Le 9 septembre dernier, dans une de ses dépêches, l’Agence de presse sénégalaise (APS) nous informait de la tenue mi septembre à La Havane, d’une rencontre des cinéastes d’Afrique, de la Caraïbe, et de leurs diasporas. L’article de l’APS précise que l’objectif de la rencontre est de “matérialiser des mécanismes fonctionnels de coopération qui enrichissent les cinématographies des deux régions.” De cette rencontre, est attendue la naissance de réseaux qui pourront contribuer à “développer des plateformes subrégionales dans la même ligne et en coordination avec les réseaux se trouvant en Amérique latine et aux Caraïbes.”
C’est effectivement l’heure des réseaux, et de la mise en commun des potentialités de chaque région du monde. La Caraïbe et l’Afrique ont une histoire commune qu’on n’a pas encore totalement déchiffrée. Elle mérite d’être enseignée aux jeunes générations qui prendront la relève pour la gestion de nos pays, dans les dix ou vingt ans à venir. Se rencontrer à La Havane à Cuba, est certainement le début d’une série de productions cinématographiques qui éclaireront davantage les Africains et les Caribéens sur leur passé, mais également leur présent, et leur avenir commun. Les cinéastes devraient saisir cette occasion pour montrer au monde la richesse de nos cultures, de notre histoire, et les avancées quotidiennes dans nos pays. Point besoin d’attendre que ce soient les cinéastes d’autres continents qui le fassent à notre place.
En dehors de cette synergie qui commence à naître entre les cinéastes africains, et ceux des Caraïbes, les cinéastes africains devraient démarrer aussi la réflexion à l’interne, pour aboutir à la longue à des coproductions. Par exemple, des réalisateurs Burkinabé peuvent se mettre ensemble avec leurs collègues du Bénin, du Mali, du Gabon, du Togo, ou du Sénégal, pour faire des films sur des thèmes pouvant intéresser leurs différents publics. De telles initiatives réduiraient non seulement les coûts de production, mais donneraient également plus de visibilité à nos différentes cinématographies, et augmenteraient la qualité des films.
Cela leur permettrait aussi une circulation plus facile à travers le monde, et certainement une meilleure réception par le public. A défaut de faire des films ensemble, la coproduction peut prendre d’autres formes. Comme l’a fait Sembène Ousmane avec son dernier film Moolaadé, la post-production peut se faire dans des pays disposant d’une technologie de pointe, comme le Maroc ou l’Afrique du Sud. Des acteurs venant de plusieurs pays d’Afrique, peuvent jouer dans un même film. Des exemples de ce genre existent, mais l’heure est venue de renforcer cette vision des choses.
Le président sénégalais, Abdoulaye Wade, a annoncé lors de la troisième édition du Festival mondial des arts nègres (Fesman), en décembre dernier, qu’il allait créer à Dakar, un grand centre de production et de postproduction des films. La mise en place d’une telle structure, ne pourrait que faciliter la collaboration tant souhaitée entre les cinéastes africains. Il revient à ces derniers de se rencontrer le plus souvent pour asseoir les bases de cette collaboration nécessaire à la bonne marche et à la viabilité du cinéma africain, mais la responsabilité des autorités est également importante. Il faudra qu’elles interviennent en aval, pour accompagner cet élan de solidarité. Accompagner cela, voudrait dire accorder les moyens nécessaires à la production cinématographique dans nos pays respectifs.
Cela voudrait également dire que les autorités doivent veiller à ce qu’il y ait des infrastructures nécessaires, les textes juridiques adéquats, pour que la collaboration naissante entre les cinéastes africains, soit pérenne. Le cinéma est capable de renforcer les liens entre les citoyens, il est à même de changer positivement l’image d’un pays, il est également source d’emplois pour les jeunes qui s’intéressent de plus en plus aux métiers de l’audiovisuel. Le cinéma aux Etats-Unis et en France, pour ne citer que ces deux exemples, a montré qu’il peut contribuer au développement d’un pays.
La rencontre des cinéastes africains et caribéens à La Havane, est le signe annonciateur d’une prise de conscience, dont le résultat sera à n’en pas douter utile au continent africain. Les cinéastes africains veulent faire de bons films, individuellement ou avec la collaboration de leurs collègues. Malheureusement, les moyens manquent le plus souvent, alors que nos pays ont beaucoup d’argent. Les dirigeants africains doivent savoir qu’en soutenant la production et la coproduction en Afrique, ils résolvent une partie du chômage, et participent à la valorisation de nos cultures, à un moment où la diversité est célébrée à travers le monde.
Anoumou Amekudji
Article initiallement paru dans Cinéafrique
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