Comment vivre tout en sachant qu’on est en train de passer son dernier jour sur la terre, à côté de ceux qui vous aiment et vous méprisent?
Satché, le personnage principal du film Tey du Sénégalais Alain Gomis, en a fait l’expérience. De son vivant, il a entendu les uns et les autres faire leurs témoignages de sympathie et d’antipathie à son endroit, comme lors des veillées funèbres et funérailles tout à fait normales. Certains trouvaient qu’il était gentil, serviable, quand d’autres évoquaient son côté un peu lâche et égoïste. En dehors de cela, Satché voyant sa mort venir est allé chez son oncle, qui prépare les morts avant leur départ pour l’au-delà, pour qu’il l’aide à vivre la même expérience. C’est ainsi que l’oncle l’a fait allonger pour lui montrer comment il prépare les morts avant leur dernier voyage. Grâce à une esthétique qui mêle le théâtre et la poésie, Alain Gomis a su allier les moments joyeux et pénibles, pour mieux montrer les réactions des proches de Satché, face à l’imminence de son départ du monde terrestre. “Ne pars pas, ne pars pas mon fils”, lui soufflait sa mère à l’oreille, tout en le serrant très fort dans ses bras. Des moments d’émotion que le cinéaste a su bien immortaliser grâce à un maniement assez juste de la caméra.
En faisant un usage assez judicieux et modéré des flash-back, le réalisateur franco-senégalais a permis au spectateur de remonter au passé de Satché pour découvrir le grand amour qu’il a pour sa femme. Un amour tellement fort que cette dernière refuse qu’il la touche à quelques heures de sa disparition annoncée, de crainte de ne plus pouvoir vivre les mêmes moments de joies par la suite.
Film difficile à comprendre par moments, à l’instar de Pegase du Marocain Mohamed Mouftakir, Tey (aujourd’hui) est un conte philosophique sur la vie et la mort, sur leur signification pour chaque être humain, sur l’utilité de la présence de l’Homme sur cette terre. Tey qui veut conquérir l’étalon d’or de Yennenga 2013, est aussi une réflexion sur la place qu’occupe chaque personne dans notre coeur, dans notre vie. Cela est d’autant vrai qu’après avoir su que sa mort est imminente, Satché a rendu visite à des parents, à son premier amour, aux amis avec qui il a passé de bons moments et visité des endroits de Dakar qui lui sont chers. Mais après toute cette randonnée à travers la ville de Dakar, Satché a tenu à revenir à la maison, pour passer ses dernières heures en compagnie de sa femme et de ses deux enfants. Ce qui montre la place qu’ils occupent dans son coeur. Un peu comme l’immigré qui rêve de mourir à côté des siens au pays, Satché a préféré rentrer chez lui pour vivre quelques heures d’intenses joies, en improvisant une partie de jeux avec ses enfants.
Pourquoi une réflexion sur la mort quand les humains aspirent généralement à la vie? C’est la question que peut se poser légitimement le cinéphile après avoir vu ce long-métrage de 88 minutes, dont la fin ne montre pas clairement que Satché est effectivement mort. C’est certainement une façon pour le cinéaste de dire qu’après la mort il y a une autre vie, et que l’être humain ne devrait pas avoir peur de la mort, qui n’est rien d’autre qu’une autre forme de vie.
Jouer des contrastes pour mieux parler du deuil (abusdecine.com)
Article publié initiaement sur http://blog.cineafrique.org par le journaliste et critique cinéma Anoumou AMEKUDJI
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J'ai été voir ce film par nostalgie pour Dakar et aussi parce que les films africains sont rarement à l'affiche ces dernieres années, à tel point que quand il y en a un, on se précipite dans les salles obscures. J'ai passé un bon moment mais je n'ai pas vraiment été convaincue. A mon humble avis, il aurait gagné à être plus explicite sur des éléments culturels africains voire sénégalais que le spectateur étranger ne comprend pas forcément. Comme quand il tend la main gauche à son ami pour lui dire adieu ( geste symbolique que j'ai compris mais pour celui qui manque de référence, c'est assez incomprehensible). Ou alors ce sont les dialogues ( ou les sous-titres?) qui auraient dû rectififer ces équivoques.