Au Gabon, une élection pour rénover le logiciel politique du pays

Ali BongoLes près de 600 000 électeurs gabonais iront aux urnes le 27 août prochain pour choisir leur président de la République. Face au sortant, Ali Bongo Ondimba, candidat du Parti Démocratique Gabonais (PDG), ils étaient 13 opposants au départ avant que Casimir Oyé Mba et Guy Nzouba Ndama ne se retirent au profit de la candidature de Jean Ping.

Ce scrutin présidentiel est une échéance importante pour la jeune démocratie gabonaise. Sept ans après la mort du patriarche Omar bongo succédé par le fils « Ali », il faut saluer le respect du calendrier électoral et l’ouverture de la compétition à toutes les sensibilités politiques du pays.

Le Gabon est dans une dynamique qui rompt avec l’immobilisme qu’a caractérisé pendant trois décennies le régime d’Omar Bongo qui a adossé le modèle économique du pays sur la rente liée à l’extraction des ressources naturelles abondantes avec notamment le pétrole, les mines et le bois. Outre cette position de vulnérabilité du pays aux fluctuations des cours mondiaux de matières premières, le Gabon était miné par les inégalités sociales et la persistance de privilèges pour une élite corrompue qui s’enrichissait en toute impunité.

Une nette amélioration dans la gestion du pays a été constatée durant le premier mandat d’Ali Bongo à travers la mise en œuvre du Plan Stratégie Gabon Emergent piloté par le cabinet sénégalais Performance Group.

En sept années de gouvernance, les indicateurs macroéconomiques du pays se sont largement améliorés avec une croissance moyenne proche de 6%. Pour rappel, entre 2004 et 2008, celle-ci était en moyenne de 1,3% par an plaçant le pays à la 50ème place sur les 53 du continent.

La diversification de l’économie est aussi en chantier afin de sortir de la dépendance du pétrole avec des investissements public massifs à hauteur de 4579 milliards de FCFA entre 2010 et 2015 réalisés, contre 4326 milliards de FCFA entre 1980 et 2009. En termes d’emplois, le pays, depuis 2009, a créé 60 000 emplois (24 000 dans le secteur privé et 36 000 pour le secteur public).

Au regard de ces données, il est indéniable que le pays est sur une trajectoire positive contrairement aux décennies précédentes. Cela dit, les chantiers en matière d’inégalité sociale demeurent. La lutte contre la corruption doit être accentuée au même titre que l’accès aux services sociaux de base pour une grande frange de la population gabonaise.

La bonne santé économique affichée par le pays doit également être un moteur pour le renforcement de sa démocratie. L’échéance du 27 août revêt donc une importance particulière pour le Gabon. Au delà du duel annoncé entre Ali Bongo et Jean Ping, c’est le logiciel politique du pays qui doit être rénové.

Le Gabon est une drôle de démocratie comme il y en a souvent en Afrique. L’opposition existe et peut participer à toutes les compétitions électorales mais sa capacité à peser dans un espace public est annihilée par le PDG, qui domine entièrement l’espace. En outre, elle subit un discrédit lié aux vieilles figures qui la représentent et qui refusent toute alternance générationnelle à la tête des appareils. Ainsi, devant un Ali Bongo qui fait campagne sur le bilan de 7 années de mise en œuvre du PSGE, les leaders de l’opposition ont d’abord joué la carte identitaire en fustigeant sa nationalité gabonaise. Ensuite, devant l’échec de cette stratégie, ils font campagne avec une légèreté et une impréparation assez surréalistes pour un scrutin aussi sérieux pour le futur du Gabon.

Le Gabon est malade de ses élites dont la majorité a joué un rôle dans le pillage pendant plusieurs décennies du pays. Parmi elles, certaines ont rejoint le camp de l’opposition dans laquelle elles incarnent un passé rédhibitoire à la jeunesse gabonaise.

Une autre partie de cette élite est encore dans les rangs du parti au pouvoir, aux cotés d’Ali Bongo, rendant ainsi sceptique l’effectivité de la transformation sociale en profondeur du pays qui devrait être marquée par la fin des privilèges et le culte du mérite.

A Port Gentil, Ali Bongo a, dans un discours offensif, appelé à une « révolution politique », une « révolution sociale » qui promeuvent « l’égalité des chances, le travail et le mérite ». Même si des actes ont été posés dans ce sens lors de son premier mandat, des efforts demeurent à faire afin de construire une société juste, égalitaire dans laquelle le partage des ressources sera équitable.

Les Gabonais voteront le 27 août, dans un scrutin à un seul tour et devront choisir entre Ali Bongo, favori compte tenu de la prime au sortant et de la machine du PDG, et son principal challenger Jean Ping qui a réussi à rallier des poids lourds autour de sa personne dont les deux anciens candidats Oyé Mba et Zouba Ndama ainsi que l’importante figure de l’opposition qu’est Zacharie Myboto.

En tous les cas, les acteurs politiques gabonais doivent préserver la paix dans le pays. Le vainqueur devra s’atteler à abréger les souffrances des Gabonais laissés en rade par les progrès économiques importants du pays sous Ali Bongo. Ce scrutin devra aussi mettre fin à un cycle entamé depuis la conférence nationale en 1991 et faire sauter le pays dans le wagon des démocraties modèles en Afrique.

Hamidou Anne

 

 

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