La Silicon Valley n’a plus le monopole de l’entrepreneuriat. C’est en tout cas ce que révèle l’émergence de nouveaux pôles de plus en plus attractifs pour les startups comme New York, Boston, Singapour, mais aussi Sao Paulo ou Bangalore (d’ailleurs surnommée la « Silicon Valley Indienne). Ces villes figurent désormais en bonne place dans les classements internationaux de référence, et progressent chaque année.
Aucune ville ou région africaine ne peut aujourd’hui raisonnablement revendiquer une telle place sur le podium et mettre en avant un écosystème d’envergure mondiale, malgré les déclinaisons souvent symboliques de plans et concepts « importés », dont la réalisation est imparfaite ou incomplète. Dans quelles conditions peut-on voir émerger des startups nées en Afrique et mondialement compétitives, qui pourront tirer des écosystèmes pour intégrer et progresser dans les classements les plus sélectifs?
L’enjeu est de taille. Avec la transition des économies vers les services et la place prise par « l’économie du savoir » dans les prochaines décennies, les pays qui auront les meilleurs écosystèmes entrepreneuriaux auront de bonnes chances d’être les plus prospères du monde, constituant ainsi des moteurs de croissance et de création d’emploi.
Les startups les plus brillantes de ces dernières décennies, celles en tout cas qui ont connus un développement mondial et ont révolutionné nos usages (Google, Facebook, Amazon…) jouent désormais dans la cours des (très) grands, avec des chiffres d’affaires et une capitalisation boursière ayant progressé de façon exponentielle et détrônant des conglomérats mondiaux bien établies.
Cette « révolution économique » a de bonnes chances de perdurer et de s’accentuer : il est ainsi très probable que l’économie mondiale de 2030 soit dominée par des entreprises dont nous ne connaissons pas encore le nom ou qui n’ont même pas encore été créées. La nouveauté est que ces startups promises à un destin mondial ne sortiront plus uniquement de la Silicon Valley, mais de plus en plus de nouveaux écosystèmes en pleine émergence. Aujourd'hui d'Inde et du Brésil, demain de pays Africains.
L’environnement type des startups au XXIème siècle : plus d’espace, moins de temps…
Une startup est généralement le résultat d’une combinaison de plusieurs facteurs complémentaires : un capital (de plus en plus limité), des cofondateurs talentueux, une technologie innovante (et pas forcément numérique…), baignant dans un environnement porteur.
L’environnement des affaires évolue, et les recettes du passé ne fonctionnent plus pour ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas s’adapter. Au XXème siècle, le principal défi des entreprises était de se développer sur un espace géographique de plus en plus vaste, en étendant la gamme de services sans nuire à la qualité ou à la visibilité de la marque.
Le XXIème est résolument diffèrent. Le défi n’est plus tellement de maitriser l’espace, mais plutôt le temps (qui semble de plus en plus accéléré). La distance d’accès au client a diminué, de nombreuses barrières ont sauté : le contact entre une offre et une demande de service peut désormais être quasi-instantané peu importe la distance géographique, vu le degré de connexion permis par les nouvelles technologies.
Si les consommateurs sont de plus en plus accessibles, le cout d’accès au marché pour les entrepreneurs diminue de façon spectaculaire. Mais cet avantage a aussi une conséquence majeure : la compétition est beaucoup plus rude et peut provenir des acteurs les plus inattendus.
Une concurrence de plus en plus intense
Les secteurs ayant connu d'importantes transformations à traves le digital ne sont plus à présenter: médias, éducation, santé, loisirs, transport, commerce de détail… Certains startups ont entièrement bouleversé des secteurs d'activité et créés de nouvelles possibilités, à l'instar d'Airbnb ou d'Uber. L'innovation n'est donc plus le domaine réservé des grands groupes et des Etats, mais provient de nouveaux acteurs plus jeunes, plus ambitieux, et qui cherchent délibérément à remettre en cause le statu quo en permanence.
Durant des décennies, la plupart des entreprises ont bénéficiés de rentes plus ou moins importantes et plus ou moins durables. Elles évoluaient dans un environnement cloisonné, avec un faible niveau de compétition réelle, une asymétrie d'information par rapport aux clients, et une consommation constamment en hausse.
L'arrivée de nouvelles tendances et de nouveaux acteurs ont brisés ces protections et ont révélé l'obsolescence des pratique établis. Des organisations leaders dans leur secteur pendant des décennies et en situation de quasi-monopole ont en fait les frais, à l'instar de Kodak dans la photographie.
Création plus simple, mais survie plus rude
Il est aujourd'hui beaucoup plus aisé de lancer une entreprise (au delà des difficultés administratives qui persistent…). Grace aux technologies disponibles (parfois en libre accés), aux services offerts par le cloud, à l'exposition assurée par les réseaux sociaux ou aux compétences mobilisables par des free lance, il est possible de lancer son affaire rapidement et avec peu de moyens (notamment en s'appuyant sur le crowdfunding). Et beaucoup de personnes l'ont fait, ce qui augmente constamment la concurrence à travers de nouveaux entrants qui peuvent accéder aux mêmes marchés…
Les flux d'information sont plus fluides, ce qui permet des ajustements en temps réels et une personnalisation des produits. Les moteurs de recherche et les comparateurs de prix permettent de se rapprocher d'une totale transparence sur l'information qui intéresse le client, et de maintenir une tension permanente sur les prix.
Il n'y a donc aucune raison qui empêche structurellement l'émergence en Afrique d'écosystèmes compétitifs à l'échelle mondiale sur le modèle de la Silicon Valley, d'autant plus que l'innovation y progresse parfois plus vite qu'ailleurs. Si nous ne devions d'ailleurs retenir qu'un seul principe qui a fait le succès des startups de la Silicon Valley, ca serait qu'il faut être prêt à évoluer et à adapter son activité en permanence afin de ne pas être dépassé par d'autres. L'innovation n'évolue pas en progression linéaire, mais avance par tâtonnement à des rythmes variables, et souvent par des chemins inattendus..
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Nacim KAID SLIMANE