Comment créer une «  ville intelligente » à l’africaine ?

Marquées depuis plusieurs décennies par des crises urbaines, beaucoup de villes africaines (Diamniadio, Casablanca, Kigali, etc.) s’autoproclament comme des « villes intelligentes » — influencées par un contexte de mondialisation et de course à la métropolisation. Alors qu’elles doivent faire face à une urbanisation galopante, une pression et spéculation foncière, une bidonvilisation des espaces périphériques des grandes villes et la question épineuse de la pauvreté d’une part importante des populations, elles cherchent à s’inspirer de modèles de planification urbaine importés des pays développés.

En effet, l’expression ville intelligente devient une marque de fabrique et s’inscrit dans une approche de planification urbaine stratégique, de marketing pour attirer des touristes et des investisseurs internationaux. Cependant, peut-on valider cette conception africaine de la ville intelligente, si l’on sait que chaque pays, chaque ville a des réalités particulières ? Ne serait-il pas plus pertinent de penser une ville intelligente à l’africaine qui prendrait en compte — dans sa fabrication — tous les problèmes que rencontrent les villes africaines comme des équations à résoudre de façon « intelligente » ?

Pour expliquer la problématique de la ville intelligente en Afrique, dans cet article, nous interrogerons d’abord l’expression « ville intelligente » pour connaître ses caractéristiques et ses modalités, avant d’analyser les conditions de son adaptabilité dans les pays africains.

Définition et identification de la ville intelligente

D’abord, la ville intelligente est généralement définie comme une ville « connectée » — en faisant référence à l’accès au numérique et à l’internet. G. Dupuy (1992), évoque l’idée « d’informatisation de la ville ». Cette définition paraît simpliste, car la ville intelligente s’inscrit dans une dynamique plus globale qui met en interaction — selon une approche systémique — plusieurs éléments complémentaires (loisir, habitat et logement, transport et mobilité, services essentiels comme l’accès à l’eau, l’électricité et plus récemment le numérique) afin de créer un équilibre et une amélioration des conditions de vie des habitants, quelle que soit leur catégorie sociale. Giffinger, dans un article publié en 2011, a mis en évidence cette approche globalisante de la ville intelligente. Pour lui, les villes intelligentes peuvent être identifiées selon six principales dimensions : une économie intelligente (collaborative et adaptée), une administration intelligente (souple, intégrée et participative), un environnement intelligent (écologique, sobre, vertueuse), une mobilité intelligente (douce et efficiente), des habitants intelligents (acteurs dans fabrication de la ville). En d’autres termes, une ville intelligente est un système qui concilie de façon cohérente plusieurs « sous-systèmes » qui tournent autour de trois principales thématiques : l’économie, le social et l’environnement avec les usages numériques comme toile de fond. Toutefois, les usages numériques ne fabriquent pas fondamentalement et exclusivement une ville intelligente ; ils doivent être compris et pris comme des outils qui interagissent avec d’autres éléments structurants et non une fin.

Ensuite, une ville intelligente est aussi résiliente et inclusive. Autrement dit, c’est une ville qui répond aux besoins urgents et fondamentaux de ses habitants pour l’amélioration de leur cadre de vie et l’assurance d’un minimum de confort et de bien-être. La résilience d’une ville intelligente se mesure par sa capacité à se remettre, à revenir à son état de départ, suite à une perturbation ou un choc majeur (catastrophes naturelles, etc.). Une économie équilibrée, intégrée, une justice sociale et spatiale assurent l’inclusivité d’une ville.

Les différents paramètres évoqués sur la ville intelligente sont parfois mal-maîtrisés, voire non pris en compte dans les villes africaines. À Dakar — par exemple —, il suffit d’avoir quelques gouttes d’eau de pluie pour que des inondations à ruissellement urbain bloquent toutes les activités, donc une bonne partie de l’économie — sans compter les conditions de précarité que celles-ci créent chez de nombreux habitants vivant dans des habitats informels sur le long des espaces périphériques de la ville (Pikine, Yeumbeul, Médina Gounass, etc.). Dans ces circonstances, la planification d’une ville intelligente serait de faire en sorte que la ville soit résiliente, c’est à dire capable de se redresser aussitôt après un choc naturel ; au lieu de miser sur un modèle de ville connectée, importé des pays développés, qui améliorerait le quotidien d’une partie infime de la population.

Quelle ville intelligente pour l’Afrique ?

 Au regard de la définition globalisante de la ville intelligente, l’approche la plus appropriée serait d’adapter son modèle de ville aux réalités locales. En effet, l’intelligence et la cohérence de la démarche d’une ville intelligente se trouvent dans cette capacité d’adaptation et de prise en compte des spécificités locales. Malheureusement, les démarches de planification de quelques villes africaines qui s’autoproclament « villes intelligentes » ne sont pas dans cette dynamique d’adaptation. Comment peut-on qualifier une ville « intelligente », si le modèle de ville est importé d’un pays où les configurations socioéconomiques et spatiales sont différentes des siennes ? Un problème de réalisme se pose !

En réalité, il n’existe pas un modèle de ville intelligente figé ; un modèle s’adapte à un contexte. L’intelligence prend tout son sens quand la ville assure un minimum de confort et de réponses aux besoins urgents et contemporains de la majorité des habitants. En outre, l’intelligence d’une ville ne se trouve pas forcément dans la course à la modernité 2.0 ; mais plutôt dans sa capacité à être utile à tous ses habitants. Diamniadio et Kigali tendent vers des modèles de « villes intelligentes », importés de l’occident et vitrines de la mondialisation, mais une analyse pragmatique permettrait de remettre en cause leur réelle utilité, si l’on sait déjà les conditions de vie précaires des habitants aux alentours (l’accès à l’électricité et l’adduction en eau potable défaillants à proximité de Diamniadio, urbanisation anarchique autour de Kigali) et le prix à payer pour mettre en place ces villes, dans un contexte de tarissement des finances publiques. De même, dire que Nairobi a son « Silicone Valley » est bien pour son image de marque, pour sa propension à devenir la plus grande « technopole » africaine, mais cette image paraît surprenante et inutile, car les solutions à apporter pour la régulation des habitats informels en périphérie de la ville sont plus préoccupantes et urgentes. Que faire de ces milliers de pauvres qui peinent à bénéficier des rentes de cette « technopole » ? L’urgence est donc ailleurs ! Promouvoir des solutions et innovations technologiques toutes faites est bien, mais interroger les conditions de leur intégration cohérente dans l’existant est un important travail à faire en amont.

En outre, en Afrique, la généralisation progressive de l’accès au numérique et à internet est prise comme des atouts et des « arguments » par les politiques pour la mise en place de « villes intelligentes », mais l’intelligence de cette démarche est de reconnaître — en amont — que la fracture numérique, la pauvreté, l’accès aux services essentiels tels que l’eau potable, l’électricité (« une condition de base pour une ville connectée »)…. sont encore de réelles équations à résoudre dans les grandes villes africaines (Dakar, Bamako, Nouakchott, etc.). La démarche idéale serait — par exemple — d’injecter des possibilités d’usages numériques dans ces services essentiels pour faciliter leur accès, pour donner également un confort de vie aux populations par rapport à leurs besoins les plus urgents.

 Enfin, le projet de ville intelligente est bien, mais — en Afrique — il faudrait que tous les habitants y soient investis. En effet, une ville intelligente met l’humain au cœur des dispositifs des politiques de la ville. Donc toute idée de ville intelligente est dénuée de sens si les habitants ne n’y sont pas intégrés comme des acteurs.

Conclusion

Nous estimons finalement qu’une ville intelligente est une ville construite selon une approche systémique et globale qui met en symbiose le développement urbain et le développement humain. L’intelligence de la fabrication d’une ville intelligente à l’africaine se trouve dans la capacité à l’adapter aux réalités socio-économiques et culturelles des villes pour répondre aux besoins et aux préoccupations les plus alarmantes et utiles des populations, notamment le plus grand nombre (généralement les pauvres dans les villes africaines). Ces préoccupations peuvent être orientées vers les besoins essentiels : parvenir à améliorer l’accès aux soins, à l’électricité ; mettre en place des systèmes de déplacement doux, adaptés et peu coûteux ; parvenir à créer une mixité fonctionnelle et sociale afin de donner les mêmes chances à toutes les catégories de population. 

En définitive, l’intelligence d’une planification se trouve dans sa démarche cohérente et non dans un fantasme que l’on montre et vend. 

Bibliographie :

 Dupuy G (1992) L’informatisation des villes ; Que sais-je ? ; 2701. Ed : PUF, 1992.

Les villes intelligentes, une piste pour construire l’avenir urbain des pays en développement

Les défis de l’urbanisation croissante des pays en développement[1]

En 2050, la proportion de la population mondiale vivant en milieu urbain devrait atteindre 66%[2], contre 54% en 2014. Ce phénomène d’urbanisation sera d’autant plus significatif dans les pays les moins développés[3], pour lesquels la population urbaine représentera 50% en 2050, alors qu’elle n’est que de 31% actuellement.

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Population urbaine mondiale de 1950 a 2050

L’attrait des populations pour les zones urbaines s’explique par l’activité économique et les opportunités d’emploi qu’elles concentrent : 80% de l’activité économique à l’échelle mondiale[4] se développe dans les villes. L’exode rural et la croissance soutenue des populations urbaines et périurbaines complexifient les challenges à relever pour les villes. On peut notamment citer les contraintes liées à leur approvisionnement en ressources et à l’élimination de leurs déchets. Bien que l’urbanisation soit reconnue comme un moteur de développement économique et social, elle s’accompagne de forts impacts environnementaux, aussi bien aux niveaux local que mondial, tels que l’assèchement des zones humides, l’extraction de matériaux de construction en grandes quantités, la pollution des eaux, la pollution atmosphérique, etc. Les villes sont ainsi à l’origine de 80% des émissions de gaz à effet de serre et représentent 75 % de la consommation mondiale d'énergie[5].

Contrairement aux pays développés, dont la population urbaine devrait croître plus modérément et qui disposent de solides infrastructures existantes, les pays en développement vont devoir déployer rapidement de nouvelles infrastructures efficaces et flexibles pour répondre aux évolutions démographiques de leurs territoires. Une urbanisation rapide et mal maîtrisée ne mettant pas en regard des besoins des habitants les infrastructures et la gouvernance adéquates risque en effet de s’accompagner d’un accroissement de l’extrême pauvreté urbaine et, dans certains cas, du développement ou de l’extension accélérée de bidonvilles. Des efforts de planification seront donc indispensables pour assurer aux populations la fourniture de services essentiels, tels que les accès à l’énergie, à l’eau, au traitement des déchets, au logement, à la santé et aux transports, tout en maîtrisant les impacts sociaux et environnementaux associés.

Les villes des pays en développement devront ainsi monter en compétence sur une large palette de problématiques (énergie, transport, etc.) et réaliser des investissements importants, en veillant à maintenir des coûts compatibles avec leurs cadres budgétaires souvent fortement contraints. La transition vers des villes plus communicantes et plus durables, s’appuyant sur de nouvelles méthodes d’aménagement et de gestion de l’espace urbain, peut constituer un levier clé pour relever ces défis.

Le développement des Smart Cities : une réponse possible

Le concept de Smart City a vu le jour avec les évolutions rapides observées dans le domaine des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC), qui offrent la possibilité de déployer à coûts maîtrisés des solutions performantes pour rendre les infrastructures urbaines plus communicantes (pilotage de l’éclairage public, télérelève des compteurs d’énergie, etc.). De nombreuses définitions de la Smart City coexistent, donnant une importance plus ou moins marquée à la composante technologique.

L’une des définitions les plus exhaustives a été proposée dans le cadre du projet européen TRANSFORM : « La Smart City permet d’offrir aux habitants un espace de vie agréable, abordable, respectueux de l’environnement et répondant aux besoins et aux intérêts de ses usagers et basé sur une économie durable. La Smart City est très efficace dans son utilisation de l’énergie et des ressources et elle est de plus en plus alimentée par des énergies renouvelables. Elle repose sur un système de ressources résilient et intégré ainsi que sur des approches de planification innovantes. Les technologies de la communication et de l’information sont souvent des moyens pour atteindre ces objectifs. »[6]

Les expérimentations Smart City bénéficiant actuellement de la plus grande visibilité se déroulent en Europe, aux États-Unis, en Asie et au Moyen-Orient. Ces projets promeuvent la vision d’une ville intelligente s’appuyant sur des investissements significatifs, requis par le déploiement de solutions de hautes technologies, et sur une implication renforcée des différents acteurs de l’espace urbain, dont les habitants. Cette approche très demandeuse en capitaux peut sembler moins adéquate pour les villes de pays en développement, et notamment celles ayant des capacités budgétaires limitées. Les financements nationaux et locaux pourraient cependant être complétés par des sources externes, bailleurs de fonds internationaux ou investisseurs étrangers.

L’acceptabilité sociale des changements constitue également un point critique du développement des Smart Cities dans les pays en développement. En effet, dans des pays où les structures décisionnelles sont historiquement centralisées et où les niveaux de corruption sont parfois élevés[7], la population peut se montrer méfiante vis-à-vis des pouvoirs publics. Il existe alors un risque important que les habitants ne voient dans la Smart City qu’un moyen pour les politiques et les industriels de justifier de lourds investissements servant avant tout leurs intérêts propres. La mise en œuvre d’une gouvernance associant la population à la conception de la ville représente ainsi un enjeu clé pour assurer une planification adaptée à ses attentes, en particulier quant à l’amélioration de la qualité de vie. L’exemple du déploiement de compteurs électriques communicants à Noida, en Inde, illustre cette nécessité d’impliquer les populations locales[8] dans la construction de la ville intelligente. Souhaitant réduire les vols d’énergie sur son réseau, le distributeur d’électricité NPCL a décidé d’installer des compteurs prépayés dans une zone particulièrement pauvre. Face au risque de rejet du projet par la population, la NPCL a sensibilisé les habitants à l’importance de la lutte contre le vol d’électricité via des spectacles de rue et leur a proposé des solutions simples de maîtrise de leurs consommations d’énergie. Cette implication de la communauté a ainsi contribué au succès du projet, loin d’être garanti initialement.

Etant donné les défis financiers et sociaux soulevés, la pertinence de la promotion et de l’application du concept de Smart City dans le contexte des pays en développement peut être questionnée. Pour exemple, des chercheurs de l’Africa Research Institute, think-tank britannique spécialisé sur l’Afrique subsaharienne, déclarent « Ces projets fantasques pour les grandes villes africaines remportent des récompenses. En général, ils mentionnent en passant les besoins des habitants des bidonvilles et prétendent viser d’autres fins louables. Cependant, la mise en œuvre de plans complètement non viables et inappropriés du point de vue du climat, des infrastructures disponibles (en particulier la production d’électricité) et des coûts révèle leurs défaillances. »[9]

Au premier abord, l’évolution vers les Smart Cities semble donc plus ardue pour les villes des pays en développement. En réalité, l’adaptation des infrastructures urbaines existantes requise dans les pays développés pour la mise en place de solutions innovantes engendre une complexité et des coûts d’intégration conséquents. A contrario, les pays en développement peuvent plus facilement déployer de nouvelles technologies au sein de leurs environnements urbains moins contraints par le poids de l’existant. Cette flexibilité confère un atout essentiel à leurs villes pour opérer le saut technologique vers la Smart City. Sur le volet énergétique, les pays en développement pourraient par exemple développer directement des infrastructures de type Smart Grids adaptées à leurs enjeux locaux (via le déploiement de compteurs intelligents prépayés et de moyens de production décentralisés notamment), sans avoir auparavant bâti des réseaux électriques robustes desservant l’ensemble de leurs territoires. Une dynamique similaire a déjà été observée dans le domaine de la téléphonie, où l’Afrique n’a pas attendu un taux de pénétration élevé des solutions filaires pour négocier le tournant vers le mobile.

Au-delà de l’angle technologique, l’importance des paramètres culturels et sociaux dans la mise en œuvre de la Smart City implique que les particularités locales soient placées au cœur des préoccupations de la ville. Seule une adaptation pragmatique du concept permettra de faire de cette transition un succès. Les modèles retenus par les villes de pays en développement ne peuvent ainsi se calquer sur ceux expérimentés dans les pays les plus riches. De même, des disparités importantes entre les solutions mises en place dans différentes villes de pays en développement sont inéluctables. En adoptant une approche raisonnée et propre à chaque contexte, l’exploitation des NTIC et l’association des populations aux processus décisionnels peut soutenir un développement efficace et une gestion intelligente des infrastructures des villes de pays en développement. La déclinaison du concept de Smart City deviendra alors un moyen de répondre aux besoins des populations tout en maîtrisant certains des risques majeurs inhérents à un développement urbain miné par une mauvaise planification : dégradation des services publics, développement de bidonvilles, pollution accrue, augmentation du chômage, de la pauvreté et de l’insécurité, etc.

Des initiatives d’utilisation de nouvelles technologies permettant de renforcer la qualité des services rendus aux habitants (énergie, transport, logement, santé, etc.) ont déjà émergé dans certains pays. Bien qu’encore marginales, elles montrent que des solutions « smart » peuvent dès aujourd’hui contribuer à l’amélioration des conditions de vie dans les villes de pays en développement.

Des exemples d’initiatives marquantes

  • OpenStreetMap (Tanzanie)

Les villes évoluent rapidement et souvent de manière incontrôlée dans les pays en développement, où d’immenses bidonvilles peuvent voir le jour en périphérie urbaine. Cette expansion désordonnée complexifie la tâche des municipalités pour analyser et résoudre les problèmes auxquels sont confrontés leurs habitants. Les autorités locales ne disposent alors que d’une faible visibilité sur l’organisation réelle du territoire et sur ses besoins en infrastructures.

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Illustration du mapping du bidonville de Tandale

Partant de ce constat, un groupe d’étudiants de Dar es Salaam (Tanzanie) s’est formé à l’utilisation de tablettes numériques et de solutions de cartographie libres de droits afin de cartographier le bidonville de Tandale[10]. Parcourir la zone équipés de ces outils leur a permis de répertorier l’ensemble des rues, chemins, équipements publics (toilettes, fontaines à eau, points de collecte de bouteilles plastiques, etc.), écoles ou encore bâtiments religieux.

Ce projet illustre une application concrète du concept de Smart City, en montrant que l’usage innovant de nouvelles technologies numériques peut permettre à la ville et ses habitants de disposer d’une cartographie fiable du territoire, brique indispensable en vue d’une meilleure planification urbaine. L’intérêt de l’utilisation de solutions open source est également mis en avant, ces dernières étant facilement accessibles et adaptables aux besoins des villes des pays en développement.

  • E-health backpack (Brésil)

Pour répondre au défi du vieillissement des populations les plus pauvres, des expérimentations sont lancées dans certains pays dans le but de développer de nouvelles applications de télésanté (e-health). L’objectif consiste à tester des méthodes et solutions innovantes permettant d’améliorer la qualité des services de soins tout en réduisant les coûts induits pour la communauté.

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Oxymetre et tensiometre integres a l e-health backpack

Dans cette optique, un produit « e-health backpack » a été développé par General Electric (GE) et est expérimenté dans le cadre d’un projet pilote à Rio de Janeiro (Brésil). Le concept repose sur la fourniture de services de santé dans des zones urbaines pauvres, mal desservies par les transports en commun et faiblement pourvues en infrastructures médicales. La solution proposée par GE permet d’établir en quelques minutes des diagnostics sur site lors de la visite chez les patients, en comparaison avec un délai pouvant atteindre 2 semaines suite à une consultation à l’hôpital. Les premières analyses11 indiquent que les bénéfices économiques découlant de la réduction du nombre d’évènements médicaux et d’hospitalisations compensent le coût élevé (42 000 $) de l’équipement employé.

Une des prochaines étapes du projet visera à mettre à disposition des personnels soignants des tablettes sans fil pour collecter, stocker et analyser les données issues des examens menés au domicile des patients. Ceci permettra d’approfondir les opportunités offertes par l’utilisation de moyens médicaux high-tech au bénéfice des populations défavorisées.

Les villes des pays en développement peuvent s’inspirer du concept de Smart City pour exploiter pleinement le potentiel des NTIC au service de la gestion de leur espace urbain et de la qualité de vie de leurs citoyens. Une approche pragmatique tenant compte des spécificités locales est possible, et nécessaire : une smart city africaine ne ressemblera donc pas à une smart city européenne ou américaine !

Malgré la disparité des contextes et des besoins, la transition vers des villes plus intelligentes peut constituer une solution de premier plan pour permettre aux pays en développement de répondre aux défis résultant de la croissance de leurs populations urbaines. Ces pays, bénéficiant d’une inertie moindre dans leurs infrastructures et organisations, représentent en effet un terrain propice à une mutation rapide. La prise en compte des contraintes financières et l’association des populations aux processus décisionnels seront des facteurs clés pour concrétiser cette évolution et en faire une réussite.

Par Maxence BOCQUEL & Sylvain HIPPOLYTE

Yélé-Consulting


[1] Référence à la classification « Less developed regions » de l’ONU qui comptabilise l’Afrique, l’Asie (excepté le Japon), l’Amérique Latine et les Caraïbes, ainsi que la Mélanésie, la Micronésie et la Polynésie.
[2] United Nations Department of Economic and Social Affairs World Urbanization Prospect – 2014 Revision
[3] Référence à la classification « Least developed regions » de l’ONU qui comprend 49 pays (34 en Afrique, 9 en Asie, 5 en Océanie et 1 en Amérique Latine et aux Caraïbes.
[3b] Estimations venant du "World Urbanization Prospects: The 2014 Revision" de l'ONU
[4] McKinsey Global Institute, 2011 – Urban world: Mapping the economic power of cities
[5] The World Bank, 2010 – Cities and Climate Change: An Urgent Agenda
[6] TRANSFORM – Deliverable 1.1 Definition of Smart Energy City – http://urbantransform.eu/about/smart-energy-city/
[7] Transparency International – Indice de Perception de la Corruption 2012 < 40% pour les pays en développement http://www.transparency-france.org/ewb_pages/div/Indice_de_Perception_de_la_Corruption_2012.php
[8] Tackling Power Theft through Meter Data Management and Quality Analysis – http://www.metering.com/wp-content/uploads/i/p/Asia/1/RC-Agarwala.pdf
[9] Watson V, Agbola B, 2014 – Africa Research Institute – Qui va prendre en charge l’aménagement des villes africaines?
[10] Projet Open Mapping in Tandale – http://explore.ramanitanzania.org/
[11] Source : http://tandale.ramanitanzania.org/
[12] Source : http://www.newcitiesfoundation.org/wp-content/uploads/PDF/Research/New-Cities-Foundation-E-Health-Full-Report.pdf