Intangibilité des frontières en Afrique et panafricanisme : Une équation quasi-irréductible ?

La règle de l’intangibilité des frontières est un principe de droit international très important dans la définition actuelle des frontières des Etats africains. C’est le principe par  lequel des États nouvellement indépendants conservent leurs possessions pour l’avenir, indépendamment des conditions de traités antérieurs. Cette règle, issue du droit romain, encore appelé uti possidetis juris était largement appliquée pour la définition des frontières américaines et est intervenue au lendemain des indépendances des Etats africains pour fixer l’établissement des frontières. Sa version africaine est l’intangibilité des frontières. Elle ne s’est toutefois pas seulement appliquée à l’Afrique des indépendances. Elle s’était aussi appliquée en Asie lors du retrait des puissances coloniales européennes.

En ce qui concerne l’Afrique, ce principe a trouvé son droit de cité à l’issue du sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine (actuelle Union Africaine) qui s’est tenue au Caire en juillet 1964. Il a trouvé naissance dans la résolution A.H.G./16-1 du 21 juillet 1964 qui proclamait « que tous les Etats membres (de l’OUA) s’engagent à respecter les frontières existant au moment où ils ont accédé à l’indépendance ». Cette résolution mettait fin à toute question relative aux revendications territoriales qui pouvaient surgir à la fin de l’ère coloniale. Guidée par des motivations pacifiques, la survenance de ce principe n’a toutefois pas empêché des lancées belliqueuses variées sur la question du territoire. Et des affaires africaines portées devant la Cour internationale de Justice, celles portant sur les revendications territoriales sont les plus nombreuses. On est donc en droit de se demander si la règle de l’Uti possidetis a tenu ses promesses.

Une règle établie au prix du compromis

Le droit international africain, dès sa genèse a toujours attaché un prix fort à l’intégration africaine, manifestée par la théorie du panafricanisme. Cette aspiration était portée par une poignée de leaders postindépendances à l’instar de Kwame Nkrumah. L’idée était de faire de l’Organisation de l’Unité Africaine un gouvernement central (même si cette idée ne fut pas retenue par la Charte). Les nouveaux chefs d’Etats pro-fédéralistes trouvèrent toutefois leur compensation dans l’affirmation par la charte de l’Organisation de l’Unité africaine de l’intégration africaine. L’élaboration de la Charte de l’OUA a été le carrefour de deux grandes théories divergentes. Les partisans du fédéralisme s’opposaient aux partisans d’une « Afrique des Etats ». Les partisans de la première thèse,  les « révolutionnaires » du groupe de Casablanca, plaident avec le Guinéen Sékou Touré et le Ghanéen Kwame Nkrumah pour la création d’un État fédéral africain doté d’un gouvernement, d’un budget et d’une armée, alors que les partisans de la seconde thèse, les « réformistes » du groupe de Monrovia, de l’Ivoirien Houphouët et du Malgache Tsiranana prêtent la main à Senghor pour maintenir le cap sur une Afrique des patries coopérant avec ses anciens colonisateurs.

L’opposition entre les sectateurs du panafricanisme et de l’unité aux sectateurs du micro nationalisme et de la souveraineté nationale, héritée du congrès de Berlin, va monter progressivement en intensité pour finalement donner naissance à une organisation politique africaine matérialisée par l’OUA.

La règle de l’Uti possidetis, un principe bien établi

Si le principe de l’intangibilité des frontières fut retenue, c’est qu’elle fut bien le fruit d’un compromis entre les nouveaux Etats souverains. Par ce principe, naquit en Afrique des Nations dont la qualité n’est pas redevable de l’homogénéité linguistique ni culturelle mais de l’appartenance au même territoire régi par une même structure politique. Cela a contribué à geler un certain nombre de problèmes liés aux territoires qui s’étaient fait jour dès la veille de l’indépendance, notamment le problème de l’Eweland au Togo.  En réalité, c’était un problème qui en cachait un autre, le premier était celui de l’émergence d’une nation éwé, qui faisait écran à celle du rattachement du Togo britannique au Togo sous tutelle française. L’indépendance des nations frontalières, des tractations à l’échelle internationale et une consultation populaire ont fini par rattacher définitivement le territoire du Togo sous tutelle britannique au Ghana, solution confirmée par l’Uti possidetis. A ce jour, la frontière Togo-Ghana est considérée avec nostalgie par ce peuple séparé.

La règle de l’int angibilité des frontières, les pieds d’argile de l’Union Africaine

Les problèmes frontaliers qui ont été traités par la Cour Internationale de Justice sont nombreux, donnant à l’Afrique le record du continent du plus grand nombre de contentieux. On peut citer de façon non-exhaustive le différend entre le Tchad et la Libye à propos de la bande d’Aouzou (décision CIJ 03 janvier 1994), le différend entre le Mali et le Burkina Faso  avec un verdict de la CIJ accepté par les parties datant du 26 décembre 1986 et attribuant les « quatre villages » au Mali et la zone d’Agacher au Burkina Faso.

La jeune Organisation de l’Unité Africaine a été tôt confrontée à des oppositions internes. Les lignes de fracture ne manquaient pas. La première était historique et séparait les Arabes blancs des noirs. La deuxième était un résidu de la colonisation et opposait les francophones aux anglophones. La troisième opposait les souverainistes aux fédéralistes.

Mais l’opposition qui a porté un premier coup à l’institution est le désaccord du royaume marocain quant à la reconnaissance de l’Etat mauritanien puis de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD). Le problème du Sahara Occidental tire sa source du fait que le Maroc considère ce territoire comme faisant partie intégrante de ses Provinces du Sud. Ce territoire est le support de l’Etat Sahraoui autoproclamé. Ces oppositions se sont vu décupler par la reconnaissance par l’OUA de la République Arabe Sahraouie, Etat autoproclamé par le Front Polisario et ont abouti à la sortie fracassante du Maroc de l’OUA le 12 novembre 1984. Le problème du Sahara occidental perdure jusqu’à ce jour, faute d’entente entre les parties et malgré la décision de la Cour Internationale de justice. Cela met en cause la capacité du droit international à faire face aux problèmes suscités par la mise en œuvre de la règle de l’Uti possidetis.

Même si le Maroc est retourné l’Union africaine et qu’il accepte de siéger avec ce qu’il doit considérer de mauvaise grâce comme ses pairs (la RASD compris), le différend perdure jusqu’à ce jour. Sur ce différend, deux courants s’affrontent toujours, les Etats  qui reconnaissent la RASD et ceux qui ne la reconnaissent pas.

Une Afrique toujours secouée par les conséquences de la règle de l’Uti possidetis : un echec du droit international ?

Si le principe de l’intangibilité des frontières est bien établi et sa mise en œuvre sans cesse peaufiné par l’Union Africaine, les remises en cause ne manquent pas.

L’Organisation de l’Unité Africaine puis l’Union africaine ont été confrontés à la résolution de crises dont les portées sont territoriales. Et jusqu’à ce jour, certains d’entre eux durent toujours et consacrent l’inefficacité du droit international. Le Nord-Mali est déchiré par des conflits aux teintes terroristes et aux allures sécessionnistes. Récemment, des voix discordantes se sont fait entendre depuis le Cameroun sur fond de revendication d’indépendance d’une communauté linguistique.

Le Soudan reste menacé par les mouvements centrifuges de la rébellion du Darfour sur son front ouest. Les espaces sahéliens échappent aux contrôles des Etats centraux. Une bande de terre entre le Niger et le Nigeria n’a plus de réalité en tant que frontière. La frontière entre l’Erythrée et Djibouti reste un sujet sensible dans la région de Ras Doumeira. Celle entre l’Erythrée et l’Ethiopie est restée longtemps délicate jusqu’à la récente résolution du Conseil de Sécurité du 14 novembre 2018. La Casamance connaît des violences sur fond d’aspirations indépendantistes. Le problème malien qui mobilise l’attention des Nations Unies et du G5 Sahel n’est pas à négliger.

Dès 2017, les relations entre l’Egypte et le Soudan se sont à nouveau tendues à propos du triangle de Halayeb, zone autrefois cogérée mais militairement occupée et développée par l’Egypte depuis que le Soudan a accordé des droits d’exploitation de pétrole à une compagnie canadienne. Ce territoire revendiqué par les deux parties a été défini  en tant que frontière par le condominium anglo-égyptien en 1899 (ce à quoi l’Egypte souhaiterait s’en tenir) mais une décision des Britanniques datant de 1902 définissait une nouvelle frontière administrative (ce dont les Soudanais se prévalent). Enfin, jusqu’à ce jour l’énigme du Sahara occidental reste entier (malgré l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur le Sahara occidental), tant pour les protagonistes que pour les internationalistes.

Problèmes territoriaux, suites sur l’économie et la géopolitique africaine

Si la question des frontières reste une grande équation dont l’Union africaine doit s’atteler à la résolution, sa portée ne doit pas être négligée, en raison des défis importants. Il est bien constant que les conséquences ne peuvent qu’être importantes, à l’échelle des Etats membres de l’Union Africaine. L’enjeu est donc économique, juridique et même politique.

Les problèmes de définition et de redéfinition des frontières entraînent bien souvent des gelées préjudiciables aux échanges économiques inter frontaliers. Les revendications territoriales et les aspirations sécessionnistes entrainent bien souvent des incertitudes et des relents d’insécurité, non propices aux échanges économiques inter frontaliers. Les violences nées de mouvements d’aspiration sécessionnistes entraînent de nombreuses pertes humaines et matérielles, qui ne contribuent pas au rayonnement économique. Les problèmes frontaliers favorisent parfois des insécurités, bien propices au développement d’activités illicites, aux trafics prohibés et au terrorisme.

Les incidences politiques et géopolitiques des revendications territoriales ne sont pas à négliger. La question du Sahara occidental entraîne nécessairement l’apparition de deux courants. Le premier courant est celui qui reconnaît l’Etat sahraoui et le second courant préférant s’accorder avec la voix marocaine. Depuis le retour du Maroc dans l’institution panafricaine, la question se pose avec une toute nouvelle acuité. Quelle sera la qualité des relations du Maroc avec les Etats qui n’épousent pas ses vues ? La réponse ne sera pas difficile à trouver. Cela ramène encore à la question économique. Sur la question du Sahara occidental, l’Algérie et le Maroc se boudent depuis 1994. Les frontières sont fermées. Alors que les échanges de ces deux pays avec leurs voisins et l’Europe sont importants, leurs échanges commerciaux inter frontaliers sont pratiquement minuscules. Par la fermeture de la frontière, les acteurs économiques marocains et algériens perdent tout simplement les opportunités de commerce et d’investissement. En outre, ces désaccords creusent une tombe de plus en plus profonde pour l’Union du Maghreb arabe (UMA) qui est dans un état végétatif.

L’arlésienne d’une Afrique aux problèmes frontaliers résolus

Le problème des frontières en Afrique trouvait ses justifications dans l’accusation portée aux conférenciers de Berlin de n’avoir pas tenu compte des Nations et ethnies dans le tracé des frontières. Même si certains auteurs, tels que Catherine Coquery-Vidrovitch pensent que « Les fonctionnaires coloniaux n’étaient pas des imbéciles » et qu’ils auraient, «dans la mesure du possible (c’est-à-dire en fonction des ambitions des concurrences européennes), tenu compte des espaces politiques antérieurs », il a bien été évident que ces définitions de frontières n’étaient pas parfaites. L’intangibilité des frontières, même si elle était la solution la plus simple à mettre en œuvre, n’a pas empêché aux revendications de se produire, ni aux violences de se perpétrer.

La justification majeure des tendances sécessionnistes reste liée aux allégations de mauvaise gouvernance, de pauvreté et de marginalisation d’une région d’un pays. C’est le soubassement des conflits internes observés au Nord-Mali, au Cameroun anglophone, en Casamance. L’autre source de dissensions est liée à la religion, telle qu’on a pu le constater dans les événements qui ont conduit à la naissance du Sud-Soudan.

Les problèmes territoriaux ont des dimensions diverses et la communauté africaine des Etats s’emploie avec force solutions à en venir à bout. C’est par exemple le cas du le programme de frontières de l’Union africaine. Toutefois, même si ce programme de l’Union africaine est un grand effort afin de favoriser la sécurité, la stabilité, le développement et la coopération, le problème ne sera résolu qu’avec le consensus des parties prenantes, les problèmes du continent étant aussi particuliers les uns que les autres.

L’autre option pour une Afrique stabilisée où toutes les entités territoriales se sentent bien malgré les frontières dans lesquelles elles sont entourées est la bonne gouvernance et la culture du vivre-ensemble. L’inclusion est le défi d’une Afrique sans revendications identitaires. Les Etats africains devraient travailler à la réalisation de véritables nations qui font ne sont pas fragilisées par les différences ethniques, religieuses, linguistiques ou culturelles, mais qui s’en enrichissent.

Faut-il se plaindre pour autant ?

Les actes de la Conférence de Berlin ont été happés par le principe de la loi postérieure du fait de l’adoption de la résolution de l’Organisation de l’Unité Africaine instituant l’intangibilité des frontières. La tentation d’un retour au statu quo ante n’est qu’un mirage. Les problèmes de frontières, malgré toutes les approches, gardent leurs proportions. Si le panafricanisme est un idéal, il tend à se réaliser autrement que par la mise en commun des territoires. Il se réalise par la tentative réussie d’une Union Africaine mais aussi par la réussite relative des communautés économiques régionales africaines. Les gestions des Etats laissant encore à désirer dans les micro-Etats, qu’adviendrait-il si cette gestion devait s’étendre à une Afrique fédéralisée ? L’Afrique fédérale des rêves de Kwame Nkrumah ne reste toujours qu’un rêve. Cette fédération ne peut se réaliser en supprimant les frontières. L’Afrique n’est pas encore prête pour cela.

Le développement global de l’Afrique doit nécessairement passer par la résolution des équations frontalières réputées insolvables. Les différences sanctionnées par les frontières sont une opportunité de développement sur laquelle on peut encore parier.

G5 Sahel : l’espoir est-il encore permis ?

Le G5 sahel a été lancé en grande pompe et son avènement était porteur d’espoir. Il donnait tous les signes évidents d’une bonne solution africaine pour venir à bout du terrorisme dans le sahel. Cependant à ce jour, cette lueur semble vacillante. Les regards sont tournés vers les puissances occidentales pour réveiller cette force qui se targuait d’être une initiative africaine. Le dernier Sommet de l’Union africaine s’en est en fait une préoccupation. Etait-il possible d’envisager déjà dès sa naissance que cette force se heurterait au mur ? Le G5 Sahel peut-il honorer les espoirs ? Faut-il envisager les choses autrement ?

Le G5 Sahel aux origines

Le G5 Sahel ou « G5S » est un cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération régionale en matière de politiques de développement et de sécurité. Il a été créé lors d’un sommet du 15 au 17 février 2014 par cinq États du Sahel à savoir le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad.  Ces 5 Etats s’étaient mis en commun pour venir à bout de la menace terroriste commune. En effet, la région du Sahel est souvent aux prises avec des forces terroristes telles qu’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique), MUJAO (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest), Al Mourabitoune, l’Etat islamique dans le Grand Sahara, Ansar Dine, Boko Haram.

Il  trouve donc sa justification dans la volonté des chefs de ses Etats membres d’éradiquer la menace terroriste et amorcer une marche commune vers le développement, persuadés que les questions du développement économique et de la sécurité étaient interdépendantes. Toutefois, le G5 Sahel est-elle la seule et la première organisation régionale à se pencher sur la question ?

Multiplicité des organisations régionales sur la question du terrorisme

Le G5 Sahel n’est pas la première organisation à lutter contre la menace terroriste en Afrique. Chacun de ses Etats membres fait partie d’au moins une organisation régionale travaillant sur les mêmes thématiques que le G5 Sahel.

Ainsi, sur le plan de développement (et de l’intégration économique), on peut énumérer l’UEMOA et la CEDEAO en Afrique de l’Ouest, la CEMAC pour l’Afrique centrale et l’UMA pour l’Afrique maghrébine. Il faut toutefois rappeler que l’Union du Maghreb Arabe dont est membre la Mauritanie avec les autres pays du Maghreb arabe n’existe aujourd’hui que de nom en raison de ses difficultés à décoller réellement. Cela plante déjà le décor de l’efficacité relative de l’UMA et de sa capacité à faire face à la menace terroriste.

Sur la question de la lutte contre le terrorisme (et par là-même du blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme), les Etats du G5 Sahel appartiennent encore à d’autres organisations. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger sont membres du GIABA ou Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent (et le financement du terrorisme) en Afrique de l’Ouest qui regroupe 16 pays d’Afrique de l’Ouest, par ailleurs membres de la CEDEAO, la Mauritanie est membre de l’organisation GAFIMOA / MENAFATF avec les pays du Maghreb et du monde arabe et le Tchad est membre du GABAC, une organisation dépendant de la CEMAC et créée en 2000.

Fortes ambitions et faibles moyens

Parmi les principaux objectifs du G5 Sahel, il y a entre autres, la création d’une force d’intervention commune, la création d’une école de guerre en Mauritanie, le lancement d’une compagnie aérienne, la construction d’une voie ferroviaire reliant les cinq pays et la suppression des visas entre les pays de la région. Seulement, faire face à la menace terroriste n’est pas sans susciter des difficultés d’ordres financiers et logistiques. La forte ambition économique du G5 Sahel a donc été freinée par les difficultés à réunir les fonds nécessaires à la réalisation des projets, d’où la nécessité de se tourner vers l’extérieur. Le coût de fonctionnement du G5 Sahel pour est estimé à environ 350 millions d’euros par an. Celui-ci a été au niveau des promesses, plus que rempli, puisqu’il y a eu plus de 400 millions d’euros de financements promis. La force ambitionne compter un effectif de 5000 hommes et la moitié n’est pas encore atteinte. La force conjointe souhaite être pleinement opérationnelle au printemps 2018 pour appuyer les 4 000 hommes de l’opération Barkhane et les 12 000 soldats de la MINUSMA (Mission onusienne au Mali). A ce jour, sur les 480 millions d’euros nécessaires, 414 millions sont disponibles.

La campagne pour le financement de la force a abouti à l’appui, de l’Union européenne (UE), les États-Unis, de l’Arabie saoudite et de quelques pays du Golfe. Cependant, cette aide, ne pourra permettre au G5 Sahel d’être opérationnel que lorsqu’elle sera réellement versée. En outre, le problème se pose au niveau des effectifs. Les militaires formés et affectés au G5 Sahel sont déjà en service soit au MINUSMA, soit dans leur armée d’origine, ce qui suppose la constitution d’effectifs de remplacements. Un défi humain en perspective pour chacun des Etats membres. La France quant à elle soutient sans réserve le G5 Sahel et encourage à une prise en main africaine de la question du terrorisme sur le continent, ce qui permettra à terme à un retrait de l’Opération Barkhane.

Réactivité et ingéniosité des groupes terroristes

Les groupes terroristes ne semblent pas manquer de réactivité. En effet, les cinq groupes terroristes en activité dans le Sahel ont créé ensemble une nouvelle entité « Jamaât Nosrat Al-Islam Wal Mouslimine » (groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, principale alliance djihadiste du Sahel, liée à Al-Qaïda). Et alors que le Sommet de l’Union Africaine prenait ses marques à Nouakchott, un attentat suicide a été perpétré vendredi 29 juin 2018 contre le quartier général de la force du G5 Sahel au Mali. L’attentat a été revendiqué par le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans. Dans le même sillage, des militaires  français de l’opération Barkhane ont été victimes d’un attentat à la voiture piégée le dimanche 1er juillet.  Cela repose avec une toute nouvelle acuité la question de la sécurité dans la région du Sahel et appelle à la mobilisation de moyens nécessaires.

La menace terroriste au Sahel, un frein au développement

La menace terroriste dans le Sahel se fait de plus en plus lourde et les groupes terroristes semblent être de plus en plus organisés. L’effort entrepris pour la lutte contre ce fléau détourne sans doute des priorités en matière de développement. Le terrorisme a transformé la configuration internationale d’autant qu’elle laisse encore le droit international tétanisé et pantois. A ce fléau, de solutions nouvelles devraient être proposées. La question du terrorisme au Sahel ne manque pas certainement d’avoir des ramifications avec des questions d’ordre économiques et politiques relatifs avec l’immigration aux portes de l’Europe, le chômage. Les Etats membres du G5 Sahel, n’étant pas des Etats économiquement avancés, la lutte contre le terrorisme pourrait faire dépenser une précieuse énergie utile au développement.

 Perspectives incertaines

La question du G5 Sahel était à l’ordre du jour des discussions prévues pour le 31 Sommet de Nouakchott (du 1er au 2 juillet 2018) et le président français était attendu pour redynamiser cette alliance militaire. En réalité, la France qui conduit dans la région l’opération Barkhane, voit dans la force du G5 Sahel un possible modèle de prise en main par les Etats africains de leur propre sécurité. Seulement la question du financement pérenne reste une équation difficile à résoudre  et ce en raison du véto américain au financement par les Nations Unies de la force anti djihadiste. Si le Conseil de Sécurité avait pu réussir à placer l’activité du G5 Sahel sous le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, cela aurait résolu durablement la question du financement.

En revanche, le G5 Sahel pourrait s’inspirer du modèle de la Force d’intervention conjointe multinationale (MNJTF), qui lutte contre Boko Haram dans le bassin du lac Tchad. La forte collaboration de ces Etats membres et la mobilisation des moyens conséquents ont permis d’avoir des réduire la capacité de nuisance de la secte et la confiner dans ses retranchements.

Si la question se pose autrement pour le G5 Sahel avec des enjeux qui affectent nécessairement les pays occidentaux, il semble tout de même contre-indiqué, au vu des récents développements d’envisager la prise en main totale du G5 Sahel par ses initiateurs.

Voir au-delà de l’aspect militaire

En sept mois, la force a mené deux opérations dans la zone des trois frontières entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger où sévissent notamment le groupe de soutien à l’islam et aux musulmans et l’organisation Etat islamique au Grand Sahara (EIGS). Les accusations de violations des droits de l’homme perpétrés par les militaires du G5 Sahel lors de l’Opération Hawbi amènent aussi à s’interroger sur la confiance qu’il peut susciter au plan international et même auprès des populations locales.  Il a été rapporté que des violations des droits de l’Homme ont été perpétrées. Ne serait-il pas temps de repenser la stratégie afin de ménager les populations locales? Ne faudrait-il pas voir au- delà de l’aspect militaire pour éduquer les populations civiles qui sont parfois victimes de bavures afin d’éviter qu’elles se radicalisent et ne rejoignent les rangs des terroristes ? La lutte contre le terrorisme ne doit pas être perçue par les autochtones comme une lutte dirigée contre leurs religion ou groupes ethniques. Aussi la réponse militaire doit être respectueuse du Droit international et minimiser les risques pour les civils.