Les rébellions Touarègues

Les affrontements qui ont ont lieu dans le nord du Mali depuis janvier 2012 et la crise humanitaire qui en découle (172.000 déplacés selon l’ONU) révèlent l’instabilité chronique que connait cette région du Sahel. Ils constituent un conflit d’une série de rebellions Touarègues au Niger et au Mali qui remontent à près d'un siècle.

Les rébellions de 1916 et 1962

La révolte de Kaocen, qui a soulevé les tribus touaregs du Nord du Niger en 1916 et 1917 contre la colonisation Française, est considérée comme la première rébellion des populations touaregs de l’époque contemporaine. Elle réussit à prendre le contrôle du massif de l’Aïr, et à mettre le siège devant la ville d’Agadez et la garnison Française qui y était placée.  La révolte fut progressivement étouffée à partir de mars 1917 par l’arrivée de renforts stationnés dans le sud du Niger, obligeant les combattants Touaregs à se retirer vers le nord en direction du Fezzan (Libye), où le leader de la révolte Ag Mohammed Wau Teguidda Kaocen, fut tué par des forces locales hostiles à son mouvement.

La rébellion de 1962-1964 a quant à elle touché le nord du Mali, peu après son indépendance, opposant une insurrection Touareg à une armée Malienne qui comptait à l’époque à peine 1500 hommes. Elle découle des aspirations autonomistes d’une partie de la population Touareg et sa déception à l’égard du gouvernement indépendant, avec pour projet d’établir un Etat indépendant dans la région. L’insurrection fut de courte durée, mais la répression qui en suivit laissa des séquelles qui alimentèrent des soulèvements ultérieurs plus longs et plus violents.

La rébellion de 1990-1995

Les révoltes Touaregs au Mali et au Niger à partir de 1990 résultent du sentiment de marginalisation et la menace ressentie sur l’identité de ces minorités, et de la détérioration des conditions socio-économiques qu’a connu le Sahel, particulièrement face à la sécheresse et la faiblesse de l’Etat central.

Au Niger, la revendication portait au départ sur l’enseignement du Tamashek, (langue pratiquée par les Touaregs), avant de s’étendre à une demande autonomiste. La réponse de l’armée Malienne fut particulièrement forte au début, notamment dans la zone de Tchin-Tabaradene. Par la suite, des combats sporadiques persistèrent pendant plusieurs années dans le massif de l’Aïr, la région touristique d’Agadez et la région riche en uranium d’Arlit, occasionnant des pertes économiques importantes pour le pays et l’évacuation des ressortissants étrangers. Finalement, les deux principaux mouvements Touaregs (ORA et CRA) acceptèrent de signer des accords de paix le 15 avril 1995 à Ouagadougou, prévoyant notamment l’intégration d’une partie des rebelles dans l’armée régulière Nigérienne.

En parallèle, la rébellion Touareg au Mali évolua différemment. Après des attaques sur la ville de Gao, l’insurrection a connu une accalmie en 1992 après l’élection d’Alpha Oumar Konaré et la formation d’un nouveau gouvernement, avant de reprendre en 1994 et de faire sombrer la région dans un début de guerre civile entre milices Touaregs et Songhaï.  En effet, le conflit exacerba les tensions ethniques et l’opposition ancienne entre sédentaires et nomades, entrainant de  nombreuses victimes. La paix fut symboliquement conclue lors de la Cérémonie de la Flamme de la Paix à Tombouctou, au cours de laquelle des milliers d’armes utilisées durant l’insurrection furent brulées publiquement.

La rébellion de 2007-2009

 Un nouveau soulèvement Touareg  éclata le 23 mai 2006 dans le nord du Mali, dénonçant le non application des accords conclus dans les années 1990 et la marginalisation de la région par l’Etat Malien. De nouveaux accords de paix furent signées  dés juillet 2006 à Alger, prévoyant notamment des programmes de développement pour les régions de Kidal, Tombouctou et Gao. Néanmoins, des affrontements reprirent en 2007 et 2008 avant qu’une nouvelle médiation Algérienne aboutisse au retour d’une paix précaire dans la région.

Au Niger également, un soulèvement eu lieu à partir de 2007. Il faut préciser néanmoins qu’il n’existe vraisemblablement pas de lien direct ou de coordination avec les mouvements Touaregs au Mali. L’importance stratégique des réserves d’uranium, l’enlèvement de quatre employés d’AREVA le 22 juin 2008 (libérés quelques semaines plus tard) et l’apparition d’AQMi (Al Qaida au Maghreb Islamique) donnèrent un écho international à cette crise. Toutefois, la paix revenue au Mali encouragea une évolution similaire au Niger, ce qui fut finalement acquis au printemps 2009 avec une médiation de la Libye.

Le déclenchement d’une nouvelle insurrection dans le nord du Mali en janvier 2012 révèle l’instabilité que connait cette région et la difficulté des Etats Malien et Nigérien à répondre efficacement aux défis sécuritaires, politiques et socio-économiques auxquelles ils sont confrontés. Alors que la région connait depuis plusieurs décennies une grave détérioration de sa situation, l’apparition de nouvelles menaces que représentent AQMI et le trafic d’armes lourdes constituent des motifs de grande inquiétude pour l’avenir et soulignent l’importance d’une action régionale concerté pour garantir la stabilité du Sahel et répondre aux besoins humanitaires urgents des populations affectées par ces conflits.

 

N. KAID SLIMANE