Dans un contexte économique mondial marqué par une reprise difficile, la France n’est pas épargnée et fait face à un chômage qui peine à baisser (10,5% au troisième trimestre de 2013, son plus haut niveau depuis 1997) et surtout une perte de compétitivité de ses entreprises (191 usines ont fermé sur les neuf premiers mois de 2013 selon Trendeo[1]) subissant une appréciation de l’euro par rapport au dollar et un coût du travail assez élevé. « La France doit appeler de ses vœux et soutenir la croissance africaine. C’est ainsi qu’elle fortifiera sa place en Afrique et y trouvera le relais de croissance dont elle a besoin. » peut-on lire à la page 2 du Rapport « Afrique France : un partenariat pour l’avenir » réalisé par Hubert Vedrine, ancien ministre des Affaires étrangères en France, le banquier d’affaires franco-béninois Lionel Zinsou et le dirigeant d’entreprise franco-ivoirien Tidjane Thiam à la demande du Ministre de l’économie et des finances Français. L’heure est donc à la réaction pour se relever rapidement et le salut pourrait venir de : l’Afrique !
Ce qu’on sait déjà !
Le rapport estime que « Plus de cinquante ans après les premières indépendances, les relations de la France avec l’Afrique subsaharienne ne sont pas exemptes du poids de l’histoire, et ce malgré les appels répétés au renouveau y compris au plan européen : l’opinion publique française perçoit encore assez largement l’Afrique comme le continent de la pauvreté et des guerres, et qu’il convient d’aider. L’administration française ne semble pas avoir encore pleinement intégré la transformation du continent africain »
Heureusement, d’autres pays ont constaté que l’Afrique subsaharienne dispose aujourd’hui d’une conjoncture et d’un potentiel économiques exceptionnels qui devraient faire d’elle un pôle majeur de l’économie mondiale grâce notamment à ses ressources naturelles et ses richesses minières. Si par le passé, une grande partie de l’Afrique était sa chasse gardée, la France est entrain de perdre du terrain ou du moins d’autres pays notamment la Chine, l’Inde, le Brésil ou la Turquie sont entrain de lui faire de l’ombre en Afrique. En effet, la part de marché de la France en Afrique Subsaharienne a décliné de 10,1% à 4,7% entre 2000 et 2011, alors que la part de marché de la Chine y est passée de moins de 2% en 1990 à plus de 16% en 2011, chiffrent qui résument l’ampleur du déclin.
Comment la France compte relever la pente en Afrique ?
La France qui entretient des liens forts avec l’Afrique de par son statut d’ancienne métropole, les fortes communautés africaines en France et les nombreux français résidents en Afrique, sa prépondérance dans les institutions africaine notamment la Zone Franc ou encore la BAD, ne veut pas s’avouer vaincu et compte se repositionner en Afrique. Pour ce faire, elle doit innover dans son approche et renouveler ses relations avec l’Afrique : « La France doit modifier les fondements de sa relation économique avec l’Afrique : l’État français doit mettre au cœur de sa politique économique le soutien à la relation d’affaires du secteur privé et assumer pleinement l’existence de ses intérêts sur le continent africain » comme préconisé par le rapport ainsi qu’une meilleure concertation entre l’Etat français et ses entreprises afin de mieux saisir les opportunités en Afrique en fonction des besoins africains.
Ainsi, 15 propositions ont été faites en vue de replacer la France sur le continent africain qui est au cœur d’une guerre économique où s’affrontent la France, les pays émergents (Chine, Brésil, Inde, Turquie) ainsi que les Etats-Unis et d’autres encore sous fond de ressources naturelles, minières et énergétiques mais également de recherche de débouchés. Elles se présentent comme suit :
1 – poursuivre et amplifier les mesures révisant la politique française de visas économiques afin de faciliter la circulation des acteurs économiques entre la France et l’Afrique ;
2 – relancer la formation du capital humain, la coopération universitaire et de recherche, les échanges intellectuels et les orienter vers le développement ;
3 – soutenir le financement des infrastructures en Afrique ;
4 – réduire le coût de mobilisation des capitaux privés et des primes de risques appliquées à l’Afrique ;
5 – contribuer au renforcement des capacités de financement de l’économie africaine ;
6 – augmenter les capacités d’intervention de l’union européenne en faveur de l’Afrique ;
7 – susciter des alliances industrielles franco-africaines dans des secteurs clés pour les économies française et africaine ;
8 – promouvoir l’économie responsable et l’engagement sociétal des entreprises ;
9 – accompagner l’intégration régionale de l’Afrique ;
10 – renforcer l’influence de la France en Afrique ;
11 – réinvestir au plus vite la présence économique extérieure française en Afrique ;
12 – intensifier le dialogue économique entre l’Afrique et la France ;
13 – favoriser l’investissement des entreprises françaises en Afrique ;
14 – faire de la France un espace d’accueil favorable aux investissements financiers, industriels, commerciaux et culturels africains ;
15 – créer une fondation publique-privée franco-africaine qui sera le catalyseur du renouveau de la relation économique entre la France et l’Afrique.
Ces propositions comme on peut le constater font la part belle aux intérêts français laissant penser que finalement ce serait plus un changement plus dans la forme que dans le fond.
Et l’Afrique dans tout cela ?
L’Afrique ne sera un bon partenaire pour la France dans sa quête de renouveau que si elle continue sur sa lancée actuelle. En effet, si la France est à la recherche d’un second souffle pour repartir de l’avant, l’Afrique elle, continue sa marche en avant avec des transformations économiques et sociales flagrantes même si les inégalités persistent et qu’elle doit faire face aux défis perpétuels de la lutte contre la pauvreté, de la lutte contre la corruption et de la promotion de la bonne gouvernance.
Le rapport insiste sur la formation du capital humain, les dotations en infrastructures et l’accélération de l’intégration régionale. Sur ce dernier point, il s’agira de se rapprocher du Nigeria en passant par un élargissement de la Zone CFA aux pays limitrophes notamment le Liberia, la Sierra Leone et surtout le Ghana comme moteur de cet élargissement sous fond d’échanges commerciaux et de la levée de la barrière linguistique. Et c’est seulement quand ce nouvel espace économique verra le jour que le nom de « Zone Franc » pourrait disparaitre avec une possibilité de faire flotter la monnaie par rapport à l’euro.
Un autre défi du continent, est la sécurité. Elle est primordiale pour les investisseurs et pour les réformes en cours sur le continent. La sécurité était au cœur du sommet France-Afrique qui se déroulait du 06-07 Décembre 2013, au lendemain donc de la publication du Rapport « Afrique France : un partenariat pour l’avenir » dans un contexte marqué par une présence militaire française en Afrique notamment en Côte d’Ivoire, au Mali et plus récemment en République Centrafricaine. Car s’il y a une volonté de plus en plus affiché des deux parties de mettre fin à ce qu’on appelle « la France-Afrique », la difficulté des Africains à gérer les crises et à mettre fin aux conflits armés amène la France à jouer le rôle de gendarme pour des raisons humanitaires et surtout pour protéger ses intérêts économiques.
Après tout, « Il n’y a pas d’amitié entre les peuples. Il n’y a que des intérêts. » comme disait le Général De Gaulle. C’est sans doute lui qui était le plus lucide.
Koffi ZOUGBEDE
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Penses-tu que des pays émergents tels que le Ghana et le Nigéria accepteraient de verser 50% de leurs recettes au Trésor Français chaque année? Par ailleurs, des pays comme le Ghana ont mis en place des loi sur l'investissements qui permet au pays de bénéficier de la croissance des entreprises opérant sur leur marché. Avec le franc CFA, ils devraient accepter le principe de rappatriement illimité des capitaux. Cela est-il vraiment pensable pour un pays comme le Ghana? Ou encore de voir des français avec le droit de véto siéger au sein de leur banque centrale?
Excellente question! Et surtout il faudrait savoir ce que l'union avec l'UEMOA leur apporterait quand on sait que leur ancienne métropole, la Grande-Bretagne, a refusé l'Union Monétaire avec l'Euro! De toute façon, s'il devrait y avoir union, ce serait le fruit de négociations sur un horizon temporel assez long basé sur des critères de convergence pertinents et des institutions solides.
Afrique-France : une nouvelle ère de coopération
il nous exploite seulement rien de plus mais le fait qu'on est incapable d'aller seul on est oligé de cooperer avec, depuis plus de 50 ans on est incapable d'exploiter nos ressources terrestres. combien d'ingénieurs en afrique? sont tous des chaumeurs ou quoi ?
Nouvelle coopération = Nouvelle colonisation