Congo River. Beyond Darkness.
Film documentaire franco-belge de Thierry Michel sorti en 2006.
Produit par les Films d’Ici et les Films de la Passerelle En donnant à son film documentaire, le sous-titre de « Beyond Darkness », Thierry Michel donne une réponse pleine d’échos au « Heart of Darkness » de Joseph Conrad paru en 1899. On croit pénétrer dans les profondeurs de la terre d’Afrique Centrale et c’est pourtant le fleuve qui nous élève…
Beaucoup de Congolais sont des enfants de l’eau. Le fleuve Congo est leur fleuve-mère.
Pour nous parler du Congo, de son histoire, ce peuple, ses croyances et désespérances, Thierry Michel ne va pas par quatre chemins. Dans ce film documentaire réalisé en 2006, il filme le fleuve Congo et en fait son personnage principal
Ce fleuve est la seule voie de commerce et de transports. C’est le seul moyen de communication. Et pour le cinéaste, il devient lieu d’écoute et de dialogue.
Ces femmes, ces hommes dans leurs tourments, mais aussi leurs légèretés quotidiennes.
Ces pirogues combatives, ces barges à la dérive, ces bateaux de rouille échoués.
Thierry Michel voulait pouvoir parler du passé, présent et futur de cette contrée d’Afrique centrale. Autant de temporalités que le fleuve comme concept lui permet d’aborder. Mais pas seulement. Il mixe aussi des images d’archives en noir et blanc, images sonores de l’époque coloniale, à des images en couleur, images actuelles.
Dans ces vieux extraits en noir et blanc, ces images d’antan, on peut voir à un moment des hommes travailler sous le joug moral et violent d’un côlon (quelle étrange proximité sonore) qui se voit et se donne à voir comme chef d’orchestre de son œuvre de civilisation et le tout sur un vieil air de jazz. Bonheur cinématographique qui laisse entendre la voix de la créativité libératrice.
Et que nous dit la couleur du temps qui passe ? Des choses à voir…
Que ce fleuve charrie encore ce code colonial comme seule traduction et orientation pour les commandants des barges fragiles.
Que ce fleuve n’est toujours pas ce trait d’union, voire cette colonne vertébrale que voyait Mobutu qui se servit, plus que ne servit son pays.
Entre l’amont et l’aval, il y a toujours ces cascades qui rendent le fleuve impraticable. Et il y a bien longtemps qu’entre les deux, aucun train ne circule.
Dans ce fleuve, gît aussi le rêve d’une Indépendance, feu le combat de Lumumba que les rites d’initiation des guerriers maï-maï ne cessent d’invoquer encore aujourd’hui.
Pendant les guerres, les morts flottaient tels des rondins sur le fleuve. Une croix sur une tombe, ce n’est pas un mort, mais cinquante corps assassinés Ensemble dans la mort, la haine encore en vie.
Et ces femmes violées, peut-on encore dire qu’elles vivent ? Leurs corps qui portent encore la trace barbare. Mais les hommes aussi.
Le traumatisme des congolais est vaste comme ce fleuve puissant. Et à leur désespérance se tisse une foi vive. Thierry Michel ponctue son avancée narrative de séquences où la foi des congolais et leurs prières collectives opèrent telle une litanie qui pourrait être celle du fleuve Congo.
Pour aller à la source du fleuve, ascension presque spirituelle pour le cinéaste et les contemplateurs que nous sommes, il faut des dernières prières, celles aux ancêtres. La source du fleuve puissant, la verrez-vous ?
Elle est paisible. Difficile d’imaginer alors les drames et les carcasses que le fleuve charrie.
A cette source paisible, à chaque ondulation de l’eau, on sent un cœur qui palpite, on sent un cœur vivant.
Wé Congo shi ma ma !
Toi, Congo, lève-toi !
Crédits photos : Congo river @ Marc Capell
Leave a comment
Your e-mail address will not be published. Required fields are marked with *