La fin de l’année est souvent une période propice pour dresser des bilans et prendre de bonnes résolutions, en prenant en considération ses faiblesses et ses fautes pour ne pas les répéter. Au delà d’un passage à une nouvelle année, les fins de décennies ont, par une étrange coïncidence de l’histoire, plus tendance à constituer des ruptures que d’autres. 2009 n’aura pas échappée à cette règle, puisqu’elle sembler clôturer un cycle qui a été entamée avec le mémorable Millenium il y’a de cela dix ans. Si 1929 a ébranlé la foi dans un progrès et une croissance illimitée, si 1939 a mis fin aux espoirs pacifistes d’une sécurité bâtie sur le dialogue et non plus sur la force, et si 1989 a indéniablement introduit une nouvelle donne dans les affaires du monde, 2009 aura également constitué, à sa manière, une année charnière dans l’histoire universelle.
Cette crise, la Crise, qu’on nous présente comme la pire depuis celle des années 1930, a définitivement enterré un véritable mythe construit autour de la mondialisation néolibérale « consensus de Washington », dogme qui promouvait la déréglementation tout azimut et lelibre-échange comme seuls remèdes aux retards de développement. Plus que « l’effet Obama », c’est « l’effet Madoff » qui aura été le révélateur des principales tendances actuelles, dans la mesure où l’élection du premier président américain d’origine Africaine a été grandement favorisé par un contexte économique morose appelant à une plus grande intervention publique, ce qui constitue le principal argument électoral des Démocrates depuis des décennies.
Puisque l’heure est au bilan, qu’en est-il des performances de notre continent ? Avec une croissance relativement soutenue, la décennie qui vient de s’écouler a permis de sortir de la spirale infernale qu’ont connue beaucoup de pays au cours des années 1980 et 1990, durant laquelle la croissance a été globalement négative : on estime que le Produit Intérieur Brut par habitant des pays d’Afrique subsaharienne a reculé en moyenne de 1 % par an. Ceci a eu des résultats effrayants : selon une étude d’Oxford, 32 pays Africains étaient plus pauvres en 1999 qu’en 1980. Les effets socio-économiques de ce « déclin » ont été particulièrement graves pour certains pays, qui ont connu une véritable descente aux enfers en sombrant dans l’instabilité politique, voire dans la guerre civile. La tragédie qu’a connu le Zaire (aujourd’hui RDC), malgré les immenses richesses et potentialités dont il recèle est particulièrement frappante à cet égard.
Parallèlement, le retard s’était creusé avec le reste du monde, surtout avec la montée des pays asiatiques, à leur tête l’Inde et la Chine. Ceci est particulièrement grave quand on sait qu’il n’y a pas si longtemps, le Nigéria était considéré par les spécialistes comme en meilleure posture que l’Indonésie, ou que le Ghana était prédit à un meilleur avenir que la Corée du Sud. Les résultats de ces comparaisons sont aujourd’hui sans appel, et permettent de rendre compte du triste sort qu’a connu l’Afrique pendant plus de vingt ans.
La décennie 2000 aura néanmoins constitué une certaine embellie dans un ciel aussi noir. Non seulement la croissance a repris, mais elle est repartie à une vitesse exceptionnelle, avec parfois des taux de croissance à deux chiffres, favorisés, il est vrai, par la nécessité de « rattraper » le retard accumulé. En 2006, l’Angola a ainsi affiché une croissance de 29 %, l’un des taux les plus élevés jamais enregistré dans les annales économiques. Même la Chine n’a pas fait mieux ! Mais peut être faut-il relever que le progrès de la Chine est plus constant et plus stable, ainsi que moins dépendant des fluctuations de prix de ses matières premières, atouts dont les pays africains ne peuvent généralement pas se prévaloir.
Qui plus est, cette croissance qui apparait comme miraculeuse, après deux décennies de moissons amères, semble assez bien résister à la crise actuelle. Malgré un recul compréhensible dans le contexte global actuel, les performances de nos pays sont plus que respectables, surtout que le reste du monde semble pleinement faire les frais des effets de la Crise : tant l’Europe, l’Amérique, que l’Asie, et, dernière victime en date, Dubaï, ont en fait les frais. Le Sénégal continuera d’avoir un rythme de croissance trois fois supérieur à celui de la France (3 % environ, contre 1 %), même si on aura été habitué à mieux, l’Angola reviendra à un plus modeste, mais néanmoins exceptionnel taux de 16 % en 2009.
Cela ne veut pas dire que nous ne ressentons pas la crise, loin de là. Il faut toujours distinguer l’environnement macroéconomique d’un pays, ses performances « sur le papier », des retombées réelles de cette croissance et de ses effets sur la vie quotidienne des habitants. L’inflation et le chômage restent des problèmes majeurs et ce n’est pas une croissance relativement récente, aussi rapide soit elle, qui les élimineront.
Même si les retards de développement restent manifestes, il faut néanmoins reconnaitre que le résultat du bilan de la décennie est plutôt positif. Une question fondamentale reste à eclaircir : pourquoi l’Afrique connaît-elle ce déphasage et cette situation si particulière ? Pourquoi plonge-t-elle quand les autres montent, et remontent elle quand ils sont en pleine tourmente? Existe-t-il une « exception » Africaine en matière de développement ? Pour répondre à ces questions, il convient de s’interroger sur les causes et les mécanismes du processus de développement.
Nacim Kaid Souleiman
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