L'innovation – le mot à la mode peut-être le plus utilisé dans le monde du développement international – se présente de plusieurs façons mais, dans la plupart des cas, il fait référence à une variante d'une nouvelle technologie. Il peut s'agir d'une lanterne alimentée par la puissance solaire, d'un dispositif portable de filtration d'eau ou d'un test de diagnostic en temps réel. Il est cependant rare que l'innovation se concentre sur des systèmes nécessaires à la durabilité et à l'efficacité de ces technologies. Autrement dit, l'innovation porte trop souvent sur le produit et non sur le process
Pour les futurs entrepreneurs sociaux étudiant des sujets tels que la science, la technologie, l'ingénierie et les mathématiques, il est tentant de se concentrer sur l'innovation au sens traditionnel et orienté sur le produit, particulièrement en Afrique. Après tout, dans un continent confronté à des défis sociaux, économiques et environnementaux, des technologies innombrables pourraient avoir un impact immédiat et de grande portée. Par conséquent, pourquoi ne pas mettre ses talents à l'œuvre pour concevoir et développer de nouveaux produits ?
« Parce qu'il est moins important d'avoir une nouvelle technologie qu'une technologie qui fonctionne », affirme Francis Kossi, un entrepreneur social et ingénieur biomédical togolais, qui s'est lancé dans la redéfinition du terme « innovation » en Afrique de l'Ouest. « Ce dont nous avons besoin, ce sont des systèmes de distribution et de réparation des produits dont nous disposons ».
Il se trouve qu'en Afrique, pratiquement 8 dispositifs médicaux sur 10 sont en panne et hors d'usage – la plus grande partie étant des dons ou des appareils d'occasion. Il en résulte que les équipements existants ne sont d'aucune utilité pour les patients auxquels ils sont destinés – non pas en raison de quelque limitation technologique, mais simplement parce qu'il n'y a pas de pièce de rechange ou qu'ils nécessitent un simple réglage qui les rendraient fonctionnels. Comme l'affirme Kossi, « les gens en Afrique ne pensent pas à des choses comme l'entretien, et de nombreuses vies sont perdues à cause de cela ».
Kossi est un type d'entrepreneur rare. Issu d'une grande famille modeste de 10 enfants, à l’extérieur de la ville de Lomé au Togo, il étudie la physique et les maths jusqu'à ce que des envies de théâtre en Europe le démangent. Mais il change de trajectoire après quelques années.
Une opportunité se présente pour étudier en Europe et poursuivre son éducation scientifique et technique, et il laisse expirer son visa – se retrouvant temporairement dans un camp de réfugiés belge.
Un champ d'équipements médicaux en panne au Malawi
Il se fraye toutefois un chemin vers une école d'ingénierie où il est le seul Africain. C'est alors qu'il découvre une nouvelle voie : ramener son acuité technique en Afrique de l'Ouest et transformer les vies au moyen de la technologie – mais non pas dans le sens conventionnel.
Revenant à Lomé, avec un petit conteneur d'outils et de matériels, Kossi démarre Homintec, une entreprise de services en génie biomédical (GBM), avec pour mission l'amélioration des soins de santé dans la région en assurant le fonctionnement continu de l'équipement des hôpitaux. Tout comme les dispositifs médicaux fonctionnels, les entreprises de service GBM sont, en Afrique de l'Ouest, rares et éloignées. La plupart des hôpitaux font part de leurs difficultés à trouver des techniciens biomédicaux ou des ingénieurs d'entretien, ce qui a des conséquences graves sur leur capacité à fournir des services de santé de qualité.
« Nous souhaitons que nos médecins et infirmiers puissent fournir des soins de qualité – afin que les enfants soient traités et que les femmes accouchent en sécurité – mais que peuvent-ils faire lorsqu'une pièce manque sur un appareil et qu'ils ne savent pas qui est le fabricant ? Remarques de Kossi. « Comment peut-on espérer qu'un appareil nous aide à traiter des os cassés si nous ne pouvons pas traiter l'appareil cassé ? »
Ces questions motivant son travail, Kossi déménage Homintec au Bénin voisin en 2013, où l'économie est plus stable mais où les cimetières d'équipements médicaux hors d'usage s'accumulent dans les salles des hôpitaux et les espaces aux alentours. C'est devant ce décor qu'Homintec commence à progresser, autant sur le plan commercial que sur le plan social. En l'espace de quelques années seulement, la société passe de cinq à trente employés, et signe des contrats avec des dizaines d'hôpitaux en Afrique de l'Ouest, la plupart d'entre eux desservant les communautés les plus vulnérables de la région. Les intervenants en matière de santé commencent rapidement à s'appuyer sur Homintec pour son support d'équipements, avec ses techniciens devenus des experts fiables dans la technologie allant des machines d'anesthésie aux équipements de diagnostic et aux appareils de radiologie.
Kossi posant dans une salle d’opération à Cotonou, Bénin
Homintec est désormais une société multinationale, bien établie dans le processus d'ouverture d'une école de formations spécialisées en GBM, travail du bois, mécanique, électromécanique, ingénierie et automatisation, et apportant son réseau, son expertise et sa vision à l'avènement de la nouvelle génération d'ingénieurs biomédicaux en Afrique de l'Ouest. Kossi croit que « Peu de choses contribuent plus au développement social et économique qu'une population que des professionnels hautement qualifiés, particulièrement dans une spécialité telle que le GBM ». « Et nous avons un rôle important à jouer dans cet effort ».
Pour un entrepreneur social comme Francis Kossi, la technologie est toujours reine, mais l'innovation réside dans les petites choses de l'écosystème qui entourent cette technologie. En créant une équipe de techniciens d'entretien des équipements médicaux, Homintec garantit le fonctionnement fiable de ces équipements, de façon à ce que les docteurs et infirmiers puissent se concentrer sur les soins de santé et maintenir leurs patients en bonne santé, au lieu de se soucier des machines en pannes qu'ils ne savent pas réparer. Le résultat est une nouvelle approche avec pour objectif d'assurer le fonctionnement correct des équipements médicaux et, dans ce cas, une nouvelle définition de « l'innovation ».
Par Adam Lewis, Gradian Health Systems®
Gradian Health Systems est une société d'appareils médicaux à but non lucratif qui équipe les hôpitaux à ressources limitées pour l'administration d'une chirurgie sûre. Gradian fournit l'équipement approprié, la formation clinique et technique et un service continu à la clientèle afin de garantir que les hôpitaux des pays en développement puissent dispenser des soins chirurgicaux et anesthésiques de haute qualité. La technologie centrale de la société, la Machine d'Anesthésie Universelle (UAM), est un poste de travail d'anesthésie marqué CE, conçu pour fonctionner sans électricité ni oxygène, et permettant aux utilisateurs de l'utiliser en toute confiance quel que soit leur environnement.
Malkin R, Perry L. Efficacité des dons d'équipements médicaux pour améliorer les systèmes de santé : combien d'équipements médicaux sont en panne dans le monde en développement ? Medical & Biological Engineering & Computing, 2011, Volume 49, Édition 7, pages 719 à 722.
Cordero I. Dons de dispositifs médicaux : considérations sur les sollicitations et l'approvisionnement. Organisation mondiale de la santé : Genève, 2011. [accès au site ici (en anglais) : http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/44568/1/9789241501408_eng.pdf]
Mullally, S. Efficacité de l’ingénierie clinique dans les hôpitaux des pays en voie de développement. Carleton University: Ottawa, 2008. [accès au site ici (en anglais) :https://curve.carleton.ca/system/files/etd/51fd9e39-238e-4060-81b7-1c85d95617b2/etd_pdf/04d6de4ce03a151f3351c5e4f7a4ec51/mullally-clinicalengineeringeffectivenessindeveloping.pdf]
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Francis Kossi un exemple à suivre . courage