L’Afrique fait aujourd’hui l’objet de tous les fantasmes : soit une terre d’opportunités plaçant le continent au centre de toutes les convoitises, soit une terre qui continue de pâtir de son si mauvais départ comme l’indiquait Réné Dumont. Cet optimisme et ce pessimisme, trouvent leur raison d’être. Opulence côtoie précarité. L’Afrique apparaît comme le nouveau relai de la croissance mondiale alors que le Pib par habitant dans la plupart des pays ne progresse que faiblement, voir stagne dans certaines régions. Le numérique a permis l’éclosion d’une jeunesse entreprenante mais ne reste accessible qu’à une minorité. La population s’urbanise de plus en plus alors que les bidonvilles croissent, avec des accès de plus en plus limités aux services sociaux de base.
Ce grondement d’idées et de discours, parfois laudateurs ou alarmistes, portés par des entités exogènes au continent, a fait de l’Afrique une terre d’expérience en tout genre dans la quête du développement suivant le modèle occidental, comme le rappelle si bien Felwine Sarr dans son Afrotropia. Aussi ont-ils étouffé la voix intérieure du continent qui depuis les indépendances questionne et discute son modèle de développement en faisant appel à son histoire, ses croyances et ses différentes cultures.
Cette voix devient cependant de plus en plus audible à la ferveur des nombreux défis du continent, portée par une jeunesse qui peu a peu saisi les messages que lui ont laissé ses pères. Chinua Achebe interpellait déjà dans Man of the Nation et Anthills of the Savannah quant aux dérives de l’autocratie. Dans sa si longue lettre, Mariama Bâ décrivait les conditions sociales, celle de la femme en particulier, à l’aube des indépendances en Afrique ; et Ngugi wa Thiong’o dans A Grain of Wheat annonçait les écarts économiques qui émergeaient au début de la période post coloniale.
Cette nouvelle voix se matérialise sous plusieurs formes. Les réflexions d’Achille Mbembé dans Sortir de la Grande Nuit, la jeunesse africaine qui lutte pour un avenir meilleur que décrit Mbougar Sarr dans son Silence du Chœur et l’invitation à la chose politique d’Hamidou Anne et al. dans Politisez-vous ! en sont de véritables témoins. Les initiatives pour repenser l’Afrique, par les africains eux-mêmes, se multiplient. La société civile dans les pays s’organise et assure la veille citoyenne.
Toutefois, malgré ce regain de vitalité, cette voix est encore porteuse de bruits qui annihilent la clarté du message qu’elle porte et qui vise à définir une nouvelle pensée, un nouveau paradigme en ce qui concerne le développement de l’Afrique.
A ce titre, un filtre est plus que nécessaire afin d’extraire de ce signal riche en idées et réflexions nouvelles, celles qui permettront de construire l’Afrique que nous voulons. Comme le rappelle Georges Vivien Hougbonon, un tel filtre ne peut exister que dans « un cadre bien approprié » qui favorise la confrontation des idées, seule condition nécessaire et suffisante pour l’émergence de nouveaux courants politiques, économiques et sociales, pour envisager une transformation pérenne et endogène du continent.
L’Afrique des Idées ne manquera pas d’être présent à ce rendez-vous, et de participer activement à la construction par les idées d’une Afrique qui fait rêver ses enfants, car nous croyons fermement à la philosophie de Senghor que c’est « au carrefour du donner et du recevoir où chacun se sentira à l’aise parce que se sachant à la fois donneur et receveur » que l’Afrique pourra être repensée.
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Très beau texte!!