Autopsie des crises ethniques au Nigéria

 

 

"Ijebu or a human being?

If you run into a Ijebu and a snake,

Kill the Ijebu and spare the snake"

Un Ijebu ou un être humain?

Si tu rencontres un Ijebu et un serpent,

Tue l'Ijebu et épargne le serpent

Chanson Populaire Ibadan (Nigeria)


Pays le plus peuplé d’Afrique, le Nigéria compte plus de 160 millions d’habitants composés de plusieurs groupes ethniques. Ce pays fait face depuis son accession à l‘indépendance, à une série de coups d’Etat militaires, et à des conflits inter ethniques dont les causes sont multiples.

Pour mieux cerner la question, il faudrait premièrement procéder à un flash-back historique. Le Nigéria est un Etat fédaral qui regroupe en son sein plus de 250 groupes ethniques – officiellement. Les principaux sont les Haoussa, à majorité musulmane, suivi des Yoruba, composés de Musulmans et de Chrétiens, au Sud-ouest, et enfin les Ibos, comptant Chrétiens et animistes. Les premiers représentent presque la moitié de la population nigériane, ce qui laisse poindre une certaine hégémonie sur les autres groupes ethniques qui sont, d'une certaine façon minoritaires. Les caractères linguistiques sont une autre cause des conflits inter ethniques : l’incompréhension et les désirs personnels prennent les devant. 

Il convient de noter aussi que la traite négrière a joué un rôle important dans la situation qui prévaut au Nigéria. Les tensions nées durant la période du commerce triangulaire restent vives : Les Igbos furent les principales victimes de la traite au Nigéria… L'empire Oyo des Yoruba, le principal bénéficiaire et intermédiaire local des esclavagistes Européens.

Après la guerre civile du Biafra qui a occasionné la perte de milliers de vies humaines et plongé le pays dans une crise alimentaire extrêmement grave, le pays a été reconstruit, mais les conflits demeurent récurrents.

Les conflits interethniques ont, en outre, un caractère religieux parce que dans les Etats où ces affrontements se déroulent, il y a toujours une communauté religieuse dominance. De ce fait, si les musulmans sont majoritaires dans une partie du pays, force est de constater que leurs situations sociales seront différentes des autres, et les conséquences souvent désastreuses. Si donc le contraire se produit, l’on peut bien remarquer que les représailles s’enchainent dangereusement. Les enjeux sont énormes pour les belligérants et ils ont le plus souvent trait à la terre comme dans la région de Jos, où bergers et agriculteurs s’affrontent régulièrement. Mais cette dimension religieuse est principalement ad-hoc, elle ne vient que compléter les troubles existant.

Les dissensions ethniques sont souvent tributaires de la politique intérieure du pays. La gestion des ressources pétrolière, par exemple, s’effectue de manière discriminatoire. Le Nigéria est le sixième producteur mondial de pétrole, et cette position est une rente considérable qui attire d'importants investissements étrangers. Toutefois, les retombées ne profitent qu’à une partie de la population. Il faut ajouter à cela que la corruption est endémique dans certains Etats du Nigéria. Or les différentes ressources n’étant pas accessibles à tous, il est donc évident qu’un sentiment de frustration s’est développé et s’est propagé dans tout le pays. Par conséquent, si l’on ne procède pas à une vraie approche du conflit, l’on sera toujours tenté de penser que la substance se trouve au niveau religieux : entre Musulmans et Chrétiens. Et ce, même si la plupart des affrontements opposent ces deux groupes religieux. Les tensions religieuses ne font que se greffer à ce contexte particulier ,déjà tendu, qu'exaspère encore la dimension fédérale de l'Etat.

Blaise Guignane SENE