Après son lancement réussi dans plusieurs pays d’Asie, la plateforme de recrutement Everjobs se lance sur le continent Africain avec l’objectif assumé de devenir « la plateforme de recrutement panafricaine de référence ». Entièrement gratuit pour les candidats, Everjobs entend ainsi révolutionner le marché de l’emploi en apportant plus de transparence dans les recrutements et en assurant une mise en relation directe avec les employeurs.
Nous avons interviewé Eric Lauer, co-fondateur et Directeur Afrique d’Everjobs, qui nous explique comment les innovations apportées par la plateforme peuvent apporter des solutions aux insuffisances du marché de l’emploi en Afrique, notamment la discrimination à l’embauche et la faiblesse du nombre d’emplois formels.
Everjobs a lancé ses activités au Cameroun il y a quelques semaines. Comment se passe votre implantation?
Nous nous sommes lancés au Cameroun avec 200 offres de recruteurs et une base importante de candidats qui croît de plusieurs centaines de CVs par jour. Nous avons reçu un accueil très favorable des différents acteurs du marché, tant du côté des Directeurs des Ressources Humaines que des chercheurs d’emploi et jeunes diplômés que nous sommes allés rencontrer. Nous sentons vraiment que nous répondons à un besoin important des deux côtés du marché de l’emploi.
Pourquoi avoir choisi le Cameroun?
Selon les statistiques officielles, le taux de chômage avoisine les 15%, en constante augmentation depuis cinq ans. Une partie de ce chômage s’explique par un manque de canaux qui permettent à l’offre de travail des entreprises et à la demande de travail des chercheurs d’emploi de se rencontrer. Notre plateforme répond à ce besoin en garantissant le contact direct avec les recruteurs.
De plus, le Cameroun peut se targuer d’une large population qui compte des diplômés d’universités reconnues et de grandes entreprises nationales ou grandes sociétés internationales qui s’implantent de plus en plus sur le territoire. Nous jouons donc pleinement notre rôle en permettant la rencontre de ces acteurs. Aussi, nous constatons une certaine opacité sur le marché du travail camerounais se traduisant par de nombreuses offres non-publiques qui sont en quelque sorte “hors du marché de l’emploi”. Les camerounais n’ont donc pas tous les mêmes chances à l’embauche. Everjobs entend diminuer ces discriminations en mettant les Camerounais sur un pied d’égalité.
Quels sont vos prochains objectifs?
Notre objectif est d’étendre notre présence dans une vingtaine de pays Africains. L’ambition d’Everjobs est de devenir la plateforme de recrutement panafricaine de référence. Nous voulons activement contribuer à apporter plus de transparence dans les recrutements et permettre aux diplômés d’accéder aux meilleurs emplois des grands groupes et des grandes institutions. Du côté des employeurs, nous voulons fournir une solution de qualité qui réponde à leur préoccupation : trouver les talents du continent, en s’appuyant sur la mobilité croissante des candidats.
A quel degré le marché de l’emploi est-il intégré à l’échelle continentale?
L’intégration est très forte selon un axe lié à la langue. Ce que nous constatons aujourd’hui sur le terrain en Afrique francophone c’est que les diplômés qualifiés sont très mobiles entre les pays francophones d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Ainsi, une offre pour un grand groupe international au Cameroun pourra grâce à notre plateforme recueillir les candidatures de professionnels basés au Sénégal ou en Côte d’Ivoire prêts à s’expatrier et disposant des compétences le justifiant. De la même façon en Afrique de l’Est, nous avons constaté une forte intégration, notamment des marchés de l’emploi entre l’Ouganda, le Kenya et la Tanzanie. Notre plateforme favorise la mobilité sur le continent africain.
Quels sont les obstacles auxquels sont confrontés les candidats?
Les candidats font face à des obstacles de natures différentes. Les offres n’étant pas toutes rendues publiques, une certaine opacité règne sur le marché du travail africain. Tous les candidats ne sont pas au courant des mêmes ouvertures de postes, en termes de quantité et de qualité. Ceux qui appartiennent aux bons réseaux ou sont nés dans les bonnes familles sont donc avantagés. De ce fait, la compétition est très forte : de très nombreux candidats se battent pour un nombre très limité d’offres publiques. Enfin, des discriminations à l’embauche existent, qu’elles soient liées à l’ethnie ou au genre. Nous avons constaté une forte disparité entre les pays africains à ce sujet.
Pourquoi les jeunes diplômés éprouvent ils plus de difficultés à trouver un emploi qu’ailleurs dans le monde?
D’un point de vue macro-économique, cela s’explique par une inadéquation très forte entre l’offre et la demande : d’un côté vous avez une offre d’emplois formels de la part des entreprises nationales et internationales en nombre limité et de l’autre côté vous avez des jeunes diplômés des meilleurs universités du pays en très grand nombre. Ce « mismatch » crée une compétition des plus fortes pour les quelques emplois du secteur formel, qui font rêver les jeunes diplômés.
D’un point de vue plus micro-économique, les jeunes africains n’ont pas tous les mêmes chances à l’embauche. Le recrutement par réseau personnel est omniprésent, c’est-à-dire que le capital social au sens de Bourdieu produit de grandes disparités entre candidats. Paradoxalement, cette situation est aussi la conséquence de pressions sur les employeurs. Il n’est pas rare que les Directions des Ressources Humaines refusent de publier leurs offres pour ne pas avoir à gérer les demandes des plus hauts placés de choisir tel ou telle candidat pour le poste.
Everjobs apporte-il des nouveautés par rapport à d’autres plateformes?
Tout d’abord, nous garantissons un lien direct avec les Directeurs des Ressources Humaines des sociétés qui sont sur note site, contrairement à certains sites qui se contentent d’agréger des offres existantes sur d’autres sites d’entreprises. Par ailleurs, nous offrons des outils aux utilisateurs de la plateforme et les conseillons tout au long du processus de recherche d’emploi pour ainsi leur donner les mêmes chances de réussite. Et contrairement à d’autres sites présentant des coûts cachés pour les candidats, nous sommes entièrement gratuits et le resterons toujours !
Comment se fait le matching des profils sur le site?
La mission d’Everjobs est de simplifier la recherche d’emploi et les processus de recrutement en mettant en relation les chercheurs d’emploi et les employeurs en quelques clics. Pour commencer il est important de préciser que notre plateforme est entièrement gratuite pour les candidats. Le processus est très simple : il suffit de créer un compte en quelques minutes puis de postuler aux offres présentes sur notre plateforme www.everjobs.cm.
Ensuite, les directeurs des Ressources Humaines partenaires d’Everjobs reçoivent en temps réel les candidatures et peuvent choisir les candidats qu’ils souhaitent recevoir en entretien en les contactant directement via la plateforme. En créant leur compte, les candidats sont ajoutés à notre base de CVs qui est consultée fréquemment par les directeurs des Ressources Humaines. Nous encourageons donc un maximum de personnes à créer leur profil sur Everjobs, même s’ils sont en poste car cela peut leur ouvrir de nouvelles opportunités.
Everjobs a déjà été lancé en Asie, avec succès. Constatez-vous des différences importantes par rapport à l’environnement Africain?
Everjobs était déjà présent en Asie, notamment au Myanmar depuis un an, avant notre lancement en Afrique puis au Sri Lanka et au Cambodge. La différence la plus notable : l’offre et la demande sont très différents entre l’Afrique et l’Asie. La pression du côté de la demande est beaucoup plus forte en Afrique où nous enregistrons un nombre de visiteurs et une croissance de CVs enregistrés bien supérieure à l’Asie pour des pays de taille comparable, bien que les taux de pénétration d’internet soient encore très supérieurs en Asie.
Du côté de l’offre, le nombre d’emplois formels est bien inférieur en Afrique qu’en Asie pour des pays de taille comparable, avec presqu’un rapport de 1 à 10. Cette remarque rejoint ma précédente remarque sur le nombre limité d’offres d’emplois formels en Afrique et la prédominance du secteur informel.
Quelles leçons en avez-vous tiré pour votre lancement en Afrique?
Nous avons surtout tiré des enseignements d’un point de vue méthodologique, notamment sur les différentes étapes de développement de l’activité en générale. La stratégie mise en place pour chacune des étapes est très différente en Afrique! Par exemple, la façon de nouer des relations professionnelles est très différente en Afrique par rapport à l’Asie. Pour convaincre un Directeur des Ressources Humaines d’utiliser notre plateforme et bâtir une relation de confiance, il faut typiquement plusieurs réunions en Afrique alors que la relation commerciale se construit presque directement au téléphone en Asie. La relation de confiance, plus précisément son ancienneté, est une variable très importante dans la conduite des affaires en Afrique.
Au début, comment avez-vous convaincu des entreprises de vous faire confiance?
Tout d’abord je pense que nous répondons à un besoin profond des entreprises : avoir accès à un pool de talents important et international d’une part, et notamment de talents techniques qui font défaut dans certains secteurs comme la construction ou le secteur pétrolier. Ensuite nous offrons aussi des possibilités très fines et granulaires de trier les candidats ce qui permet au Directeur des Ressources Humaines d’affiner leur sélection, notamment dans des pays où la demande est abondante. Et nous offrons une période d’essai gratuite de 3 mois aux entreprises pour notre lancement !
Quelle place pour les PME sur votre plateforme?
Notre plateforme a l’ambition de devenir la référence panafricaine en matière d’emploi. Nous nous efforçons de couvrir le plus de secteurs possibles et de proposer un maximum d’offres pour répondre aux attentes des entreprises et de chaque profil enregistré sur la plateforme. Dans un premier temps, nous nous sommes focalisés sur les entreprises nationales et internationales de grande taille puis nous offrirons nos services aux PME, qui trouveront un intérêt à notre service pour faciliter et diminuer le coût de leurs recrutements.
Pouvez-vous nous présenter vos équipes sur place?
Nos équipes sont généralement dirigées par un binôme : un Directeur pays national et un expatrié. Nous sommes convaincus que ce mode de fonctionnement est très riche et que ces deux profiles ont énormément de choses à s’apporter. Les équipes sont locales, ce qui contribue sans aucun doute à la réussite d’Everjobs localement. Nous sommes caractérisés par un esprit entrepreneurial fort et une très large place laissée à l’initiative personnelle.
Pourquoi ce projet vous tient il personnellement à cœur?
Je suis un entrepreneur très cosmopolite : né en France, ayant grandi en Chine, j’ai étudié en France puis travaillé à l’international. Je suis depuis un certain nombre d’années passionné par l’Afrique et les questions publiques, ce qui explique en grande partie pourquoi ce projet de portail de recrutement panafricain qu’est Everjobs me tient autant à cœur. L’idée de mettre la technologie au service d’un objectif louable me plaît, tout simplement.
Pourquoi avoir choisi l’Afrique pour vous lancer dans ce projet ?
Tout simplement parce que c’est en Afrique que le besoin est le plus fort. Nous constatons aujourd’hui de nombreux points communs à travers le continent: des économies très dynamiques avec des jeunes africains surdiplômés qui font face à trop peu d’offres d’emplois formels et un manque de passerelles pour leur permettre de se rencontrer. Aujourd’hui, Everjobs a l’ambition de donner de la transparence au marché du travail africain.
Comment voyez-vous Everjobs dans cinq ans?
Dans 5 ans, Everjobs sera la première plateforme panafricaine pour l’emploi et nous serons présents dans la totalité des pays du continent. Nous servirons toutes les entreprises internationales et les institutions internationales présentes sur le continent et nous accompagneront toujours les Directeurs des Ressources Humaines avec le même souci de répondre au plus près à leurs attentes. Notre produit aura également beaucoup évolué: algorithme de « matching » offre – demande très performant et fonctionnalités sociales entre les utilisateurs notamment.
Et votre rôle dans Everjobs dans cinq ans?
Bonne question. Ce qui est sûr c’est que je serai fier d’avoir contribué à construire l’acteur de référence du marché de l’emploi en Afrique, d’avoir donné un emploi ou au moins des opportunités d’emploi à des personnes que ne croyaient pas forcément en avoir. Je suis déjà très heureux de faire partie de l’aventure de la belle PME qu’est appelée à devenir Everjobs.
Quels conseils donneriez-vous à un entrepreneur qui se lance en Afrique?
Je dirais en premier lieu qu’il faut se défaire de ses préjugés occidentaux, pour ceux qui viennent d’Europe. Il faut définitivement apprendre à réaliser des choses dans la durée, sans forcément attendre un résultat immédiat. J’ai connu beaucoup de frustrations à mes débuts. Avec plusieurs mois de recul, les résultats sont là !
Aussi, je suis aussi convaincu de la très grande place du relationnel dans la réussite d’un business en Afrique. J’ai l’impression que 80% du succès d’une démarche commerciale tient aux relations personnelles. La construction de relations fortes et dans la durée est un atout essentiel. Enfin, il faut avoir un esprit aventurier, voir téméraire, assorti de pas mal de débrouillardise!
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je voudrais avoir les coordonnees de ERIC LAEUR afin de l' aider au Sénégal