Chaque année, les citoyens ouest-africains font face à des pluies torrentielles qui aboutissent souvent à des inondations. A leur tour, les inondations entraînent la mort, la destruction des biens et des récoltes et des épidémies. En 2012, la situation a drastiquement empiré. Les Nations Unies mettent en garde contre le changement climatique, l'urbanisation croissante et la croissance démographique qui ne feront qu'exacerber l'impact des inondations à venir.
Au Nigeria, 363 personnes sont mortes entre fin juillet et fin octobre 2012 dans la pire des inondations qu’a connu le pays depuis 50 ans. Environ 2 millions de déplacés et 618 000 maisons détruites. Au Niger, les inondations ont tué 65 personnes et laissé 125 000 autres sans abri. Des décès et des destructions ont aussi été signalés au Sénégal et dans d'autres pays d’Afrique de l’Ouest. Selon l’Organisation météorologique mondiale, l’ensemble des précipitations enregistrées en 2012 était de 150 % supérieur à la normale au Mali, au Sénégal, dans le nord du Burkina Faso et dans les pays du bassin du lac Tchad, à savoir le Niger, le Nigeria et le Cameroun. Rheal Drisdalle de Plan International, une organisation pour le développement des enfants, affirme que les inondations ont submergé les rives du fleuve Niger, atteignant des niveaux « jamais enregistrés depuis les années 1920 ».
Peu de temps après ces inondations, les autorités de l’Afrique de l'Ouest ont rapidement lancé des appels et organisé des actions de secours. Le gouvernement nigérian a contribué à hauteur de 110 millions de dollars de ses propres ressources, tandis que celui du Niger a donné 1 400 tonnes de vivres pour compléter les efforts des organisations humanitaires locales et internationales. Les observateurs ont encouragé ces efforts mais, ont critiqué le manque de préparation aux inondations.
« Se recentrer sur la prévention »
L'ONU encourage les pays à mettre sur pied de vastes programmes de préventions et de riposte aux inondations, afin de réduire les dégâts par l’organisation de la prévention, l'amélioration de la planification et la réduction des délais d’intervention. De tels programmes devraient aussi permettre aux organismes de secours d’assurer plus efficacement la coordination de la distribution de l’aide.
Selon Jamal Saghir, directeur pour le développement durable au sein de la Région d'Afrique de la Banque mondiale, « les récents événements dévoilent un besoin évident de recentrer les efforts sur la prévention des inondations, et non pas seulement sur la riposte. »
Les conditions météorologiques imprévisibles vont perdurer, ajoute Dewald van Niekerk, directeur du Centre africain pour l’étude des catastrophes naturelles à l’université du nord-ouest en Afrique du Sud. « Ce qui doit changer, c'est notre travail de préparation avant la catastrophe », souligne-t-il. « Les gens doivent comprendre la cause des inondations. Il pourrait y avoir une solution technique … ou un système d'alerte précoce ».
Cependant, de nombreux pays ouest-africains n'ont pas encore établi de tels systèmes de prévention. L'Agence météorologique nigériane affirme avoir prédit depuis mars 2012 et a plusieurs reprises, de graves inondations et conseillé aux autorités de nettoyer les canaux de drainage. Son directeur, Anthony Anuforo, a exprimé son indignation après que personne n’ait suivi ces conseils.
Obstacles rencontrés
Mais le directeur général de l’agence nationale de gestion des catastrophes au Nigéria, Sidi Muhammad Sani, a élargi les responsabilités. Son agence a été entravée par l'inefficacité de la police et des services de santé, dit-il, ajoutant que la plupart des États n'avaient pas assez de personnel qualifié ou n'avaient pas d’ambulances ou d’extincteurs.
Dans toute la région, il y a eu des critiques sur le mauvais état des infrastructures physiques. Mouhamadou Mbodj, coordonnateur du Forum Civil, la branche sénégalaise de Transparence Internationale, organisation mondiale de lutte contre la corruption, explique qu’« Au Sénégal la corruption est l’un des vices qui favorise cette situation, parce que la plupart des travaux qui sont réalisés ne sont pas attribués par appel d'offres ». Au Niger, Ibrahim Abdoulaye, un observateur politique, ajoute que les barrages hors normes se sont effondrés « sous la pression de fortes pluies. »
L'insuffisance des mesures de prévention et d'apaisement au Nigeria, au Niger et au Sénégal reflète la situation de la plupart des autres pays d'Afrique de l’Ouest. « Pourquoi attendre que la catastrophe frappe pour agir ? », s’interroge le journaliste nigérien Moussa Mohamane Mourtala. « Aucun pays de cette région de l'Afrique n’a encore produit un plan de prévention efficace contre les inondations. »
Quelques lueurs d’espoir
Certains pays africains sont devenus plus proactifs dans la gestion des catastrophes naturelles. L'Afrique du Sud a adopté une loi sur la gestion des catastrophes en 2002 qui oblige les autorités nationales, provinciales et municipales à élaborer des plans, aussi bien pour la prévention que pour la mitigation.
En 2012, les autorités de la Côte d'Ivoire ont entrepris des mesures préventives, en déplaçant 6 000 familles des zones inondables d'Abidjan, la capitale, et en leur donnant 300 dollars chacune pour se reloger. Ce déménagement a sauvé des vies. Selon Fiacre Kili, directeur de l'Office national pour la protection des civils, « les glissements de terrain, les chutes de roche et les inondations étaient à l’origine des décès causés dans certains quartiers pendant les précédentes saisons des pluies. C'est pourquoi nous avons pris des mesures pour veiller à ce qu'aucune vie humaine ne soit perdue. »
Dans d’autres régions d’Afrique de l’Ouest, les victimes des récentes inondations attendent toujours les secours. Ils n’entendent pas les cris retentissants des organisations internationales et des leaders de la société civile en faveur des programmes de prévention et de gestion des inondations futures.