Panafricanisme et intégration africaine : Un état des Lieux

Puls de  60 ans après les indépendances, le panafricanisme rêvé par les pères fondateurs du jeune continent, tarde à devenir une réalité. Pourtant, lorsqu’en 2002 l’Union Africaine (UA) succède à l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), les états membres voyaient en la nouvelle organisation l’incarnation d’une intégration régionale aboutie.

Cette gouvernance, bien que remaniée, continue de  faire face à des écueils majeurs qui freinent son efficacité et sa force opérationnelle.  A l’instar de tout ce que l’Afrique compte comme instances continentales et sous régionales (CEDEAO, UEMOA, CEMAC etc.), l’UA est mal outillée et trop procédurière pour faire face aux défis politiques, socioéconomiques et sécuritaires auxquels le continent africain est confronté.  Le manque de volonté politique, l’absence de moyens financiers des états membres et le peu de clarté dans le mandat octroyé aux institutions régionales et sous régionales, sont autant de contraintes qui ralentissent le processus d’intégration continentale.

L’Union Africaine : deux visions du panafricanisme qui s’affrontent

L’UA vit en réalité une dualité entre le panafricanisme politique, dont les partisans rêvent de constituer les Etats Unis d’Afrique sur le modèle des Etats Unis d’Amérique (USA) et une vision beaucoup plus réaliste qui vise la mise en place d’un modèle d’unité continentale reposant sur les organisations sous régionales et les spécificités nationales.

Au final, c’est l’unité continentale qui en sort perdante.  Bien que l’Union Africaine professe vouloir développer des politiques communes dans les domaines de la sécurité, de l’énergie et de la paix et se pose en champion de l’intégration économique, le mandat conféré à ses organes reste bien trop théorique pour avoir un réel impact.

La mise en place d’une union de 55 pays requiert des prérogatives clairement définies pour chaque instance et à ce jour, les politiques ne sont pas systématiquement harmonisées entre l’union africaine et les communautés économiques régionales et le parlement panafricain n’est doté que d’un rôle consultatif.

Intégration régionale : raisons d’un échec

L’échec apparent de l’intégration régionale s’explique principalement par le manque de  volonté politique des chefs d’états africains de prendre des décisions communes face aux nombreux maux qui frappent aujourd’hui le continent tels que le retour des crises politiques (Togo, Guinée, Zimbabwe, etc.) , le recul de la démocratie, les mauvaises performances économiques et la recrudescence des actes terroristes dans certaines parties du continent qui très souvent nécessitent des réponses transnationales.

La force du G5 Sahel constituée pour lutter contre les djihadistes qui sévissent dans la zone sahéelienne, en est l’exemple parfait. Des puissances économiques et militaires régionales telles que le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou encore le Nigéria, qui à terme peuvent à leur tour être menacés se font remarquer par leur absence du théâtre des opérations, préférant laisser aux forces onusiennes (MINUSMA) et Françaises (Barkhane) le soin d’accompagner leurs voisins.

On retrouve ce manque d’enthousiasme dans d’autres secteurs et dans d’autres régions du continent où les états concernés gagneraient à développer des politiques communes.

Ceci s’explique également par l’absence de pays moteurs, à l’instar du couple Franco-Allemand sans lequel aucune intégration supplémentaire de l’UE n’est possible. En Afrique, on voit que les pays susceptibles d’assumer ce rôle de « leader » tels que le Nigéria ou l’Afrique du Sud ont des problèmes majeurs de sécurité, de gouvernance et de crédibilité des institutions ce qui explique leur manque d’appétit pour porter le processus d’intégration Africaine.

Le manque de financement des états membres constitue également un réel frein pour une suprématie politique de l’UA. Jusqu’en 2017, 70% du budget de l’UA était financé par l’UE, les Etats Unis et la Chine.  Même si en 2018, cette part de financements extérieurs a été réduite à 58%, il en demeure néanmoins que les 55 états membres de l’UA devront faire plus pour donner à l’institution les moyens de leurs ambitions.

Réformes de l’UA : vers un nouveau modèle de gouvernance institutionnelle ?

Le Président Rwandais, Paul Kagamé, a dessiné une réforme de l’UA qui préconise l’autofinancement(basée notamment sur une taxe sur les importations africaines) afin d’accroitre l’indépendance de l’institution et une gouvernance institutionnelle qui reposerait sur une répartition plus équitable des responsabilités.

A ces réformes vient s’ajouter la création récente de la Zone de Libre Echange Continentale (ZLEC) qui devrait à terme assurer la libre circulation des biens et des personnes sur le territoire africain.

Ces actes posés illustrent bien la prise de conscience des Africains que le panafricanisme, qu’il soit politique ou autre, ne deviendra une réalité qu’une fois que les prises de décisions au sein de l’UA seront mieux harmonisées, indépendantes financièrement des bailleurs étrangers et que l’intégration africaine tiendra compte des spécificités régionales et nationales.

Les réformes Kagamé sont un début intéressant particulièrement en matière de financement et de mandat des institutions, mais une intégration africaine effective aura besoin de plus de réformes et surtout de la volonté politique des états membres.

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