Le festival international des films de la diaspora noire a été initié en 1997 à New York. GANGOUEUS a participé à la 3ème édition, dans sa version française, organisée le week-end du 7 au 9 septembre 2013 avec plus d’une dizaine de courts et de longs métrages présentés. Cet article, produit dans le cadre du partenariat entre Terangaweb et ce festival, revient sur ses impressions.
J’ai été invité au démarrage du
3ème Festival International des Films de la Diaspora Africaine le samedi 07 septembre dans un très beau cinéma indépendant aux portes de Paris. Sortant d’une semaine laborieuse, quoi de plus sympathique que de retrouver des animateurs du 7
ème art, refaisant le monde autour de samousas et autres amuse-bouches. A vrai dire, je me suis embarqué dans une discussion passionnante et quasiment exclusive avec un cinéaste centrafricain dont un court métrage allait être présenté en compétition.
Discussions d’apéro : "Ma famille" en question?
Notre échange porta sur des considérations aussi basiques que savoir à quoi sert le cinéma aujourd’hui en Afrique ? Quel type de public touche-t-il ? Comment expliquer le gap entre certaines séries populaires du type «
Ma famille » dont la qualité technique et le piètre jeu d’acteurs horripilent les amoureux du 7
ème art, là où le plus grand public exulte pour ces séries « Z ». Est-il envisageable de penser des collaborations entre ces deux mondes afin que la technique des uns améliore l’esthétique et le discours des autres ? Naturellement, les choses ne sont pas aussi simples et on peut comprendre dans le discours de ce cinéaste que sa vision, ses objectifs, sa cible ne sont pas les mêmes que les producteurs de ces divertissements populaires. Toucher l’universel pour les uns. Oui, peut-être. Entretenir les particularismes pour les autres. Un abîme sépare ces deux mondes.
Soutiens américains
Sans suivre la chronologie des événements durant l’apéro, j’ai eu également un trop bref échange avec une représentante de l’Ambassade des Etats Unis. L’occasion de voir de nouveau le soutien de l’ambassade américaine à des projets de ce type dans la capitale française. Il y a deux ans, avec le
Club-Efficience, j’avais déjà eu le plaisir d’assister à un passionnant colloque parrainé par l’US Embassy sur le sujet
Diversité et performances…
Bon, l’apéro c’est cool, mais on est venu au cinoche pour voir des films. Dans la très belle et confortable salle du cinéma Etoile, Thibaut Willette de
l’Observatoire de la Diversité Culturelle introduit ce festival dans un lieu de la diversité par excellence à la lisière de Paris et du fameux 9-3. Quelques mots de remerciement de Reinaldo Spech, président du festival et les hostilités sont lancées avec le court-métrage de Meriem Amari, intitulé
Mon enfant.
Mon enfant, Meriem Amari
Le court métrage. L’exercice est difficile et je dois reconnaitre que j’ai rarement été convaincu par ce format de film. Une femme occupe l’espace. En noir et blanc. Elle porte une robe berbère. Elle est tatouée à l’henné. Elle est seule. Les plans sont rapprochés. On sent une certaine maîtrise de la technique par la réalisatrice et la qualité du matos. L’esthétique de la représentation contraste avec la noirceur de ce que cette femme, cette épouse, cette mère de famille, la cinquantaine passée exprime. La beauté pour décrire l’abject ou la douleur de violences longtemps ignorées. Une mère décrit un projet mortifère à l’endroit de ses enfants. Choc.
Derrière les portes fermées, Mohamed BenSouda
L’équipe de la rubrique Culture ayant fait une interview de Mohamed Ahed Bensouda
en ligne sur Terangaweb depuis une semaine, je suis un peu au fait du sujet du long métrage qui ouvre le 3
ème festival international des films de la diaspora africaine. Le harcèlement sexuel est le sujet du film
Derrière les portes fermées qui a pour cadre le Maroc. Il s’agit d’une première projection en Europe. Un poil parano, je suis avec attention le générique d’entrée pour identifier la nature du financement de ce projet. Maroc et OIF. Bon point.
Chacun de nous regarde un film avec son background et ses traumatismes parfois encore purulents quand il s’agit d’une histoire parfois proche de soi, quand on paie à regret une séance pour contempler de lourds clichés dont le cinéma africain subventionné est assurément le meilleur vecteur, le pouvoir immédiat de l’image étant désastreux. Aussi, suis-je séduit par les images de la ville moderne que ce film marocain me renvoie, loin des représentations classiques qu’on nous sert à longueur de film quand il s’agit du Maghreb : le souk, les Montagnes, le désert, le chameau et le folklore. Là, on a droit à un dépaysement total avec ce beau tramway en direction de Mohamed VI (et oui, la dédicace s’incruste dans le film).
Un sujet plus lourd
Mohamed Ahed Bensouda met en scène des belles cartes postales et affiche un patriotisme comme l’imposant drapeau marocain dans l’openspace qui va servir de cadre à l’intrigue du film.
J’ai parlé de harcèlement sexuel. Tout le monde a vu le face à face sulfureux entre l’entreprenante Demi Moore et Michael Douglas, il y a quelques années, sur un film affichant la même thématique. La prétention du réalisateur de Derrière les portes fermées n’est pas d’émoustiller le spectateur avec des scènes torrides. Il brosse un cadre professionnel, très aseptisé. Un open space. Le sujet est beaucoup plus lourd. Un parvenu est parachuté à la direction d'une boîte importante, en raison de ses relations avec un ponte du pouvoir marocain. Assez rapidement, il se prend d’intérêt pour une de ses employées, Samira. Une obsession dans laquelle ce bon père de famille, ce mari « aimant », n’entend pas qu’on lui résiste.
Un regard tendre et nuancé
Le réalisateur porte un regard tendre sur le combat que la jeune femme va mener dans une société marocaine en mutation. Elle est belle, elle aime ce qu’elle fait et n’entend pas céder au bon vouloir du goujat. Au risque de détruire son propre foyer. Le regard est tendre car, il est panoramique, nuancé et chargé de tolérance quand on observe cette plateforme de travail où les femmes sont en nombre, certaines voilées, d’autres pas du tout. Tendre en raison de l’impasse dans laquelle l’héroïne s’enferme. La question qui taraude le spectateur est celle de savoir : pourquoi ne quitte-t-elle pas cette entreprise ?
L’emploi est précieux. Surtout pour une femme. Ce qui augmente d’autant plus le pouvoir oppresseur du dirigeant. Un cul-de-sac qui révèle la nécessité de faire évoluer certaines lois sur ces questions dans le royaume chérifien. C’est l’enjeu un peu marqué du film.
Avec Karim Doukkali, Zineb Odeib, Ahmed Saguia, Omar Azzouzi
Réalisation de Mohamed Ahed Bensouda
En salle au cinéma Etoiles aux Lilas depuis le 6 Septembre 2013
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