Incroyable ! Mon Dieu, quelle nouvelle ! « L'Afrique a une histoire » ! Oui, vous avez bien lu : « l'Afrique a une histoire ». Ce sont les mots qui commencent ce dossier de la revue française La documentation photographique. On ne peut s'empêcher, en les lisant, de penser au fameux discours de Dakar.
Ainsi donc les pages de la vie de l'Afrique noire ne sont pas vides ou plutôt remplies du ron-ron de l'éternel recommencement qui a fait que, selon certains, l'homme noir n'est jamais entré dans l'histoire de l'humanité. Mais balayons notre colère, puisque tous les Africains sont convaincus en leur for intérieur que « moins le Blanc est intelligent, plus le Noir lui paraît bête. » (André Gide, in Voyage au Congo).
C'est pourquoi, la première des choses que reconnaissent les auteurs de ce document, ce sont les préjugés fortement ancrés dans l'inconscient collectif européen et au premier desquels ils retiennent le déni d'une histoire africaine. A quoi tient ce préjugé ? Au seul fait que l'Europe a parlé de l'Africain sans jamais l'écouter, sans jamais prendre en compte sa parole. « Pourtant (…), les sources, tant orales qu'écrites ne manquent pas pour écrire une histoire longue de l'Afrique », assurent Pierre Boilley et Jean-Pierre Chrétien. Aussi tentent-ils de nous faire découvrir cette Afrique ancienne qu'ils évitent d'appeler « le Moyen-âge africain » ; le terme renvoyant trop à une conception européenne de l'histoire d'une époque.
Reconnaissant que l'Afrique ne peut-être considérée comme « un vaste ensemble homogène » où les hommes ne connaissent qu'un destin commun, ils nous proposent de découvrir plutôt « des mondes africains » ou des histoires africaines. Pour ce faire, ils ont déterminé trois zones géographiques : une Afrique occidentale liée au nord de L'Afrique puis à l'Europe (Empire du Ghana, empire du Mali, Empire Songhaï), une Afrique Orientale ouverte sur l'océan Indien et le monde asiatique (outre les héritages antiques de Nubie et d'Ethiopie), et une Afrique centrale et méridionale de peuplement essentiellement bantou malgré sa diversité culturelle. Cependant, au fur et à mesure que l'on avance dans la lecture de cette Histoire de l'Afrique ancienne, on a le sentiment de plonger dans celle de l'humanité tout entière parce que les connexions avec les autres parties du monde se révèlent de manière tout à fait éclatante. Et on se dit que le goût des voyages ne date pas de notre époque !
On finit par se convaincre que cet excellent travail sur l'histoire de l'Afrique ancienne de notre ère – un travail de vrais historiens au service de l'humanité – s'adresse avant tout aux Européens qui enseignent dans leurs écoles et leurs universités une l'histoire de l'Afrique qui n'est rien d'autre qu'une « histoire de leur conquête et de leur oeuvre coloniale ». Chacun devra en effet retenir qu'ils n'enseignent « en réalité (que) l'histoire de l'Europe en Afrique et non l'histoire des Africains eux-mêmes ». La soixantaine de pages de ce dossier, illustré de magnifiques photos et cartes à caractère pédagogique, suffit pour abreuver l'esprit du lecteur d'une multitude de connaissances qui bouleversent des croyances communément admises. Ainsi les chapitres consacrés à l'image des Africains dans l'Europe médiévale, la renommée mondiale de l'Empereur du Mali, la relation diplomatique entre les rois du Kongo et du Portugal ne pourront que l'étonner.
Beaucoup de monde oublie ou ignore que les civilisations naissent et meurent, fleurissent puis s'étiolent, dominent puis sont soumises. L'Afrique noire a connu tout cela. Qui aurait cru que c'est en Afrique noire, dans l'actuel Mali (à Ounjougon) que les plus anciennes céramiques connues au monde (10 000 ans avt. J.C.) ont été retrouvées. Un détail matériel qui se révèle un grand pas dans l'histoire de l'humanité puisqu'il est une marque du génie humain. Mais l'Afrique, berceau de l'humanité n'a pas besoin de donner la preuve de son génie puisque c'est là qu'est né le génie humain. Ce qui fait dire à un historien anglais cette parole que chacun doit méditer pour éviter de dire des bêtises sur le génie africain : « Les Africains ont été, et sont toujours, ces pionniers qui ont colonisé une région particulièrement hostile du monde au nom de toute la race humaine. En cela réside leur principale contribution à l'histoire ».
Raphaël ADJOBI, article initialement paru sur son blog
Titre : Histoire de l'Afrique ancienne (VIIIè – XVIè), 63 pages
Editeur : La documentation française ; mai – juin 2010 ; dossier n° 8075
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Jean-Pierre Chrétien est l'un des plus farouches opposants aux thèses de Cheikh Anta Diop. Avec l'école des Africanistes, il participe au débat virulent qui l'oppose à Théophile Obenga et les rares chercheurs faisant survivre du point de vue scientifique le discours sur l'antériorité des civilisations nègres en Egypte ancienne… Je serai donc curieux de lire ce que cet historien peut bien raconter dans cet ouvrage…
"""" Les Africains ont été, et sont toujours, ces pionniers qui ont colonisé une région particulièrement hostile du monde au nom de toute la race humaine. En cela réside leur principale contribution à l'histoire »."""" en cela, aussi, ils n'ont pas été guere inspirés !
J'ai lu "histoire de l'Afrique ancienne qui est un ouvrage de qualité , et je suis choqué à lire votre commentaire " s'adresse avant tout aux Européens qui enseignent dans leurs écoles et leurs universités une l'histoire de l'Afrique qui n'est rien d'autre qu'une « histoire de leur conquête et de leur oeuvre coloniale", cela est d'une grande absurdité , et ne comprends pas qu'un enseignant dénigre un aussi bon travail d'un éminent spécialiste de l'histoire du continent africain, enseignement donné non aux européens , mais aux étudiants du monde. Ceci est un manque de respect envers ceux qui apportent la connaissance . giless
Giless, vous ne comprenez pas qu'un travail de recherche s'adresse aux universités européennes et à ceux qui ont déjà travaillé sur le sujet et qui ont intérêt à revoir quelque peu leur copie. C'est dire que vous ne comprendrez rie à l'histoire de l'écriture et des recherce en tout genre.
Ceux qui ont écrit ce livre avaient forcément à l'esprit l'état des travaux de leurs prédécesseurs. Et ces derniers ne sont pas les Africains ou les étudiants du monde entier comme vous semblez le croire; même si en définive – et c'est le cas de tous les écrits de la terre – ce sont les étudiants du monde qui vont en tirer profit pour avancer.
Si vraiment vous avez lu cette revue, je vous propose que nous y replongions – vous et moi – pour en signaler les passages où les propos des auteurs nous renvoient aux Européens et à leur vision de l'histoire de l'Afrique. J'affirme ici que le ton de leur discours est fonction de ce qui est propagé en Europe, est fonction des connaissances de l'Europe sur le continent africain. Dire le contraire serait mentir.
Enseignant moi-même, je ne constate rien d'autre dans les collèges et lycées français que ce que disent les auteurs :l'enseuignement de "L'histoire de leur conquête et de leur oeuvre coloniale". Je n'invente rien. Et ceux qui doivent tenir compte de ces propos, ce ne sont pas les Africains ou les étudiants du monde entier mais les Européens.
Voilà encore une fois la preuve que les africains éprouvent d'énormes difficultés à s'affranchir de la pensée dévastatrice de l'auto-justification, de l'auto-dérision, de l'autoflagellation.
A-t-on jamais vu un peuple essayer de démontrer aux yeux du reste de l'humanité la noblesse de ses valeurs, le génie de sa civilisation, autrement que par le travail ?
A vouloir systématiquement répondre à la provocation de bas de gamme (le discours de Dakar, avec quand même sa part de vérité en dehors de la référence historiciste), nous tombons nécessairement dans la pire des attitudes, à savoir le narcissisme béat.
Je crois qu'il est fort grand temps que les africains travaillent à se construire un avenir meilleur sur la base des ruines du passé esclavagiste, colonial et néocolonial. Aujourd'hui, les conditions semblent réunies (démocratie, bonne gouvernance, Etat de droit et sécurité internationale). Jamais, lla scène internationale n'a offert aux différents peuples du Monde autant d'opportunités de se promouvoir dans la quiétude raisonnable des rapports de domination inter-Etats. La domination existera toujours, mais l'intelligence de l'homme saura nécessairement marquer la différence pour rééquilibrer les rapports de force. Alors, au travail et basta les cris de reconnaissance ou de renaissance. L'Afrique n'a jamais été morte, elle accuse le coup comme tous les autres continents: ensuite, la question est de savoir s'il faut se relever et repartir ou rester par terre et gémir jusqu'à la fin des temps. Les jeunes africains ne l'entendent certainement pas de cette oreille.
A Diogoyelelion cette phrase simple : Il n'y a pas de pensée par hasard ! cette phrase est de moi. Cela veut dire tout simplement que toute pensée est fonction de ce que l'on voit ou perçoit. Personne ne cherche à se contenter de se justifier. Chacun cherche à renverser l'opinion de l'autre pour ensuite asseoir la sienne. C'est aussi simple que cela.
Toi qui pense avoir quelque chose de mieux à proposer, fais connaître tes idées. Tu vois dans les pensées des Européens de la "provocation" ; et y donner suite serait du "narcissisme béat". Que veut dire "narcissisme béat" ? Qu'as-tu "construit (comme) avenir meilleur sur la base des ruines du passé esclavagiste" depuis que tu es au monde ?