Réquisitoire contre les ovaires

productiviteLe 11 décembre 2012, Jean Marc Ayrault, alors premier ministre Français, présentait le plan contre la pauvreté de son gouvernement. Hausse des minimas sociaux et activation des chômeurs pour les ramener à l’emploi étaient les axes majeurs de la feuille de route. Le plan, estimé à deux milliards, visait à jeter de nouvelles bases sur le marché du travail avec une réinvention des paradigmes d’assistanat qui caractérisaient le fameux mais si précaire modèle français. C’est dans l’immensité de ce trou de la sécu que 65 millions de Français étaient invités à offrir leur corps et engagement pour stopper l’hémorragie. Cependant un cuisant échec a sanctionné toute cette énergie. En effet, malgré le volontarisme, les nouvelles pistes intéressantes, prometteuses à moyens termes, le gouvernement n’a pas été assez audacieux pour aller jusqu’au bout des innovations nécessaires. Des points décisifs ont été omis. Dans ce plan volumineux, aucune mention sur la durée de travail des ovaires et leur productivité n’ont été faite. Un manque criard qui ne pouvait que condamner les meilleures intentions.

Je veux attirer votre attention en apostrophant sévèrement les ovaires. Ils ne témoignent d’aucun patriotisme et font preuve d’une paresse indéfendable. Songez – pour cela, munissez-vous d’une être de genre femelle et pratiquez quelque sérieuse observation – que les ovaires produisent par mois, quand les petits garçons chinois font 1000 ordinateurs, eh bien un seul ovule. Un seul pauvre ovule qui, la plupart du temps, part en pures pertes dans des fosses communes après avoir transité dans le flux des liquides internes. Les ovaires travaillent dans un réseau opaque et nébuleux. Aucune vérification de leur pointage, du respect de leurs horaires, de leurs pauses, ne peut être observée. Tous les outils de la macroéconomie ne parviennent à expliquer un aussi faible ratio au travail. Economiquement, cela relève de la pathologie. Ce défaut de productivité des ovules ne peut être expliqué par aucune théorie économique. La main invisible d’Adam Smith, elle-même, y serait désarçonnée. Quand la nation entière demande l’effort, renvoie ses alcooliques, quoique gros pontes du cinéma, en Russie pour défaut de patriotisme, il n’y a aucune raison d’épargner les ovules. Leur désintérêt pour les problèmes de la république est évident. Ils ne montrent aucun exemple et semblent, dans leurs retraites gluantes, sombres et inaccessibles, royalement mépriser le monde. Retenez que les ovaires font un ovule par mois. Cela me glace le sang. Quelle inactivité.

De plus, à côté de cette improductivité qu’on ne retrouve même plus chez les fraudeurs aux Assedic les plus démotivés, le travail des ovules, s’il lui arrivait d’être véritable, est aléatoire. Il est conditionné par des rencontres, dans d’obscurs tunnels qui, de par leurs noms même de Trompes de Fallope, renseignent sur leur sérieux. Ces labyrinthes où transitent les ovules et que gouvernent les ovaires, semblent être les plus sales tuyaux de la mafia contemporaine qu’on ait jamais vus. Tout y est tabou. L’omerta règne. Tous les resquilleurs, les receleurs, les associations de malfaiteurs, sont nichés dans les ovaires. Leurs plans sont démoniaque, ce n’est rien moins qu’une contre-république de la contrebande, de l’anarchie, qu’ils envisagent à construire.

N’en doutez jamais, l’ennemi c’est l’ovaire. Le problème est simple, il est moral. Il s’agit d’exemplarité, on ne peut plus laisser cet organe qui préside à la naissance de nos enfants, leur inculquer ce goût piteux du travail et cet esprit de nonchalance rare. On ne peut tolérer, dans nos grandes scansions de vertu, de sagesse, de rigueur, que les ovaires ne travaillent que si peu. Nous ne voulons ici accabler ces accusés outre –mesure, mais encore pourrions-nous noter cette inclination des ovaires pour le sang. Ils sont inexplicablement sanglants, belliqueux et violents. Chaque mois, chez les filles et les femmes, les nôtres, les ovaires causent des douleurs atroces pendant 5 jours. Ils gonflent par pure caprice à l’intérieur de nos femmes, irritent leur panse et les clouent au lit dans un sadisme innommable. Et fait annexe secondaire, probablement négligeable, ils nous empêchent de baiser. Les ovaires crachent ainsi par pure lubie du sang et ne peuvent plus masquer leur avidité rutilante. Ceci est odieux, il faut pester contre.

Et ne vous laissez pas amadouer par le syndicat des ovaires, porté par quelques féministes hargneuses. Leur argument est bancal. Elles postulent que ce serait la dévotion des ovaires pour la qualité des ovules qui expliquent un tel retard et un tel temps dans le travail. Nul besoin de développement pour tordre ce non-sens. C’est faux. C’est d’évidence une machination. Par ailleurs, on peut signaler que d’un point de vue purement esthétique, les ovaires sont laids. Malgré leur cachette, on devine aisément leur forme détestable de complices de stérilet rouillé. Leurs rondeurs imparfaites qui impriment à leur allure un poids disgracieux, et l’incohérence générale de leur structure, évoquent les pires croquis des gamins trisomiques.

En conséquence, il est urgent de trancher. Sauver les ovaires implique qu’on en fasse des aliments de consommation régulière. Braisons les ovaires et saupoudrons-les de poivre vert, relevé au cognac. Cuisons-les en sauce avec des pleurotes et au vin de Cahors. Mettons-les au four (sauf ceux des juives) et servons-les avec une poêlée de pommes de terre de Noirmoutier. Accompagnez ces mets avec des vins de pays, souples et racés, du vin de palme de Casamance, car croyez-le, c’est dans la métamorphose des forces inertes de la nature que ce trouve le salut de notre race, et Kafka l’avait prédit. Il s’agit de redonner de l’efficacité et de la vigueur à des organes atteints par tant de paresse laxiste.

Le malheur du monde est arrivé quand on a convié l’ovaire et le testicule. Le manque et l’excès. Toute l’asymétrie du monde ainsi résumée dans deux gonades ne pouvait promettre que le chaos. Nos enfants ne peuvent plus provenir de cette union de nécessiteux, je vous ordonne de changer.