les émeutes de 2005 qui était une commande politique. Dans une France très laïque on ose demander aux religieux d’intervenir sur un aspect qui concerne avant tout les forces de l’ordre, la justice et des sérieuses réponses politiques sur certains territoires.

En bas, il y a des dynamiques très intéressant, la naissance d’une classe moyenne et d’une élite. Par exemple dans le domaine, intellectuel, des personnalités Elyamine Settoul, Leyla Arslan, Anas Jaballah ou encore Mohamed Amiri apportent une contribution importante sur des enjeux contemporains. Mais on va leur préférer dans les médias, des excités sans construction, ou encore des personnes qui sont en cours d’apprentissage de la langue française….

Il y a un combat juridique et politique à mener contre les discriminations, si aujourd’hui François Hollande ne le fait pas cela risque de nous couter cher socialement et électoralement très cher aux socialistes.

La guerre au Mali fait la Une de l’actualité internationale. Comment appréciez-vous l’intervention de la France ? 

Malin serait celui qui serait capable de dire avec précision ce qui se joue dans cette zone du monde. J’ai eu la chance de me rendre plusieurs dans ce pays que j’admire à travers l’histoire et ses cultures. Je suis en principe assez opposé aux interventions étrangères, mais je me pose la question de savoir si quand bien même il y aurait des intérêts stratégiques et économiques, la vie de personnes vaut bien plus que tout l’or, ou l’uranium du monde ? Fallait-il laisser essaimer ces groupuscules au Nord Mali et au-delà ? Dans ce cas, d’un point de vue légal, c’est la demande d’un Etat souverain.

L’opération est lancée, les « bandits » semblent se déplacer. Il faudra une grande armée impressionnante, pour maitriser le territoire, ce qui est impossible ! Cela se fera par du renseignement, ce sont des guerres nouvelles, avec des drones, l'infanterie ne pourra, dans le temps long, rien face à une guérilla à la fois urbaine et dans le désert, à moins que celle-ci ne soit totalement anéantie.

Dans le cas de la Bosnie, les locaux ont fini par chassé les « jihadistes » internationaux, d’abord en les incluant dans les troupes et une fois la guerre terminée on leur demanda de quitter le territoire. Les responsables bosniaques ne voulaient pas d’une dérive avec des groupes radicaux.
Donc dans le fond les « bandits » sont venus se greffer sur une réalité d’une discrimination, qui concerne les « ag » les Touaregs. J’espère que cette question sera traitée très sérieusement de manière politique, sans esprit de vengeance.

Une autre question se pose par rapport aux armes en provenance de Lybie pour armer les rebelles qui se retrouvent dans cette zone. Cette guerre pose clairement la question de la faiblesse des institutions africaines qui devraient être en première ligne pour la gestion de ce conflit comme en Centrafrique ou le président François Bozizé a appelé la France pour intervenir. En réalité, nous oublions souvent un facteur indispensable dans la puissance des nations : sa force militaire. Ce qui devient un marché, en Europe nous ne faisons plus de guerre sur le continent, le rôle de l'armée française qui était au cœur des institutions a été considérablement réduit, donc l'expertise française se vend ailleurs, notamment sur le continent africain.

Enfin, le manque de légitimité d’un certains nombres de gouvernements entravent la construction de projet africain, que ce soit en matière de sécurité ou au niveau d’une intégration régionale en Afrique.

Plus généralement, quelle est votre lecture de la menace islamiste dans toute la bande sahélienne?

Je pense qu’il faut parler de banditisme, habillé par un vernis religieux. Souvenez-vous de cet avion qui a échoué dans le nord du Mali en octobre 2009, en provenance du Venezuela qui transportait de la drogue. Aujourd’hui cette zone était en train de devenir un espace qui échappe aux Etats. Le cas du Mali démontre la faiblesse d’un Etat et ces groupuscules mobiles et internationaux viennent se greffer dans ce contexte. Après, il ne faut pas sous-estimer la dimension politique et nationale de certains mouvements qui veulent profiter de cette faiblesse institutionnelle, c'est le cas des Shabaab en Somalie.

El Yamine, vous êtes d’origine algérienne. Quelle lecture faites-vous de la situation politique et économique dans ce pays ? Le drame d’In Amenas pourrait-il être le premier acte d’un nouveau basculement dans la violence islamiste déjà connu par ce pays dans les années 90 avec le GIA ?

L’Algérie a encore de nombreux défis à relever, notamment sur les choix économiques et achever sa transition démocratique. Au niveau des infrastructures le pays s’équipe. Aussi d’un point de vue culturel, il faudra une révolution. Je pense que beaucoup de personnes veulent quitter le pays car il y a un sentiment d’étouffement et de manque d’accès aux loisirs et de perspectives. C’est qui explique par ailleurs une impressionnante vitalité culturelle populaire dans la rue.

Je ne sais pas si le drame d’In Amenas va se reproduire, mais sur le terrain les groupuscules ont été dans leur majorité, éradiqué ou se sont dissous. C’est ce qui explique surement qu’ils se déplacent sur d’autres territoires, le nord Mali notamment ou encore ils optent pour la radicalisation à travers des opérations suicides. Une partie de ces groupes a choisi, de se reconvertir dans le banditisme, car ils savent que le but premier qui était de renverser l’Etat algérien ne sera plus possible. Même si on peut s’interroger sur les défaillances du renseignement, avec une armée extrêmement présente dans les institutions, ce qui est un paradoxe.

Dans un article sur les nouvelles élites françaises, le journal Le Monde vous considère comme « prometteur ». Une consécration, un encourageant ou le début des ennuis ?

C’est encourageant. Maintenant, l’engagement méthodique, et le travail sérieux entrainent nécessairement des critiques, mais très peu sur le fond et les idées. Je l’observe à travers les réseaux sociaux, mais ce qui est surprenant c’est que peu de ces personnes qui le font osent venir le faire, de manière franche en conférence. J’en donne régulièrement et un peu partout en France. Aussi, je le dis souvent ce que je fais, à partir du moment, ou chaque citoyen sait lire et écrire peut produire, il faut juste réduire le temps passé devant la télévision, celui de l’indignation et s'investir sur le terrain ou encore les bibliothèques qui sont gratuites en France et d'une très grande qualité. Je suis surpris, par le manque de profondeur, peu de critiques sont formulées de manière intelligente, c’est inquiétant. Mais globalement je reçois énormément de messages de soutien, ce qui bien sur m’incite à poursuivre sur ce chemin.

Vous êtes polyglotte. Vous collaborez avec de nombreux médias non européens. Quels regards portent-ils sur l’Afrique ?
Il y a plusieurs regards : l’exotisme, la fascination, la misère, le paternalisme et aussi l’idée que c’est un continent à suivre de très près pour sa jeunesse et ses ressources en matières premières.

Quel est votre avis sur le Continent ? Quels sont selon vous ses défis, notamment ceux de sa jeunesse ? 

La jeunesse de l’Afrique est une promesse et pas encore un atout. Il faut transformer cet espoir en atout, et cela passe par l’éducation, la transition démocratique et la redistribution des richesses. Maintenant il y a plusieurs Afriques : des pays extrêmement pauvres, et d'autres ou le niveau des richesses est élevés. Je pense à l’Ile Maurice, l’Angola, l’Afrique du Sud, le Botswana, ou encore la Guinée Equatoriale qui ont un PIB assez élevé. Plusieurs défis se posent de manière cruciale aux élites africaines : se doter d’un cadre institutionnel robuste mais aussi penser la ville. L’urbanisation est en cours et elle sera déterminante dans le développement du continent, d’un point de vue sanitaire entre autres. La question de l'alimentation est aussi centrale car certaines zones du continent souffrent de malnutrition. Ce qui est dramatique compte tenu du niveau des richesses.

Enfin, c'est l'éducation qui devra être le pivot des changements. C’est hallucinant qu’un pays comme l'Angola, qui fait face à une migration du Portugal en crise, parfois qualifiée, n'arrive pas à assurer la suffisance alimentaire pour ses ressortissants. A propos de la jeunesse, c'est un atout mais l'espérance de plusieurs pays africains se situe autour de 50 ans, le Nigéria, la Centrafrique, le Tchad, le Mali, le Sierra Leone, ou encore la Gambie.

Je pense que les personnes qui pensent que la Francafrique est un système figé se trompe. Il y a de nombreux acteurs sur le continent africain, les Chinois, nous le savons mais surtout les américains qui font preuve d’un redoutable dynamisme, plutôt discret, les pays du Golfe ou encore les Brésiliens, les Turcs, et sans oublier, les différents acteurs africains sur le continent. Des responsables politiques africains influent aussi sur la politique française. La situation est bien plus complexe que l’idée que seule la France serait un acteur post-colonial. Ceci, devrait nous amener à repenser la relation des pays européens à l’Afrique, dans un schéma gagnant-gagnant. A nous de différencier pour travailler dans des projets mutuels.

Avez-vous été tenté par un engagement politique ?

Je le suis déjà à travers les idées que je développe, mais pas au sens partisan et bien au-delà des frontières de l'hexagone. Je collabore avec des acteurs de plusieurs pays, nous avons la chance d'être dans un monde plus ouvert, donc profitons-en. Je travaille notamment avec un journal brésilien operamundi.

Le travail d’influence, se fait à travers le conseil que j’apporte notamment auprès de certains élus, entrepreneurs et militants associatif qui s’intéressent à la fois au terrain et à l’avenir de la France. Au-delà, je travaille avec plusieurs pays sur des projets de développement. Nous envisageons de faire dans le cadre du CIEP, des formations en Tunisie, sur l’éthique dans le journalisme et les questions énergétiques. 

Que pensez-vous de Terangaweb – L’Afrique des Idées ? 

C’est excellent ! Il faut multiplier ce genre d’initiatives, qui démontrent que le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar qui figeait le continent africain dans un passé mythifié, figé est d'une grande absurdité. 

Entretien réalisé pour Terangaweb – L'Afrique des Idées par Hamidou Anne

Nalingi yo, mes voeux pour la RDC

Depuis les mikili, d’où certains veulent véhiculer l’image de Congolais nombrilistes, occupés à ramasser des devises pour s’acheter de la sape.

Depuis mbenguè, d’où certains veulent véhiculer l’image de Congolais lubriques, occupés à arrondir leurs derrières pour mieux les faire tourner sur les pistes de danse.

Depuis abloki, d’où d’autres ne sachant plus quoi faire pour laisser la marque de leur passage sur terre, sont prêts une fois de retour au pays natal à tuer père et mère. Leurs doubles passeports soigneusement cachés et prêts à être dégainés pour se faire rapatrier, lorsqu’il y aura de l’eau dans le gaz qu’ils n’auront pas eu le temps de vendre à qui saura le commercialiser. Ci-après mes vœux pour la nouvelle année.

langues RDCEn lingala, une des quatre langues nationales de la RDC. En français, pour permettre aux jusque là majoritairement francophones lecteurs de Terangaweb.com de suivre ma démarche poétique : l’engagement passe par d’autres voies que celle des armes et des violences qui vont avec. 

Voix des armes qui incidemment donne accès à une part de ce gâteau géologique, auquel tout le monde veut goûter !

Avec les célébrations du mois dernier, sainte Nativité, païenne Noël, fervente Yom Kipour, internationale Kwanzaa, etc, nous n’avons raté aucune occasion pour nous repaître de la fécondité artistique de nos chanteurs, danseurs et musiciens. En mode CD/DVD, non piratés.

L’engagement c’est aussi respecter le travail d’autrui et donc acheter en VO pour permettre aux artistes de toucher leurs droits d’auteur. Ou via YouTube. Le mode live étant réservé aux meilleurs d’entre eux : nos chers frères et sœurs en Christ.

Les bienpensants arrivent ainsi, petit à petit, à entraver notre rayonnement culturel, au nom du développement de leurs futurs portefeuilles ministériels. Ci-après donc mes vœux, d’amour et de paix, pour ma RDC.

CARTERDCRDC… République Démocratique du Congo. 2.345.409 km². Plus grand que le Groenland, le Pérou ou l’Indonésie. 80 millions d’habitants. 10 millions de morts en 10 ans, au nom d’une guerre pour s’accaparer ses richesses. Car la RDC c’est… Un fleuve majestueux, pouvant alimenter en hydro-énergie l’Afrique du nord au sud, et pas seulement. Une faune variée, une flore luxuriante qui en fait le poumon de l’Afrique et un haut lieu ésotérique. Un sous-sol scandaleusement riche. En minerais, en pierres et métaux précieux. Des sociétés aux structures complexes, aux cultures hétéroclites et tout à la fois connectées. Des arts, premier dans le cœur des profanes comme dans celui des fins limiers. Et à ça s’ajoute une joie de vivre, hors compétition. Autant de convoitises qui n’en finissent pas de faire couler le sang de ses habitants. Le sang des miens. Mon sang.

Note vocale

Koyoka nsoni te po balelisi yo                                        N’aie pas honte qu’ils t’aient fait pleurer
Ngay, nakolinga yo kaka                                                 Moi, je t’aimerai toujours
Kobombana te po bakitisi yo                                          Ne te cache pas d’avoir été humilié
Nalinga yo, nakolinga yo lisusu                                     Je t’ai aimé, je t’aimerai encore
Kobanga te po na kombo to ekolo na biso                  Ne crains pas pour notre nom ou notre culture
Nalingi yo                                                                          Je t’aime

Yo, mwana ya mboka na ngay Congo                        Toi, l’enfant de ma patrie le Congo
Yo, mama na nga ata obota ngay te                            Toi, ma mère qui ne m’a pas mise au monde
Yo, tata na nga ata obokola ngay te                            Toi, mon père qui ne m’a pas élevée

Mosika naza, nayoki nsango na yo ya mawa             Bien que loin, j’ai entendu ton chagrin
Mosika navandi, nayoki nsango na yo ya mpasi       Bien qu’éloignée, par ta peine j’ai été touchée
Mosika nakenda, nayoki nsango na yo ya somo       Bien que partie, par les atrocités que tu subies j’ai été rattrapée

Na tiye pembeni bisengo to bampasi na ngay ya mukolo      J’ai mis de côté mes peines ou mes joies
Po nakomela yo mwa mokanda oyo                                           Pour t’adresser cette petite correspondance
Po natikela yo liloba na web otanga, to batangisela yoyang Pour te laisser à lire ces mots sur le web ou qu’on te les lise

Ndeko na ngay, ata toyebani te                                                 Mon frère, ma sœur, même si nous ne nous connaissons pas
Ata bokutani na biso ekokaki kosuka na mukuse                  Même si notre rencontre aurait pu tourner court
Nalingi yo                                                                                      Je t’aime

Losambo na ngay po na mikolo oyo ezo ya                           Ma prière pour les jours prochains
Makasi na biso ezala na kimia ata okati ya etumba             Que notre force soit dans la paix même au cœur des troubles

Salongo na biso ezala po na kotonga mboka, pona kotangisa makila te
Que nos chantiers visent à la construction de la patrie, pas à la destruction des chairs

Bafimbo bafiakulaka na yango bankoko,
Ces chicottes avec lesquelles furent châtiés nos anciens

Tolokota yango po nakofiakula oyo ya biso bandeko te
Ne les ramassons pas pour humilier les nôtres

Na mayele nini to koteya kimia, bosembo pe mosala na bana na biso?
Avec quelle discernement inculquerons-nous paix, justice et travail à nos enfants ?

Mbala boni to kosenga bolimbisi, mbala boni to kobandela masumu ?
Combien de fois demanderons-nous pardon ? Combien de fois perpetrons-nous les crimes ?

Na lokumu nini to kotambola o kati ya mokili oyo
Avec quelle dignité irons-nous par le monde ?

Soki po na mwa kimokonzi, totumba bandaku, toteka mapangu, toboma bana ?
Si pour un peu de pouvoir, nous brûlons nos maisons, vendons nos terrains, tuons nos enfants !

Lobi na yango, mususu aya, abongisa, tobandela matata po na kosenga oyo biso moko tobwakisaka !
Puis lorsqu’un autre viendra, arrangera ce qu’on a gâché, encore revendiquerons-nous ce que nous avions nous-mêmes abandonné ?

Na tuni lisusu : Na libota nini matata ezalaka te ?              Je demande : Dans quelle famille n’y a-t-il pas de problèmes ?
Ndeko, kanisa                                                                            Camarade, médite ceci
Bakati mbula na makasi, lifuta na bango : libungutulu       Le sort de ceux qui par la force font cesser la pluie : le néant
Kiamvu po na lifelo                                                                    Un pont pour l’enfer

Nzete oyo ezo kweya, esalaka makelele koleka nzamba oyo ezo bota
L’arbre qui tombe fait plus de bruit que la forêt qui pousse

Na nse ya masasi, ya bitumba, ya mobulu, bilelo, matanga
Sous le feu des balles, des combats, dans le désordre, les pleurs, les deuils

Elanga nini tokolona mpo na bana na biso ?
Quel champ des possibles pour nos enfants demain ?

Lisusu ndeko                                                                            J’ajouterai encore
Nzamba eza lititi moko to niama moko te                            La fôret n’est pas une herbe ou un animal
Mboka eza moto moko to mosala ya moto moko te          Une nation n’est pas un citoyen ou l’action d’un seul citoyen
Tozala lisanga                                                                          Soyons unis

Kasi, na maloba nyonso oyo natindeli yo ndeko na ngay, bomba oyo lyoko
Cependant, de tout ce que je t’ai écrit mon frère, ma sœur ne retiens que ceci

Nalingi yo
Je t’aime

Photos

Des mots, mais également des images.  J’ai tenu dans ma recherche à ce qu’il y ait des images d’hommes (je ne sais pas comment on vérifie qu’une image est libre ou non de droits).

La misogynie est un mal qu’on ne peut nier. En illustrant ma lettre de vœux, avec des images d’hommes et de femmes (des images poignantes, pas misérables), ça permet de toucher tout le monde et rappeler que les maux de la guerre ne touchent pas que les plus faibles. Ils éclaboussent tout le monde : les hommes (force de la nation), les femmes (sans qui aucune vie n’est possible), les enfants (l’avenir).

Ne voulant pas tomber dans la carte postale ou l’incitation au safari, je me suis limitée pour la nature (dans laquelle on vit) à la fois paisible et évoquant le danger (celui de la chute en l’occurrence).

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Crédits Photos: Girl du jour, Le Figaro, Guardian, CNN, Eralis.net, Wanuke.net

Gaylord Lukanga Feza

La ruée vers les pétro-cfa

L’année 2012 vient de s’achever, laissant derrière elle de profondes mutations dans les secteurs énergétique et électrique en Afrique et dans le monde. D’après l’Analyse des Contraintes à l’Investissement Privé et à la Croissance Économique du Millenium Challenge Corporation, en accord avec l’Enterprises Survey de la Banque Mondiale,  15% des entreprises identifient le déficit énergétique comme le principal obstacle à l’investissement, en particulier au Bénin.

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Cette pénurie d’énergie, souvent électrique s’accompagne bien souvent d’une ruée vers les produits pétroliers qui entraîne l’apparition de circuits parallèles d’approvisionnement et de distribution, au détriment des sociétés nationales et privées officielles qui génèrent des recettes fiscales et une activité économique légale. Quand bien même les filières réglementées  sont opérationnelles,  les énergies importées sont bien souvent  subventionnées par les gouvernements en place afin d’alléger le portefeuille de la ménagère pour éviter des émeutes sociales comme nous l’avons observé en début d’année au Nigéria. C’est le prix social de l’énergie : Inaccessible pour tous, elle doit toutefois être socialement disponible. Cette politique alourdit les budgets des pays africains car en plus du coût élevé de l’approvisionnement, ils doivent lourdement subventionner les différents types d’énergie (fossiles ou électriques) afin d’arbitrer un optimum socio-économique.

C’est pour cette raison que le FMI a lancé un programme de sensibilisation auprès des gouvernements pour une meilleure ventilation des fonds pétroliers. A titre d’exemple, le Ghana substitue ses subventions pétrolifères en échange du financement de la gratuité de l’enseignement primaire, ou encore en Jordanie où le gouvernement privilégie la hausse des salaires et le versement de primes aux retraités et handicapés. Ces mesures concrètes et transparentes permettent aux populations de jouir autrement des retombées pétrolières et de percevoir d’un autre oeil le secteur pétrolier qui est bien souvent  perçu comme une « Blackbox ».

Concernant le secteur de l’énergie électrique,  les différents rapports indiquent que la production d’électricité par les sources thermiques, en particulier le Jet et le Fuel ne sont plus du tout compétitives, au vue du prix du baril, et en raison de l’absence de Marker africain, qui oblige les gouvernements à s’approvisionner sur les marchés internationaux, en devises. L’hydroélectricité représente l’alternative la plus préconisée, avec le coût de revient du KWh le plus compétitif, à condition que les projets soient d’ordre régionales, à l'instar du grand Inga en Afrique Centrale. Quant aux énergies renouvelables, elles commencent par émerger principalement dans les zones rurales avec des projets comme le « BipBop » de Schneider Electric. Enfin, la dernière et pas des moindres, l’Agence Internationale de l’Énergie estime que le charbon sera la première source d’énergie à l’horizon 2017 avec 4,3GTep. L’abondance des réserves prouvées jumelée à la pression sur la demande des pays émergents fait du charbon une ressource sure et à prix bon marché. Les nouveaux procédés chimiques permettent une production d’électricité propre, à l’instar de l’Allemagne qui a de nouveau activé ses centrales au charbon, au détriment du nucléaire.

Alors, vous vous demanderez quel lien entre cet article et les pétro-CFA ? Avec les cours élevés du baril, les pays producteurs du continent pourront dégager un fort excédent commercial, au profit des banques centrales et régionales qui augmenteront leur réserve en devises. Cet excès de devises financera des projets locaux et la promotion des produits de première nécessité qui sont pour le moment fortement importés. C’est le cas de l’Iran qui a économisé $12 milliards en favorisant l’agrobusiness local.

Cette réorganisation du secteur énergétique mondial a permis de transformer au fil du temps, l’ancestral pétrodollar en petro-yuan, yens et pétro-or. Pour que cette révolution s’opère du côté de l’Afrique subsaharienne, une réorganisation institutionnelle et structurelle est plus que nécessaire afin que les pétro-CFA puissent aller de paire avec le développement du continent.

Léonide SINSIN

« L’Indafrique » en pleine émergence

india-africaAlors que les relations tissées entre la Chine et l’Afrique suscitent un intérêt important (et au passage certaines inquiétudes), l’émergence de l’Inde sur le continent est pratiquement passée inaperçue.

Si le volume des échanges commerciaux entre l’Inde et l’Afrique reste trois fois moins élevé que celui avec la Chine, le poids de l’Indafrique est réel et en plein boom. Ces échanges aujourd’hui estimés entre 40 et 60 milliards de dollars par an, pourraient atteindre 90 milliards d’ici 2015.

Une présence ancienne

Les relations commerciales entre les rives de l’Océan Indien sont séculaires, grâce à la mousson qui permettait de conduire les épices indiennes jusque dans les ports d’Afrique de l’Est.

L’immigration indienne en Afrique, qui date de la période coloniale anglaise, a joué un rôle majeur dans le développement de ces relations et permis d’établir des communautés importantes en Ouganda, Tanzanie, Kenya et Afrique du Sud.

Ainsi, Gandhi a vécu en Afrique du Sud et y a exercé en tant qu’avocat durant de nombreuses années. Jeune avocat arrivé en 1893, c’est en Afrique qu’il mettra pour la première fois en pratique sa vision d’une désobéissance civile non-violente, et son combat politique commencera donc par la lutte pour les droits civiques de la communauté indienne en Afrique du Sud.

Ces liens économiques et humains ont été renforcé par la solidarité politique née de la décolonisation et du mouvement des non-alignés. L’Inde et l’Afrique entretiennent des relations politiques depuis les années 1950, même si les relations économiques en sont restées à un niveau limité.

Les groupes indiens en force dans les télécoms

Dans un premier temps, l’initiative du développement des échanges en est surtout revenue à aux groupes privés indiens. Le groupe Tata a été le fer de lance de la stratégie africaine de l’Inde depuis les années 1960, principalement dans les secteurs des télécommunications et de l’automobile.

Activant également dans le secteur des télécoms, Bharti-Airtlel est même devenu le troisième plus grand opérateur mobile sur l’ensemble du continent africain, et déploie son réseau dans plus de dix-sept pays.

Dans les transports, Kalinda Rail, le constructeur du métro de New Delhi, a été chargé de rénover les chemins de fer du Ghana. Le laboratoire pharmaceutique Cipla et ses médicaments génériques contribuent à améliorer la situation sanitaire dans de nombreux pays comme l’Ouganda, le Togo, le Cameroun, le Nigeria.

Enfin, Karuturi Global, l’un des leaders mondiaux de la production de roses, investit prés de 100 millions de dollars pour produire des denrées alimentaires en Ethiopie.

Les groupes indiens cherchent souvent à se différencier des entreprises chinoises, et à avoir un plus grand impact social. Elles s’attachent ainsi à employer davantage une main-d’œuvre locale, et à établir des partenariats avec des entreprises africaines.

Ces dernières années, le secteur privé indien a ainsi acquis des dizaines de sociétés dans différents secteurs et vise des investissements à long terme. Il mise surtout sur les besoins d’un continent de plus d'un milliard d'habitants, au profil de consommation très similaire à celui de l'Inde.

« L’institutionnalisation » de l’Indafrique depuis 2007

Une nouvelle étape de la coopération entre l’Inde et l’Afrique a été franchie en octobre 2007, avec la visite du Premier ministre indien, Manmohan Singh au Nigeria. Ce fut en fait la première visite d’un chef du gouvernement indien en Afrique de l’ouest depuis celle de Nehru, en 1962!

Cette visite a été suivie par le premier sommet Inde-Afrique à Delhi en avril 2008 auquel ont participé quatorze chefs d’État africains. Les liens économiques entre les deux continents ont encore été renforcés lors du second sommet Inde-Afrique qui s’est tenu en mai 2011 à Addis-Abeba. Ces deux rencontres au sommet ont permis de lancer un véritable partenariat stratégique entre l’Inde et les États africains.
En termes de commerce, cinq pays Africains absorbent près des deux tiers des échanges avec l’Inde. Sans surprise, l’Afrique du Sud est son premier partenaire commercial, devançant le Nigéria, le Kenya ou l’Egypte.

A l’instar de la Chine, la machine économique indienne fait face à des besoins économiques colossaux. Avec une croissance supérieure à 8 %, 1,2 milliard d’habitants, et plus de 70 % de la consommation pétrolière du pays achetée à l’étranger, l’Inde cherche à se placer sur les marchés africains et à sécuriser ses approvisionnements.

Le pays manifeste en échange sa confiance dans l’avenir de l’Afrique en y consacrant des investissements importants dans la construction d’infrastructures, les nouvelles technologies et la santé (par exemple avec le développement de la télémédecine depuis 2009). L’Inde a également dépensé plus de 200 millions de dollars dans le Nouveau partenariat pour le développement africain (NEPAD).

Les défis d’un partenariat durable

S’il est sans doute encore trop tôt pour mesurer l’impact de l’Indafrique sur le développement du continent, il convient de noter que la balance des échanges commerciaux entre l'Afrique et l'Inde reste clairement déséquilibrée.

L'Inde exporte en Afrique des produits manufacturés comme des voitures, des produits cosmétiques (en Egypte, un produit sur six serait indien), ou d'autres produits de consommation. Les exportations africaines relèvent quant à elles toujours du secteur primaire, à savoir essentiellement les hydrocarbures, l’agriculture et les produits miniers.
La place de l’Afrique dans les échanges commerciaux de l’Inde est encore marginale comparée aux autres parties du monde (moins de 5% du commerce du total des échanges commerciaux).

Aujourd’hui, l’Inde s’impose en tant que puissance émergente avec des ambitions mondiales. Elle voit dans le continent africain (et les 54 pays qui le composent) à la fois un allié politique de taille, un fournisseur de matières premières, et un marché de plus d’un milliard de consommateurs.

Du coté Africain (et tout comme la Chine), l’Inde ouvre la voie à de nouvelles opportunités à saisir, puisqu’elle permet une diversification des partenaires du continent et permet de réduire le poids économique (donc politique) des anciennes puissances coloniales.
L’Afrique a certainement beaucoup à gagner de sa coopération avec l’Inde. Elle pourrait en particulier s’appuyer sur l’Inde pour assurer des transferts de technologies à moindre cout, notamment dans le domaine informatique. Elle pourra également bénéficier du savoir-faire agricole de l’Inde, dont la « révolution verte » est toujours considérée comme une référence.

Les Etats Africains pourront en outre s’inspirer des réformes indiennes en vigueur depuis 1990 pour permettre le développement d’un secteur privé performant capable non seulement de tirer la croissance intérieure, mais aussi d’être compétitif au niveau international.

Nacim KAID SLIMANE

SALONE, Laurent Bonnet

CVT_Salone_5710Un bon livre est un coup de pierre. Nous sommes touchés de plein fouet. Un bon livre est un coup de feu. Il résonne dans la conscience bien après avoir été tiré. Salone en est un. Un livre à coups et sans à-coups. Un coup de bol sans coups de barre. Un coup de cœur plein de coups durs. Les quatre cents coups des uns contre les mille et un sales coups des autres. Les petits coups de pouce et les grands coups de mains qui font le coup de génie. Et je pèse bien mes mots. Un livre à lire à tout prix car il n’a pas de prix.

Car quel prix mettre pour la vie d’un peuple, l’âme d’une nation? Là est bien l’enjeu de Salone. Retracer l’existence contemporaine troublée de la Sierra Leone (soit « Salone » en langue Krio) à travers les espoirs et les errances de ceux qui l’ont incarné ou défendu. Des grands et des humbles, des personnages qui se découvrent et qui se perdent dans les turpitudes de ce « bout d’Afrique maritime noyé dans le grondement permanent des orages ».

De 1959 à 2009, ce sont cinquante ans de vie de la montagne du lion qui nous submergent, portés par une forme habile et ambitieuse, reliant inlassablement l’intimité des histoires et l’iniquité de l’Histoire. Imbrication des registres et des genres, multiplication des réseaux de signification et de références ; Laurent Bonnet signe avec Salone un chant polyphonique complexe qui alterne les points de vue à un rythme endiablé.

Les personnages sont hauts en couleurs, loin des stéréotypes, et si proches de nous. Il y a Davis le cheminot intellectuel et sa passion des vieilles locomotives, son chauffeur Abubacarr le malicieux fils de pêcheur, et son amie Gladys, l’avocate, qui écrit les racines et le tronc de l’arbre Sierra Leone aux feuilles qui brûlent. Elle travaille avec Curtis, le krio du Ghana coureur de jupon, et le grand ami du français Yan, marié à la libérienne réfugiée Suad qui sert dans le bar du bon Nelson, où elle rencontre un jour Shaun, le médecin anglais plein de ferveur. Il y a eux, et les autres. Ils ont tous en commun l’amour de Salone et la volonté inextinguible de le rendre meilleur. Tous avec leurs histoires singulières et touchantes, avec leurs douleurs et avec leurs rires. Qui habitent ce pays et qui le font vivre.

C’est ainsi que se crée une carte mentale de la Sierra Leone et de sa capitale qui imprègne l’esprit du lecteur. Des Tongo Fields diamantifères à la Sew River en passant par le Congo Bridge, c’est toujours cette même humidité tropicale, entêtante et vorace. L’agitation du King Jimmy Market et l’empressement affairiste du Mammy Yoko font écho aux bruissements de la Hill Station. Et qui pourrait oublier Lumley Beach sous l’orage ? Et le Nelson’s bar, paradis fragile de douceur et de conversations joviales face à la mer ? Tout ça c’est Salone. Salone Nar So.

Mais Salone c’est aussi la malédiction des diamants qui rendent fou. Salone, ce sont les corps et les intestins ouverts qui sèchent au milieu des pierres chaudes. Ce sont les rafales d’AK47 et les salves de fusils mitrailleurs tenus par des gamins qui transpercent les corps d’innocents. Salone, c’est en dix ans cinquante-milles tués et deux millions et demi de déplacés. Des personnalités simples ou hors du commun toutes confrontées aux déchirures de la violence, de la mort et de l’exil. Na fo bia. Il faut tenir.
Oui, faire l’amour et jouir pour éclipser ne serait-ce qu’un instant le tumulte d’un monde qui se décompose. Eclairer par des zébrures d’humour les ciels tourmentés des situations les plus insoutenables. La tendresse d’un amant et le cri d’une mutilée. Salone Nar So. Salone, ce qui a de plus beau et ce qui a de plus laid dans l’homme. Il faut « garder la foi malgré la submersion de l’absurde ».

Au-delà de la force émotionnelle de ce livre, au-delà de l’envie sourde de vomir, puis de celle de rire et de pleurer et de crier et de construire, chacun y trouvera une leçon d’humanisme et de tolérance. Le témoignage d’une foi dans le libre arbitre et dans la capacité d’engagement de l’être humain. Laurent Bonnet y mène en filigrane une réflexion sur la justice, les dérives de la vengeance et la difficulté de se reconstruire. S’en dégage une compréhension profonde de la complexité et de la beauté de Salone, et de l’homme.

Je ne dirai pas que ce livre est parfait et sans défauts, car l’imperfection de l’écrivain s’ajoute à celle de celui qui le juge. Mais si j’étais krio, je vous dirai en parlant des défauts: « E like fol in botu-e no easy for see ». « Ils sont aussi difficiles à trouver que le Pénis d’un poulet ».

PHOTO2 AUTEUR1 BONNET DEFRICHEURSAlors pourquoi attendre ? « L’océan sombre et calme avait laissé l’écho de leurs rires ricocher sur le sable » nous dit Laurent Bonnet. Venez, vous aussi, recueillir les échos d’un monde qui vit, qui aime, qui agonise et qui espère. Les échos d’un monde qui, s’il veut renaître de ses cendres, doit lutter contre les forces destructrices de son passé pour créer des avenirs chauds et rassurants comme des nuits d’été. Le premier pas dans cette direction est la lecture de Salone.

Maxime Chaury

Classement mondial de la compétitivité 2012-2013 : Où en sont les économies africaines ?

Le World Economic Forum vient de publier l'édition 2012/2013 de son Rapport Global sur la Compétitivité. A quels niveaux se situent les pays africains par rapport au reste du monde ? Votre pays se positionne-t-il dans le haut du tableau ?

Le classement se base sur une douzaine de piliers, à savoir les institutions, l’infrastructure, la stabilité macro-économique, la santé et l’enseignement primaire, l’enseignement supérieur et la formation, l’efficience du marché des biens, l’efficience du marché du travail, la sophistication du marché financier, l’aptitude technologique, la taille du marché, la sophistication des affaires et l’innovation.

Cette année, six nouveaux pays ont été intégrés dans le rapport : le Gabon, la Guinée, le Libéria, les Seychelles, la Sierra-Leone et la Libye. L'Angola et la Tunisie ne figurent plus dans le rapport du World Economic Forum qui a décidé de ne pas publier les résultats les concernant respectivement en raison de difficultés de collecte de données pour la première, et du changement structurel important dans les données économiques tunisiennes, rendant difficile toute comparaison avec les années précédentes.

La Suisse confirme son statut d’économie la plus compétitive pour la quatrième année consécutive. Singapour conserve sa deuxième place devant la Finlande qui dépasse la Suède (4e). Ces pays ainsi que ceux d'Europe du nord et d'Europe occidentale dominent le top 10 avec les Pays-Bas (5e), l'Allemagne (6e) et le Royaume-Uni (8e). Les États-Unis (7e), Hong Kong (9e) et le Japon (10e) complètent le classement des 10 économies les plus compétitives.

La France a enregistré pour la deuxième année consécutive un recul de trois places, passant de la 15ème en 2010 à la 21ème place en 2012. En reculant de 3 places, la Chine occupe cette année la 29ème place.

Sans surprise, l’Afrique du Sud en 52ème position, reste l'économie africaine la plus compétitive, malgré une chute de 2 places. L'île Maurice (54e), occupe la deuxième position en Afrique. Les quatre plus fortes progressions africaines sont enregistrées par le Nigeria (+12), le Ghana (+11), la Zambie (+11), et le Rwanda (+7). Le Maroc enregistre également une progression notable avec un gain de 3 places à la 70ème position.

Malgré leurs avancées, le Nigéria peut mieux faire en matière d'accès au financement, de corruption et d'infrastructures, tandis que le Maroc a de surcroit des efforts à mener pour améliorer l'efficacité de la bureaucratie de ses services publics.

Dans le reste de l'Afrique francophone, le Cameroun, rongé par la corruption selon les répondants, gagne malgré tout 4 places à la 112e position. Le Sénégal et le Bénin régressent et occupent respectivement la 117e et la 119e position faute de trouver une solution aux problèmes d'accès au financement, de taxes et de régulation fiscale.

Le Mali stagne à la 128e place, devant la Côte d'Ivoire qui perd 2 places à la 131e position. Ces deux pays sont handicapés par les problèmes d'accès au financement, de corruption et d'infrastructures inadéquates. Les répondants en Côte d'Ivoire se disent en plus préoccupés par l'instabilité politique.

Au bas du tableau, le Burkina Faso et la Guinée, qui occupent respectivement la 133e et la 141e place, sont confrontés aux problèmes d'accès au financement, de corruption, d'infrastructures inadéquates et de taxes. La Guinée doit aussi s'attaquer à la gestion de d'inflation et à la régulation des taux de changes par rapport aux devises étrangères.

Il va de soi que la plupart des pays du continent doivent poursuivre leurs efforts à tous les niveaux pour améliorer leur compétitivité.

Lien vers l'intégralité du rapport 2012/2013 sur la compétitivité.

Leyla TRAORE, Article initialement paru sur chez notre partenaire Next-Afrique.

Quelles perspectives pour les banques d’affaires en Afrique ?

Une banque d’investissement (ou d’affaires) est un prestataire de services rassemblant l'ensemble des activités de conseil, d'intermédiation et d'exécution sur des opérations dites de haut de bilan (introduction en Bourse, émission de dette, fusions/acquisitions, financement structuré). Ainsi comptent-t-elles parmi leurs clients entreprises, investisseurs et Etats. En tout contexte, le banquier d’investissement est donc le fidèle compagnon de l’entreprise et de l’Etat grâce à ses experts en ingénierie financière. Il joue donc un rôle de conseil plus que celui de prêteur. Cette notion de conseil est très importante puisque la priorité des Etats et entreprises réside non pas dans la simple allocation de nouvelles tranches de dettes mais dans la structuration de montages financiers lisibles et stratégiques, à même de créer de la valeur et du bien-être. Avec un marché des capitaux qui est en pleine structuration, le continent Africain a besoin de renforcer ses banques locales pour ne pas voir ce marché grandissant trusté par les banques internationales.

L’intensification de l’activité de conseil des banques en Afrique

Face à des secteurs en pleine consolidation, l’explosion des opérations de haut de bilan a intensifié l’activité de conseil des banques, en marge d’un profond changement économique sous-tendu par une croissance soutenue à 5%. L’économie Africaine a été tirée par une croissance sans précédent durant ces dix dernières années. Aujourd’hui, au moment même où l’économie américaine piétine et que l’Europe fait face aux grelots de la crise, l’Afrique continue d’attirer les investissements au vu des flux d’IDE qui ont été à peine ralenti par la crise de 2008. La croissance de l'Afrique subsaharienne devrait être plus rapide encore: 5,3% en 2012 et 5,4% en 2013, selon les prévisions de l'OCDE et des Nations Unies (dans l’édition 2012 des Perspectives Economiques en Afrique). Cette croissance est largement portée par les secteurs des télécommunications, de l’agro-alimentaire, de l’énergie et de la banque-assurance.

C’est ainsi que de nombreuses multinationales investissent leurs capitaux dans les fleurons de l’industrie africaine. Ainsi, en juillet 2010, le premier groupe de télécommunications japonais Nippon Telegraph and Telephone (NTT) annonçait le rachat de la société sud-africaine de services informatiques et de télécommunications Dimension Data créée en 1983 et cotée à la Bourse de Londres,  pour un montant total de 3 milliards de dollars. Cependant, la plus grande opération de fusion-acquisition à ce jour reste le rachat en 2010 des filiales Africaines du groupe de télécommunications koweïtien Zain par le premier opérateur indien Bharti Airtel, pour un montant de 10,7 milliards de dollars. La sensibilité de telles transactions et l’enjeu stratégique qui les entoure font qu’elles nécessitent des compétences techniques pointues.

Au cours des deux dernières décennies, la montée des places financières de Johannesburg, Casablanca ou Lagos a constitué un véritable coup d’accélérateur pour le secteur financier africain.  Durant les dix dernières années, le regain d’intérêt pour l’économie africaine s’est traduit par une multiplication des opérations de fusions-acquisitions et de financements structurés, tant de la part de sociétés multinationales que d’entreprises locales, motivées par les recherches de synergies. On a pu noter une polarisation des opérations les plus importantes dans les métropoles financières que sont Casablanca, Johannesburg, Le Caire et dans une moindre mesure Tunis et Lagos. En effet, ces métropoles financières de l’Afrique ont tiré profit du nombre croissant d’opérations de fusions-acquisitions et de l’exacerbation des besoins en capitaux de la part des entreprises et des Etats. Dans ce contexte d’accélération économique, le recours aux banques d’affaires s’en est trouvé plus important et leur  rôle plus gratifiant. Qu’il s’agisse d’emprunts obligataires internationaux ou de financements complexes d’infrastructures, les banques ne sont plus de simples créanciers mais les acteurs de montages financiers ingénieux, complexes, nécessaires.

Dans les coulisses des opérations de haut de bilan sur le continent Africain, on retrouve en tête de file les géants internationaux tels que Goldman Sachs, Morgan Stanley, Deutsche Bank, Rothschild…Selon Thomson Reuters, ces banques auraient réalisé plus de 300 millions de commissions en 2011, c'est-à-dire la grande majorité du marché total. Néanmoins, des acteurs locaux, spécialistes du continent, se sont déjà affirmés sur le marché à l’image de Renaissance Capital, BMCE Capital et Attijariwafa au Maroc, Standard Bank en Afrique du sud, ECOBANK Capital…Il faut aussi noter le nombre florissant de boutiques spécifiquement dédiées à l’Advisory : Linkstone Capital (créé par le financier Pape Diouf), Blackpearl Finance, etc. La différence notoire entre acteurs locaux et internationaux réside dans le fait que les seconds remportent la majorité des mandats d’opérations internationales, mieux rémunérés, grâce à leur crédibilité internationale.  

Le continent Africain, est ainsi devenu une terre d’opportunité pour les investisseurs, au grand profit des banquiers d’affaires. Les opérations financières transfrontalières ne s’opèrent que lorsque le marché fait état d’un dynamisme prometteur. Le secteur des télécommunications est un bon exemple de la corrélation entre le nombre de fusions transfrontalières et l’état du marché. Au moment où la crise des DOTCOM faisait entrer en récession l’industrie des télécommunications en Europe et en Asie, le continent voyait son taux de pénétration de la téléphonie mobile passer de 2 à 62 % (sources : GSMA 2011).  Grâce à son potentiel de consommateurs, les flux d’IDE (Investissements directs étrangers) ont à peine souffert de l’éclatement de la bulle Internet en 2000-2001 d’après la BAD (Banque Africaine de Développement) et l’OCDE dans leur rapport Perspectives Economiques en Afrique 2009. La décennie 2000-2010 a ainsi été marquée par de grandes opérations comme l’acquisition de la SONATEL (Société Nationale de Télécommunications au Sénégal) par Orange. L’augmentation du nombre de transactions fait de l’Afrique un marché intéressant pour les banques d’investissement.

Des banques au service des Etats africains

Par ailleurs, le recours aux émissions obligataires sur les marchés internationaux fait progressivement sa place dans les systèmes de gestion des finances publiques. En effet, les banques sont de plus en plus sollicitées par les Etats pour accéder à des marchés de capitaux toujours plus intenses et en pleine structuration. A titre d’exemple, Ecobank Capital annonce avoir conseillé pour l’équivalent de 2 milliards de dollars d’émission de dette en monnaie locale au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Togo. Enfin, les financements structurés, montages financiers à haute valeur ajoutée destinés à des projets particuliers, ont le vent en poupe face à un besoin croissant de financement mais également de produits innovants, afin de ne pas tomber dans le biais classique de ces types de financement : « gonfler la dette publique sans améliorer la situation des destinataires du service public » selon Arlette Tonye, spécialiste du droit des financements structurés, auteur de Pratique des financements structurés en Afrique. On peut d’ailleurs noter un décrochage de l’Afrique francophone par rapport à l’Afrique anglophone du fait d’un cadre juridique plus au fait des pratiques du métier, décrochage qui se généralise dans la pratique globale de l’Advisory.

Les banques d’investissement africaines devront installer un esprit de durabilité dans leurs opérations, en marge de la crise financière qui affecte l’Europe et l’Amérique. Comme on le sait maintenant, il n’y a pas de soutenabilité de la croissance sans une amélioration des institutions. Celles-ci devront tirer les leçons des crises bancaires qui ont affecté l’Europe et les USA afin de créer un cadre juridique propice à la durabilité des opérations et à même de contenir l’ « aléa moral ». Par exemple, l’Afrique sud, plus avancée sur la question, a approfondi le droit de la concurrence et des opérations financières si bien que l’acquisition de Masmart avait été inquiétée en 2010 pour vice de forme. Il faut donc souligner que l’intérêt manifeste d’avoir des banques d’investissement dynamiques ne doit pas nous faire tomber dans le biais d’un capitalisme effréné. La transition devra être assurée par les autorités de régulation et de transparence (équivalent de l’AMF en France) pour éviter de tomber dans le hasard moral.


A l’aune de la mondialisation, de grandes perspectives d’accélération se dessinent dans les années à venir et les Etats ainsi que les banques centrales africaines devront jouer un rôle plus important en termes de régulation. En Afrique subsaharienne, le monde des affaires comprend peu à peu l’importance d’être accompagnée de banques alignées sur les standards internationaux. Il incombe donc aux les Etats et les banques centrales de créer un écosystème d’affaires sain et attractif. Dès lors, la nécessité d’un environnement toujours plus transparent, de cadres légaux harmonisés et d’une image du banquier décorrellés de la corruption est d’autant plus importante. L’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) dont l’objectif est de faciliter les échanges et les investissements en Afrique à travers la sécurité juridique, a posé de premiers jalons à travers, par exemple, la rédaction du Unified Business Law for Africa, ensemble de recommandations destinées aux jurisprudences africaines utilisant le système du Commom Law.

Le nécessaire changement de perception du métier de banquier d’affaires

Une vision du banquier d’affaires en pleine évolution. Peu connues du grand public, les banques d’investissement ont toujours évolué à l’ombre des banques commerciales. L’absence manifeste d’acteurs Africains pendant très longtemps a favorisé le développement d’une perception réductrice des métiers de la banque, les cantonnant au simple statut de prêteur. Aujourd’hui, la médiatisation de grands « deals » tels que l’acquisition d’une prise de participation de 51% du géant de la distribution sud-africain par son homologue Walmart  pour 2,36 milliards de dollar  participe à mieux faire connaître le métier. En effet, la notion de  banquier-conseil qui demeurait assez méconnue devient plus plébiscitée et s’insère peu à peu dans l’écosystème immédiat de l’entreprise.  Dès lors, il devient impératif de vulgariser davantage l’image de la banque d’affaires non pas comme un simple intermédiaire commissionné mais comme un professionnel créatif et techniquement compétent.


Le défi des jeunes Africains : l’entrepreneuriat financier.  Comme cela a déjà été mentionné, on assiste aujourd’hui à une vague d’ouverture de boutiques d’Advisory et de Private Equity notamment dans les grandes places financières de Casablanca, Johannesburg ou encore Lagos. Cette dynamique devrait s’intensifier dans les centres actuels et se développer dans l’espace francophone subsaharien. Il est certes nécessaire que les instituts académiques africains intègrent davantage l’ingénierie juridique et financière dans leurs programmes (c’est déjà le cas au CESAG de Dakar, à l’ENSEA d’Abidjan ou encore à la toute récente African School of Economics basée à Cotonou). Néanmoins, les professionnels de la diaspora ont un rôle décisif à jouer. Leurs expériences acquises dans les plus belles banques d’affaires anglo-saxonnes, françaises ou asiatiques pourraient donner un élan décisif et une véritable crédibilité à l’industrie financière du continent. En effet, leur exposition aux réseaux internationaux alliée à leur sensibilité africaine leur permettrait de mettre en place des services financiers alignés sur les standards internationaux et adaptés à aux besoins de leurs clients. D’ailleurs, cette marche est déjà à l’œuvre. On peut la voir à travers l’exemple de Papa Madiaw Ndiaye, fondateur de l’AFIG (Advanced Finance & Investment Group), qui a cumulé plus d’une dizaine d’années de carrière chez Salomon Brother, JP Morgan et l’IFC (filiale de la Banque Mondiale) avant de créer l’un des fonds d’investissement les plus importants d’Afrique.


  Boubacar Benjamin DIARISSO