« Le meilleur juge par rapport au bilan de Wade, c’est le peuple »

Sara Ndao est responsable de la communication du Parti Démocratique Sénégalais en France et secrétaire chargé des relations extérieures de la Fédération nationale des cadres libéraux. Il répond aux questions de Terangaweb sur la situation pré-électorale au Sénégal, la candidature contestée d'Abdoulaye Wade, le bilan du président sénégalais et l'action militante du PDS.

Bonjour Sara, quelle analyse portes-tu sur la situation de tension actuelle de la scène politique sénégalaise ?

C’est une situation qui, en tant que Sénégalais et africain, m’attriste énormément d’autant plus qu’elle n’a pas de raison véritable d’exister. Dans un pays comme le Sénégal avec de fortes traditions démocratiques, ces violences sont injustifiées et injustifiables. On ne peut pas se dire démocrate et refuser une décision de justice. Si l’opposition sénégalaise se considère démocrate, elle devrait respecter la décision du Conseil Constitutionnel au lieu d’appeler à des manifestations et à la violence. Elle est dans une sorte d’inconscience qui la pousse à vouloir reproduire le schéma des révolutions arabes. Une bonne partie de l’opposition sénégalaise s’est complètement fourvoyée dans l’appréciation du bien et du mal en politique. Le Sénégal n’est ni la Tunisie ni la Libye, encore moins l’Egypte ou la Syrie.

Si elle estime que Wade est impopulaire, elle n’a qu’à aller aux élections. Le président Wade s’est engagé à ce que tout le processus électoral, de bout en bout, soit effectué sous la supervision d’observateurs internationaux de telle sorte qu’il ne peut y avoir de dysfonctionnement quant à la transparence. Les experts mandatés par l’UE, après un audit effectué en compagnie des techniciens de l’opposition et du pouvoir dans les locaux de la Commission électorale nationale autonome (CENA), ont récemment jugé que le fichier électoral sénégalais est crédible. Et il ne faut pas oublier que lors des élections locales de 2009, c’est l’opposition qui a gagné.

Qu’est ce qui te pousse à soutenir le président Wade pour un nouveau mandat ?

Mon engagement pour Abdoulaye Wade ne date pas d’aujourd’hui. Son bilan est incontestablement positif. Et cela, l’opposition même le reconnait. Il a beaucoup fait pour le Sénégal et pour l’Afrique de manière générale. Le Sénégal a profondément consolidé sa place dans le concert des nations et s’est mis véritablement sur le chemin du progrès et du développement grâce à la vision et au leadership du président de la république. Notre candidat fait mieux, il est entrain de révolutionner la structure mentale des sénégalais, sans laquelle rien n’est possible. Au niveau des infrastructures, de l’éducation (40% du budget consacré à l’éducation) le président Wade a beaucoup fait : on avait avant 2 universités au Sénégal, on en a 5 aujourd’hui, sans compter les institutions privées. Il a aussi beaucoup agit en matière de santé, d’agriculture notamment avec le plan GOANA. La question de son âge est une fioriture et même une imposture intellectuelle et politique ; car le président Wade, quoiqu’en disent les uns et les autres, dispose de toutes ses facultés mentales et physiques. Le meilleur juge par rapport au bilan de Wade, c’est le peuple. En bons démocrates, laissons-lui la décision.

Que réponds-tu à ceux qui n’acceptent pas la décision du Conseil constitutionnel permettant au président Wade de se représenter pour un nouveau mandat ?

Je leur réponds ceci : on ne peut pas chanter les louanges de la justice lorsqu’elle nous est favorable et la vilipender quand elle ne nous est pas favorable. Le Conseil Constitutionnel est l’instance qui devait trancher la question de la validité de la candidature de notre frère secrétaire général national. Tous ceux qui contestent la candidature du président Wade devraient lire (et c’est très important) le texte de la décision du CC qui est clair et sans appel quant à ses fondements juridiques. La loi de 2001, qui limite le nombre de mandats à deux, a été votée après le premier mandat de Maitre Abdoulaye Wade. Devrais-je rappeler ici que le principe de non rétroactivité de la loi est un principe universel du droit ? A ce titre, son premier mandat ne tombe pas sous le coup de l’article 105 de la constitution. Pas besoin d’être un spécialiste du droit pour comprendre cela. D’ailleurs, les représentations diplomatiques des pays que nous avons rencontrées ici à Paris, y compris celles des USA, nous ont confirmé qu’il n’y a aucun problème juridique sur cette question. Mais – et c’est là l’une des malédictions africaines – on est en face d’une opposition qui a soif de pouvoir, avec une génération d’opposants qui savent qu’après cette élection, leur chance de briguer la magistrature suprême s’évanouit. Ils sont dans le jusqu’au-boutisme. Toute leur stratégie est basée sur une exploitation éhontée de la situation géopolitique mondiale marquée par des révolutions dans les pays arabes. Mais s’ils écoutent la volonté du peuple, ils devraient revenir à de meilleurs sentiments. Encore une fois, inutile de vouloir reproduire bêtement le schéma des révolutions arabes. Ce dernier devient caduc et moralement inacceptable dans un pays comme le Sénégal qui dispose déjà d’une grande culture démocratique respectueuse de toutes les libertés civiles et politiques. Au lieu d’aller manifester, ils n’ont qu’à chercher à convaincre les Sénégalais de voter pour eux. Mais face à Abdoulaye Wade, ils savent qu’ils n’ont aucune chance.

Wade ne s’est-il pas décrédibilisé en revenant sur sa parole de ne pas se présenter pour un troisième mandat, notamment avec son célèbre « Ma wakhone, wakhet » ?

Je pense – et cela n’engage que moi – que Wade en 2007 avait vraiment l’intention de laisser le pouvoir à la fin de ce mandat. Mais il s’est rendu compte que les grands axes de ses projets, notamment dans les secteurs de l’agriculture, de la santé, de l’emploi des jeunes et de l’énergie – où Macky Sall a une grande part de responsabilité – sont mal ficelés ou trop en retard. Il s’est alors penché sur la question constitutionnelle d’un nouveau mandat. Des jurisconsultes lui ont dit qu’il n’y a pas de problème à ce sujet. Il s’est dit alors pourquoi pas, ne serait-ce-que pour mener ses projets à terme. Comme le dit bien le Conseil Constitutionnel, « l’opinion exprimée par le président Abdoulaye Wade, quelle que soit, par ailleurs sa solennité, ne peut valoir règle de droit dès lors qu’elle ne se traduit pas par un acte législatif ou réglementaire ». Ce n’est pas un acte de « dédiement » mais un acte de courage et de bon sens : par amour pour le Sénégal, malgré son grand âge, il s’est fixé un nouveau challenge au détriment de sa personne et de son image. Le premier principe moral en matière de politique, c’est l’intérêt du peuple. Il transcende tous les autres, quels qu’ils soient.

Ne penses-tu pas qu’on assiste actuellement à une cassure générationnelle entre Wade et les jeunes, cassure qu’incarnent les manifestations du M23 et le mouvement « Y en marre » ?

Ce sont des mouvements qui sont nés après le 23 juin, à la suite de la manifestation contre le projet de loi pour un ticket président-vice président et une élection présidentielle à un seul tour. Je signale qu’il y avait des jeunes libéraux dans cette manifestation. Je pense que c’était une erreur monumentale de vouloir faire élire le président au premier tour, avec 20% des voix. Cela a favorisé la colère et la révolte de jeunes patriotes, y compris des Wadistes. Mais lorsque la proposition a été retirée, ces jeunes sont retournés au bercail. A partir de là, il y a un certain nombre d’opportunistes, comme Alioune Tine qui se dit de la société civile, alors que c’est un politicien comme un autre, qui ont profité de cette situation pour se donner une légitimité. Bien qu’ils n’arrivent plus à rassembler autant, ils se disent majoritaires. Ils ont exploité une misère de certains rappeurs qui ont une connivence avec certaines familles politiques, par exemple le PS, pour se faire un nom. C’est un mouvement qui est loin d’être apolitique, loin d’être majoritaire, loin d’être représentatif de la jeunesse sénégalaise. Si le M23 est un mouvement de la société civile, il devrait être à équidistance de tous les partis. Ils ne l’ont pas fait, ce qui pose un problème d’objectivité.

Il n’y a pas de schisme entre Wade et la jeunesse. Les nouvelles générations ont vu ce que Wade a fait pour eux en matière d’éducation et même d’emploi, même s’il reste des choses à faire. A 90% dans les manifestations pro-Wade, vous allez trouvez des jeunes. Je demande aux journalistes de faire leur travail et de vérifier objectivement les informations. Ils verront que Wade n’est pas impopulaire au niveau de la jeunesse. Mais ses soutiens ne crient pas, ne cassent pas, donc ils sont moins visibles. La meilleure façon de prouver tout cela, ce sont les élections du 26 février prochain, qui seront transparentes. Il ne faut pas avoir peur d’aller aux élections. Il y a des dispositifs administratifs et sécuritaires qui ont été pris et qui donnent la garantie que les élections se passeront dans de meilleures conditions, et qu’on ne peut pas tricher au Sénégal en la matière (cf victoire opposition aux élections locales en 2009). Wade est un démocrate. Il ne le fera pas, même s’il en avait la possibilité. Laissons le peuple sénégalais choisir librement. Il faut arrêter avec les intimidations et les menaces, qu’elles viennent de l’intérieur ou de l’extérieur du pays. On est déterminé à consolider notre démocratie et à faire respecter notre souveraineté nationale.

A ce sujet, peux-tu nous expliquer comment se passe la campagne électorale pour les militants du PDS en France ?

Actuellement, il y a 53 000 inscrits sur les listes électorales sénégalaises dans toute la France. Il y a à peu près 13 000 nouveaux inscrits dont 11 083 pour la seule région d’Ile de France. La seule inconnue dans ces élections, ce sont ces nouveaux inscrits. Parce que les anciens sont en général plutôt pro-Wade, et lui restent fidèles. Sur proposition de Amadou Ciré Sall, député des Sénégalais de l’extérieur et Secrétaire général de la Fédération du PDS en France, nous avons constitué une trentaine de groupes de 5 personnes, pour sillonner tous les foyers de forte concentration de populations sénégalaises et aller à la rencontre des familles, des associations et chefs religieux. Nous avons parlé avec ces électeurs, et nous avons notés aussi que parmi ces nouveaux inscrits, il y a beaucoup de Sénégalais nés en France avec la double nationalité. Quand on leur explique, de manière claire, que Maitre Wade, contrairement à ce que veut fait croire l’opposition avec la complicité amorale d’une certaine presse française, n’est pas en train de briguer un troisième mandat, ils sont disposés à aller voter pour lui, car ils trouvent que son bilan est plus que positif. Lorsqu’elle vient en France, au lieu de s’installer dans des hôtels luxueux pour livrer des déclarations incendiaires, l’opposition aurait mieux à faire le travail de terrain que nous menons. En politique, la vérité se trouve sur le terrain, et pas ailleurs.

Propos recueillis par Emmanuel Leroueil